Batman Rebirth – Tome 11 : La chute et les déchus

Après un tome en demi-teinte (Cauchemars), que vaut l’avant-dernier volume de la longue série de Tom King ?

[Histoire]
Batman est réveillé ! Il se détache de la machine qui le retenait prisonnier à Arkham et lui insufflait ses cauchemars via des toxines conçues par l’Épouvantail (voir tome précédent). Le Chevalier Noir affronte certains de ses ennemis dans l’asile et part en croisade contre celui à l’origine de tout depuis le début : Bane.

L’homme chauve-souris compte sur ses alliés, sur « son armée », pour l’épauler et reprendre Gotham. Certains répondent présents, d’autres non. Mais Bruce Wayne/Batman n’a-t-il déjà pas perdu d’avance ? N’est-il pas déjà brisé par les nombreuses épreuves qu’il a affronté dernièrement, à commencer par l’échec de son mariage ?

[Critique]
La fin est proche ! Les pièces du puzzle s’assemblent enfin, avec un récapitulatif bien pensé (pour les lecteurs) du plan machiavélique de Bane. Celui-ci est explicité par un personnage secondaire primordial auquel on ne s’attendait pas forcément et des planches des anciens volumes sont insérées dans sa démonstration pour mieux comprendre l’ensemble. Un doute subsiste : Catwoman était-elle réellement du côté de Bane comme le sous-entend le texte ? Difficile d’y croire après tout ce qu’on a vu, lu et « traversé » avec ce couple…

Néanmoins, en mettant de côté certaines incompréhensions (les non-réactions d’Alfred à ce stade — il nie s’être fait agresser au Manoir —, comment a-t-il réagit en découvrant Thomas Wayne, etc. ?) et/ou incohérences (le stratagème de Bane ne pouvait clairement pas anticiper « tout » ce qui est évoqué : Booster Gold du futur et son Wayne heureux, la romance entre Selina et Bruce…), on prend nettement plus de plaisir à lire cet onzième tome que son prédécesseur.

Il faut dire que les choses avancent enfin ! Aussi bien côté Bane que côté Bruce/Batman et… son père (issu d’un univers alternatif vu dans Flashpoint où il incarne le Chevalier Noir car Bruce est mort — à (re)découvrir dans la compilation des travaux consacrés au Chevalier Noir réalisés par Brian Azzarello (scénario) et Eduardo Risso (dessin et encrage) : Citée Brisée et autres histoires…).

La relation père/fils est exploitée plus longuement, ce qui manquait cruellement à l’œuvre initiale d’Azzarello. Le tout dans un lieu désertique où les deux êtres n’ont d’autres choix que d’avancer ensemble. De quoi alimenter certaines réflexions de ces « retrouvailles » si particulières et de livrer de beaux moments touchants. Quelques zones d’ombre sur ce « Batman Flashpoint » seront tout de même à éclaircir par la suite. Quant à Bane, il est un peu plus présent physiquement mais moins bavard. On peut déplorer la non-utilisation de son célèbre masque, qui le rend moins « identifiable » aux lecteurs, néophytes ou non. C’est un détail. Du reste, à l’exception de sa fascination à détruire Batman, on ne sait pas encore trop d’autres choses mais c’est l’occasion de voir un combat épique entre lui et le justicier (rendant hommage à celui de Knightfall et sa célèbre brisure de colonne vertébrale).

La chute et les déchus s’étalent sur cinq chapitres (#70-74), écrits par Tom King et dessinés par Mikel Janin et Jorge Fornes pour les trois premiers, Janin seul pour les deux derniers. L’ensemble est donc plutôt homogène avec le style si particulier de Janin (découpage épurée, visages « lisses » mais totalement identifiables…) et celui de Fornes, nettement plus « brut », presque « vintage » parfois, répond bien à celui de son confrère car utilisé pour des scènes principalement flash-backs. Graphiquement, il y a donc peu à redire, au contraire !

La chanson Home on the Range est fredonnée par Thomas Wayne tout le long du quatrième chapitre. Des renvois par astérisques la traduisent mais sans contexte. Difficile de comprendre. Il s’agit d’un titre extrêmement ancien (Wikipédia l’attribue à un poème de… 1872 !), considéré comme un classique des chansons du Far-West — et qui s’y prête bien dans cet épisode, il est vrai — et repris par une tonne d’artistes différents. Une « évidence » pour les lecteurs aux États-Unis mais qui aurait mérité une explication pour les autres (nous, en l’occurrence). De même, le cinquième chapitre évoque un livre (à priori fictif) à maintes reprises, de nombreuses cases en parlent, soit dans des dialogues, soit en narration externe. Plombant… Ce genre de styles peine à convaincre ou cible un lectorat trop restreint pour un titre pourtant mainstream.

Quatre courts chapitres « Batman Secret Files #1 », de huit pages chacun, se succèdent en dernière partie du livre (tous portent étrangement la numérotation #1). Aux scénarios, on retrouve respectivement Ram V, Cheryl Lynn Eaton, Jordie Bellaire et Tom Taylor. Aux dessins Jorge Fornes, Elena Casagrande, Jill Thompson puis Brad Walker. Enfin, à la colorisation Matt Wilson, Jordie Bellaire, Trish Mulvihill et Jordie Bellaire à nouveau.

La nature de la peur raconte le témoignage d’un policier qui avait inhalé une toxine de l’Épouvantail avant d’être sauvé par Batman. Compte à rebours suit une enquête de Batman et Gordon qui ont trouvé cinq cadavres mais aucun indice. Des drones de Wayne Enterprises seraient liés à ces meurtres… Ça suffit montre Bruce Wayne isolé dans un chalet en montagne enneigée. Batman et le plus grand détective au monde met en scène le Chevalier Noir et le singe détective Bobo (issu de Batman Metal – Tome 3) qui cherchent un jeune homme, possiblement homme de main du Sphinx.

Ces quatre récits sont totalement anecdotiquest (seul le dernier se démarque, assez touchant) et s’intercalent très mal dans l’ouvrage car totalement déconnectés de l’histoire principale de Tom King. Difficile de comprendre pourquoi ils sont ici… En les omettant et en se concentrant sur La chute et les déchus on obtient un tome de très bonne facture non sans défauts (il faut fermer les yeux sur des incohérences et incompréhensions — qui trouveront peut-être une sorte de résolution dans le prochain volume, le dernier de la série) mais particulièrement efficace et prometteur avant la conclusion de (l’interminable) run de l’auteur. Un bon pénultième tome de transition.

« C’est pourquoi vous devez prendre au sérieux
ce que je vais vous dire,
après toutes ces années.

Parce que j’ai soigné vos blessures,
que je connais votre force aussi bien que vos faiblesses…

Mon honneur m’oblige à vous le dire,
Monsieur, pour la première fois…

Vous avez perdu. »
[Alfred Pennyworth à Bruce Wayne/Batman]

Le douzième et ultime tome sortira le 7 mai prochain. Il contiendra les onze derniers chapitres de Batman Rebirth écrits par  Tom King (#75 à #85), comprenant notamment City of Bane (le titre français sera peut-être La Cité de Bane ?), et le quatrième annual, soit douze épisodes au total étalés sur plus de 300 pages.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 10 janvier 2020.

Contient : Batman Rebirth #70-74 + Batman Secret Files #1

Scénario : Tom King
Dessins, encrage et couleur : + collectif (voir article)

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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