Archives par mot-clé : Scott Hampton

Batman – Outre-tombe (Gotham County Line)

Une aventure où Batman et Deadman font équipe, voilà qui est original ! Que vaut Batman – Outre-tombe (sous-titré par son appellation en version originelle, Gotham County Line) ? Découverte et critique de ce comic publié initialement en 2005 (aux États-Unis) puis en 2007 en France chez Panini Comics et jamais réédité depuis.

[Résumé de l’éditeur]
Batman s’aventure rarement dans la banlieue de Gotham, mais une série de meurtres laisse la police de la ville impuissante. Les rimes macabres ressemblent à de véritables cérémonies et l’habile tueur entraîne le héros dans un dédale de ténèbres inextricables.

[Début de l’histoire]
Batman combat le Joker une énième fois. Suite à une réflexion du Clown, le Chevalier Noir s’interroge sur l’existence ou non de « l’au-delà ».

De retour à la Bat-Cave, le justicier est contacté par Gordon, à la retraite. Dans la banlieue de Gotham, une série de cambriolages affole la population car de sordides meurtres ont lieu dans la foulée…

Le Chevalier Noir se rend sur place et enquête.

[Critique]
Outre-tombe appartient au registre fantastique et horreur. Batman y côtoie des zombies (sans qu’on sache s’ils sont « réels » ou issus d’hallucinations) et de nombreuses scènes sont choquantes, glauques et sanglantes. Quand le Chevalier Noir évolue dans un univers éloigné de l’approche urbaine souvent « réaliste » (action, thriller…), c’est toujours délicat… Ça livre souvent des histoires oubliables (Les patients d’Arkham, Damned, La nouvelle aube…) mais, de temps en temps, quelques pépites sortent du lot (La malédiction qui s’abattit sur Gotham, Batman Vampire apparemment – toujours pas chroniqué). Outre-tombe appartiendrait plutôt à la seconde catégorie, tant mieux, sans pour autant être incontournable.

Découpé en trois chapitres d’une cinquantaine de pages, le récit va droit au but. D’abord dans une fiction proche du film Seven, une enquête méticuleuse dans une ambiance poisseuse et mystérieuse. Ensuite dans sa dimension plus morbide, avec différents « morts-vivants » et êtres repoussants, puis l’arrivée de Deadman à la rescousse. Enfin dans sa conclusion, plus ou moins épique, et éclairant les évènements survenus. Malgré tout, l’ensemble aurait gagné à être allongé d’un ou deux épisodes avec une cohérence plus fluide.

Le scénariste Steve Niles apporte certaines nouveautés plus ou moins pertinentes à divers degrés. Par exemple, Bruce Wayne se repose et se remet de ses blessures dans un spa de la Bat-Cave, un concept très banal mais pourtant jamais vu avant ou après. Autre élément assez inédit : une sorte de jet-pack permettant au Chevalier Noir de voler (façon Boba Fett de Star Wars). Ça fait bizarre au début mais le dessinateur Scott Hampton arrive à rendre l’ensemble plausible, ajoutant des petits détails singuliers, comme la cape du justicier roulée au-dessus des propulseurs permettant de ne pas être brûlée une fois dans les airs – même s’il y a un côté cheap pour ne pas dire ridicule de temps en temps…

Si on retrouve l’aspect détective au début du titre (ce qui est toujours plaisant), c’est ensuite un voyage horrible entre figures familières ressuscitées (Jason Todd…) ou transformées (Alfred…) qui a lieu. On navigue dans une banlieue fantôme, à tous points de vue. Il semblerait en effet que les créatures déambulant soient des fantômes ou des zombies – les explications volontairement floues de Deadman n’aident pas vraiment Batman ni le lecteur (dans un premier temps en tout cas) ; il s’agirait d’une dimension entre la vie et la mort. De même, les fonds de cases relativement pauvres voire unis confèrent cette idée désertique (difficile de savoir si là, en revanche, c’est fait exprès).

Pourtant, Scott Hampton signe un travail de haute qualité (attention, quelques images de cette critique sont plus saturées que la version imprimée auxquelles elle ne rendent pas grâce), délivrant une atmosphère lugubre tout du long. La colorisation de José Villarrubia accentue cette incarnation très sombre et les rares éléments qui s’en détachent revêtent une certaine important : un téléphone rouge pour échanger avec Gordon, le costume écarlate de Deadman, celui de l’ancien Robin, etc. Du reste, les teintes brunâtres parsèment le titre à la lecture froide, globalement aisée mais parfois déstabilisante. Le tout offrant une aventure hors-norme dans la mythologie de Batman. Disons que la forme l’emporte sur le fond.

Steve Niles est un habitué du genre horrifique ; on lui doit l’univers de 30 jours de nuit en comics (adapté ensuite en film), 28 jours plus tard (dont il a enrichit les longs-métrages avec ce titre se déroulant en marge), Criminal Macabre, Simon Dark, Octobre Faction et… Minuit à Gotham ! Un récit clivant (pas encore chroniqué sur ce site) avec une « seconde » vision assez inédite (le comic est sorti en 2008, soit trois ans après Outre-tombe). Quant à Scott Hampton, il avait déjà traité Batman bien avant, en 1994, dans le moyen Des cris dans la nuit – mais dont l’esthétisme pictural était particulièrement alléchant – Hampton s’éloigne donc de ce style pour Outre-tombe.

À l’instar d’Absolution et Secrets, Outre-tombe a été publié par Panini Comics dans les années 2000 dans leur gamme DC Icons et n’a pas été réédité par Urban Comics. Peut-être qu’il sera inclus dans un volume de la collection Batman Chronicles quand celle-ci atteindra l’année 2005 ? Loin de faire l’unanimité, cette incursion « horrifique » du Chevalier Noir (souvent jugée trop confuse, trop sale et trop éloignée de l’ADN habituel du justicier) est pourtant une curiosité à découvrir, imparfaite mais étrange et insolite.

Son prix initial (à l’époque) de vingt euros était en revanche trop élevé pour justifier l’achat (comme souvent chez Panini Comics pour cette collection – et même à l’heure actuelle, c’est l’un des plus gros défauts de l’éditeur avec ses traductions approximatives et sa communication numérique laborieuse, mais c’est un autre débat…). On trouve aujourd’hui le titre sur le marché de l’occasion à partir de vingt euros en moyenne (laissant donc un coût assez onéreux malgré tout pour une BD devenue « un peu » recherchée visiblement).

[À propos]
Publié chez Panini Comics le 5 février 2007.
Contient : Batman : Gotham County Line

Scénario : Steve Niles
Dessin : Scott Hampton
Encrage :
Couleur : José Villarrubia

Traduction : Sophie Viévard
Lettrage : Studio Vianney • Jalin

Acheter sur amazon.frBatman – Outre-tombe (Gotham County Line) (20€)






Batman – Des cris dans la nuit

[Histoire]
Une nouvelle drogue circule dans Gotham : Boost. Les overdoses s’accumulent… Batman enquête pour découvrir qui en est à l’origine. En parallèle, des meurtres particulièrement atroces sont commis. S’agit-il d’un tueur en série ?

Quelques enfants sont épargnés et l’un d’entre eux désigne un coupable : Batman.

Gordon travaille dur pour comprendre ce qu’il se passe et qui est derrière tout cela. Malheureusement pour lui, son couple bat de l’aile et son fils James Jr. semble avoir quelques problèmes…

[Critique]
Maltraitance infantile, pédophilie, enfants tabassés (les fameux « cris dans la nuit » — Night Cries en VO, aussi corrélés à ceux de la chauve-souris)… tout est bien noir dans cette courte histoire (moins de 100 pages) du Chevalier Noir. Si l’ambiance glauque est merveilleusement servie par les peintures de Scott Hampton, on peine tout de même à rentrer dans la narration. Faute à un Batman trop en retrait, des personnages inconnus plus ou moins mis en avant (on devine rapidement le coupable, jamais vu auparavant dans des comics sur le Chevalier Noir donc tout de suite « louche ») et paradoxalement les jolis dessins. En effet, côté visage, on peine parfois à savoir qui est qui (à l’exception notable de Batman et Gordon bien sûr). On s’y perd un peu… surtout que la plupart des planches sont très assombris (malgré des jeux de lumière pertinents qui parcourent l’ensemble).

Seul Gordon trouve un intérêt plus prononcé (le livre le suit clairement lui et non Batman) : c’est ici que se sépare son couple et qu’on découvre une facette peu empathique ni soupçonnée du protagoniste — une trahison pour certains, tant le modèle de droiture habituel est égratigné ici… Des cris dans la nuit, réalisé en 1992, trouve une certaine cohérence en se situant peu après Année Un qui voyait déjà le couple formé par Gordon et Barbara en proie à plusieurs difficultés. L’œuvre écrite par Archie Goodwin est tout à fait indépendante et abordable pour autant.

Résultat mitigé donc, entre la rapidité de lecture et le style si particulier des dessins (et le faible prix, 14,50€) on conseillerait bien de jeter un œil sur cette curiosité qui tranche radicalement avec la plupart des autres aventures de Batman (il y a un petit côté Arkham Asylum mais en moins réussi). On apprécie aussi ici le côté « anti-spectaculaire » : pas d’action démesurée ni de gadgets ou Batmobile. Pas d’alliés non plus, la figure super-héroïque est relayée au profit de l’investigation policière pure.

Néanmoins, la lecture de l’ensemble n’est pas limpide et peu intrigante, in fine. A découvrir davantage pour sa partie graphique donc et son esthétique atypique (si les quelques extraits ici ou le feuilletage en réel vous séduisent alors foncez), beaucoup moins pour l’histoire, qui ressemble davantage à un essai qu’un récit abouti.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 1er avril 2016.

Précédemment publié en 1994 chez Comics USA sous le titre Cris dans la nuit.

Scénario : Archie Goodwin
Dessin : Scott Hampton
Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Laurence Hingray et Christophe Semal (Studio Myrtille)

Acheter sur amazon.fr : Batman – Des cris dans la nuit