The Dark Knight Returns – The Golden Child

Nouvel enrichissement du « Dark Knight Universe » de Frank Miller, The Golden Child se déroule après les trois premiers volumes. Il est l’équivalent d’un tome 3.5 d’une certaine façon (au même titre que The Last Crusade fut le 0). L’œuvre met en avant la « nouvelle génération de héros », c’est à dire Carrie Kelley/Batwoman, Lara (fille de Superman/Wonder Woman – qui était au centre de Dark Knight III) et Jonathan (leur jeune fils). Découverte de ce segment très court (48 pages !), toujours écrit par Miller mais cette fois dessiné par Rafael Grampá.

[Résumé de l’éditeur]
Alors qu’une élection approche et provoque un soulèvement sans précédent au sein de la population de Gotham, Batwoman, Superwoman et son jeune frère [Jonathan], le fils de Superman et Wonder Woman, tentent de lever le voile sur la panique qui s’empare des citoyens de la ville. Car, derrière le candidat populiste se cache le seigneur d’Apokolips, le maître de l’Anti-Vie, Darkseid !

[Critique]
Difficile d’avoir un avis tranché sur The Golden Child… Au niveau de l’histoire, d’un côté, les « retrouvailles » avec Carrie Kelley et l’univers conçu par Miller en 1986 sont agréables, d’un autre côté, la rapidité d’exécution de l’ensemble et le récit en lui-même qui reste, in fine, plus ou moins anecdotique, sont dommageables. Au niveau des dessins par contre, c’est magnifique (on en reparle plus loin). Il est utile de le rappeler : le comic-book tient en 48 pages seulement. C’est donc extrêmement court, davantage que The Last Crusade (64 pages) et presque autant que Killing Joke (46) — ce qui n’empêche évidemment pas d’être excellent voire culte, comme le dernier exemple le prouve facilement. L’éditeur est donc obligé de garnir sa bande dessinée de nombreux bonus tout en gardant un prix attractif (15.50€), c’est le cas ici, on y revient en fin de chronique.

Néanmoins, dans le cadre d’une extension de The Dark Knight Returns, on est loin d’atteindre la maestria scénaristique de son aîné. La narration est pourtant très alléchante : suivre de jeunes justiciers (dont deux femmes) lors d’un évènement politique important. Le reflet avec la société actuelle et Donald Trump, croqué plusieurs fois, est évident — précédé d’une polémique stérile (comme souvent avec DC, comme le fameux Bat-Zizi dans Batman – Damned l’an dernier) concernant cette fois une couverture de TGC mal vu par le régime politique en Chine car elle… encouragerait la démocratie !). Malheureusement, cet aspect sociétal est trop survolé…

On retrouve quand même aisément la patte Miller avec ses thèmes de prédilection (l’homme derrière l’artiste a d’ailleurs étonnamment changé de convictions ces dernières années, qu’on pourrait vulgariser par une fascination pour l’autoritarisme et état sécuritaire dans un premier temps puis une certaine appréciation de l’anarchie et du sens de la révolte par le peuple désormais — ce qui, à nouveau, se ressent dans le texte). Les pensées subjectives de chaque protagoniste vont défiler par segment et agrémenter ces sujets : le détachement et le cynisme de Lara, la soif de justice de Carrie, la « naïveté » de Jonathan, la sophistication de Darkseid couplée à… la folie du Joker ! C’est là la grande surprise de Golden Child (hélas dévoilée en quatrième de couverture et en introduction) : le Joker est de retour !

Pour ceux qui n’ont pas lu les précédents volumes de TDKR, on n’évoquera pas son identité mais il est important de préciser qu’il s’agit ici d’un « autre » Joker (là aussi un héritier en quelque sorte) et qu’on ignore de toute façon de qui il s’agit concrètement… Cela rappelle un peu l’excellent film éponyme qui voyait monter un nouveau leader en la figure populiste du criminel. Ici, les enjeux sont différents et le Joker finalement secondaire : c’est Darkseid qui est le véritable ennemi, magnétique et mystérieux. Son association improbable avec le Clown du Crime n’est qu’un prétexte pour mieux « introduire » (encore et toujours cette sensation d’un univers qui ne demande qu’à être découvert — à l’instar de la lecture de Dark Knight III) Jonathan, second enfant de l’union entre Superman et Wonder Woman (le « Golden Child », l’enfant d’or, c’est bien sûr lui).

C’est là le (gros) point faible de l’ouvrage : la sensation d’avoir à peine effleurer son potentiel narratif. Tout gravite autour de cinq personnages qu’on quitte trop rapidement sans réel « coup de poing cérébral » (comme TDKR en son temps) ou « scènes visuelles mémorables ». On aimerait tellement continuer de voir grandir les descendants de l’homme chauve-souris et de l’homme d’acier (tous deux malheureusement absents du one-shot). On aimerait tellement en savoir davantage sur ce nouveau Joker, sur le passif de Darkseid dans cette mythologie alternative du Chevalier Noir, sur l’émancipation de Carrie Kelley, sur le « retour » de Bruce/Batman jeune (esquissé en fin de volet précédent), sur le soutien ambigu de Lara (qui porte un tee-shirt avec l’emblème de son père sur la poitrine et une veste en cuir avec le logo de sa mère au dos — une chouette création !), etc. Des multitudes d’infinités scénaristiques plus ou moins loupées et à la conclusion un poil trop facile et frustrante.

Heureusement (et c’est là le gros point fort cette fois), les planches du trop rare Rafael Grampá sont sublimes et un vrai régal pour les fans. La collaboration entre Miller et le dessinateur est née suite à couverture alternative qu’avait produit Grampá pour DKIII (cf. cet album compilation). Proche du style de Frank Quitely (Justice League – L’autre Terre) et de Katsuhiro Otomo (Akira) selon l’éditeur, Rafael Grampá soigne ses cases avec foule de détails, notamment pour ses visages mi-difformes, mi-élégants, bien aidé par la colorisation de Jordie Bellaire ; il est évident que The Golden Child est un indispensable pour les amoureux de l’artiste.

Mais attention, comme souvent quand on s’éloigne des traits « conventionnels / mainstreams », il est évident que ça ne plaira pas à tout le monde et, comme toujours, si les quelques dessins illustrant cette critique vous séduisent, vous pouvez foncer, sinon abstenez-vous (cf. Batman – Année 100 qui était un bon exemple dans le genre également). Car l’intérêt du livre est principalement cet aspect graphique couplé à ses découpages et son dynamisme ambiant, conférant une sincère singularité au titre.

La bande dessinée contient d’ailleurs toute les planches en noir et blanc encrées, sans texte ni niveaux de gris, ainsi que de nombreux croquis et quelques couvertures inédites, gonflant le nombre de pages à 136. Une aubaine pour les passionnés (au plus proche de la version deluxe très similaire sortie une semaine plus tôt aux États-Unis). The Golden Child est donc une plongée dans un univers graphique fort séduisant mais hélas bien trop court pour en être pleinement satisfait. Le faible prix (15,50€) et les bonus conséquents devraient suffire pour les amoureux du style atypique de Rafael Grampá. Les autres passeront probablement leur chemin…

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 18 septembre 2020.

Scénario : Frank Miller
Dessin : Rafael Grampá
Couleur : Jordie Bellaire

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Sabine Maddin et Stephan Boschat)

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