The Dark Knight (2008)

The-Dark-Knight-Le-Joker

[Histoire]
Batman
continue sa lutte contre le crime à Gotham City, toujours épaulé par le lieutenant Jim Gordon et désormais par le procureur Harvey Dent, lui-même secondé par Rachel Dawes.

Cette équipe atypique est efficace et arrive à arrêter, par des moyens légaux (avec tout de même un coup de main brutal du Chevalier Noir de temps en temps), une bonne partie de la pègre qui sévissait dans la ville. Mais ce combat contre le crime organisé va être chamboulé par l’arrivée d’un machiavélique criminel : le Joker.

Cet étrange personnage veut prouver au Dark Knight que n’importe qui peut devenir fou et sombre naturellement dans la violence… surtout à Gotham.

[Critique — rédigée en 2008 à la sortie du film]
L’un des intérêts de The Dark Knight (TDK), bien avant sa sortie, était le mystère qui entourait la prestation de Heath Ledger. L’acteur star de Brockeback Montain était décédé début 2008, à l’âge de 28 ans, d’une surdose de médicaments. Certains attribuent cela à un suicide suite au rôle terrifiant qu’il a tenu les mois précédents, d’autres à un simple accident, quoiqu’il en soit, ce drame mystifiait les rumeurs circulant sur le film. « Époustouflant, terrifiant, incroyable, monumental », le casting y allait fort sur les éloges et il avait parfaitement raison. Le Joker version Nolan est incroyablement angoissant, tout comme une autre motivation (moins attendue certes) qui suscitait l’attente : le visage de Double Face, tout bonnement glaçant et très réaliste. Mais le long-métrage ne repose pas uniquement sur ça, évidemment, beaucoup d’autres éléments font de The Dark Knight un des meilleurs films de tous les temps, tous styles confondus !

La fiction s’ouvre sur un hold-up orchestré avec brio par le Joker, qui permet au spectateur de voir non pas sa folie mais… son génie. Génie que l’on verra pendant 2h30, car loin de faire un Joker dandy et foufou (cf. Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton, en 1989), Nolan met en scène un Joker très sérieux, manipulateur et impressionnant. Cette vision s’approche de certains comics mais ne pioche pas forcément dans l’un d’entre eux en particulier ; la dualité obsessionnelle Joker/Batman est bien sûr très présente mais TDK offre une histoire inédite, originale et réussie. Après ce braquage, Nolan vient clore le chapitre sur l’Épouvantail, laissé en suspens à la fin de Batman Begins (dont The Dark Knight s’émancipe en prenant une tournure nettement plus réaliste et dramatique – on en reparle plus loin -, balayant un peu la Gotham gothique et singulière qui faisait le charme du premier opus). On peut regretter le trop peu de temps à l’écran de Cillian Murphy qui interprète cet ennemi avec brio.

Nous découvrons petit à petit les personnages qui vont devenir les pions du Joker, jusqu’au bout du film. Parmi les anciens, il y a évidemment Batman/Bruce Wayne, qui est de plus en plus en proie à des doutes existentiels concernant sa double identité. Doit-il raccrocher ? Laisser sa place à un « vrai » justicier, sous-entendu qui agit par voie légale et juridique ? Christian Bale est toujours bon dans son rôle mais l’’acteur est effacé par la performance de ses deux rivaux, ce qui a fait du tort à quasiment tous les films sur Batman jusqu’ici (à l’exception notable du volet précédent). Dans Batman Begins, justement, on voyait aussi bien l’homme chauve-souris que son alter ego milliardaire, la répartition était équilibrée ; ici on le voit trop peu en Bruce, peut-être trop en Batman ? Quoiqu’il en soit, l’homme reste tiraillé entre la femme qu’il aime secrètement, Rachel (Maggie Gylenhaal, remplaçante plus convaincante que Katie Holmes) et son rôle de justicier l’obligeant à rester seul. Bale il incarne à merveille ce dilemme. Gary Oldman endosse à nouveau son imperméable de lieutenant puis de commissaire Gordon. C’est le véritable troisième homme du film après Le Joker, Harvey Dent et avant Batman. Le plus humain aussi et peut-être le plus touchant. Michael Caine et Morgan Freeman continuent d’interpréter respectivement le majordome Alfred et l’ingénieur Lucius Fox, deux alliés de Bruce/Batman. Ils apportent à nouveau cette espèce de sagesse et légèreté grâce à quelques blagues ici et là. Idéal pour souffler un peu face à la violence et au ton très sérieux du long-métrage.

Parmi les nouveaux, il y a donc le Joker : incroyable, effroyable, épouvantable Joker. Heath Ledger est monumental, il est bien dirigé mais il habite ce méchant mythique, lui insufflant une aura glaciale et mystérieuse, effrayante ! Aaron Eckhart campe Harvey Dent et est aussi une bonne surprise de The Dark Knight. Situé entre les principaux triangles relationnels du film (Gordon-Batman-Dent, Bruce-Rachel-Dent, Joker-Batman-Double Face), son talent crève l’écran. Tour à tour « gentil », puis dans le doute, la rage, il devient définitivement « méchant » une fois devenu Double-Face (permettant d’oublier sans trop de difficulté la version comique de Tommy Lee Jones dans Batman Forever) . Rachel Dawes est cette fois interprétée par la charismatique Maggie Gylenhaal, très juste. Les autres rôles (mafioso, flics, maire de Gotham City…) sont tous très bien choisis. Et après ? Outre ce casting de choc, qu’est ce qu’il y a dans The Dark Knight ? Il y a un scénario béton. Que l’on peut – en gros – résumer à cela : Batman, Gordon et Dent s’associent et réussissent à arrêter plusieurs criminels dans Gotham City mais le Joker se met sur leur route, assoiffé de sa folie et voulant conquérir la ville. C’est cette quête qui s’avère très intéressante car le Joker, fin manipulateur, prévoit tout, anticipe les gestes de chacun et l’ensemble des actes, provoqué par lui ou non, est précieusement calculé. Ce film n’est pas sur Batman mais sur lui (et Dent) et à cela on peut dire que le Joker croisera la route des conflits sentimentaux entre Bruce, Rachel et Harvey au cours d’une soirée gala. Il sera même responsable d’un drame dans la famille Gordon. Il deviendra également le créateur de Double Face, tout en étant petit à petit à la tête de la pègre et des mafiosos. Le mal créateur de mal contre le bien en proie avec son idéologie. Sublime. Mais ce sixième Batman est aussi centré sur Harvey Dent, dont on suit la logique évolution, c’est à dire son ascension puis sa chute. Là où Heath Ledger interprète le mal absolu, Aaron Eckhart doit lui jouer le « gentil » puis le « vilain » ; un défi qu’il réussit largement.

Certains scènes ont été tournées en IMAX, conférant une sensation d’immersion plus prononcée (la taille de l’image étant largement agrandie et gardant la même qualité). La musique est assurée, une fois encore, par Hans Zimmer, ainsi que James Newton Howard. Nolan a la brillante idée de coupler le Joker à un thème oppressant. Une composition glaçante (à l’image du protagoniste), qu’on entend à chaque séquence avant qu’il n’intervienne, ce qui permet d’anticiper ses apparitions et (presque) devenir complice de ce qui ce trame. La grande poursuite qui a lieu au milieu du métrage est filmé sans musique (un recours qui sera ré-utilisé dans un combat important dans The Dark Knight Rises), cela accentue le côté réaliste auquel le réalisateur nous adapte depuis Batman Begins, mais avec un palier plus prononcé cette fois (l’esthétique un peu gothique et les aspects cauchemardesques, donc du registre fantastique, ont été gommés pour basculer définitivement dans notre propre monde). Ces sons de métal rayé, de coups de feu, de cris, de malaise strident… enlèvent immédiatement le côté blockbuster commercial. Même idée lors de la très violente scène de l’interrogatoire et celle du crayon !

Les quelques faiblesses de Nolan sur Batman Begins étaient essentiellement ses scènes d’action, pas forcément fluides ou spectaculaires (toute proportion gardée bien sûr). Le réalisateur s’est nettement amélioré sur ce sujet (il a tourné Inception entre temps), preuve avec cette séquence du camion qu’on vient d’évoquer et des courses-poursuites avec la moto, nouveau véhicule emblématique au centre du récit. Au-delà de montrer des plans aériens très impressionnants (immeubles, manifestation, mission à Hong Kong…), Nolan se focalise sur les dialogues entre deux, trois ou quatre personnages en tournant autour et en se rapprochant d’eux au fur et à mesure (Batman, Dent et Gordon sur le toit du commissariat, Rachel et le Joker lors de la soirée, etc.) ce qui accentue très efficacement la tension. Il est par ailleurs difficile d’identifier Gotham City qui ressemble franchement à New York. À cela on qualifiera le film de « post 11 septembre », mais pour une fois c’est vraiment justifié, il plane plusieurs menaces sur la ville (le Joker, souvent appelé « le terroriste » qui envoie des vidéos de ses otages, la mafia, les flics corrompus…) qui accroissent la peur des habitants. Car ce sont eux aussi les acteurs de The Dark Knight puisque le Joker ira jusqu’à les « utiliser » dans une grande scène finale. Son combat contre Batman passe par tout le monde, tout le monde est son complice et sa victime. C’est la ville entière qu’il met à feu et à sang. Et c’est cette même population qui a peur, qui a besoin de soutien politique (Harvey Dent), de sécurité policière efficace (James Gordon), d’une meilleure justice (et donc d’un justicier, Batman – un axe qui sera prolongé dans TDKR, accentuant le populisme déjà présent ici).

On pourrait continuer longtemps à faire des éloges sur le long-métrage, à la fois thriller politique, film d’action violent et noir et grand drame acidulé. Un hommage aux films comme Heat et autres polars cultes ? The Dark Knight est la meilleure adaptation de comics à ce jour (avec la trilogie Spider-Man de Sam Raimi et peut-être Iron Man, sorti la même année). Exit les Batman freaks (mais géniaux) de Burton, les Batman gays (mais drôles) de Schumacher, bienvenue aux Batman de Nolan, bien ancrés dans le réel ! TDK est plus qu’un film de super-héros, sans aucun doute le meilleur film de l’année 2008, terriblement efficace, brillant en tous points et déjà culte. Monumental !

• BONUS DVD & BLU-RAY •

De nombreux sites Internet (une cinquantaine !) avaient été créés pour le film avant sa sortie. La plupart sont obsolètes désormais mais ils sont listés ici.

La technologie de Batman (45 minutes)
Documentaire revenant sur la science au service de Batman et comment l’équipe créatrice a choisi de l’équiper avec des gadgets et véhicules réalistes. Les intervenants varient de Len Wein, ancien auteur et éditeur chez DC Comics, au professeur de physique venant confirmer la crédibilité des outils, tout en passant par le réalisateur et des acteurs. La vidéo montre également les avancées technologiques par décennie par rapport aux publications comics de Batman, qui furent étrangement toujours un peu en avance sur leur temps. On y apprend aussi que le costume du Dark Knight est composé de 110 parties (!), conçues avec les modèles de ce que portent des soldats (pour arrêter les balles) ou des pompiers (inflammable). Tour d’horizon également sur la cape et les nombreux gadgets, et évidemment la Batmobile et le Batpod. Ces derniers sont minutieusement analysés par des professionnels et le constat est identique : tout est plausible selon les technologies actuelles ou à peine poussées.

Batman démasqué : la psychologie du chevalier noir (46 minutes)
Rétrospective sur le Dark Knight sous le prisme psychologique. On y dresse un parrallèle avec Theodore Roosevelt, pendant réaliste de l’homme philanthrope Bruce Wayne. L’exposition à la peur, le traumatisme de l’enfance, la culpabilité, la dichotomie de la double identité, le psychisme du héros et ses démons intérieurs, la coexistence du bien et du mal… tout est parfaitement revu et extrêmement intéressant. Des professeurs et psychologues interviennent ainsi que des auteurs de comics et toujours le casting. L’interrogation est poussée à son paroxysme sur la véritable identité de Bruce Wayne et de Batman. Laquelle est la véritable ? La conception de la justice, les valeurs morales et le contrôle de soi sont de la partie également ainsi que la psyché de ses ennemis : le narcissisme du Riddler, la schizophrénie de Double-Face, la mégalomanie de l’Épouvantail, etc. tous mis en relation avec de véritables tueurs en série. Par ailleurs on y apprend que le terme « fou » est légal et non médical, d’où la frontière délicate à propos de l’Asile d’Arkham et ses patients. Sont-ils réellement fous ? Une personne qui fait le mal et en a conscience est-elle folle ? Le cas du Joker est évidemment de la partie, l’homme n’ayant soif ni d’argent, ni de pouvoir, mais se complétant avec Batman, son reflet non maléfique. Batman qui finalement n’est pas un super-héros… mais juste un homme avec une super discipline et un super contrôle, selon Christopher Nolan. Passionnant.

Making-of – 18 modules (1 heure et 4 minutes)
Le Prologue : Retour sur la création de cette scène en format IMAX. Caméra de 45 kilos, problématiques diverse, un véritable défi pour tout l’équipe technique qui découvrait ce format habituellement réservé aux documentaires.
Le nouveau costume de Batman : Plus qu’un costume, une véritable armure. Comment a-t-elle évolué et surtout devait-elle paraître le plus crédible possible.
• Thème musical du Joker : Des milliers de fragments musicaux composés par Hans Zimmer au thème final commençant par cette note stridente de violoncelle, on apprend beaucoup dans ce module. Le compositeur s’est inspiré du côté punk et anarchique de l’interprétation d’Heath Ledger, que Nolan envoyait en photo.
Le saut de Hong-Kong : Devant l’impossibilité de réaliser la cascade dans une grande ville, l’équipe a construit un immense écran vert de trente-six mètres de haut pour effectuer le fameux saut de l’ange. C’est toutefois Christian Bale qui se tient réellement en haut de la tour avant le saut.
L’explosion de la voiture du juge : De nombreux essais ont dû être réalisés afin d’obtenir la parfait explosion qui retourne la voiture et surtout, qui ne fasse pas de dégâts aux alentours, dans le quartier chic où la scène a été tournée.
Les challenges d’une poursuite en IMAX : Quatre caméras au monde permettaient de tourner en IMAX à l’époque. Chacune coûtait 300.000$ et l’une d’elle a été cassée pendant la course poursuite entre le Joker et les policiers escortant Dent.
Le camion du SWAT dans la rivière : Une scène compliquée car le réalisateur, féru de réalisme, n’a pas voulu d’assistance numérique. Il fallait préserver la foule de la ville de Chicago et réussir la synchronisation avec la vue depuis l’hélicoptère.
Lumière sur les modèles réduits : Lorsque la Batmobile fracasse un camion poubelle, il s’agit de la seule scène avec des maquettes à l’échelle d’un tiers. La photographie du décor a été réajustée pour rester cohérente avec les scènes de poursuites précédentes.
La destruction de la Batmobile : Nolan voulait détruire la Batmobile dans Batman Begins. Après de longs débats, il a décidé de la laisser tel quelle mais de la détruire dans The Dark Knight. À la place elle est remplacée par le Pod, la moto du Chevalier Noir. Lorsque Batman sort avec depuis la Batmobile, il s’agit d’un effet visuel car la mise en place réaliste de cette scène n’était pas possible « en vrai ».
Le Bat-Pod : La complexité à concevoir cette moto si particulière, le cascadeur français Jean-Pierre Goy (portrait à découvrir ici), les tournages, la peur que la cape s’enroule dans la roue arrière, l’incrustation d’une caméra IMAX devant l’engin, la création du son du moteur… tout est abordé dans ce module très complet.
L’accident d’hélicoptère : Afin d’être, comme toujours, le plus réaliste possible, l’hélicoptère qui se crashe contre l’immeuble est un effet visuel mais une fois tombé ils s’agit d’une véritable carcasse d’appareil, enflammé et explosé pour accentuer le réalisme le plus possible.
Le flip du poids lourd : Une fois de plus, c’est un véritable camion qui est retourné dans la scène de la course-poursuite. Plusieurs tests ont eu lieu avant de tourner la scène dans une rue réelle, ce qui a compliqué la chose, d’autant plus que ce moment est en IMAX.
L’explosion de l’UAC : Rapide retour sur une explosion qui ne devait blesser personne et projeter de la paperasse.
L’accident de la Lamborghini : C’est une véritable Lamborghini qui est endommagé dans le film. Deux étaient prévues pour la collision mais une seule a suffit. C’est un modèle Murciélago, qui signifie en espagnol… chauve-souris !
L’explosion de l’hôpital : À nouveau, c’est un vrai bâtiment qui explose aux deux tiers, toujours pour ce réalisme cru et violent dont se nourrit l’œuvre de Nolan. Trois semaines de préparation pour tente secondes à l’écran. Des pans de fenêtres avaient été volés peu avant le tournage, elles ont donc été reconstituées numériquement. Après une douzaine de répétition le matin, la scène est tournée avec Heath Ledger, qui n’a droit qu’à une seule prise. Celui-ci se trouvait si près des explosions qu’il avait des morceaux de liège dans les cheveux mais ne fait jamais mine d’être gêné ou de se retourner. On découvre également une scène inédite située à l’intérieur du bus dans lequel Le Joker, visiblement très satisfait, ne tourne la tête à aucun moment pour regarder le bâtiment se détruire. Plus minimaliste et montrant moins l’ampleur de l’explosion, la scène a été coupée au montage mais n’en demeure pas glaçante pour autant (à découvrir ici, en qualité moyenne).
Le crash du siècle : Vue alternative du retournement de la voiture dans laquelle Dent tue le chauffeur de Maroni.
Cascades en chaîne : Encore une fois, c’est dans un bâtiment en construction que des cascadeurs se sont jetés, à 130 mètres du sol, pour éviter des effets visuels. Une préparation de trois semaines relativement compliquée pour cette scène finale.
Augmenter les enjeux : Dès la fin de Batman Begins, Nolan souhaitait laisser un sentiment de commencement pour que le spectateur souhaite une suite. Bien avant d’avoir un script il souhaitait faire quelque-chose d’encore plus spectaculaire, pas forcément en terme d’effets spéciaux mais de l’histoire. Évidemment, il a réussi.