Gotham Knights (2022)

[Histoire]
Batman est mort, assassiné par Ra’s al Ghul. Les alliés de l’homme chauve-souris, Nightwing, Robin, Batgirl et Red Hood deviennent les nouveaux protecteurs de la ville, les chevaliers de Gotham.

Les justiciers se regroupent au Beffroi (derrière l’immense horloge qui surplombe la ville), leur nouveau QG où Alfred est toujours présent.

Le groupe reprend l’enquête que menait Batman : le meurtre de Kirk Langstrom. Un scientifique tué de façon brutale alors qu’il menait d’étranges expériences. Deux pistes se démarquent, d’un côté la Ligue des Ombres, emmenée par Talia al Ghul, d’un autre une mystérieuse organisation, la Cour des Hiboux.

En parallèle, divers crimes se manifestent dans Gotham entre plusieurs factions. Certaines appartiennent au Pingouin, d’autres à Harley Quinn, qui semblait être une alliée de Batman depuis sa cellule à Black Gate. Mister Freeze et Gueule d’argile reprennent aussi leurs activités…

[Critique – les images sont assombries et proviennent de la PS5]
Gotham Knights est un jeu vidéo comportant autant de bonnes choses que de mauvaises, ou plutôt de moins bonnes. Avant d’en parler, un court historique s’impose. Longtemps fantasmé, souvent évoqué sous les titres Arkham Crisis puis Arkham Legacy, ce sont finalement Les Chevaliers de Gotham qui vont poursuivre l’héritage de la saga Arkham. Pourtant, le titre n’est absolument pas lié à la prestigieuse licence de Rocksteady (affairé sur le jeu Suicide Squad : Kill the Justice League – qui, lui, sera bien la suite d’Arkham Knight) ; c’est Warner Bros Montréal, à qui l’on doit le mésestimé Arkham Origins qui a développé ce nouvel opus qui se concentre sur les alliés de Batman : Nightwing, Batgirl, Red Hood et Robin (Tim Drake). Dévoilé fin août 2020 lors du DC FanDome, le jeu était initialement attendu pour 2021 sur PC Windows, Xbox One et PlayStation 4 avant d’être repoussé à fin octobre 2022 et sur les consoles next-gen.

Gotham Knights s’illustre de façon assez classique pour un jeu d’aventure/action (avec un soupçon de RPG – on y reviendra). Il y a une grande carte (avec des zones à découvrir), une quête principale, plusieurs quêtes secondaires et d’autres annexes, mêlées à des défis et (un peu) d’exploration. Le tout en évoluant avec un système de combat plus ou moins mélioratif, corrélé au traditionnel arbre de compétences et un choix cosmétique de costumes et gadgets assez vaste. Tout ceci se déroule bien entendu dans l’univers de Batman, ou plutôt de Gotham, et c’est là l’intérêt du titre, davantage pour les fans du Chevalier Noir (ou surtout de ses équipiers) que des gamers purs et durs (qui y trouveront une énième variante d’un style de jeu déjà vu).

L’un des intérêts de Gotham Knights est bien entendu la possibilité d’incarner les quatre alliés de choc de Batman. Nightwing, Batgirl, Red Hood et Robin sont en effet interchangeables une fois revenu au QG (le Beffroi). Chacun comporte sa particularité de combat (Red Hood efficace en arme à feu et un peu bourrin, forcément, là où Robin sera davantage porté sur l’infiltration par exemple). S’il est plaisant de contrôler chacun d’entre eux ou son préféré, on revient souvent au même, ne serait-ce que pour son aisance d’une part mais, surtout, car un arbre de compétences spéciales reste figé à chaque justicier (contrairement à l’arbre de compétences générales où les points se distribuent de façon égale). C’est donc un aspect un peu mitigé qui se voulait force du jeu mais, in fine, n’en est pas un (à la rigueur pour la rejouabilité). De même, la coopération mise en avant lors de la promotion du titre n’est pas très pertinente, elle sert surtout lors des sessions nocturnes de nettoyage de crime (et uniquement si un ami joue en même temps que vous et se situe bien sûr au même endroit sur la map). Bref, l’intention est louable mais pas encore au point.

En revanche, l’évolution des personnages, l’histoire principale (et les trois quêtes secondaires majeures) sont plutôt chouettes même si assez convenues. Le fil rouge narratif entremêle donc la mort de Batman à une investigation de plus grande ampleur autour de la Ligue des Ombres et la Cour des Hiboux. La première était brièvement apparue dans la saga Arkham (par l’intermédiaire de Ra’s al Ghul dans Arkham City notamment – ici c’est sa fille, Talia, qui prend la relève après la mort de son père, qui tue Bruce Wayne en introduction) ; la seconde a enfin l’honneur d’être porté à l’écran vidéoludique. Et… c’est clairement une belle surprise. La menace (plausible et tangible) de la Cour n’avait jamais été si fidèlement reproduite (on pouvait la voir dans la série Gotham et dans quelques films d’animations DC Comics). Mieux : elle semble nettement plus cohérente et solide que dans les comics ! Que ce soit les membres de cette société secrète (qui ne dépassera jamais ce « banal » stade) ou ses fameux ergots, plus crédibles ici que sur papier.

Le lecteur de comics ne sera donc pas trop surpris, l’enquête menant un parcours balisé mais somme toute plaisant et efficace. À côté on trouve trois quêtes mettant chacune en avant un ennemi atypique : Harley Quinn, Mr. Freeze et Gueule d’Argile. La muse du Joker tient un rôle assez consistant et d’une redoutable et étonnante force ! Freeze était présent uniquement dans l’excellent DLC d’Arkham Origins (donc déjà développé par Warner Bros Montréal comme vu plus haut), son ADN est respecté et on prend plaisir à le combattre (lui aussi à la puissance élevée). Enfin, l’autre bonne surprise du jeu réside en Gueule d’Argile, jamais vu de cette façon auparavant ; l’antagoniste et soigné et une fois de plus il est difficile d’en venir à bout. D’une manière générale, les boss de la quête principale (surtout les derniers) et les trois de ces quêtes secondaires bénéficient d’une puissance assez élevée, mieux vaut gagner de l’expérience avant de s’y attaquer.

Et pour gagner de l’expérience, pas le choix : il va falloir arrêter plusieurs factions de criminels dans Gotham. Pour cela, le jeu se divise en plusieurs sessions. Les nuits dans Gotham où l’on peut arpenter la ville tout en s’arrêtant pour combattre quelques malfrats, bien aidés par les signalements obtenues la nuit précédente ou par des indics. Ainsi, les crimes prémédités (de plusieurs natures : cambriolages, vol d’organes, kidnapping…) sont indiqués sur la carte et il suffit de s’y rendre pour les déjouer. Si les premières « nuits » sont agréables, on se lasse vite des déplacements (en grappin – le jeu emprunte davantage et étrangement plus à Spider-Man qu’à la saga Arkham – ou en Batcycle), on favorisera les déplacements rapides une fois débloqués (à nouveau une mécanique habituelle pour ce genre de jeu). On se lasse aussi assez rapidement des crimes à déjouer : ils sont répétitifs au possible, manquent vite de challenge et, surtout, le niveau des ennemis évolue en même temps que celui du joueur ! Comprenez que si vous êtes au niveau onze alors à peu près tous les criminels de Gotham seront à peu près au même niveau… Seuls les méchants de la quête principale et des trois secondaires restent « figés » au même niveau de difficulté.

Une fois tout cela compris et accepté, le joueur préfèrera probablement se concentrer sur l’évolution de l’histoire, liée à la mythologie du Chevalier Noir plutôt que le reste (à l’exception de quelques quêtes annexes, pour Le Pingouin ou pour récupérer des collectibles, brouiller des radios pour protéger l’identité de Bruce, etc.). Le jeu n’est pas forcément court, tout dépendra de ce qui intéressera celui qui contrôle son héros. Découvrir la trame principale et ce qui enrichit l’univers de Batman ? Combattre en changeant un peu de technique ou de personnages ? Gagner des trophées ? Et ainsi de suite… Pour l’auteur de ces lignes, c’est davantage le fil rouge narratif qui a réussit à motiver d’aller au bout.

On évoquait plusieurs sessions pour le jeu, les nocturnes dans la ville donc (à suivre les quêtes ou arrêter les criminels pour gagner de l’XP) et les autres se déroulent au QG (le Beffroi, derrière l’horloge qui surplombe Gotham) pour se reposer, faire le point sur les preuves et l’avancement de certaines missions. Ces phases mettent également en avant le « deuil » de chaque protagoniste. Chacun interagit avec un autre ou avec Alfred, avec une émotion sincère et des formulations plutôt « justes ». Cela permet de contrebalancer quelques écarts de gameplay, manquant cruellement de fluidité dans les combats, les déplacements (déjà évoqués plus haut), une intelligence artificielle souvent à la ramasse (on peut se débarrasser d’un ennemi silencieusement à un mètre d’un autre qui ne remarque rien ou bien les citoyens sont témoins d’un casse devant eux mais ne s’alarment pas ou restent sur un banc). Le jeu propose aussi un peu de craft, comprendre récolter des ressources pour améliorer ses armes, son équipement. Là aussi on fait vite le tour de ce qui apparaît d’abord pratique et utile puis obsolète et répétitif. Les phases d’enquête sont également relativement simples et peu palpitantes.

Tous ces petits défauts mis bout à bout donnent donc un résultat en demi-teinte. On se plaît à incarner (enfin !) les alliés de Batman mais il manque une consistance toute autre. Se balader dans une ville (magnifique au demeurant) mais un peu fantomatique ou sans enjeux cruciaux pour la narration est un peu dommage… Il y a aussi une incompréhension globale : si on peut saluer le fait d’avoir écarté Gordon, Batman, le Joker (pas trop tôt pour ce dernier) – tous trois morts –, on déplore le faible nombre de vilains d’anthologie ! Quid de Double-Face ? Catwoman ? Le Sphinx ? L’Épouvantail ? Bane ? Le Chapelier Fou ? Poison Ivy ? Azraël ? Le Ventriloque ? Etc. Aucun n’apparaît. Certains sont à peine mentionnés sur un papier ici ou là… Seul un ennemi de seconde zone arrive en fin de jeu (et si vous êtes familier de Batman, aucun doute que vous aurez déjà découvert qui en lisant le résumé plus haut), tous les autres sont cités dans le synopsis. C’est donc un peu « maigre », on était légitimement en droit de s’attendre à plus de matière à ce niveau-là…

Il est extrêmement difficile de ne pas comparer Gotham Knights à la saga Arkham, le jeu souffre de l’ombre titanesque de son aînée. Elle n’a pas forcément à rougir sur certains points mais beaucoup d’autres éclipsent le champs des possibles qui s’offrait aux passionnés du Chevalier Noir et aux gamers acharnés. À défaut d’avoir des DLC convaincants qui renforceraient l’histoire, le résultat est donc mitigé. En synthèse, on apprécie la possibilité d’incarner quatre justiciers singuliers, les graphismes au global (même s’ils ne sont pas dignes d’une console next gen), l’histoire principale et ses trois quêtes secondaires – toutes convenues mais efficaces et plaisantes –, zoner dans Gotham (mais pas trop longtemps) et les interactions entres les justiciers et Alfred pour avancer dans leur deuil. On regrette la répétitivité (voire l’inutilité) des crimes à déjouer, le manque d’antagonistes prestigieux, un système d’IA et de craft mal développés, une difficulté inégale, des défis et autres missions annexes peu passionnants, une musique peu épique, etc.

Comme souvent dans les jeux vidéo, l’appréciation se joue (haha) aussi sur le prix. Gotham Knights vaut entre 20 et 40 euros maximum, pas davantage, donc si vous l’obtenez à ce tarif, c’est raisonnable (ça tombe bien, c’est vite devenu son prix standard au bout de quelques semaines, par exemple sur PS5). Si vous déboursez davantage, ça risque de piquer. Le titre apparaît comme une sorte de DLC de luxe à Arkham Knight, on ne comprend toujours pas pourquoi il n’en est pas la suite officielle car tout s’inscrivait remarquablement dans le « même » univers, cela restait cohérent. Il faudra donc se tourner vers le futur jeu Suicide Squad pour découvrir le prolongement de l’ArkhamVerse. Rendez-vous dans l’année 2023 pour cela si tout va bien !

La sortie du jeu est accompagnée en France d’une série en comics, Batman – Gotham Knights : Gilded City. La fiction se déroule avant les évènements du jeu vidéo. Le titre est vendu sous forme de six numéros (un par chapitre), entre novembre 2022 et mars 2023, comprenant un code de téléchargement d’un élément purement cosmétique (donc inutile) au prix de 4,90 €, soit… 29,40 € pour avoir le récit complet ! Une somme élevée, pas forcément justifiée, à réserver aux complétistes avant tout. Critique de cette bande dessinée à venir courant février 2023 sur le site.

 

Pour l’occasion Jim Lee a dessiné les quatre protagonistes 🙂