[Histoire]
Quelques jours après les évènements du film The Batman, Oswald Copp profite de la mort de Carmine Falcone pour construire un empire dans Gotham City.
Il trouve un allié inattendu en la personne du jeune orphelin Victor. Entre son réseau professionnel pour les trafics et magouilles en tout genre, Le Pingouin doit aussi s’occuper de sa mère sénile.
Mais qui peut faire confiance au criminel boiteux ? Sa parole ne vaut rien et Sophia Falcone va-t-elle s’opposer ou s’allier à lui ?
[Critique]
Les Soprano à Gotham ! Quiconque a vu cette série culte diffusée sur HBO durant l’âge d’or des séries TV (comprendre quand ce médium a révolutionné le genre avec une dimension véritablement adulte et cinématographique), pensera aux errances de Tony Soprano dans une version du monde de Batman. Pourtant, dans The Penguin, point de Chevalier Noir ; la fiction en huit épisodes (d’une heure environ) ne suit que le personnage titre – et ses deux comparses, Sophia et Victor. L’on navigue dans la Gotham City mise en place par Matt Reeves dans son élégante proposition sortie en 2022 (ce dernier est à la production de la série). L’approche ultra-réaliste du réalisateur se poursuit dans cette mini-série (possiblement une première saison – à date (début 2025), on ignore si une suite est prévue même si tout le monde semble partant), chapeautée par la showrunner Lauren LeFranc.
La cohérence d’univers est donc tout à fait respectée, bien qu’on soit un peu décontenancée de découvrir la célèbre cité en pleine journée ensoleillée (les séquences nocturnes ne sont évidemment pas en reste). Alors, ça raconte quoi The Penguin ? C’est indispensable pour poursuivre le ReevesUniverse ? Le pitch est simpliste au possible : l’ascension d’Oswald « Oz » Cobb (fini Cobblepot pour être plus crédible – une idiotie mais passons) pour se frayer un chemin dans le monde criminel de Gotham et se faire un nom. Il n’est bien sûr pas nécessaire de voir la série pour « comprendre » cette (future) position du Pingouin, dans le futur film The Batman, Part. II mais… c’est clairement jouissif !
En effet, outre la prestation impressionnante de Colin Farrell, toujours aussi méconnaissable, The Penguin séduit par son côté thriller, les manipulations et trahisons du personnage titre – chaque fois qu’on se prend un peu d’empathie pour lui il surprend, déçoit et agit comme une ordure. En cela, la figure de « vilain » n’a jamais été aussi parfaitement exécutée – cela fait du bien dans un monde où la plupart des méchants de fiction ne le sont jamais totalement ou réellement !
Il faut aussi saluer la performance de Cristin Milioti en Sophia Falcone, c’est la seconde excellente surprise du casting. Dépeinte comme une folle, pas forcément respectée par ses pairs, elle aussi doit graviter et évoluer dans un monde sombre et sans concession. Les deux êtres (Sophia et Oz) font donc un bout de chemin ensemble, légitime et risqué, au point de signer certains des plus beaux épisodes de la série (le quatrième notamment – A la vôtre (Cent’Anni) – et le huitième – De grandes choses, de petites choses (Great or Little Thing) – notés 9,4 et 9,5 sur 10 sur l’IMDb !). Il faut dire qu’entre la photographie léchée, l’écriture des personnages, l’habillage sonore et musicale (par Mick Giacchino – fils de Michael, qui signait la BO du film originel), les costumes, décors et maquillages, il n’y a pas grand chose à reprocher à la forme de The Penguin.
Qu’est-ce qui pêche alors ? Et bien… en étant assez sévère, impossible de ne pas lever les yeux vers le ciel devant les innombrables facilités scénaristiques. Entre un protagoniste situé à l’instant T pile au bon moment, des morts et des meurtres commis avec une facilité déconcertante sans être inquiété ou pris sur le fait (par le piètre GCPD ou d’autres personnes), des survies improbables… difficile de ne pas faire comme si de rien était mais… vu la qualité de l’ensemble du show, on préfère plutôt fermer les yeux dessus pour mieux apprécier et savourer le reste.
On pourrait reprocher aussi le traitement du jeune Victor (impeccable – et inconnu – Rhenzy Feliz au demeurant). L’adolescent n’a qu’un rêve, accessible, quitter Gotham avec sa petite amie. Trop gentil, trop doux, Victor n’embrasse jamais réellement le chemin du crime. S’il trouve en Oz une figure paternelle absente – leur relation est particulièrement réussie – on ne voit jamais Victor s’interroger sur ses actions, hésiter sur la voie à emprunter ou jubiler de « faire partie de quelque chose », de se faire respecter et ainsi de suite. Ainsi, certains de ses choix et ce qu’il communique à l’écran laissent songeurs, ne semblant pas aller de pair avec la caractérisation du rôle.
Malgré ces défauts, impossible de ne pas prendre de plaisir devant une fiction qui coche bon nombre de cases pour les amateurs de séries TV que les fans du Pingouin ou, d’une manière générale, de l’univers du Chevalier Noir (à défaut du ReevesVerse – complété aussi par un roman jeunesse et un comic sur le Riddler). Pourtant, il ne faut pas attendre d’y croiser Batman, curieusement absent et non mentionné tandis que certains évènements dans « sa » ville semblent impossibles à échapper à son radar. On saura peut-être pourquoi il n’était pas là dans le second film qui lui est consacré (initialement prévu en 2025 puis 2026 et, fin 2024 l’on a appris que ce serait pour 2027 finalement – outch, c’est trop long !) ou bien dans l’éventuelle saison 2 du Penguin (évoquée plus haut). En effet, les réceptions critiques et publiques, particulièrement élogieuses, ont motivé Colin Farrell à rempiler – malgré les trois heures de maquillage quotidien, effectué 85 fois durant le tournage de la série !
Diffusée sur Max en France et sur HBO aux États-Unis (tiens tiens…), la mini-série se paie le luxe d’une sortie en version physique, prévue en mars 2025 chez nous (précommandes DVD, Blu-Ray…). Indispensable donc !