[Histoire]
Un enfant a été kidnappé et une rançon exigée. Celle-ci a été préparée et rassemblée mais Batman refuse de céder à la facilité et, avec l’accord des forces de l’ordre, affronte le ravisseur qui s’avère être Killer Croc. Ce dernier, plus violent qu’à l’accoutumée a un grand besoin d’argent. La mallette contenant la rançon est dérobée pendant le combat par Catwoman. Le Dark Knight la suit mais chute lors de la poursuite et est terriblement blessé. La féline retrouve Poison Ivy avec son argent, tandis qu’Huntress vient secourir Batman qui demandera à être soignée par son ami d’enfance : Thomas Elliot. Après une opération réussie, suivra un voyage à Metropolis, l’occasion de croiser Clark Kent, alias Superman, et sa compagne Loïs Lane.
Suivront alors, au sein de l’univers de Chevalier Noir, de nombreuses manipulations de la part de ses alliés mais surtout de ses ennemis : le Joker, l’Épouvantail, le Sphinx, Ra’s al Ghul…
Qui se cache derrière tout ça ? Qui tire les ficelles dans l’ombre et dans quel but ?
Et surtout : qui est Silence ?
[Critique]
Excellente histoire servie par de magnifiques dessins. Ainsi pourrait-on résumer en cette courte phrase cette œuvre qu’est Silence. En effet tout frôle la perfection dans cet ouvrage. L’histoire tout d’abord, c’est brillamment écrit par Jeph Loeb qui avait déjà signé Un Long Halloween et sa suite Amère Victoire (puis Catwoman à Rome). Chaque chapitre comporte son lot de révélations et nous sommes habilement dupés par les nombreuses fausses pistes et retournements de situation ! Seuls quelques dialogues et blagues potaches peuvent paraître un peu ridicule mais on oublie très vite ce défaut. Un pur plaisir que de voir défiler quasiment TOUS les ennemis de l’homme chauve-souris. Chacun apportant son grain de sel dans cette gigantesque énigme et ne faisant pas office de simple figurant. La part belle aux alliés de Batman n’est pas lésée non plus, ils apparaissent tous également pour l’aider. Voir toute cette galerie de personnages emblématiques croquée par Jim Lee est tout simplement jouissif.
Ses dessins sont, comme toujours, sublimes. Colorisées avec talent par le très perfectionniste Alex Sinclair, les planches sont un véritable régal pour les yeux. Seul point noir : les doubles pages ; elles ne s’ouvrent pas forcément très bien, un problème déjà constatés dans les ouvrages relativement épais d’Urban Comics (comme la série Knightfall). Les flash-back sont peints à l’aquarelle, toujours par Jim Lee, et sont tout aussi magnifiques (cf. ci-dessous). Silence est une œuvre longue et dense, qui se lit très facilement. Et même si de nombreux personnages apparaissent, c’est très accessible au néophyte de l’univers du Dark Knight. C’est là aussi la force de ce comic rapidement devenu culte : le lecteur régulier ne pourra que se réjouir de voir les personnages de Batman s’affronter, se manipuler, se souder… tandis que le nouveau venu découvrira une panoplie d’héros et méchants, connus ou pas du tout, mais ne sera pas perdu au fil de son avancée, loin de là.
« Je n’accepte pas la moindre responsabilité au sujet du Joker.
Si ce n’est celle de l’avoir tué plus tôt. »
Au-delà d’une vaste énigme et de nombreux affrontements, le cœur du récit de Silence gravite autour de l’histoire d’amour entre Batman et Catwoman puis entre Bruce Wayne et Selina Kyle, le Dark Knight lui ayant dévoilé son identité. En découlera un échange touchant entre la féline et Alfred : « J’ai recousu ses plaies, réajusté ses os, extrait un nombre incalculable de balles de son corps… mais il souffre d’un mal que je suis incapable de soigner. Un cœur brisé. J’espère vous estimez bien le don extraordinaire que représentent ses secrets. » Bref, Batman : Silence est sans aucun doute LE comic Batman qu’il faut posséder : excellent, magistral, incontournable, bref un niveau rarement atteint et une lecture accessible à tous. Culte.
Pour finir, saluons le très beau travail d’Urban Comics. Cette édition fourmille de bonus, à l’instar de son pendant américain Absolute Batman Hush. L’ouvrage commence par un échange entre Jim Lee, Jeph Loeb et Bob Greenberger (responsable éditorial qui est l’intervieweur) sur neuf pages. Cette introduction —à lire par contre après avoir découvert la bande dessinée car elle contient des révélations— dévoile les méthodes de travail du duo ainsi que quelques anecdotes intéressantes. Retenons trois d’entre elles : Catwoman devait embrasser Poison Ivy sur la bouche lors de leur retrouvailles mais cette idée a été refusée avec en annotation « mon vieux, c’était comme si j’avais écrit qu’Hitler a gagné la guerre » ! L’autre scène qui a été totalement éliminée, « pour la première fois » dans la carrière de Jeph Loeb, a lieu pendant l’interlude (six planches écrites au milieu de l’histoire et publiées dans le magazine Wizard à l’époque) : Catwoman et Batman devaient faire l’amour avec leur costume. Jim Lee trouvait que cela n’était peut-être pas approprié pour les plus jeunes lecteurs. Dommage quand on voit la violence du combat entre le Joker et Batman, on sait clairement qu’on n’est pas devant un conte pour enfant. Enfin, si la Batgirl (Cassandra Caïn) de l’époque n’apparaît pas dans l’ouvrage, c’est tout simplement parce que Jeph Loeb a toujours préféré Barbara Gordon en Batgirl et a préféré apparaître celle-ci sous forme de flash-back en plus de son rôle actuel : l’Oracle.
« Gordon est pour Batman un phare de raison
dans la nuit de folie qu’est Gotham. »
[Jim Lee]
Autres contenus exclusifs, en fin de volume, une tonne de dessins préparatoires, de brouillons, de sketchbook en somme. Des planches commentées par Jim Lee, des croquis de statues, des couvertures alternatives, de nombreuses illustrations inédites, en couleur et en noir et blanc ! Comme si ce n’était pas suffisant, douze pages viennent compléter ces suppléments : des commentaires de Jim sur certaines cases et couvertures des chapitres de Silence ! On y apprend où il puise ses idées, par exemple le nom d’un personnage, celui d’un de ses amis, ou encore une inscription en coréen correspondant à son vrai nom, des indices, des fausses pistes, des clins d’œil à l’univers de Batman, bref de quoi régaler le lecteur ! Autre exemple : une des couvertures contenait le mot Superman dans les lianes de Poison Ivy (cf. ci-dessous, cliquez pour zoomer) !
Le personnage de Silence reviendra plusieurs fois dans différentes séries consacrées à Batman, certaines sont parues en France, voici un petit guide pour les lire dans l’ordre : index saga Hush/Silence.
[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 10 mai 2013.
Titre original : Hush
Scénario : Jeph Loeb
Dessin : Jim Lee
Encrage : Scott Williams
Couleur : Alex Sinclair
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray — Studio Myrtille
Traduction : Jérôme Wicky
Titres des chapitres :
00 – La légende de Batman
01 – La Rançon (The Ransom)
02 – L’Ami (The Friend)
03 – La Bête (The Beast)
04 – La Ville (The City)
05 – Le Combat (The Battle)
06 – L’Opéra (The Opera)
07 – La Blague (The Joke)
08 – Le Défunt (The Dead)
09 – Les Assassins (The Assassins)
Interlude – La Cave
10 – La Tombe (The Grave)
11 – Le Jeu (The Game)
12 – La Fin (The End)
Première publication originale dans Batman #608 à #619, d’octobre 2002 à septembre 2003 et Absolute Batman Hush en 2005
Également publié en France dans le magazine Batman chez Semic dans les neuf premiers numéros de mars 2003 à juin 2004 puis en trois tomes, toujours chez Semic. Réédité ensuite en un tome chez Panini Comics en 2010, avant l’édition ultime d’Urban Comics le 10 mai 2013.
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