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Infinite Crisis – Tome 05 : Crise infinie

Cette fois, c’est la fin ! Après un premier tome introductif très efficace (Le projet O.M.A.C.), les deux suivants – plus inégaux – qui se composaient de nouvelles séries spécifiquement conçues pour la saga (Unis pour le pire et Jour de vengeance) et le quatrième qui proposait enfin la première partie de la « crise infinie » (Les survivants), Infinite Crisis arrive à sa conclusion dans un cinquième tome qui vient rabattre les cartes de l’univers DC ! Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Superboy-Prime et Alexander Luthor, les derniers survivants de la précédente Crise cosmique sont bien décidés à ressusciter leurs Terres détruites durant cet événement. Luthor lance ainsi la Société Secrète à l’assaut de Metropolis, tandis que les deux Superman s’affrontent entre différentes dimensions. Au terme de ce combat, un nouveau Multivers pourra-t-il renaître ?

[Critique]
Comme les tomes précédents, celui-ci se compose de plusieurs segments distincts. La suite est fin de la série Crise infinie bien sûr (trois chapitres entremêlés entre les autres histoires) mais aussi les conclusions de La guerre Rann-Thanagar et Unis pour le pire (tous deux entamés dans le deuxième tome), Le projet O.M.A.C. (dans le premier) et Voici ta vie, Superman, évidemment centré sur l’homme d’acier (composé de trois épisodes : Superman #226, Action Comics #836 et Adventures of Superman #649).

A l’instar du quatrième et solide volet, ce cinquième se lit globalement bien avec une certaine cohérence. En effet, les chapitres sont disposés de façon à être à peu près dans l’ordre chronologique mais cela casse une certaine immersion, notamment pour la série éponyme (Crise infinie / Infinite Crisis). Par ailleurs, il faut se rappeler des deux premiers tomes pour renouer avec leurs « suites et fins » ici mais si on a lu toute la saga dans l’ordre en quelques jours ou semaines, alors aucun problème.

Difficile de résumer donc le début de cet ultime opus qui regroupe les conclusions de quatre (voire cinq) fictions ! On débute avec la fin de La guerre Rann-Thanagar, probablement la partie la moins passionnante de l’ensemble mais contenant de belles propositions graphiques cosmiques. Le titre accélère véritablement ensuite avec le cinquième épisode de Crise infinie où l’on suit le Superman de Terre-2 qui assiste impuissant à la mort de Lois Lane avant de tomber fou de rage et de s’en prendre, entre autres, au Superman de Terre-1 (planète où se déroule l’entièreté de l’action de la saga). En parallèle, le Luthor rescapé de Crisis on Infinite Earths rétablit le multivers et d’autres mondes, afin de créer la « Terre parfaite » (en voulant tamiser chaque Terre pour récupérer chaque « bonnes parties » et tout fusionner en une unique Terre idyllique).

La narration (toujours de Geoff Johns) est – à ce stade – relativement dense, complexe, folle et passionnante ! Mais le fil rouge du récit (de ladite crise infinie) est alors un peu mise de côté pour faire place au long passage sur Superman, qui sonne comme un honneur au kryptonien, avec une armée d’artistes étalée sur trois épisodes (dont Joe Kelly et Jeph Loeb au scénario et notamment Jerry Ordway, Tim Sale, Lee Bermejo, Phil Jimenez, Ian Churchill et Ed McGuiness… aux dessins). Les amoureux de Superman seront probablement aux anges, profitant d’une narration différente mais aussi de différents hommages visuels (cf. images en fin de critique).

En suivant à la fois la vie de Superman mais aussi l’évolution de l’être humain au sens large (incluant une pleine planche devant le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau), l’on saisit mieux la dualité entre la noirceur du modernisme des super-héros et l’ancien âge (plus lumineux) des ères DC Comics. Un sujet fleuve qui parsème Infinite Crisis et déjà entamé dans Crise d’identité d’une certaine manière (auquel on trouve quelques nouveaux échos dans le livre). De la même manière, la longue introduction consacrée à Power Girl dans le tome précédent se connecte un peu plus ici (mais on peut déplorer avoir pris autant de temps avant (et de place) pour, in fine, pas grand chose).

Après cette semi-parenthèse, la crise reprend (Infinite Crisis #6) et on assiste un véritable maelstrom des figures de DC, effectuant de la figuration pour la majorité. L’intrigue se recentre sur les deux Superman, la Trinité mais aussi le nouveau Blue Beetle, unique entité à réussir à voir le fameux satellite l’Œil et les derniers OMAC. Si c’est assez bavard et un peu confus (des milliers de Terre sont montrées subrepticement), on en prend plein les yeux à tous points de vue. Ça fuse de partout en action (dans l’espace notamment) avec plein de couleurs différentes – pas de doute, nous sommes en pleine lecture d’un comic book ! Les dessins de Phil Jimenez, Jerry Ordway et George Pérez sont incroyables (accompagnés d’Ivan Reis et Joe Bennett sur les autres chapitres).

Ensuite, nouvelle « pause » dans l’histoire puisqu’on retrouve Sasha Bordeaux (en OMAC) pour découvrir ce qu’elle devient depuis le premier volet, pile au moment où elle se connecte au titre principal. Idem pour Unis pour le pire où on renoue avec quelques Secret Six mais surtout avec Oracle (Barbara Gordon) et… le Limier Martien ! Une association efficace pour un épisode plus palpitant que le précédent mais qui garde un goût d’inachevé.

Enfin, l’ultime épisode d’Infinite Crisis (#7) explose tout sur son passage. La confrontation entre les Superman (face notamment à Superboy), la fin de Luthor (assez surprenante – avec l’intervention d’un personnage DC extrêmement populaire qui était cantonné à un curieux absentéisme jusqu’à ce moment fatidique) et… un départ de la Trinité pour se ressourcer. Bizarrement, le retour d’autres Terres est à peine évoquée (il a eu lieu en amont) et on se concentre sur le bien fondé et l’humanité de Superman, Wonder Woman et Batman, tous trois croqués en civil pour l’occasion. Tous décidant de prendre une année de repos pour réfléchir à une nouvelle méthode pour agir, déconstruire leur propre vision de la justice, etc. Ce qui donnera lieu à plusieurs séries dont la 52 (que s’est-il passé durant une année d’absence de la Trinité ?).

Voici pour les résumés de ce cinquième volume, assez inégal. Si les conclusions de chaque arc sont les bienvenues, elles sont parfois expéditives voire frustrantes (on veut – encore – la suite de ce qui se déroule pour certains protagonistes ; à découvrir justement dans de nouvelles séries, Secret Six déjà évoquée mais aussi Checkmate par exemple ou encore One Year Later). Surtout : elles cassent le rythme effréné de la série principale, nettement plus soutenue et aboutie, mémorable et impressionnante ! Difficile d’en vouloir à l’éditeur qui a ainsi imprimé une saga complète et dans un ordre de lecture idéale, au détriment donc d’une immersion plus soignée.

Ce qui ressort de l’ensemble est malgré tout relativement positif : toutes les pièces du puzzle se sont assemblées, rien a été mis de côté. Les multiples menaces se croisent et donnent du fil à retordre à nos héros, principalement la force brute de Superboy couplé au génie de Luthor et sa reformation des Terres. On assiste à la fois à la fin d’une ère (et son lot de tragédie) et on nous en esquisse les contours alléchants d’une nouvelle (recouvrer une « dignité » (envers le peuple ? le lecteur ?)). Le scénariste Geoff Johns a signé un récit fort, mature et intelligent, consolidé par les autres architectes de l’évènement. Du reste des crédits d’ailleurs (pour ce tome) on retrouve les mêmes équipes que précédemment pour chaque conclusion des mini-séries évoquées (Dave Gibbons, Greg Rucka et Gail Simone donc côté écriture).

Graphiquement, l’ensemble n’est pas forcément homogène mais la série principale, comme évoqué plus haut, est magistrale. Entre moments iconiques et lisibilité exemplaire des (nombreuses) séquences d’action, on retient aussi quelques parties bien sanglantes (Black Adam qui défonce littéralement la tête du Psycho Pirate, Superboy-Prime qui se bat contre les deux autres Superman…). Une conclusion épique, aussi bien au sens figuré que littéral !

Ce cinquième et dernier tome d’Infinite Crisis conclut brillamment une épopée qui a su habilement jongler entre les points de vue, fausses pistes et enjeux (d’une guerre spatiale aux conflits humains en passant par une bataille entre intelligence artificielle et magie pure). En brassant la plupart des genre avec brio, cette saga (incontournable à l’époque en 2005 et toujours aujourd’hui) a révolutionné une fois de plus la mythologie de DC Comics. Plus accessible que Crisis on Infinite Earths, à laquelle elle est mécaniquement reliée (ainsi qu’à Crise d’identité), Infinite Crisis passe mieux l’épreuve du temps que son illustre aînée de 1985. Plus touchante et émouvante également, chose rare dans l’industrie.

[Conclusion de l’ensemble]
Infinite Crisis vaut-il le coup ? Indéniablement oui. Certes il y a des épisodes de trop (ceux sur Superman notamment – évidemment les férus de l’Hommes d’acier seront servis et en profiteront davantage) ou encore des séries annexes inégales et mal exploitées, mais c’est un véritable plaisir de lecteur que d’avancer pas à pas dans l’énorme échiquier que représente le jeu de piste de Johns et ses compères. Si cela démarre fort (premier tome) puis accuse une petite baisse de régime (les deux volumes suivants), c’est pour mieux redémarrer et cracher son potentiel ensuite (les deux derniers volets).

Les multiples visions confèrent une approche singulière très plaisante. Si l’œuvre – on l’a dit – a révolutionné en son temps DC Comics, l’impact fut moins « spectaculaire » (toutes proportions gardées). Les morts ne durent jamais très longtemps et de nouvelles crises remettent tout à plat (Final Crisis suivra très rapidement en 2009 puis Flashpoint en 2011). Ce n’est pas tant le destin tragique de certains protagonistes (beaucoup de seconds couteaux à de rares exceptions) mais plutôt le statu quo de la Trinité, le « nouveau départ » et surtout le retour des Terres parallèles et du multivers (fièrement annoncé sur chaque frise chronologique de l’éditeur) qui ajoutent un marqueur résolument majeur et impactant.

La saga fourmille de références mais reste accessible – c’est sa grande force, à l’inverse de Crisis on Infinite Earths (qu’elle cite abondamment dans ses deux derniers volets). Ainsi, on retrouve souvent mentionné le sort de Green Lantern/Hal Jordan – quand il était Parallax notamment, cf. Crise temporelle –, le Corps des Green Lantern illumine d’ailleurs la conclusion de multiples façons, on voit aussi les conséquences de la déconstruction de la Justice League dans Crise d’identité (notamment dans Crise de conscience, au cœur du troisième tome d’Infinite Crisis), enfin la mort de Superman et l’ascension à la présidence de Lex Luthor sont aussi régulièrement évoquées. En somme, la plupart des titres importants publiés chez DC dans les années 1990 et le début des années 2000 trouvent une sorte d’aboutissement dans cette crise infinie, poussant le lecteur à s’interroger sur la noirceur et le degré de complexité atteint chez ses héros favoris. Certains diront que c’est le début de la fin, d’autres une audace et une voie novatrice et agréable.

Côté Batman, ce dernier joue un rôle prononcé dans Infinite Crisis, notamment au début (le projet O.M.A.C., c’est lui indirectement), au milieu (au sommet de sa paranoïa et colère face à ses collègues qui l’ont trahi et manipulé – cf. les conséquences de Crise d’identité) et à la fin (le combat contre l’Œil, le soutien à Nightwing, etc.). C’est donc encore plus plaisant de suivre cette saga aussi bien quand on est fan de DC Comics que de Batman (contrairement à Crisis on Infinite Earths où le Chevalier Noir était quasiment absent). L’investissement économique est conséquent (un peu moins de 150 €) mais le jeu en vaut la chandelle. Néanmoins, si vous souhaitez surtout lire l’évènement principal (ou que vous n’êtes pas complétistes), alors les tomes quatre et cinq peuvent suffire. Le premier et, surtout, le troisième restent appréciables pour avoir la suite directe de Crise d’identité. En somme, le second volet est le plus « passable ».

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 1er avril 2016.
Contient : Infinite Crisis #5-7 + Rann-Thanagar War Special + OMAC Project Special + Villains United Special + Superman #226 + Action Comics #638 + Adventures of Superman #649

Scénario : Geoff Johns, Dave Gibbons, Joe Kelly, Greg Rucka, Gail Simone, Jeph Loeb
Dessin : collectif (voir critique)
Encrage : collectif
Couleur : collectif

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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Infinite Crisis – Tome 01 : Le projet O.M.A.C. (30 €)
Infinite Crisis – Tome 02 : Unis pour le pire (30 €)
Infinite Crisis – Tome 03 : Jour de vengeance (30 €)
Infinite Crisis – Tome 04 : Les survivants (30 €)
Infinite Crisis – Tome 05 : Crise infinie (24 €)





Catwoman à Rome

Catwoman à Rome se déroule pendant Amère Victoire et est inclus dans la compilation des travaux de Jeph Loeb et Tim Sale Des ombres dans la nuit. Attention donc à ne pas acheter en doublon ! Le titre est ressorti en récit complet le 14 janvier 2022 à l’occasion du film The Batman. Il avait déjà été publié en 2006 chez Panini Comics. La critique ci-après est celle déjà présente sur le site pour Des ombres dans la nuit.

BATMAN-OMBRES-DANS-LA-NUIT

[Résumé de l’éditeur]
Depuis qu’il est devenu le vigilant de Gotham City, le jeune Bruce Wayne a eu l’occasion de croiser de nombreux adversaires, mais depuis quelque temps, les mafieux ont cédé la place à un nouveau genre de criminel. À la suite de la Chauve-souris, ce sont des Épouvantails, Pingouins, Chapeliers déments, Chattes et sinistres Clowns qui, chaque nuit, prennent d’assaut la cité de Gotham. Autant de raisons qui obligeront un Chevalier Noir encore en formation à se forger un code d’honneur sans failles.

[Contexte — cf. Un Long Halloween et Amère Victoire pour plus de détails — attention aux révélations si vous ne les avez pas lus]
Dans Un Long Halloween, le tueur Holiday sévissait les jours de fête. Il fut identifié et emprisonné. Cette affaire eut plusieurs dénouements tragiques : le procureur Harvey Dent devint le terrible Double-Face, Carmine Falcone (le parrain intouchable de Gotham City) fut tué par Dent, sa fille Sofia se retrouva paralysée suite à une chute et un combat contre Catwoman.

Dans Amère Victoire, Selina Kyle se rend aux funérailles de Carmine Falcone. Parallèlement, son idylle avec Bruce Wayne vacille : ce dernier est froid et distant. Catwoman propose à Sofia Falcone de retrouver le corps de son père, mystérieusement disparu, contre un million de dollars. Son enquête la pousse à demander de l’aide au Sphinx, tétanisé de peur. La féline est ensuite assommée et sauvée in extremis par Batman. La relation ambigüe entre les deux prend fin et Selina/Catwoman disparaît ensuite (chapitre 5).

Elle réapparaît en fin de récit (chapitre 13 — qui aurait dû être inclus dans Des ombres dans la nuit selon le site de l’éditeur mais qui ne l’est finalement pas) où Batman, qui la suspecte d’être « la tueuse au pendu », l’interroge pour savoir pourquoi elle est proche de Sofia et où elle était passée depuis trois mois (elle quitte Gotham pour l’Italie peu après la Saint Valentin et revient en mai pour la Fête du Travail). Plus tard, on comprend qu’elle était en Italie pour enquêter sur ses origines : elle est persuadée d’être la fille de Carmine Falcone, donc la demi-sœur de Sofia et culpabilise d’avoir causé le handicap et la défiguration de celle-ci. C’est ce voyage de plusieurs semaines, où elle fut accompagné du Sphinx, qui est narré dans Catwoman à Rome.

[Histoire]
Selina Kyle envole pour Rome, accompagné du Sphinx qui — elle en est persuadée — pourra l’aider à résoudre le mystère de sa vie et ses origines. Pourtant, à peine arrivés, des signes rappelant la galerie d’ennemis de Gotham City surgissent…

[Critique]
Voilà un voyage en Italie doublement rafraîchissant. Graphiquement d’une part, grâce à ses teintes plus chaudes car ici la colorisation est assuré par Dave Stewart et non Gregory Wright (à l’œuvre sur Nuits d’Halloween et le diptyque culte). On y retrouve moins le style « à plat » conférant une ambiance sombre. La légèreté de l’ensemble est assurée par l’écriture d’autre part, avec quelques situations absurdes amusantes et des dialogues épicés agréables (le caractère de Selina lui forge une vraie personnalité intéressante).

L’objectif de Selina Kyle se devine aisément si l’on a lu Amère Victoire avant, il est donc conseillé de lire Catwoman à Rome entre Un Long Halloween et sa suite. Cela permet de mieux comprendre sa position en retrait le long de l’histoire d’Amère Victoire. Toutefois, même si l’ensemble est sympathique, on est loin d’atteindre la maestria des autres travaux du binôme artistique.

Quelques défauts sont en effet à mettre en avant : le scénario est un peu confus, le duo original (Catwoman et le Sphinx) a du mal à prendre, l’ennemie Cheetah dénote un peu par sa « fantaisie » dans un univers jusque là assez réaliste et tout va très vite (le récit s’étale sur six chapitres, chacun correspondant à une journée). Le traitement de la femme fatale est plutôt juste, même s’il y a un peu trop de poses sexistes/dénudées gratuites (accompagnées d’un humour redondant assez plombant, voire carrément beauf, sur les formes de la belle)…

L’absence du Chevalier Noir est nullement problématique, d’autant qu’il apparaît plusieurs fois sous formes de fantasme, tant l’obsession envers Batman par Catwoman est très présente. Curieusement, on comprend que Selina Kyle a beau sortir avec Bruce Wayne, elle ne réalise pas qu’il est le Dark Knight, qu’elle croise pourtant souvent sous son alias félin (surtout quand on lit les deux volumes annexes).

Néanmoins Catwoman à Rome est un spin-off intéressant (mais pas indispensable) à Un Long Halloween et surtout Amère Victoire, pour illuminer une zone d’ombre durant ce dernier. Dans un premier temps, on s’agaçait de devoir débourser 35€ pour le lire, avec trois autres histoires one-shot sur la Fête des Morts, un prix peut-être un peu trop élevé… Une édition « à part » semblait plus judicieuse et c’est ce qu’a fait Urban Comics en proposant désormais ce titre pour 16€ le 14 janvier 2022.

[À propos]
Publié le chez Urban Comics  le 14 janvier 2022.
Précédemment publié chez Panini Comics.

Scénario : Jeph Loeb
Dessin : Tim Sale
Couleurs : Gregory Wright et Dave Stewart
Traduction : Alex Nikolavitch Racunica / Ed Tourriol / Makma

Acheter sur amazon.fr : Catwoman à Rome

 

Des Ombres dans la Nuit (+ Catwoman à Rome)

Des ombres dans la nuit compile les premiers travaux du célèbre duo Jeph Loeb/Tim Sale rassemblés sous le nom Nuits d’Halloween : Peur, Folie et Fantômes. Trois histoires sur Batman se déroulant durant Halloween (conçues donc avant Un Long Halloween et publiées en France en deux tomes chez Semic en 2004, sous le titre Batman Halloween).

Le dernier travail commun du binôme, Catwoman à Rome, est aussi inclus. Celui-ci se déroule pendant Amère Victoire (et avait déjà été publié aussi en 2006, mais chez Panini Comics cette fois) et peut donc être considéré comme un spin-off. MàJ 11/2021 : Urban Comics le republie en récit complet le 14 janvier 2022.

BATMAN-OMBRES-DANS-LA-NUIT
Des ombres dans la nuit, mis en vente par Urban Comics début 2014, est un bon complément du diptyque culte Un Long Halloween/Amère Victoire mais n’est pas indispensable pour autant. Explications.

Batman Halloween(Les couvertures des deux tomes d’Halloween chez Semic
et celle de Catwoman à Rome chez Panini Comics)

NUITS D’HALLOWEEN

[Histoire(s)]

Peur (trois chapitres)
Batman court après l’Épouvantail durant le week-end d’Halloween. En parallèle, il tombe sous le charme d’une séduisante jeune femme. Cette dernière est trop mystérieuse pour le majordome Alfred qui suspecte quelque chose…

Folie (deux chapitres)
Le Chapelier Fou serait responsable de l’enlèvement de plusieurs fugueurs. Batman enquête en repensant au livre Alice au pays des merveilles que lui lisait sa mère enfant… L’affaire prend une nouvelle tournure lorsque Barbara Gordon est à son tour kidnappée pour jouer le rôle d’Alice dans la reconstitution malsaine que souhaite faire le Chapelier.

Fantômes (un chapitre mais au nombre total de pages quasiment équivalent à Folie)
Lors d’une réception mondaine, Le Pingouin débarque et tire sur Bruce Wayne. Batman s’occupe de le pourchasser… Plus tard, le milliardaire navigue entre cauchemars et réalités, où il croise Poison Ivy et le Joker tout en faisant un retour à… Paris !

 

[Critique]
Les dessins de Peur, les premières immersions de l’esthétique de Tim Sale dans l’univers du Chevalier Noir sont une réussite (et remontent à 1993) ! Colorisés par Gregory Wright et oscillant encore entre son style anguleux et ses jeux d’ombre parfaits avec une touche un peu plus réaliste, les planches sont un régal. En revanche l’histoire de Jeph Loeb, moyennement inspiré, est expéditive et un peu convenue. L’Épouvantail ne fait que réciter des comptines sans réellement dévoiler un aspect dangereux et Bruce Wayne se vautre dans les clichés d’une romance un peu trop facile (qui, rétroactivement, peut expliquer pourquoi il sera si sévère envers Selina/Catwoman par la suite, si on considère ce récit comme étant un préquel à Un Long Halloween et Amère Victoire). Quelques écarts dans la psyché de la peur du justicier sont savoureux mais l’ensemble peine toutefois à réellement convaincre.

Folie est plus abouti, meilleur. Les découpages singuliers et les successions de cases sont mieux travaillés, alternant des pleines pages, des enchaînements atypiques, du noir et blanc, du monochrome, diverses couleurs, etc. rendant donc l’ensemble très dynamique, couplé au récit bien rythmé. Un sans faute ! On peut même situer ce récit peu après les débuts de Batman (à l’instar du précédent) tant la partie Gordon/Barbara épouse bien l’héritage d’Année Un. Malheureusement Folie ne s’étale que sur une petite cinquantaine de pages. Bien trop peu pour explorer davantage le traumatisme de Bruce Wayne puis l’éventuelle de Barbara.

Fantômes apporte une introduction plus poussée à Un Long Halloween et surtout l’occasion de croquer trois autres ennemis emblématiques du Chevalier Noir : Le Pingouin, Poison Ivy et le Joker. Un délice graphique avant tout, un scénario correct mais là aussi trop court. On note aussi une sorte d’incohérence flagrante : Wayne se fait tirer dessus par le Pingouin et est censé être mort mais Batman apparaît quelques instants après… Comment le milliardaire a survécu ? Pourquoi personne n’a vu « son corps » bouger et disparaître ? Pourquoi personne n’évoque cette étrange histoire par la suite ? Ce n’est pas forcément très important mais vu la durée du récit et l’entrée en matière avec cette séquence, il est dommage de ne pas revenir dessus.

Les trois histoires non connectées entre elles forment un ensemble particulièrement appréciable ! On peut les intercaler aisément entre Année Un et Un Long Halloween, une aubaine pour s’insérer dans une chronologie toujours complexe du Chevalier Noir. Néanmoins, aucun des trois récits n’est foncièrement indispensable ou mémorable, on les aime surtout pour leur aspect graphique et pour l’introduction plus ou moins officielle dont ils font preuve du diptyque culte à venir.

Le court récit Nuit après nuit, à nouveau dessiné par Tim Sale mais avec cette fois Kelley Puckett au scénario, conclut l’ouvrage (il est proposé après Catwoman à Rome, cf. critique ci-dessous) — il est aussi dans Batman Black & White. Semic l’avait inclus également dans le premier tome de Halloween, accompagné de Quand Clark rencontre Bruce, de Sale et Loeb (absent, en revanche, de la version d’Urban Comics). Le premier est anecdotique là où le second est assez touchant malgré sa très courte durée (deux planches !) mais touche un point sensible efficacement « quand Clark rencontre Bruce » lorsque tous deux sont enfants.

CATWOMAN A ROME


(Nouvelle couverture d’Urban Comics qui a réédité le titre à part le 14 janvier 2022)

[Contexte — cf. Un Long Halloween et Amère Victoire pour plus de détails — attention aux révélations si vous ne les avez pas lus]
Dans Un Long Halloween, le tueur Holiday sévissait les jours de fête. Il fut identifié et emprisonné. Cette affaire eut plusieurs dénouements tragiques : le procureur Harvey Dent devint le terrible Double-Face, Carmine Falcone (le parrain intouchable de Gotham City) fut tué par Dent, sa fille Sofia se retrouva paralysée suite à une chute et un combat contre Catwoman.

Dans Amère Victoire, Selina Kyle se rend aux funérailles de Carmine Falcone. Parallèlement, son idylle avec Bruce Wayne vacille : ce dernier est froid et distant. Catwoman propose à Sofia Falcone de retrouver le corps de son père, mystérieusement disparu, contre un million de dollars. Son enquête la pousse à demander de l’aide au Sphinx, tétanisé de peur. La féline est ensuite assommée et sauvée in extremis par Batman. La relation ambigüe entre les deux prend fin et Selina/Catwoman disparaît ensuite (chapitre 5).

Elle réapparaît en fin de récit (chapitre 13 — qui aurait dû être inclus dans Des ombres dans la nuit selon le site de l’éditeur mais qui ne l’est finalement pas) où Batman, qui la suspecte d’être « la tueuse au pendu », l’interroge pour savoir pourquoi elle est proche de Sofia et où elle était passée depuis trois mois (elle quitte Gotham pour l’Italie peu après la Saint Valentin et revient en mai pour la Fête du Travail). Plus tard, on comprend qu’elle était en Italie pour enquêter sur ses origines : elle est persuadée d’être la fille de Carmine Falcone, donc la demi-sœur de Sofia et culpabilise d’avoir causé le handicap et la défiguration de celle-ci. C’est ce voyage de plusieurs semaines, où elle fut accompagné du Sphinx, qui est narré dans Catwoman à Rome.

[Histoire]
Selina Kyle envole pour Rome, accompagné du Sphinx qui — elle en est persuadée — pourra l’aider à résoudre le mystère de sa vie et ses origines. Pourtant, à peine arrivés, des signes rappelant la galerie d’ennemis de Gotham City surgissent…

[Critique]
Voilà un voyage en Italie doublement rafraîchissant. Graphiquement d’une part, grâce à ses teintes plus chaudes car ici la colorisation est assuré par Dave Stewart et non Gregory Wright (à l’œuvre sur Nuits d’Halloween et le diptyque culte). On y retrouve moins le style « à plat » conférant une ambiance sombre. La légèreté de l’ensemble est assurée par l’écriture d’autre part, avec quelques situations absurdes amusantes et des dialogues épicés agréables (le caractère de Selina lui forge une vraie personnalité intéressante).

L’objectif de Selina Kyle se devine aisément si l’on a lu Amère Victoire avant, il est donc conseillé de lire Catwoman à Rome entre Un Long Halloween et sa suite. Cela permet de mieux comprendre sa position en retrait le long de l’histoire d’Amère Victoire. Toutefois, même si l’ensemble est sympathique, on est loin d’atteindre la maestria des autres travaux du binôme artistique.

Quelques défauts sont en effet à mettre en avant : le scénario est un peu confus, le duo original (Catwoman et le Sphinx) a du mal à prendre, l’ennemie Cheetah dénote un peu par sa « fantaisie » dans un univers jusque là assez réaliste et tout va très vite (le récit s’étale sur six chapitres, chacun correspondant à une journée). Le traitement de la femme fatale est plutôt juste, même s’il y a un peu trop de poses sexistes/dénudées gratuites (accompagnées d’un humour redondant assez plombant, voire carrément beauf, sur les formes de la belle)…

L’absence du Chevalier Noir est nullement problématique, d’autant qu’il apparaît plusieurs fois sous formes de fantasme, tant l’obsession envers Batman par Catwoman est très présente. Curieusement, on comprend que Selina Kyle a beau sortir avec Bruce Wayne, elle ne réalise pas qu’il est le Dark Knight, qu’elle croise pourtant souvent sous son alias félin (surtout quand on lit les deux volumes annexes).

Néanmoins Catwoman à Rome est un spin-off intéressant (mais pas indispensable) à Un Long Halloween et surtout Amère Victoire, pour illuminer une zone d’ombre durant ce dernier. De là à débourser 35€ pour le lire, avec trois autres histoires one-shot sur la Fête des Morts, c’est peut-être un peu trop élevé… Une édition « à part » aurait été plus judicieuse pour scinder les deux segments (Nuits d’Halloween et Catwoman à Rome donc) qui n’ont pas de liens entre eux. L’ancienne version de Panini Comics était vendue à 13€, prix tout à fait correct. En revanche, et c’est une coutume chez cet éditeur, surtout quand il s’occupait de DC Comics, aucune contextualisation ! Ni en introduction ni dans les biographies des auteurs, il n’était absolument pas expliqué l’enjeu ni l’histoire parallèle, un comble.

[Conclusion de l’ensemble]
Des ombres dans la nuit est un très bon comic sur Batman puis Catwoman, indéniablement. Néanmoins il n’est pas aussi indispensable qu’on pourrait le croire (il est souvent qualifié de troisième tome incontournable après Un Long Halloween et Amère Victoire, il n’en est rien). L’ouvrage aurait gagné à être publié en deux tomes complètement distincts : un spécialement sur Halloween, un autre sur Catwoman. Le fait « d’imposer » les deux dans un ouvrage assez onéreux (même si séparés cela revenu à un prix similaire) est un peu dommage, d’autant qu’ils ne sont liés entre eux que par l’équipe artistique et non par la narration (on pourrait même les qualifier de Tome 0 puis de Tome 3 pour correspondre à l’ensemble des aventures conçues par Sale/Loeb — mais comme vu, aucun des deux n’est vraiment incontournable). La logique du marché est toutefois très compréhensible…

L’ensemble se connecte habilement aux origines retravaillées par Frank Miller dans Année Un et se situe donc assez rapidement dans la chronologie des titres à lire. Une galerie de couverture et de croquis ferment l’ouvrage.


[À propos]
Publié le chez Urban Comics  le 10 janvier 2014.
Précédemment publié chez Semic et Panini Comics.

Scénario : Jeph Loeb
Dessin : Tim Sale
Couleurs : Gregory Wright et Dave Stewart
Traduction : Alex Nikolavitch Racunica / Ed Tourriol / Makma (pour Semic)
Première publication originale en 1994, 1995 et 1996 dans Batman: Legends of the Dark Knight Halloween Specials

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