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Infinite Crisis – Tome 05 : Crise infinie

Cette fois, c’est la fin ! Après un premier tome introductif très efficace (Le projet O.M.A.C.), les deux suivants – plus inégaux – qui se composaient de nouvelles séries spécifiquement conçues pour la saga (Unis pour le pire et Jour de vengeance) et le quatrième qui proposait enfin la première partie de la « crise infinie » (Les survivants), Infinite Crisis arrive à sa conclusion dans un cinquième tome qui vient rabattre les cartes de l’univers DC ! Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Superboy-Prime et Alexander Luthor, les derniers survivants de la précédente Crise cosmique sont bien décidés à ressusciter leurs Terres détruites durant cet événement. Luthor lance ainsi la Société Secrète à l’assaut de Metropolis, tandis que les deux Superman s’affrontent entre différentes dimensions. Au terme de ce combat, un nouveau Multivers pourra-t-il renaître ?

[Critique]
Comme les tomes précédents, celui-ci se compose de plusieurs segments distincts. La suite est fin de la série Crise infinie bien sûr (trois chapitres entremêlés entre les autres histoires) mais aussi les conclusions de La guerre Rann-Thanagar et Unis pour le pire (tous deux entamés dans le deuxième tome), Le projet O.M.A.C. (dans le premier) et Voici ta vie, Superman, évidemment centré sur l’homme d’acier (composé de trois épisodes : Superman #226, Action Comics #836 et Adventures of Superman #649).

A l’instar du quatrième et solide volet, ce cinquième se lit globalement bien avec une certaine cohérence. En effet, les chapitres sont disposés de façon à être à peu près dans l’ordre chronologique mais cela casse une certaine immersion, notamment pour la série éponyme (Crise infinie / Infinite Crisis). Par ailleurs, il faut se rappeler des deux premiers tomes pour renouer avec leurs « suites et fins » ici mais si on a lu toute la saga dans l’ordre en quelques jours ou semaines, alors aucun problème.

Difficile de résumer donc le début de cet ultime opus qui regroupe les conclusions de quatre (voire cinq) fictions ! On débute avec la fin de La guerre Rann-Thanagar, probablement la partie la moins passionnante de l’ensemble mais contenant de belles propositions graphiques cosmiques. Le titre accélère véritablement ensuite avec le cinquième épisode de Crise infinie où l’on suit le Superman de Terre-2 qui assiste impuissant à la mort de Lois Lane avant de tomber fou de rage et de s’en prendre, entre autres, au Superman de Terre-1 (planète où se déroule l’entièreté de l’action de la saga). En parallèle, le Luthor rescapé de Crisis on Infinite Earths rétablit le multivers et d’autres mondes, afin de créer la « Terre parfaite » (en voulant tamiser chaque Terre pour récupérer chaque « bonnes parties » et tout fusionner en une unique Terre idyllique).

La narration (toujours de Geoff Johns) est – à ce stade – relativement dense, complexe, folle et passionnante ! Mais le fil rouge du récit (de ladite crise infinie) est alors un peu mise de côté pour faire place au long passage sur Superman, qui sonne comme un honneur au kryptonien, avec une armée d’artistes étalée sur trois épisodes (dont Joe Kelly et Jeph Loeb au scénario et notamment Jerry Ordway, Tim Sale, Lee Bermejo, Phil Jimenez, Ian Churchill et Ed McGuiness… aux dessins). Les amoureux de Superman seront probablement aux anges, profitant d’une narration différente mais aussi de différents hommages visuels (cf. images en fin de critique).

En suivant à la fois la vie de Superman mais aussi l’évolution de l’être humain au sens large (incluant une pleine planche devant le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau), l’on saisit mieux la dualité entre la noirceur du modernisme des super-héros et l’ancien âge (plus lumineux) des ères DC Comics. Un sujet fleuve qui parsème Infinite Crisis et déjà entamé dans Crise d’identité d’une certaine manière (auquel on trouve quelques nouveaux échos dans le livre). De la même manière, la longue introduction consacrée à Power Girl dans le tome précédent se connecte un peu plus ici (mais on peut déplorer avoir pris autant de temps avant (et de place) pour, in fine, pas grand chose).

Après cette semi-parenthèse, la crise reprend (Infinite Crisis #6) et on assiste un véritable maelstrom des figures de DC, effectuant de la figuration pour la majorité. L’intrigue se recentre sur les deux Superman, la Trinité mais aussi le nouveau Blue Beetle, unique entité à réussir à voir le fameux satellite l’Œil et les derniers OMAC. Si c’est assez bavard et un peu confus (des milliers de Terre sont montrées subrepticement), on en prend plein les yeux à tous points de vue. Ça fuse de partout en action (dans l’espace notamment) avec plein de couleurs différentes – pas de doute, nous sommes en pleine lecture d’un comic book ! Les dessins de Phil Jimenez, Jerry Ordway et George Pérez sont incroyables (accompagnés d’Ivan Reis et Joe Bennett sur les autres chapitres).

Ensuite, nouvelle « pause » dans l’histoire puisqu’on retrouve Sasha Bordeaux (en OMAC) pour découvrir ce qu’elle devient depuis le premier volet, pile au moment où elle se connecte au titre principal. Idem pour Unis pour le pire où on renoue avec quelques Secret Six mais surtout avec Oracle (Barbara Gordon) et… le Limier Martien ! Une association efficace pour un épisode plus palpitant que le précédent mais qui garde un goût d’inachevé.

Enfin, l’ultime épisode d’Infinite Crisis (#7) explose tout sur son passage. La confrontation entre les Superman (face notamment à Superboy), la fin de Luthor (assez surprenante – avec l’intervention d’un personnage DC extrêmement populaire qui était cantonné à un curieux absentéisme jusqu’à ce moment fatidique) et… un départ de la Trinité pour se ressourcer. Bizarrement, le retour d’autres Terres est à peine évoquée (il a eu lieu en amont) et on se concentre sur le bien fondé et l’humanité de Superman, Wonder Woman et Batman, tous trois croqués en civil pour l’occasion. Tous décidant de prendre une année de repos pour réfléchir à une nouvelle méthode pour agir, déconstruire leur propre vision de la justice, etc. Ce qui donnera lieu à plusieurs séries dont la 52 (que s’est-il passé durant une année d’absence de la Trinité ?).

Voici pour les résumés de ce cinquième volume, assez inégal. Si les conclusions de chaque arc sont les bienvenues, elles sont parfois expéditives voire frustrantes (on veut – encore – la suite de ce qui se déroule pour certains protagonistes ; à découvrir justement dans de nouvelles séries, Secret Six déjà évoquée mais aussi Checkmate par exemple ou encore One Year Later). Surtout : elles cassent le rythme effréné de la série principale, nettement plus soutenue et aboutie, mémorable et impressionnante ! Difficile d’en vouloir à l’éditeur qui a ainsi imprimé une saga complète et dans un ordre de lecture idéale, au détriment donc d’une immersion plus soignée.

Ce qui ressort de l’ensemble est malgré tout relativement positif : toutes les pièces du puzzle se sont assemblées, rien a été mis de côté. Les multiples menaces se croisent et donnent du fil à retordre à nos héros, principalement la force brute de Superboy couplé au génie de Luthor et sa reformation des Terres. On assiste à la fois à la fin d’une ère (et son lot de tragédie) et on nous en esquisse les contours alléchants d’une nouvelle (recouvrer une « dignité » (envers le peuple ? le lecteur ?)). Le scénariste Geoff Johns a signé un récit fort, mature et intelligent, consolidé par les autres architectes de l’évènement. Du reste des crédits d’ailleurs (pour ce tome) on retrouve les mêmes équipes que précédemment pour chaque conclusion des mini-séries évoquées (Dave Gibbons, Greg Rucka et Gail Simone donc côté écriture).

Graphiquement, l’ensemble n’est pas forcément homogène mais la série principale, comme évoqué plus haut, est magistrale. Entre moments iconiques et lisibilité exemplaire des (nombreuses) séquences d’action, on retient aussi quelques parties bien sanglantes (Black Adam qui défonce littéralement la tête du Psycho Pirate, Superboy-Prime qui se bat contre les deux autres Superman…). Une conclusion épique, aussi bien au sens figuré que littéral !

Ce cinquième et dernier tome d’Infinite Crisis conclut brillamment une épopée qui a su habilement jongler entre les points de vue, fausses pistes et enjeux (d’une guerre spatiale aux conflits humains en passant par une bataille entre intelligence artificielle et magie pure). En brassant la plupart des genre avec brio, cette saga (incontournable à l’époque en 2005 et toujours aujourd’hui) a révolutionné une fois de plus la mythologie de DC Comics. Plus accessible que Crisis on Infinite Earths, à laquelle elle est mécaniquement reliée (ainsi qu’à Crise d’identité), Infinite Crisis passe mieux l’épreuve du temps que son illustre aînée de 1985. Plus touchante et émouvante également, chose rare dans l’industrie.

[Conclusion de l’ensemble]
Infinite Crisis vaut-il le coup ? Indéniablement oui. Certes il y a des épisodes de trop (ceux sur Superman notamment – évidemment les férus de l’Hommes d’acier seront servis et en profiteront davantage) ou encore des séries annexes inégales et mal exploitées, mais c’est un véritable plaisir de lecteur que d’avancer pas à pas dans l’énorme échiquier que représente le jeu de piste de Johns et ses compères. Si cela démarre fort (premier tome) puis accuse une petite baisse de régime (les deux volumes suivants), c’est pour mieux redémarrer et cracher son potentiel ensuite (les deux derniers volets).

Les multiples visions confèrent une approche singulière très plaisante. Si l’œuvre – on l’a dit – a révolutionné en son temps DC Comics, l’impact fut moins « spectaculaire » (toutes proportions gardées). Les morts ne durent jamais très longtemps et de nouvelles crises remettent tout à plat (Final Crisis suivra très rapidement en 2009 puis Flashpoint en 2011). Ce n’est pas tant le destin tragique de certains protagonistes (beaucoup de seconds couteaux à de rares exceptions) mais plutôt le statu quo de la Trinité, le « nouveau départ » et surtout le retour des Terres parallèles et du multivers (fièrement annoncé sur chaque frise chronologique de l’éditeur) qui ajoutent un marqueur résolument majeur et impactant.

La saga fourmille de références mais reste accessible – c’est sa grande force, à l’inverse de Crisis on Infinite Earths (qu’elle cite abondamment dans ses deux derniers volets). Ainsi, on retrouve souvent mentionné le sort de Green Lantern/Hal Jordan – quand il était Parallax notamment, cf. Crise temporelle –, le Corps des Green Lantern illumine d’ailleurs la conclusion de multiples façons, on voit aussi les conséquences de la déconstruction de la Justice League dans Crise d’identité (notamment dans Crise de conscience, au cœur du troisième tome d’Infinite Crisis), enfin la mort de Superman et l’ascension à la présidence de Lex Luthor sont aussi régulièrement évoquées. En somme, la plupart des titres importants publiés chez DC dans les années 1990 et le début des années 2000 trouvent une sorte d’aboutissement dans cette crise infinie, poussant le lecteur à s’interroger sur la noirceur et le degré de complexité atteint chez ses héros favoris. Certains diront que c’est le début de la fin, d’autres une audace et une voie novatrice et agréable.

Côté Batman, ce dernier joue un rôle prononcé dans Infinite Crisis, notamment au début (le projet O.M.A.C., c’est lui indirectement), au milieu (au sommet de sa paranoïa et colère face à ses collègues qui l’ont trahi et manipulé – cf. les conséquences de Crise d’identité) et à la fin (le combat contre l’Œil, le soutien à Nightwing, etc.). C’est donc encore plus plaisant de suivre cette saga aussi bien quand on est fan de DC Comics que de Batman (contrairement à Crisis on Infinite Earths où le Chevalier Noir était quasiment absent). L’investissement économique est conséquent (un peu moins de 150 €) mais le jeu en vaut la chandelle. Néanmoins, si vous souhaitez surtout lire l’évènement principal (ou que vous n’êtes pas complétistes), alors les tomes quatre et cinq peuvent suffire. Le premier et, surtout, le troisième restent appréciables pour avoir la suite directe de Crise d’identité. En somme, le second volet est le plus « passable ».

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 1er avril 2016.
Contient : Infinite Crisis #5-7 + Rann-Thanagar War Special + OMAC Project Special + Villains United Special + Superman #226 + Action Comics #638 + Adventures of Superman #649

Scénario : Geoff Johns, Dave Gibbons, Joe Kelly, Greg Rucka, Gail Simone, Jeph Loeb
Dessin : collectif (voir critique)
Encrage : collectif
Couleur : collectif

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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