Suicide Squad (2016)

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(Attention, même si le résumé du film ne dévoile pas toute l’intrigue (mais une petite partie tout de même),
il est nécessaire d’avoir vu Batman V Superman pour ne pas lire des révélations sur la fin de ce dernier.
La critique de Suicide Squad révèle quelques éléments du scénario.
)

suicide squad

Sortie du film le 03 août 2016

[Histoire]
Après la mort de Superman, le gouvernement souhaite avoir une « arme » aussi puissante que l’Homme d’Acier, mais contrôlable cette fois-ci, pour éradiquer d’éventuelles futures menaces. Amanda Waller travaille justement sur la composition d’un escadron suicide : la Task Force X. Elle regroupe des criminels, des fous et des métahumains, tous emprisonnés et potentiellement « sacrifiables » (ces pertes humaines ne seraient pas très graves). Pour forcer les membres à travailler pour Waller, des puces électroniques sont injectées dans leur cou : elles exploseront si son propriétaire se détourne de l’objectif. La puissante femme fait aussi appel au militaire Rick Flag pour diriger cette équipe atypique.

Celle-ci se compose de Deadshot, tueur à gages très efficace, qui négocie un avenir studieux et à l’abri pour sa fille (qu’il souhaite voir plus que tout, chose impossible tant qu’il est en prison) en intégrant la Suicide Squad, dont il deviendra le leader. À ses côtés : Harley Quinn, la folle-dingue amoureuse du Joker, très douée en combat à mains nues, El Diablo, un homme maniant le feu mais le vivant comme une malédiction, Killer Croc, grosse brute d’écailles ressemblant à un crocodile (en vrai, une maladie de peau rarissime), Slipknot, habile grimpeur, et enfin Captain Boomerang, voleur érudit porté sur l’alcool et armé de boomerangs tranchants !

Flag doit composer avec ces personnages peu fréquentables tout en étant liée à sa compagne, le docteur Juna Moon. Celle-ci est envoûtée par une sorcière, L’Enchanteresse, capable d’éradiquer toute vie humaine instantanément. Mais, une fois encore, cet alter-ego maléfique est manipulable grâce à son cœur biologique, retenue dans une mallette par Amanda Waller et qui n’hésitera pas à le broyer si besoin.

/!\ Légères révélations ci-après /!\

L’Enchanteresse arrive à « s’échapper » et à réveiller « son frère démoniaque ». Comme les humains ne les vénèrent plus, tous deux veulent détruire l’humanité.

La samouraï Katana, avec son sabre qui emprisonne l’âme de ses victimes (dont celle de son mari), escorte personnellement Rick Flag pour sa première mission à la tête du « skwad ». Le commando doit aller secourir une mystérieuse personne dans Midwest City, à la demande d’Amanda Waller, tout en luttant contre l’armée de L’Enchanteresse et son frère. De leurs côtés, chaque membre de la Suicide Squad voit une potentielle clé de sortie pour s’affranchir de ce travail forcé. Dans l’ombre, le Joker lorgne aussi sur sa promise et va tenter de la retrouver.

 Suicide Squad 01

[Critique]
Suicide Squad est la suite quasiment directe de Batman V Superman, qui continue d’établir l’univers partagé de DC Comics au cinéma. Le film réussit à se suffire à lui-même, pas besoin d’avoir vu les précédents donc, tout en s’incrustant comme un bon complément. Hélas, ce long-métrage de David Ayer (Fury) souffre de plusieurs défauts mais assure un divertissement honorable (selon son degré d’exigence, de connaisseurs de l’univers originel ou non). Explications.

Première chose frappante dans Suicide Squad : l’inégalité totale entre les membres, aussi bien en temps de présence à l’écran, qu’en développement psychologiques et même de leurs pouvoirs respectifs. Si la longue introduction s’attarde davantage sur certains d’entre eux (Deadshot et Harley Quinn en tête), d’autres sont carrément absents (Slipknot) ou bien à peine esquissés (Captain Boomerang, Killer Croc, Katana). Ce déséquilibre se poursuivra jusqu’à la fin, avec El Diablo, L’Enchanteresse et Rick Flag récupérant un peu d’épaisseur de temps à autre. Ces débuts, aux allures clipesques (succession de saynètes sans réelle fluidité ni compréhension) et à grand renfort de musique pour sonner « cool » sont finalement très similaires aux bandes-annonces. Si on ne les avait pas vues, il faut reconnaître un style rythmique très efficace sur la forme, mais douteux sur le fond tant il ne permet pas de se familiariser avec chaque protagoniste (excepté donc Deadshot et Harley Quinn, interprétés par un Will Smith convaincant, même si le trait trop « humain et empathique » du personnage dénote avec le reste du cast, et par Margot Robbie, impeccable et parfaite vision de la muse du Joker).

« Un sacré fourre-tout déséquilibré »

C’est là l’un des problèmes récurrent du film : on peine à s’attacher réellement à tout le monde, faute d’avoir assez de temps pour les connaître et, surtout, leur esprit d’équipe (voire de « nouvelle famille » !) ne paraît pas crédible. Dans une univers déjà bien complexe à affirmer comme étant plausible (le côté über réaliste d’un Batman face à un « alien » Superman avait réussi ce tour de force), le mélange des genres (créatures, hommes, fous, métahumains, démons…) entraîne un sacré fourre-tout déséquilibré. La menace qui pèse est confuse (une sorcière qui veut anéantir le monde ?), l’autre réel « ennemi » peu convaincant et la bouillie numérique d’effets spéciaux (principalement ceux autour de L’Enchanteresse et son frère justement) n’aide pas non plus. On a aussi du mal à comprendre pourquoi un homme manipulant le feu est au même « niveau » qu’une folle se battant avec une batte de base-ball. Ils sont dangereux tous les deux, certes, mais pas du tout au même degré d’intensité ni de force comparable.

SUICIDE SQUAD

Pourtant, il y a quelque chose d’agréable et qui fonctionne dans ce qui s’apparente à un mix de jeux vidéo et de comics. Au-delà du plaisir de voir des personnages de papier prendre vie sur écran, on se plaît à suivre la team durant une longue nuit, à enchaîner les combats, puis le « boss final », à sourire (ou rire) devant quelques dialogues, mais également au plaisir (de fan boy peut-être) de découvrir une nouvelle version du Joker (gangsta bling-bling tatoué passionnel et follement violent). Porté par un puissant et magnétique Jared Leto, l’acteur vole la vedette aux autres personnages dès qu’il apparaît. Par chance, on le voit peu, dix minutes tout au plus (dans des scènes mal incorporées mais peu importe), dans un axe narratif en marge de celui, très linéaire et prévisible, de l’escadron suicidaire. Quelques savoureux flashs-backs s’attardent sur Harleen Quinzel et lui-même, avant que sa compagne ne sombre à jamais dans la folie (dont il sera le principal responsable, à coups d’électrochocs et de plongée dans une cuve d’acide). À ce titre, Harley Quinn est présentée comme la « co-meurtrière de Robin », un indice de plus pour découvrir leur passé lié au Chevalier Noir. Batman qui apparaît ici plusieurs fois, avec le Joker et Quinn évidemment, mais aussi comme ennemi de Deadshot. Plaisant. Un Deadshot qui s’avère finalement très humain et dont se rapproche assez facilement le spectateur (davantage à lui qu’à Rick Flag, censé être « le bon » voire le « gentil » héros mais qui manque cruellement de charisme).

Des méchants trop gentils ?

Tout un autre pan délicat de Suicide Squad pose un souci de cohérence sur ce niveau. Les membres de l’équipe ne sont finalement pas si « méchants » que cela, oui ils ont tué ou bien sont « fous », mais on ressent une sorte d’empathie envers certaines de ces personnes paumées, détruites et abîmées de l’intérieur. On est dans quelque chose d’assez « convenu » et c’est un peu dommage (surtout après un marketing agressif nous vantant des anti-héros badass depuis plus d’un an) ; il y a juste des « antagonistes » qu’on arrive à comprendre (même si on ne les suit pas moralement parlant). Il est regrettable de ne pas avoir exploité la part d’humanité de certains d’entre eux, comme Killer Croc, ou de les tuer dès leur arrivée « pour l’exemple » (Slipknot). Dommage aussi d’avoir mis trop en retrait Katana et Captain Boomerang. Ce déséquilibre permanent mixé à des protagonistes plus « gentils » que prévu empêche le film d’être véritablement en roue-libre et totalement « politiquement incorrect ».

SUICIDE SQUAD

L’ensemble reste attrayant et fun, à défaut d’être réellement immersif, il y a de bonnes choses, comme les prestations de Will Smith, Margot Robbie et Jared Leto (pour peu qu’on soit adepte de cette version du Joker), d’autres moins bonnes, comme les nombreuses soulignées ci-dessus. Le bilan est quand même positif, même s’il est un peu décevant. Il faut saluer la volonté de se démarquer à la fois du très sérieux Batman V Superman mais aussi de la « concurrence », Marvel donc, en proposant un long-métrage qui garde son univers « sombre » tout en étant un peu plus « cool ». Moins trash que Deadpool, moins fun que Les Gardiens de la Galaxie. Pourtant, la bande-son enchaîne les tubes : Rolling Stones, Queen, Eminem, White Stripes, Kanye West… la sauce prend plus ou moins. On se plaît à imaginer une version longue, moins décousu, en se lâchant totalement (zéro censure ?) et en s’attardant davantage sur chaque protagoniste comme il se doit. Le côté bancal qui oscille entre humour léger et darkness non assumée empêche Suicide Squad d’avoir une réelle identité sur ce niveau.

Côté technique, la mise en scène n’a rien d’original dans ses plans ou sa construction, mais fait le travail quand même, l’action est très présente et filmée correctement (à défaut d’être épique ou d’insuffler une véritable âme et personnalité à l’ensemble). Sauf sur l’affrontement final, au ralenti et dans le brouillard (permettant de masquer un manque de budget ?). Ce sont surtout  les acteurs (le casting principal est solide, l’autre moitié, plus en retrait, nettement moins) et les maquillages/costumes qui assurent la part belle à Suicide Squad. Nul doute que c’est l’une des parties les plus réussies du film. L’OST ne peut que plaire vu la diversité des titres, les compositions instrumentales ne restent pas particulièrement dans les esprits par contre. On évitera aussi la 3D, totalement inutile, et les artifices textuels colorés esthétiquement léchées mais peu utiles, sauf dans la première partie du générique.

Suicide Squad mérite [quand même] d’être vu

Intercaler le film juste après Batman V Superman est une bonne chose, tout comme sa scène épilogue, qui continue de semer les graines de la Justice League. On y découvre d’ailleurs, pour la première fois, une Amanda Waller craintive et non menaçante. C’est peut-être elle le véritable danger du film, très justement interprétée par Viola Davis. La femme est beaucoup plus inquiétante que Deadshot et ses consorts (à l’exception notable du Joker, malgré son côté fou amoureux presque touchant). Rien que pour elle, Suicide Squad mérite d’être vu.

Suicide Squad - Joker

Version Extended Cut.

Un montage du film allongé d’une petite douzaine de minutes est disponible avec la version cinéma depuis la mise en vente en Blu-Ray. Ce nouveau montage ajoute quelques scènes entre les membres de la Suicide Squad (un peu plus de Killer Croc, la fameuse scène du bar de la bande-annonce plus longue) et, surtout, approfondit « un peu » la relation ambigüe entre le Joker et Harley Quinn. S’il est plaisant de revoir Harley lorsqu’elle était encore médecin, cet ajout de scènes du Joker rend le jeu de Leto un peu moins magnétique, plus guignolesque et par conséquent moins bon. Toutes les scènes entre eux ne sont pas incluses, selon la liste (cf. ci-après), ce qui tend à penser qu’une « véritable » longue version n’est pas prête d’être dévoilée…

Dans l’ensemble, Suicide Squad garde le même ton (donc pas assez sombre) et conserve son rythme atypique : une succession de saynètes façon clip dans la première partie (gros défaut) puis un enchaînement de scènes continues dans la seconde (pas de temps mort, plutôt une qualité). Globalement, le film n’apporte pas une nouvelle vision (à l’inverse de Batman V Superman). C’est mieux, mais c’est encore loin d’être idéal.

– articles & liens pertinents –

  • Une bonne analyse de Slate.fr à lire : «Suicide Squad» ou le marketing du cool et du pop jusqu’à l’overdose
    Celle-ci revient (avant la sortie du film) sur les conséquences des critiques de Batman V Superman et comment un film « noir » est passé (dans son marketing tout du moins) à quelque chose de plus « fun, coloré et cool » (même si le rendu final est plutôt entre les deux). L’on s’interroge alors sur l’impact des critiques et leurs conséquences. Si Bat V Sup avait été bien mieux reçu, la Suicide Squad aurait-elle été moins « grand public » ? Fort probable… Les rumeurs de reshoot et de scènes plus humoristiques vont dans ce sens. Dommage.
  • Premiere.fr évoque la même chose :  Montage, coupes et précipitation : un autre Suicide Squad aurait pu voir le jour
    Cela confirme donc les tristes rumeurs et constats effectués après visions du film. Pas assez sombre et sérieux, ni trop cool et trop fun, résultat : un entre-deux bancal (un peu comme la série Gotham, dans une moindre mesure).
  • Le Journal du Geek dresse un historique pour comprendre les problèmes : Suicide Squad s’est planté à cause de sa production chaotique
    L’article cite une interview vidéo de Jared Leto, dans laquelle nous pouvons lire ceci :

– Est-ce qu’il y a une scène qui n’est pas dans le montage final et que vous regrettez ?
– Oh il y a de nombreuses scènes qui ne sont pas dans le montage final. Peut-être qu’on les verra un jour, qui sait ?

– les bandes-annonces officielles –

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