Archives de catégorie : Critique

Batman – The Dark Prince Charming 1/2

L’éditeur Dargaud a proposé le 3 novembre 2017 deux bandes dessinées atypiques sur Batman, une au format franco-belge et une au format japonais (manga). Au lieu de les sortir avec son label de comics Urban Comics (qui publie tous les Batman depuis 2012), elle a préféré viser un plus large public de deux façon. Ainsi, l’éditeur a mis en vente, sous son nom commun « Dargaud« , le premier tome (sur deux) — chroniqué ici — de Batman – The Dark Prince Charming de l’italien Enrico Marini, afin de fidéliser un public plutôt orienté vers la BD européenne. Un autre volume, Batman & the Justice League, est sorti sous forme de bande dessinée japonaise sous le label de mangas de Dargaud : Kana (plus précisément dans la filiale un peu plus « adule » Dark Kana).
Dargaud, Dark Kana et Urban Comics appartiennent au même groupe et ont donc fourni un travail commun de qualité (la typo en couverture du manga et du Marini est strictement la même que celles des ouvrages d’Urban Comics), le tout sous la supervision de DC Comics. Audacieux pour certains, mercantile pour d’autres (trouver un nouveau public, coïncidence avec la sortie du film Justice League, etc.), cette stratégie permet tout de même d’inviter un nouveau lectorat voire de le fédérer. Dans tous les cas c’est positif !
Retour sur le premier tome de la BD de Marini, qui a bénéficié d’une incroyable couverture médiatique.

Batman Marini  Batman Marini Collector

(La couverture de la version classique à gauche, de la version collector limitée à droite.)

[Histoire]
Le Chevalier Noir manque de peu une nouvelle occasion d’arrêter le Joker après un vol de bijoux destinés à Harley Quinn.

Peu après, une jeune femme soutient que Bruce Wayne est le père de sa fille biologique, Alina, âgée d’une petite dizaine d’année. Le milliardaire ayant refusé de payer une pension onéreuse et cette (soi-disant) ex petite-amie a prévenu les médias…

Le Clown du Crime décide alors de kidnapper Alina, 8 ans, et la maintient en vie dans un endroit secret. Batman prend cette affaire très à cœur et, avec l’aide de Gordon, se met farouchement en tête de retrouver l’enfant, quitte à être plus violent que d’habitude.

[Critique]
Une agréable surprise ! Tel est le sentiment après la lecture de cette bande dessinée au format franco-belge (donc moins paginée mais plus grande et plus large). Avec le déferlement médiatique et la grande opération marketing en place au moment de la mise en vente (fin 2017), on pouvait légitimement craindre « trop de bruit pour pas grand chose » alors que le résultat fourmille de bonnes idées. L’histoire demeure simpliste dans un premier temps : un vol de bijoux, le Joker et Harley en roue libre (et relativement drôles et cruels), Batman en réflexion personnelle sur son statut… Du classique certes, mais qui fonctionne bien grâce au découpage particulièrement dynamique de Marini, qui parvient à rendre plus vrai que nature une course-poursuite étonnante, qui n’est pas sans rappeler le film The Dark Knight. Il faut souligner ce rythme et cette vision très « cinématographique » (comme l’annonce Jim Lee en début d’ouvrage) que manie avec brio Marini.

Passé cette (longue) introduction simple mais efficace donc, le récit gagne en maturité lorsque l’idée d’une paternité nouvelle autour de Bruce Wayne survient — les fans connaissent déjà son passif avec Damian Wayne, progéniture issue d’une idylle avec Talia As Ghul dont l’univers de Marini ne semble pas s’encombrer. C’est d’ailleurs une des forces du récit qui capitalise sur un nombre minimum de têtes connues : Bruce Wayne/Batman, Alfred, Gordon, Selina Kyle/Catwoman (avec qui le milliardaire semble en couple et chacun connaît le secret de l’autre), le Joker et Harley Quinn. Killer Croc, Bullock et Montoya sont croisés. Pas de Robin, Nightwing ou autre allié super-héroïque et pas de grande galerie de vilains étoffée. Une bonne chose puisque The Dark Prince Charming peut clairement prétendre à rester dans la postérité des comics, ou plutôt bandes dessinées, cultes sous réserve que son second tome arrive à conclure brillamment son histoire (et avant une hypothétique ressortie en intégrale dans plusieurs années, qui proposerait donc un one-shot non négligeable — les dernières décennies ont prouvé que les récits sur le Chevalier Noir laissant une trace dans la mythologie de Batman sont souvent des volumes uniques).

Quid des graphismes ? Avec une prédominance de tons pastels (exécutés à l’aquarelle visiblement) tirant majoritairement vers le sépia (orange sombre) ainsi que le violet et le bleu (foncé) avec une touche de vert prononcé, l’ensemble se veut à la fois soigné et précis, tout en maintenant cette couche de couleur presque enfantine. Un étrange mélange audacieux et original, qui permet d’apprécier les traits de Marini, artiste qui ne « redéfinit » jamais réellement les silhouettes mythiques de l’univers de Batman (à l’exception honorable, peut-être, du couple criminel composé du Joker et de Harley). Ce n’est pas un défaut, bien au contraire, puisque ça permet d’ajouter une touche intemporelle là où sa touche personnelle provient principalement de sa mise en couleur, qu’on évoquait plus haut et qui donne une belle identité graphique à ce livre. L’avantage des hautes planches permet d’apprécier des décors plus flamboyants et vertigineux, plus cinématographique aussi (comme déjà précisé). Les plans de Gotham et l’aspect très urbain sont particulièrement réussis. Reste ce résultat peut-être un poil frustrant d’un encrage peu accentué, sans doute par habitude en comparaison des productions américaines.

Enrico Marini est un Italien connu pour ses œuvres Le Scorpion et Les Aigles de Rome. Sous l’égide de Jim Lee et Jim Chadwick de DC Comics, il a eu carte blanche pour proposer sa version de l’homme chauve-souris. En résulte donc cet ouvrage hybride, mi comic-book, mi bande dessinée européenne plus convenue. Pour autant, The Dark Prince Charming est (déjà) une valeur sûre justement grâce à son approche graphique originale, colorée et léchée et son scénario pour l’instant haletant. Deux versions ont été publiées pour l’occasion, une classique contenant un petit cahier graphique à la fin, et une limitée arborant une couverture différente et un autre cahier graphique, nettement plus fourni (proposant crayonnés, brouillons en noir et blanc et d’autres en couleurs) mais ne reprenant pas l’intégralité de l’autre version plus commune (étonnamment). Les complétistes devront (sans doute) attendre une version ultime rassemblant tous ces bonus et, idéalement, incluant le second tome.

[À propos]

Publié en France chez Dargaud le 3 novembre 2017 (le 1er décembre 2017 pour l’édition limitée)

Scénario & dessins : Enrico Marini

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Eric Montésinos

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Gotham – Saison 04 : A Dark Knight (Seconde partie)

Page récapitulative de la série Gotham.

Après une première partie de saison en demi-teinte (toujours les mêmes défauts inhérents au show, qui oscille en qualité en alternant d’excellentes choses et d’autres catastrophiques), que vaut cette seconde partie, constituée elle aussi de 11 épisodes ? Elle est nettement meilleure. Explications.

Côté histoire, d’entrée de jeu, la série se focalise sur les personnages qui ont évolué d’une façon ou d’une autre dans les épisodes précédents. Gordon est seul à la tête du GCPD, respecté mais sans Bullock, retourné dans son bar. Alfred vit en solitaire dans les Narrows, fief où Lee Thompkins et Ed Nygma, plus ou moins associés, essaient de relever le niveau de vie des plus démunis. Bruce Wayne est toujours en pleine puberté et s’amuse en fréquentant des boîtes de nuit… Les menaces grandissantes sont doubles : Poison Ivy qui mute pour la seconde fois et atteint donc une troisième forme, et donc troisième interprète (!),Peyton List, plutôt convaincante — elle est plus dangereuse et intéressante — et, surtout, le retour de Jerome qui s’allie au Pingouin à Arkham. Le « proto-Joker » veut monter son armée pour semer le chaos dans Gotham…

Attention, ce qui suit révèle des évènements de la série.

La série se permet de clore quelques arcs narratifs avant de redistribuer les cartes pour rassembler les personnages par petits groupes. Bruce, Alfred et Selina sont souvent ensemble et plutôt en retrait par rapport à Jim Gordon & Harvey Bullock (reformant un duo de choc). Les flics, avec l’assistance du GCPD et de Lucius Fox, affrontent donc Jerome Valeska qui s’est constituée une légion des horreurs en s’entourant du Chapelier Fou, de l’Épouvantail, de Mister Freeze, de Firefly, le Pingouin et Butch (et brièvement l’Homme-Mystère). Sans surprise c’est clairement la partie narrative la plus puissante du show qui évoluera d’une façon étrange et originale (mais un peu facile d’un point de vue scénaristique — on y reviendra plus tard). Le duo Ed Nygma/Lee Thompkins a du mal a fonctionné mais il reste relativement correct (et là aussi un peu « indépendant » de toutes les autres histoires de ces nouveaux épisodes). Poison Ivy est désormais réussie mais ne s’attarde finalement pas plus que ça durant cette seconde moitié de saison, c’est (un peu) dommage — son histoire était liée au puits de Lazare pour la rattacher à Ra’s Al Ghul de très loin. Le gros point noir du récit se situe une fois de plus principalement en la personne de Barbara (toujours en binôme avec Tabitha) qui est choisie pour prendre, justement, la relève de Ra’s Al Ghul (qui reviendra à la vie à nouveau, ce qui était über prévisible) et devenir… la tête du Démon et donc la chef de la Légion des Ombres. Il n’y a strictement aucune cohérence dans ce choix, justifiée par la volonté de Ghul lui-même pour lui succéder (sic). La ligue de Barbara est 100% féminine et ridicule. Il est incompréhensible, arrivé à ce stade de la série, que ce personnage conserve autant d’importance et soit encore plus mis en avant !

Mais si on balaie cet aspect, qui s’insère à peu près avec toutes les autres arcs, on a quand même une moitié de saison passionnante. À partir de l’épisode 16, le rythme s’accélère et tout s’enchaîne à très bonne vitesse pour terminer sur une conclusion épique, promettant le meilleur pour la cinquième saison (qui sera la dernière de la série — voir fin d’article). Comme évoqué, c’est lorsque Jerome entre en scène que Gotham excelle, ce « proto Joker » est à mi-chemin entre le jeu de Nicholson et Ledger (dans les films Batman de Tim Burton, sorti en 1989, et The Dark Knight, de Christopher Nolan, sorti en 2008). Complètement fou et anarchiste, il entraîne toute une galerie de vilains qui gagnent en consistance en agissant en équipe plutôt que lorsqu’un épisode est focalisé sur certains d’entre eux. Mais ce clown atypique n’est PAS le Joker, dont la relève est assurée par… Jeremiah, le frère jumeau de Jerome, sorti de nulle part, jeune ingénieur pour Wayne Enterprises et architecte pour le père de Bruce ! C’est un peu grossier mais le traitement de ce nouvel antagoniste est plutôt bon donc on ferme les yeux sur cette pirouette scénaristique. Cela créé tout de même une certaine incohérence niveau temporalité. Bruce fête ses 15 ans dans cette saison. On apprend que Jeremiah a créé son propre labyrinthe souterrain durant 3 ans, que ça fait 15 ans que son frère Jerome veut se venger de lui depuis qu’il est parti du cirque familial, donc on mise sur un âge approximatif de 25 ans. Cela veut dire qu’il a été ingénieur et en relation avec Thomas Wayne à ses 18/20 ans et qu’il a même assisté à la création d’un building tout en créant son propre repaire secret ensuite, un peu fort…

L’intérêt de ce nouveau personnage est double puisqu’au delà d’être un ennemi particulièrement puissant (qui s’alliera même avec Ra’s Al Ghul sur la fin), on nous montre un « nouveau Joker ». Mais attention, celui-ci ne rigole pas vraiment voire pas du tout. Il est malin, calculateur, froid et très intelligent. On est loin de l’anarchisme et la folie qui régnait chez son frère jumeau (définitivement mort cette fois). Cette approche rappelle, forcément, la majeure partie du Joker de Nolan (à nouveau dans The Dark Knight). On y retrouve aussi des références à certains comics (de Killing Joke pour le Joker à No Man’s Land pour la situation finale). Il faut saluer le travail des showrunners et scénaristes qui, même si c’est tiré par les cheveux, ont réussi à renouveler le mythe du Clown du Crime en en proposant deux paradoxalement proches et similaires. Peut-être ont-ils puisé leur source dans les évènements récents des bandes dessinés expliquant qu’il y a eu en réalité trois Joker et non un seul ? Ça tombe bien, les auteurs ont expliqué que Jeremiah n’était toujours pas le « vrai » Joker et que ce dernier, s’il apparaît (en saison 5 donc) se nourrira des héritages des deux premiers. Compliqué ? Un peu oui, d’autant que l’interprète de Jerome et Jeremiah, Cameron Monaghan, a révélé sur Twitter en mai 2018 que Warner Bros (qui co-produit la série) a formellement interdit la nomination « Joker » dans Gotham, ainsi que ses cheveux teints en verts ! Un comble pour le show qui ne se privent pas pour la plupart des autres personnages. Le but étant de réserver au cinéma ce nom et ce look, ridicule…

Il est probable que Jeremiah revienne en saison 5, qui contiendra 13 épisodes et sera la dernière de la série puisque la saison 4 se termine par un no man’s land (titre de l’épisode) avec les ponts détruits pour sortir de Gotham (comme dans The Dark Knight Rises, lui aussi avait puisé dans la saga No Man’s Land pour cet aspect particulier qui piège la ville et ses habitants). Chaque ennemi s’approprie donc une zone et la guerre va pouvoir commencer… Cette cinquième saison mettra en avant Man Bat et le Ventriloque et pourrait débuter par une ellipse pour voir Batman (auront-ils le droit de mentionner son nom à lui aussi) ? Légitiment, on peut craindre les mêmes problèmes inhérents au show : le casting en demi-teinte pour quelques personnages principaux (Wayne, Gordon, Barbara…), des effets spéciaux pas toujours à la haute (la saison 4 excelle en la matière pour proposer d’excellentes choses et d’autres risibles), etc.

D’un point de vue anecdotique, cette saison 4 poursuit quelques belles lancées, notamment sur la différence entre la folie et la « criminalité classique », notamment le Pingouin qui se dresse contre Jerome par exemple. On apprécie aussi retrouver le trouble de la personnalité de Nygma, chose plutôt inédite (ou mal écrite) dans les comics et qui permet d’avoir un équivalent de Double-Face intéressant. Une première « Batmobile » est aussi montrée, ainsi qu’une Harley Quinn créditée au nom de « Mummer », c’est à dire le mime (campée par Ecco, l’assistante de Jeremiah), résolument différente de ce qu’on connaît. Quelques éléments pénibles sont à déplorer comme une énième attaque du commissariat, des discussions sur l’intégrité de la police entre Gordon et Bullock qui raccrochent puis reviennent sans cesse, etc. MAIS globalement cette quatrième saison se tient, à nouveau grâce à ses ennemis brillamment mis en avant, à savoir : Sofia Falcone, le Professeur Pyg, Poison Ivy puis Jerome et Jeremiah Valeska, avec toute la galerie de vilains rencontrés depuis le début de la série gravitant autour d’eux, mention spéciale pour L’Épouvantail.

Pour dresser une analyse globale de la série et un classement des éléments réussis et ratés de Gotham, un long article a été publié ainsi que la mise à jour des préférences de saisons.

Gotham – Saison 04 : A Dark Knight (Première partie)

Page récapitulative de la série Gotham.

Retour à une première partie de saison constituée de la moitié de son totale, soit 11 épisodes. Cette fois-ci, pas de titre pour cette partie mais pour la saison en entier : A Dark KnightUn Chevalier Noir »). Cela laisse imaginer une volonté de plus en plus forte de dévoiler Batman relativement tôt… Que vaut cette première partie de saison 4 ? Critique.

Le Pingouin distribue des licences « d’autorisation de racket et extorsion » validées par le maire et le commissaire (un inconnu plus haut placé que Bullock). Cet accord spécial — la Pax Penguina — est décrété en remerciement de la ville pour l’aide fournie par le Pingouin de se débarrasser de la Pègre trois mois plus tôt (fin de saison 3 donc). Évidemment, Gordon ne l’entend pas de cette oreille… Quant à Bruce Wayne, il débute des missions de justicier, se sentant responsable de la libération du virus sur Gotham d’une part, et pensant pouvoir faire « la différence » pour rendre la métropole plus sûre d’autre part. Un « proto-Batman » malheureusement guère convaincant pour ses brefs débuts (on y revient plus tard).

Côté histoire, la Pax Penguina sert de fil rouge à cette première salve d’épisodes et permet de proposer la fille de Falcone, Sofia (parfaite Crystal Reed), en nouvelle antagoniste — très réussie, magnétique et maline. Autre venue : le Professeur Pyg en serial killer de flics — une bonne chose également. La recette de la saison 3 est reprise : on se focalise sur un ennemi secondaire et on le développe sur plusieurs épisodes (comme pour le Chapelier Fou la saison précédente donc). Ajoutons un petit retour de Jonathan Crane (le futur Épouvantail) après son passage éclair en première saison (sous l’égide de son paternel surtout) qui s’avère plus convaincant cette fois. La chute de Bullock vers une voie de corruption de plus en plus prononcée et des responsabilités compliquées draine une tension non négligeable. Celle-ci se traduit également avec une rivalité constante face à Gordon, de quoi pimenter leur relation qui était (re)devenue assez simpliste ; appréciable donc. Ce sont là les éléments les plus passionnants de cette nouvelle saison.

Malheureusement, d’autres, plus négatifs, sont à lister… On déplore bien sûr le retour de Barbara, qui était bien décédée mais est revenue d’entre les morts grâce au puits de Lazare de Ra’s Al Ghul, ce dernier voulant en faire sa complice (mais toute son histoire est ratée). C’est donc la troisième façon de revenir à la vie après les expériences de résurrection par des scientifiques (Jerome) ou celles de Strange à Indian Hill (Mooney Fish). Butch est aussi présent ; il n’était pas mort mais bien dans le coma en fin de saison précédente — cette fois c’est un marécage dans lequel étaient déversée des produits toxiques qui le sorte de son sommeil et le transforme en…  Solomon Grundy. Le personnage « zombie » gagne un (tout petit) peu d’intérêt. Sans surprise, le jeu de David Mazouz n’excelle toujours pas, encore moins quand il enfile son masque de proto-Batman — un Dark Knight bien jeune donc, mais cohérent avec ce qu’instaure la série depuis le début. Il y avait pourtant une piste effleurée, quand Bruce Wayne doit jouer le jeune pédant lors d’une vente aux enchères et où l’acteur dévoile davantage d’émotions et d’intérêts. Ce ne fut pas assez creusé pour devenir une norme qualitative, dommage. Sans parler de ses errements en crise d’adolescence avec cuites, sorties en boîte de nuit (sic) — l’occasion de retrouver Tommy Elliott de façon éphémère et énième baston avec Alfred. Le retour de Nygma est également raté. Récupéré par une de ses groupies (!) dans le repaire du Pingouin (peu crédible déjà), le Sphinx se voit dénué… d’intelligence ! Et cherche par tous les moyens à la retrouver, ce qui amène à une collaboration avec Grundy et des retrouvailles, plus ou moins réalistes là aussi, avec Lee Thompkins. Sous un prisme féministe, on peut d’ailleurs également pointer du doigt les nombreux plans sur les décolletés féminins — c’était déjà énormément le cas en saison 3. En arriver là pour susciter une vague notion « sexy » pour le public est risible.

Parmi les bons points, outre ceux de l’histoire vus en début d’article, évoquons un peu la technique avec notamment une musique plus soignée (là où les trois saisons précédentes n’étaient guère mémorables sur ce sujet). On apprécie aussi toujours autant l’esthétisme de la ville de Gotham, à mi-chemin entre ce qu’on connaît dans les films, les comics et les jeux vidéo. Temporellement parlant, on situe difficilement la période d’action puisque la technologie des téléphones portables indiquent plutôt la fin des années 1990 là où les télévisions et les costumes de certains habitants (à commencer par les journalistes) flirtent avec l’élégance des années 50 par exemple. De plus, la ville dévoile le temps de quelques plans de transitions un dirigeable en haut de ses buildings mi-rétro, mi-modernes. Tout cela est vraiment un aspect réussi du show même s’il est dommage de montrer un peu trop d’intérieur : le Manoir Wayne (qui se résume souvent à la cuisine et un bureau dans une bibliothèque), l’Iceberg Lounge, nouveau QG du Pingouin (dont on ne visualise jamais une vue extérieure), le GCPD (avec les places de Gordon et Bullock surplombant les policiers lambdas), et ainsi de suite.

En conclusion, on retrouve les éléments habituels qui fonctionnent bien (Le Pingouin, la ville  de Gotham soignée…), des nouveaux qui sont également réussis (le Professeur Pyg, Sofia Falcone, la rupture entamée entre Bullock et Gordon, un Épouvantail plus convaincant qu’en début du show…) et — malheureusement — toutes les problématiques inhérentes de la série. Cela se traduit, comme toujours, par les mêmes personnages qui plombent le récit, comme Tabitha, Barbara et même Selina (formant un drôle de trio, type « Birds of Prey low cost »), Bruce Wayne en proto-Batman qui ne convainc absolument pas (ni par son charisme à cause de l’acteur David Mazouz, ni par son évolution hyper rapide — pas de réel entraînement au combat — donc peu plausible) et aussi par les arcs narratifs novateurs qui sont ratés (Ra’s Al Ghul en tête — le (normalement) charismatique immortel étant réduit à un antagoniste certes puissant mais peu inspiré pour son avenir et pas des masses bien interprété —, un chasseur de primes en cuir pour aider le Pingouin…) ou d’anciens qui se poursuivent mais sont risibles (l’évolution de Nygma, Barbara…).

Bref, des problèmes d’écriture et de casting, comme toujours. À l’instar de la première partie de saison 3, on oscille ici entre de très très bonnes choses et l’extrême inverse avec de très mauvaises. Pénible mais toujours un minimum intéressant (à ne pas regarder bien sûr au premier degré ou en tant qu’adaptation réussie) pour avoir envie de poursuivre — d’autant plus que la fin de ce premier segment annonce des statu quo stimulants.