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Harley Quinn – Tome 01 : Complètement Marteau

Souvent proposé en one-shot ou en opération spéciale à bas prix pour découvrir le personnage de Harley Quinn, ce (premier) tome est-il vraiment une porte d’entrée idéale dans l’univers déjantée de l’ancienne compagne du Joker ? Critique.

 

[Histoire]
Harley Quinn n’est plus avec le Joker, elle hérite d’un immeuble à Coney Island (un de ses anciens patients lui a légué) et démarre donc une nouvelle vie là-bas.

Très vite, l’ancienne docteur Quinzel doit trouver du travail pour payer toutes les taxes et impôts que nécessitent le statut de propriétaire d’un si grand bâtiment. Au rez-de-chaussée de celui-ci, une troupe d’artistes, au premier étage leurs appartements, au second du bazar et le troisième est le lieu de vie de Harley, entièrement à elle, avec accès au toit également. La belle vie !

Autre problème de taille : quelqu’un a mis la tête de Harley Quinn à prix… Heureusement, Poison Ivy pourra aider son amie.

[Critique]
Comme évoqué en début d’article, ce premier tome (sur six) est souvent mis en avant dans plusieurs éditions différentes. Il sera disponible en format souple à 4,90€ dans l’opération estivale à venir fin juin 2020, à l’instar d’une autre promotion (9,90€) remontant à 2016 par exemple. On le trouvait également la même année au prix dérisoire d’un euro lors des 24h de la BD ! Début 2020, c’est dans un bel écrin limité qu’on pouvait le découvrir, à l’occasion de la sortie du film Birds of Prey (qui pioche d’ailleurs un peu dans cette bande dessinée pour des éléments de son scénario) avec en couverture une version graphique de Margot Robbie qui incarne évidemment Harley Quinn à l’écran (depuis 2016), cf. l’illustration en haut de l’article — conçue par Tula Lotay (Lisa Wood de son vrai nom). Cette ultime version (qui ne mentionne ni le titre Complètement Marteau ni la numérotation « 1 ») coûte 19€, soit le prix de la version classique initialement parue en juillet 2015.

Il faut dire que cette entrée en matière est particulièrement efficace pour ceux qui aiment le personnage, qu’ils le connaissent déjà (à travers le culte Mad Love par exemple) ou qu’ils le découvrent au fur et à mesure (en complément du récent Harleen, déjà incontournable aussi). Est-ce que le titre se hisse au sommet de ceux-là ? Certainement pas. Est-il réussi quand même ? Tout à fait. Explications.

Le titre démarre sur les chapeaux de roue avec le chapitre #0 de la série (créé après le douzième mais qui s’intercale très bien en guise d’introduction) qui invite un dessinateur de renom par page pour croquer Harley Quinn pendant qu’elle commente en direct et approuve ou refuse l’artiste aux pinceaux ! On y retrouve du beau monde comme, entre autres, Tony S. Daniel, Jim Lee, Bruce Timm (co-créateur de Quinn avec Paul Dini), Sam Kieth, Darwyn Cooke et même Charlie Adlard (Walking Dead). Le duo de scénariste Amanda Conner et Jimmy Palmiotti, couple à la vie et également dessinateurs (Conner signe d’ailleurs toutes les couvertures des épisodes), dézingue d’entrée de jeu (à travers les paroles de Harley Quinn bien sûr) en vrac les bureaux de DC Comics, l’appropriation sexiste de leur personnage (annonçant le virage sur ce sujet et son émancipation), le salaire de Jim Lee, leurs propres autres séries qui ne se vendaient pas des masses (All-Star Western et Batwing — élégante auto-dérision donc) et taquinent leurs confrères pour savoir qui tiendra le rythme mensuel des planches à terminer dans les délais.

Cette étonnante et amusante ouverture est un vrai délice (trop proche d’un Deadpool dirons certains, il est vrai que les deux icônes populaires partagent plusieurs facettes, en brisant le quatrième mur par exemple ou encore en « osant » flinguer leurs employeurs, collègues ou adaptations transmédias). Néanmoins, cela reste drôle et original ! Le dessinateur Chad Hardin est ensuite l’artiste régulier qui donne vie à l’exubérante Harley, croquant avec un style agréable, des couleurs vives et un ensemble mi-mainstream, mi-indé.

La série conjugue aussi bien l’humour que la violence, tout en restant assez palpitante pour qu’on la suive assidument. Des déboires quotidiens de Harleey en passant par quelques combats bien sanglants (têtes décapitées…), l’ADN du protagoniste est retranscrit avec brio dans une situation totalement inédite : elle affronte désormais le monde « seule », sans être la faire-valoir du Joker ni un personnage secondaire. La réinvention du modèle super-héroïque est singulière puisque l’anti-héroïne se drape en défenseur des animaux ou en froide exécutrice, endossant la blouse de psychiatre le jour et le costume de mercenaire la nuit. On la suit durant huit chapitres (un neuvième montre ses origines bien connues) avec un plaisir non dissimulé et, surtout, un humour efficace. Ce dernier est parfois de simple jeux de mots, des parodies (la moins subtile étant une redite de Star Wars), des figurants au second plan, des scènes absurdes (du lancer d’excréments de chien en catapulte !), des dialogues ciselés ou des situations cocasses (cet homme en slip de bain qui se réveille dans l’appartement).

Entre sport de roller extrême, missions plus ou moins d’infiltration, banalité et amitié, ce premier tome avance habilement en posant ses enjeux sans temps mort. Inutile de rentrer dans les détails et résumés des chapitres pour ne pas gâcher les surprises. On rencontre au fil des épisodes de (nouveaux) alliés attachants comme Bernie la marmotte carbonisée, Big Tony et Sy Borgman. Très accessible pour les néophytes et nouveau terrain de jeu pour les connaisseurs, on ne peut que recommander la lecteur pour les amoureux d’Harley Quinn ou les curieux. Les fans de Batman uniquement ou de son univers bien sombre devraient passer leur chemin, le Chevalier Noir n’apparaît d’ailleurs absolument pas ici, de même que le Joker (voir réflexion en fin d’article). Seule Poison Ivy fait figure de tête familière échappée de la mythologie du Dark Knight. L’amitié entre Ivy et Quinn étant une constante depuis la naissance du personnage dans la série d’animation Batman (1992).

On l’a dit mais c’est un aspect fort appréciable : la défense des animaux est mise en avant plusieurs fois. Rien de très original bien sûr mais si on peut profiter d’un comic-book pour sensibiliser un petit peu dessus, autant le faire. De la même manière, le volume rabat les cartes de la jeune fille jolie, nunuche et sexy en étant (enfin) sous un prisme d’écriture « normal » voire (gentiment) féministe. A nouveau il ne s’agit pas d’un immense travail complexe, d’une œuvre engagée progressiste ou tout ce qu’on veut mais plutôt de quelques allusions ici et là, intéressantes.

On germe des graines, comme Poison Ivy quelque part, d’éveil de conscience à ce sujet important. Cela se traduit aussi pas l’absence de gros plans sur les poitrines et les fesses de Quinn et Ivy par exemple. C’est peut-être quelque chose qui passe inaperçu en lecture (sauf pour les lecteurs habitués chez qui ça devrait sauter aux yeux) mais c’est relativement plaisant de le constater dans une industrie qui a encore beaucoup à faire là-dessus. Il y a bien sûr quelques poses un peu sexy mais elles ne sont pas vulgaires et décalées/amusantes.

L’excellente série d’animation Harley Quinn (DC Universe) pioche dans ces travaux de Conner de Palmiotti, au même titre que le long-métrage Birds of Prey (et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn), renommé Birds of Prey : Harley Quinn. Les fans de ces fictions devraient donc sans trop de mal être conquis.

Pour chipoter, on peut trouver la couverture du tome un poil « mensongère », celle du dessin où elle saute au cou du Joker (celle avec Margot Robbie aussi dans une autre mesure si le potentiel acheteur n’y connaît absolument rien et pense y trouver soit une histoire en rapport avec le film Birds of Prey, soit une bande dessinée différente de celle publié cinq ans auparavant). D’une part, le Joker n’apparaît pas du tout au fil des chapitres, d’autre part cette image où elle l’enlace est une planche pleine page le criminel s’avère être… une statue de cire. C’est donc juste un gag qui devient gage d’annonce fièrement mis en avant. Un peu douteux, il est vrai…

Sans rejoindre les « coups de cœur » du site, ce premier tome (qui peut se lire comme un one-shot sans souci même si on a envie de lire la suite) est une œuvre plaisante aux nombreux atouts comme on l’a vu. Il rejoint aisément la liste des comics Par où commencer pour la section dédiée à Harley Quinn avec les incontournables Mad Love et Harleen.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 3 juillet 2015.

Scénario : Amanda Conner & Jimmy Palmiotti
Dessin : Chad Hardin + collectif pour le #0
Encrage : Sandu Florea, Scott Williams
Couleur : collectif

Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : Moscow Eye

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