Archives de catégorie : Critique

Batman – Anarky

Anarky est un volume unique qui reprend des chapitres de la série Detective Comics (cf. cet index pour une vue d’ensemble), tous publiés dans Batman Saga. Il contient deux histoires : Icare, qui avait déjà fait l’objet d’une critique sur ce site en 2015 (et qu’on recommande) et Anarky, qu’on chronique donc ici.

Première partie : Icare [Detective Comics #30-34 + Annual #3] — Reprise et mise à jour de la critique mise en ligne en 2015.

[Histoire]
Une drogue nommée Icare refait surface dans Gotham City : elle tue ses consommateurs d’une combustion spontanée. Elena Aguila en meurt d’overdose sur le perron du Manoir Wayne, peu de temps après que cette dernière ait confirmé être en pourparler Wayne pour financer une entreprise sociale dans les quartiers défavorisés de la ville.

Batman enquête sur cette étrange mort en même temps qu’Harvey Bullock, qui a eu affaire à l’Icare des années auparavant.

Entre les trafics de drogue et d’enfants au sein des gangs de Gotham City, la suspicion de Bruce Wayne dans la mort d’Aguila, et un certain Calmar qui règnerait dans l’ombre, le Chevalier Noir se concentre comme il peut pour découvrir qui est derrière Icare et pourquoi.

Batman Detective Comics Icare Icarus New Start
[Critique]

Icare reprend les principaux axes de base de Batman : une enquête policière à l’ancienne, une ville nocturne corrompue, le Chevalier Noir agissant en solo, etc. Bref on retrouve une veine polar, devenue assez rare depuis l’extension de la Bat-Family et la succession d’auteurs cherchant une originalité à tout prix (même si c’est une bonne chose). On y retrouve un personnage (Le Calmar), créée en 1940 par Gerry Conway et Don Newton dans Detective Comics #497.

Le gros point fort de cette mini-série est son aspect graphique, visuellement impeccable et offrant une ambiance atypique. Le duo d’auteurs travaille réellement à quatre mains pour cette partie : Francis Manapul dessine et Brian Buccellato colorie (les deux écrivent en binôme leur histoire). En plus des dessins plutôt réalistes, ce sont les couleurs qui apportent vraiment la signature des artistes : entre les nombreux jeux d’ombre et de lumière, les tons pastels, à l’aquarelle flirtant même avec une impression de crayons de couleur et les ambiances chaudes finement travaillées, le lecteur en prend plein les yeux ! Il suffit de voir les illustrations de cet article pour avoir un aperçu du travail effectué (les deux dessins d’ouverture de chapitres, ne comportent aucun texte dans la version française, ils sont donc plus jolis). Autre qualité : le découpage des planches, parfois s’étalant horizontalement sur deux pages et souvent sous forme de puzzle ou de construction un peu hors-norme.

Batman Detective Comics Icare Icarus Action
Il est suffisamment rare que la partie dessin soit aussi aboutie et prévaut presque sur le scénario pour être signalée en priorité. L’histoire, quant à elle, n’est pas la plus originale en soi, mais elle offre donc à Batman une aventure presque en solitaire, partiellement « épaulé » par Harvey Bullock, policier rarement mis en avant. Peu de gadgets hyper technologiques, beaucoup d’action pure et dure, Icare propose donc un divertissement de très bonne qualité. Cinq chapitres ne permettent pas, hélas, dans le cas présent, de générer plus d’empathie pour Elana Aguila et sa fille. Le récit se situe pendant Batman : Eternal car Gordon est toujours arrêté (et Damian Wayne déjà mort) ; mais cette temporalité n’est pas un frein pour un lecteur novice. La conclusion, un peu confuse, donne envie de relire Icare en entier, ce qui est finalement une bonne chose.

Ces cinq chapitres auraient gagnés d’être introduits par le chapitre #25 de la série Flash (New 52) car… c’est là qu’apparaissait la drogue Icare (brève review ici) pour la première fois. En effet, à Central City, Harvey Bullock y cotoyait Barry Allen, alors simple policier scientifique, et tous deux découvraient les premières victimes d’Icare. L’Annual qui clôt l’arc revient sur un ennemi de seconde zone, Julian Day, alias Calendar Man, et la relation entre Annie Aguila et son petit ami, avant la mort d’Elana, quand tous les deux étaient drogués. Ce bon complément souffre d’un manque de cohérence graphique car trois dessinateurs officient dessus au lieu du tandem habituel. Ce n’est pas gênant mais tranche trop avec la beauté des planches précédentes.

Icare n’est pas forcément indispensable et inoubliable  mais il a le mérite de lancer Batman dans un très bel univers visuel et avec une nouvelle approche. Rien que pour ça il est conseillé !

Batman Detective Comics Icare Icarus Part Three

Seconde partie : Anarky [Detective Comics #37-40]

(On note l’absence des chapitres #35-36, un récit intitulé Terminal dont la critique se situera en fin d’article afin de ne pas s’y perdre.)

[Histoire]
Un homme est retrouvé mort en bas de la tour Wayne, celle-ci est bourrée d’explosifs au moment où Bullock et Batman enquêtent… Durant ce sinistre, un mystérieux homme masqué, Anarky, en a profité pour supprimer les comptes en banque et dossiers numériques de toute la population. Il les invite à un nouveau départ, basé sur une égalité des chances, sans contraintes, chacun étant libre de porter un masque blanc et le revêtir à l’image souhaitée, symbole d’un destin à reconquérir. Cette « révolution moderne » ne séduit évidemment pas une bonne partie des citoyens…

En parrallèle, le Chevalier Noir enquête sur des meurtres d’enfants, corrélés au Chapelier Fou.

Batman Detective Comics Icare Icarus Bullock

[Critique]
Suite directe d’Icare (celui-ci se refermait sur un graffiti d’Anarky), celle-ci met évidemment le jeune révolutionnaire au premier plan. Anarky a été crée en 1989 (première apparition dans Detective Comics #608), par Alan Grant et Norm Breyfogle. On le retrouve ici modernisé dans un récit moins convaincant que son prédécesseur. Tout se déroule un peu trop vite, notamment en terme de révolution urbaine, sans que cette ascension de violence citadine se mette en place d’une façon un peu plus cohérente — malgré une pirouette scénaristique finale un peu prévisible. Dans le même genre, l’identité d’Anarky se trouve assez aisément. En synthèse, la fin d’ouvrage est pénalisée à cause de son exécution beaucoup trop rapide et d’un manque de connexions évidentes avec des éléments « cachés » qui auraient mérités d’être montrées en amont de la série.

Conclusion de l’ensemble
Après les très moyens Empereur Pingouin et Jours de colère, on tient ici un one-shot (de la série Detective Comics) nettement plus convaincant et palpitant !

Sa première partie (Icare) est une petite pépite, originale aussi bien dans sa narration que son exécution et sublimé par des traits particuliers, la seconde (Anarky) déçoit par son rythme et sa « crédibilité » mise à mal. Néanmoins, l’ensemble reste tout de même au-dessus du lot de la « production mainstream massive » sur Batman, surtout quand on enchaîne les deux histoires. À conseiller donc, un léger « coup de cœur » pour les graphismes, la parti pris scénaristique et la mise en avant de Bullock !

Batman Detective Comics Icare Icarus

Bonus : Terminal (#35-36)

Publiée dans Batman Saga #37 et #38, cette histoire en deux chapitres relate le crash d’un avion à l’aéroport de Gotham. Bruce Wayne, qui s’apprêtait à prendre un peu de repos au soleil, revêt sa cape et découvre avec stupeur que tous les passagers et l’équipage sont morts en apparence depuis des décennies ! L’écoterroriste Magnus Magnuson revendique l’attentat. L’aéroport est mis en quarantaine, la contamination a débuté…

Écrite par Benjamin Percy et dessiné par John Paul Leon (Dave Stewart aux couleurs), l’ensemble propose quasiment un polar « indépendant » extrêmement sombre. Anecdotique in fine, on retient surtout la connexion avec la série Grayson, ce dernier aidant Batman à distance et semblant radicalement différent…

[À propos]
Publié en France le 22 novembre 2019 chez Urban Comics.
Et précédemment dans Batman Saga #32 à #37 puis #39 à #42.

Scénario : Francis Manapul et Brian Buccellato
Dessin : Francis Manapul
Couleur : Brian Buccellato
Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio Makma)

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Batman – Jours de colère

Jours de colère est un volume unique contenant neuf chapitres (#22 à #29 + #Annual 2) de la série Detective Comics (période New 52). Tous ont déjà été publiés dans Batman Saga (#24 au #31). En recueils aux États-Unis, il s’agit des 4ème et 5ème volumes de Detective Comics (cf. cet index). Enfin, ce tome est aussi la suite directe d’Empereur Pingouin même si la lecture de ce dernier n’est absolument pas obligatoire pour comprendre Jours de colère. Critique.

[Histoire]
Dans Gotham, plusieurs policiers sont tués par Wrath, un puissant ennemi de Batman qui lui ressemble étrangement (ses parents ont été assassinés quand il était enfant, il dispose d’une technologie avancée, d’une armure et d’un équipement hors-pairs…). Gordon et l’homme chauve-souris s’associent pour arrêter Wrath…

Dans le civil, Bruce Wayne a fort à faire avec l’entrepreneur E. D. Caldwell, sérieux concurrent. Caldwell Tech est même prêt à racheter Wayne Enterprises et fournit sa technologie au GCPD. Au sein du commissariat, Harvey Bullock n’est pas insensible aux charmes d’une nouvelle psychologue, Abigail Wilburn.

En parallèle, le Kirk Langstrom, alias Man-Bat, découvre que sa femme Francine utilise aussi son sérum de transformation…

[Critique]
À l’instar d’Empereur Pingouin, Jour de Colère séduit davantage par ses graphismes que son histoires, ou plutôt ses histoires, tant l’ensemble forme un recueil de cinq récits pas forcément liés. On débute avec l’annual et ses backs-up, intéressants mais trop éphémère (centré sur Bullock et une voleuse d’identité). Vient ensuite l’ennemi de choc, Wrath (« colère » en anglais, d’où le titre) qui apparaît rarement chez DC Comics mais on a pu découvrir (en français) sa première apparition (1984) dans le magazine DC Saga présente : Batman Vendetta. Il occupe ici une place centrale pour trois chapitres (#22 à #24) d’une écriture extrêmement pauvre. On devine très rapidement qu’il s’agit de Caldwell et la confrontation entre Batman et Wrath est expéditive.

Place ensuite au chapitre #25 qui est connecté à L’An Zéro, moment durant lequel plusieurs séries DC furent impactées pour montrer une tempête et un black-out à Gotham City. Un excellent récit centré sur Gordon à ses débuts — on note un Harvey Bullock jeune et charismatique, proche de ce qu’on voit dans Terre-Un — au moment des premiers pas de Batman. On y suit dans son back-up l’histoire très secondaire de Man-Bat, déjà amenée en filigrane depuis plusieurs chapitres et qui trouve sa conclusion, sympathique mais sans plus, dans le #26.

Suit, enfin, Gothtopia, un nouveau segment en trois chapitres (#27 à #29) qui s’était répercuté dans sept autres séries (dont Batgirl, dont son chapitre sur Gothtopia fut chroniqué dans cet article). Si Gothtopia se suffit (largement) à lui-même dans ce livre, on aurait aimé une version complète (inédite en France mais la chronique sera bientôt sur ce site).

Gothtopia présente (de prime abord) un monde alternatif (elseworld) dans lequel Batman, en costume blanc, et Catbird (Catwoman) sont les justiciers de Gotham, ville radieuse et lumineuse. Pour épauler ce binôme de choc, Batman peut compter sur Bluebelle et Brightbat (Batgirl et Batwoman) ainsi que le Maire Copplebot et le commissaire Sionis. Très peu de crimes ont lieu dans Gotham, cité où tout le monde se sent en sécurité. Seulement… trente-six suicides ont eu lieu ces derniers temps, quelque chose cloche ! Sans surprise, une toxine de l’Épouvantail est derrière cette utopie Gothamienne…

Comme dans le tome « précédent » on retrouve des allusions à diverses séries : la même (Detective Comics) via divers chapitres (et donc d’Empereur Pingouin), Batgirl, Batman Incorporated (Grant Morrison présente Batman), Forever Evil, Batman, etc. C’est là aussi un des points faibles de l’ouvrage : beaucoup d’allusions qui perdent le lecteur néophyte. Au-delà, on l’a vu, on a surtout droit à cinq histoires, une avec Bullock/Mme X., une avec Wrath, une avec Gordon, une avec Man-Bat et une sur un faux monde parrallèle. Ensemble décousu, fortement inégal, on lorgne vers le bon et le moins bon, ce qui est… pénible. Il est tout à fait louable de vouloir proposer un contenu plus ou moins inédit en librairie mais quand celui-ci n’est pas forcément excellent, relié à trop d’autres séries (parfois indisponibles), c’est plutôt dommage. Jour de colère n’apporte pas grand chose à la mythologie de Batman, clairement. On apprécie quelques chapitres, on se régale côté dessins mais… ça ne va pas plus loin. Comme beaucoup de productions « moyennes » consacrées au Chevalier Noir.

Le découpage de cette version librairie change de celui de Batman Saga puisque le one-shot débute par l’annual (et ses deux petits back-up) centré sur Mme X. et Bullock puis se poursuit avec les chapitres #22 à #29 ; là où en kiosque, on démarrait par le #22 puis l’annual, puis le #23. Cela ne change pas grand chose et montre que le récit sur Mme X., Bullock et Wilburn n’est pas franchement utile et important.

Au scénario, John Layman (qui avait signé Empereur Pingouin) et Joshua Williamson. Aux dessins, on retrouve, entre autres, les excellents Scot Eaton, Jason Fabok, Andy Clarke, ainsi que Szymon Kudranski, Jorge Lucas et Derlis Santacruz. On retient surtout Jason Fabok, dont il s’agissait des travaux de plus en plus important au sein de DC Comics. Une classique galerie de couvertures alternatives (notamment celles du Detective Comics #27 — dont les divers backs-up ne sont pas de la partie) clôt l’ouvrage.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 5 avril 2019

Scénario : John Layman
Dessins : Scot Eaton, Jason Fabok, Andy Clarke, Szymon Kudranski, Jorge Lucas, Derlis Santacruz…
Couleurs : Jeromy Cox, Blond, Brett Smit…
Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Myrtille)

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Empereur Pingouin

Empereur Pingouin est un tome unique reprenant les chapitres #13 à #21 de la série Detective Comics (après le relaunch New 52). Ceux-ci ont déjà été publiés dans les magazines Batman Saga #15 à #18 puis #20 à #23. Aux États-Unis, ce volume est le troisième de Detective Comics, cf. cet index qui référence tous les épisodes de la série. En France, l’idée de le publier comme un one-shot « à part » fut risqué pour deux raisons : l’histoire poursuit (plus ou moins) ce qui a été instauré auparavant (mais aucun problème de compréhension, au contraire) et, surtout, est connectée à bon nombre d’autres séries à connaître (davantage problématique). Explications.

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[Histoire]

À Gotham, le Pingouin est respecté, craint ou bien on lui obéit. Mais il n’est pas « aimé ». Pour changer cela, Oswald Cobblepot décide d’être davantage philanthrope. Il est aidé d’Ignatius Ogilvy, son fidèle homme de main plutôt malin et ambitieux, et des « Dragons Fantômes », tueurs à gage chinois qu’il a engagé pour tuer non pas Batman mais… Bruce Wayne.

De son côté, Poison Ivy mène une vendetta contre les usines polluantes. Pour mener à bien sa mission, elle a envoûté Gueule d’Argile. Parmi les entreprises à rayer de sa carte, l’une est au Pingouin. Le Chevalier Noir entend bien montrer à l’Empoisonneuse qu’elle agit mal en tant qu’éco-terroriste, même si cela le place comme défenseur indirect de Cobblepot.

Dans l’ombre, Ogilvy semble bien déplacer ses pions pour prendre possession de l’empire du Pingouin et devenir… le « Pingouin Empereur ».

Parallèlement à tous ces évènements, des fanatiques du Joker, appelée la Ligue des Sourires avec Boute-en-Train à leur tête, commet divers crimes dans Gotham

[Critique]

John Layman est le scénariste de ce one-shot (en vrai, il poursuit le run entamé par Tony S. Daniel dans deux autres volumes non publiés en France mais sans que ce soit un problème de compréhension pour débuter celui-ci). Jason Fabok illustre l’ensemble. Ancien assistant de David Finch, tous deux sont des « héritiers » de Jim Lee : traits fins, élégants, précis et réalistes, puissance et action croquées avec brio ; bref, les graphismes sont sans aucun doute l’un des points forts de l’ouvrage (colorisé par Jeromy Cox). C’est l’un des premiers travail important de Fabok et on se régale devant ces compositions. Andy Clarke dessine quant à lui tous les petits chapitres additionnels (back-up), toujours écrits par Layman. Chacun apporte un éclairage sur un personnage secondaire (tout en s’inscrivant dans la continuité des récits qui les précèdent) : Ogilvy, Poison Ivy, Gueule d’Argile, Zsazs, Man-Bat, M. Combustible… Sur ces points (les dessins et les mini-chapitres), tout est correct et réussi. En revanche, le nombre de connexions, plus ou moins importantes, à plein de séries gravitant autour du Dark Knight, empêche une immersion qualitative et, surtout, déroute sous doute les moins connaisseurs des œuvres sur Batman.

Ainsi, dès le début, une allusion est faite aux Portes de Gotham. Récit dans lequel on apprenait que les fondations de la ville résultaient de certaines familles importantes, incluant les Cobblepot et les Wayne. Plus loin, les évènements du Deuil de la Famille (et même, d’une certaine façon, les aventures de Batgirl et des Birds of Prey) occupent une place centrale durant plusieurs chapitres sans qu’on ne puisse réellement comprendre ce qui se trame si on n’a pas lu cet autre récit (que ce soit les faits se déroulant durant cet event ou leurs conséquences — la famille brisée). Citons aussi, par exemple, les séries Le Chevalier Noir (au détour d’une image de Natalya, compagne de Bruce Wayne aperçue dans cette dernière et d’une allusion à un combat contre le Chapelier Fou) et Talon, complètement inédite en VF, qui est évoquée brièvement.

Sans surprise, des mentions aux premiers chapitres de Detective Comics sont aussi de la partie, notamment sur l’histoire du Joker (il s’était fait enlever son visage par le Taxidermiste et avait bénéficié d’un certain regain de popularité dans les rues (!)). Ceux-ci n’étant pas publiés en librairie, autant dire que le novice sera perdu. Enfin, la mort de Damian Wayne — le garçon apparaissait au début du tome — est évidemment évoquée mais sans réellement la comprendre puisqu’il faut, à nouveau, se tourner vers une autre série pour les détails (et pour d’autres mentions liées à celle-ci), à savoir Batman Incorporated (et donc Grant Morrison présente Batman).

L’ultime chapitre (#21) — dessiné par Scot Eaton — permet de conclure une histoire entamée dans le chapitre #0 (cf. volume précédent) avec l’assassin Mio (devenue Pénombre) et de mettre l’agent Strode plus en avant, croisée dans deux back-up (dont l’un, une fois de plus, dans le tome précédent), ainsi qu’Harper Row (se référer à la série Batman de Scott Snyder pour savoir qui elle est, sachant que d’autres allusions sont faites à propos de séquences peu marquantes mais tout de même, notamment dans le tome 6).

Ces multiples références déconnectent clairement du fil rouge narratif (centré sur Cobblepot et Ogilvy) et débouchent sur des morceaux d’enquête ou d’action un peu sortis de nulle part (Poison Ivy ou Boute-en-Train par exemple), qui se rattachent péniblement à l’ensemble. L’ombre du Joker plane une bonne partie de l’ouvrage sans qu’il puisse être réellement exploité. Tout cela est fort dommage car le personnage d’Ogilvy est plutôt réussi. Charismatique et fin stratège, son évolution est assez prévisible mais globalement plaisante (malheureusement, il n’apparaîtra plus par la suite — ce qu’on ignore quand on découvre Empereur Pingouin). Ce nouvel antagoniste partage l’affiche avec le classique Pingouin bien sûr, même si ce dernier disparaît un bon moment à cause d’une autre série qui l’utilisait au même moment (Batman : Le Deuil de la Famille). Pénible. Enfin, c’est Man-Bat qui intervient pour le chapitre « anniversaire » #900 (le #19 du coup) et qu’on revoit aussi ensuite (et qui, logiquement, devrait être dans Jours de colère, qui est la suite directe de cet Empereur Pingouin même s’il sont vendus tous deux comme des volumes uniques — on devrait aussi revoir Mio vu la conclusion de son arc).

En synthèse, beaucoup d’ennemis, dont un nouveau, mélange d’un gangster plus conventionnel que les autres et qu’un Sphinx, qui défilent tout au long des neuf chapitres du tome et tous leurs back-up. Reste un sentiment mitigé au global, faute à l’impossibilité de suivre une série « seule » et qui aurait mérité, de toute façon, un peu plus de relief et de surprises malgré ses somptueux dessins. Une séduisante galerie de couvertures croquis ferme d’ailleurs le livre. On déconseille l’ouvrage aux nouveaux lecteurs, clairement. Pour les connaisseurs, difficile d’inciter de passer à l’achat : si vous n’êtes pas trop exigeant sur l’histoire et aimez voir une jolie parade de protagonistes, tous bien dessinés, alors foncez. Si vous préférez un récit moins décousu, plus singulier et davantage marquant, vous pouvez aisément passer votre chemin.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 février 2017

Scénario : John Layman
Dessins : Jason Fabok et Andy Clarke
Couleurs : Jeromy Cox
Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Laurence Hingray & Christophe Semal (Studio Myrtille)

Acheter sur amazon.frVersion française / anglaise