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Que vaut l’intégralité de la série Batman Rebirth ?

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Les aventures de Batman se suivent et se ressemblent parfois plus ou moins, au grand dam des lecteurs. Après le run décrié de Scott Snyder, c’est Tom King qui a repris en main le personnage du Chevalier Noir — en bénéficiant du Relaunch Rebirth de 2016 — durant une longévité exceptionnelle (une centaine de chapitres publiés pendant quatre ans, au rythme de deux par mois !). En France, c’est sous l’appellation Batman Rebirth que la série a été proposée par Urban Comics, en 12 tomes (le dernier est sorti en juin 2020). Résumé et critique de l’ensemble (attention, l’article contient donc quelques révélations).

Une porte d’entrée moyenne… (tome 01)

Attirer de nouveaux lecteurs, proposer quelque chose de neuf pour les habitués ; l’éternel relaunch, reboot ou autres fresh start. Ici, la nouveauté porte sur deux nouveaux personnages : Hank et Claire, alias Gotham et Gotham Girl. Un frère et une sœur avides de justice, voulant rejoindre la croisade de Batman grâce à des pouvoirs achetés sur le marché noir mais qui les détruisent à petit feu. Une idée de départ plus ou moins novatrice (dans le milieu de l’industrie), débouchant sur un énième comic-book « mainstream » simple et efficace mais non dénué de défauts et, surtout, peu mémorable niveau scénario.
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Mon nom est Gotham (le titre de ce premier tome) est un semi-échec (ou semi-réussite c’est selon), avec un premier chapitre introductif déconnecté et inutile, et de superbes planches de David Finch (on parlera des dessins de la saga plus loin). Un départ moyen, ni réellement passionnant ni franchement déplaisant. Une production correcte qui est, de facto, un point d’entrée idéal pour de nouveau lecteurs, là-dessus ça fonctionne — malgré des allusions à diverses séries DC Comics, incluant le précédent run de Scott Snyder. Rétroactivement, on peut confirmer que Claire/Gotham Girl aura une certaine importance par la suite (notamment vers la fin) mais elle est écartée peu après et disparaît sans jamais être réellement mentionnée ou (re)mise en avant. De même pour le Psycho-Pirate, ennemi de seconde zone oubliable mais revêtant un certain intérêt tout le long de la fiction.

… puis des aventures fracassantes et originales (tomes 02 et 03) !

Mon nom est Suicide (titre du deuxième volume) peut limite se lire indépendamment et se démarque de son prédécesseur par de réelles qualités d’écriture (et de dessins — tout cet autre aspect, primordial dans une bande dessinée, sera évoqué plus bas).
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Le Chevalier Noir part en mission avec son propre escadron suicide (incluant Catwoman). L’ensemble est passionnant, très joli et original. On y retrouve un peu la patte Morrison tout en s’en émancipant habilement.
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Mon nom est Bane (le troisième) dévoile un incroyable affrontement entre Batman et Bane. Inversant presque le culte Knightfall (ici c’est l’ennemi qui combat les fous d’Arkham avant le justicier) et mettant en avant une longue galerie de personnages secondaires, notamment les alliés (les ennemis l’étaient dans le volume précédent).
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La conclusion du récit ? Une demande en mariage de Bruce à Selina ! Alléchant… mais (rétroactivement une fois de plus), ce mariage n’aura lieu que cinq tomes plus tard, pénible.
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Le premier vrai loupé (tome 04)

La guerre des rires et des énigmes donne son nom à l’album et évidemment à l’événement éponyme.  Plusieurs fois évoquée juste avant, souvent mentionnée ensuite, cette fameuse guerre est pourtant un ratage complet. Bruce partage son lourd secret avec Selina : il a failli dépasser sa limite et tuer un de ses ennemis… Ce qui était censé être un point d’orgue s’avère un pétard mouillé et surtout un conflit meurtrier entre les troupes du Sphinx et celles du Joker, complètement improbable et peu plausible.
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Faussement violent et grotesque, le récrit se vautre dans un survol des personnages, perd en réalisme ce qu’il avait réussi à gagner jusqu’ici en authenticité, et ne sert absolument à rien. Le concept, bon au demeurant, est mal exploité et n’apporte pas grand-chose au passé, au présent ou au futur de Batman (surtout maintenant que la série est terminée). Clairement un volume qu’on peut ne pas lire.

Les égarements… (tomes 05, 06 et une bonne partie du 07)

Sans doute la partie la plus inégale du run. Si rien n’était à sauver dans le tome 04, on retrouve ensuite des choses très moyennes à de rares exceptions, avec donc du bon et du moins bon. Les tomes 05 et 06, En amour comme à la guerre et Tout le monde aime Ivy, proposent des bouts d’histoires en marge du fameux mariage entre Bruce et Selina. On y trouve pèle-mêle un combat entre Selina et Talia al Ghul, dans le but de déterminer qui « mérite » le milliardaire (pfiouh, on en est là…), une sortie amusante entre couples (Loïs et Clark accompagnant Selina et Bruce), Wonder Woman et Batman, piégés dans une dimension où le temps s’écoule plus lentement et devant faire face à des hordes de monstres, Poison Ivy contrôlant les plantes (original…) mais ayant éradiqué le crime, Booster Gold venant du futur, etc.
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Ces chapitres sont tour à tour palpitants et ennuyants, parfois drôles, parfois invraisemblables. Presque hors-sujet aussi, tant l’ensemble stagne et n’avance pas vraiment. Heureusement, un aspect poétique et humaniste (servi par de jolis dessins toujours) contrebalance les défauts évoqués, auxquels on ajoute volontiers un côté parfois sexiste (tant dans la narration que dans les postures féminines hyper sexuées qui plombent des morceaux du run).
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Le tome 07, Sur la route de l’autel, aurait gagné à être divisé en deux parties pour laisser la première dans le volume précédent et s’en passer aisément, la seconde dans le suivant pour le rendre culte voire indispensable même pour un lecteur qui ne lirait que celui-ci. Le titre est en effet composé de cinq chapitres montrant un affrontement entre un allié et un ennemi de Batman (Robin vs. Ra’s al Ghul, Nightwing vs. Hush, Batgirl vs. l’Homme-Mystère, Red Hood vs. Anarky, Harley Quinn vs. Joker) puis de deux épisodes classiques de la série. Les combats sont peu mémorables, ils permettent de mettre brièvement en avant la Bat-Family, peu vue jusqu’ici, et quelques adversaires emblématiques. La vraie force de ce septième volume réside dans ses deux derniers épisodes, d’une écriture magistrale, avec un Joker d’anthologie, au sommet de sa forme. Du grand art !

… avant l’apothéose (fin du tome 07, tome 08, 09 et un volume unique publié en marge)

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Comme on vient de le voir, la fin du septième tome est une pépite. Le huitième, Noces Noires, est sans aucun doute le meilleur de tout le run. Le fameux mariage a enfin lieu, avec des conséquences inattendues. Pour l’occasion (et aussi car il s’agit du 50ème chapitre de la série, augmenté de plusieurs pages), une grande galerie de dessinateurs [1] clament leur amour pour les deux héros à travers des planches incroyables et des réflexions, signés Tom King évidemment, qui font mouchent, qui émeuvent ou touchent. C’est élégant, c’est incontournable pour la (nouvelle) mythologie de Batman. On peut lire en parallèle À la vie, à la mort, one-shot sur l’idylle entre les deux personnages dans un (trop) court récit qui se termine dans un futur plus ou moins lointain. Autre bijou mélancolique.
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La suite de l’histoire n’est pas en reste puisque Bruce Wayne se retrouve juré dans un procès concernant Mister Freeze. Il doit convaincre les autres citoyens de l’innocence de l’accusé et pourquoi Batman n’est pas forcément la représentation idéale de la justice ! Une situation inédite qui se poursuit dans L’aile meurtrière. Ce neuvième tome marque aussi le retour de Nightwing et KGBeast (lui aussi pioché dans la saga Knightfall), un touchant hommage à Alfred et la « renaissance » de… Bane ! Grand absent depuis plusieurs volumes, il revient d’une façon très intéressante.

Tome 10 et 11 – Poursuite en demi-teinte

Après l’interminable partie sur la romance entre Bruce et Selina, la série tombe dans un travers classique du genre : les illusions et rêves déments qui prennent un temps fou au lieu de faire avancer l’intrigue. C’est le cas de Cauchemars, dixième tome qui, comme son titre l’indique, voit le justicier coincé dans une machine à cauchemars. On a connu King plus inspiré même s’il en profite pour mettre en avant, une fois de plus, les démons et la fragilité de l’homme (de Bruce Wayne donc).
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Malgré de jolis moments d’écriture (des échanges entre Batman et Catwoman notamment), il en résulte à nouveau un sentiment de surplace narratif (l’histoire principale n’a quasiment pas avancé et l’on reste presque intégralement dans la psyché de Bruce/Batman tout le long du titre). On retient la présence de Constantine dans ce volume qui pourrait lui aussi se lire comme un one-shot indépendant.
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Le travail de déconstruction psychologique se poursuit dans La chute et les déchus, nettement meilleur mais non exempt de défauts. Bane est (vraiment) de retour cette fois ainsi que… Thomas Wayne ! La version Batman de Flashpoint, difficile de comprendre/suivre si l’on n’est pas familier de ces événements.
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Un voyage initiatique avec le père et le fils s’avère particulièrement émouvant. Mieux : les pièces du puzzle de tout ce qu’on a lu depuis le premier tome commencent à se rassembler pour former un tout cohérent.

Tome 12 – Conclusion réussie, épique et émouvante

Tom King avait-il tout prévu depuis la mise en place de son univers ? Il faut croire que oui (au moins dans les grandes lignes) tant tout se recroise avec une étonnante fluidité. La douzaine de chapitres aurait (une fois de plus) pu être réduite, notamment dans sa première moitié qui s’attarde trop sur Selina et Bruce hors de Gotham City et pas assez sur cette dernière et son statu quo inédit.
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La Cité de Bane (titre de cet ultime tome) enchaîne les séquences marquantes : une ville sous le joug de Bane, le Batman Flashpoint accompagné de Gotham Girl (rappelez-vous le tout premier volume) en guise de justiciers de l’extrême, les emblématiques ennemis incorporés aux forces de l’ordre (le GCPD est dirigé par Strange), une mort marquante par son exécution puis son testament romanesque touchant, une idylle renouée et une fin tout à fait satisfaisante, fermant ce qu’a instauré King et ouvrant habilement une suite [2].
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En somme, une conclusion épique et émouvante, réussie en tous points, et qui permet de conserver une note positive de l’entièreté de l’arc malgré ses égarements narratifs et son côté inutilement étiré.

Des dessinateurs prestigieux et une épopée graphique soignée

On ne l’avait pas encore évoquée pour se concentrer dans un premier temps sur le scénario mais la partie visuelle est évidemment très importante. Un artiste revient régulièrement (impossible d’en avoir un seul vu le rythme de parution de toute façon — deux chapitres de 20 pages chaque mois !) : Mikel Janin. Il aura su apposer son style doux si particulier et ses visages marquants tout au long de la série. D’autres prestigieux noms l’ont accompagné, comme David Finch, Tony S. Daniel, Jorge Fornes, Joëlle Jones et Clay Mann pour les plus importants. Chacun apportant une touche graphique soignée, dans une jolie succession de planches sans réel faux pas. Bien sûr la non homogénéité des styles pourrait déplaire, mais on ne ressort pas choqué de ce mélange des genres.
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Batman Rebirth joue donc sur deux tableaux principaux. Le très long plan de Bane, organisé dans l’ombre avec la complicité inédite du Batman Flashpoint. En ce sens, on est presque dans un remake de Knightfall et de la destruction physique et psychologique de Batman/Bruce. Rien de nouveau si ce n’est une modernité et crédibilité plus poussée, palpitante ! Second intérêt : la romance entre Bruce Wayne et Selina Kyle. Leur relation, particulièrement bien écrite, donne lieu à des scènes aussi touchantes qu’agaçantes. Le jeu du chat et de la (chauve) souris est parfois pénible, chacun se drapant derrière son masque au lieu de lâcher prise et savourer enfin un peu de répit et de bonheur. On retient le huitième tome, Noces Noires, qu’on peut même lire indépendamment du reste — comme les tomes 2 et 10 par exemple, une des forces de la série.
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Tom King réussit où Scott Snyder échouait : son travail est moins clivant, il déconstruit moins le mythe du Chevalier Noir. Il (ré)écrit à sa manière des sujets et thématiques déjà abordés. Mais à l’inverse de son confrère scénariste, il réussit à produire d’authentiques pépites et, à l’opposé, des navets sans nom. Snyder séduisait ou dérangeait mais n’arrivait jamais vraiment à se hisser au sommet sans pour autant tomber non plus dans les égouts, il arrivait à proposer quelque chose au pire vaguement divertissant. Pour vulgariser grossièrement, Snyder a produit du bon et du moins bon là où King a produit de l’excellent et du médiocre. Les deux souffrent d’une qualité hétérogène évidente vu la longueur de leurs runs respectifs (9 tomes pour Snyder, 12 pour King).
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Si Scott Snyder a marqué les esprits avec des créations qui occupent désormais une place plus ou moins importante dans la mythologie de Batman (sa fameuse et surestimée Cour des Hiboux, leurs ergots, la figure singulière du Joker…) ce ne sera pas forcément le cas du travail de Tom King, pourtant meilleur, paradoxalement. Un énième plan de Bane contre un Batman brisé et déchu ? Une idylle avec Selina Kyle, certes détaillée et enrichie ? Tout cela n’est,  in fine, pas réellement nouveau, seul son traitement l’est. Même s’il y a bien sûr des passages marquants et — on le répète — de superbes tomes.
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Les conséquences pour la suite seront probablement minimes. Il y a bien sûr la mort d’un personnage principal historique à prendre en compte. Mais, on le sait, il y a de fortes chances pour que ce dernier revive d’une manière ou d’une autre… Il y a par contre un élément crucial qui sera l’héritier de Batman Rebirth mais… celui-ci n’est bizarrement pas évoqué dans les derniers tomes de la série mais dans une autre production à venir, toujours signée par Tom King. Difficile d’en dire plus sans dévoiler le fameux élément crucial pour cette œuvre à venir. Finalement, c’est le nouvel ennemi, le Batman Flashpoint, Thomas Wayne donc, qui saura peut-être revenir dans un futur proche en tant qu’allié ou vilain de qualité, qui marquera davantage les esprits.

En synthèse, pour ceux souhaitant piocher le plus intéressant dans leur lecture (l’intégralité revient tout de même à presque 230 €, un investissement important donc !), on conseillera d’acheter les tomes 01, 02, 03, 08, 09, 11 et 12 (éventuellement le 07 pour sa dernière partie remarquable et À la vie, à la mort). On se plaît à imaginer une réédition supprimant les chapitres anecdotiques et tout le surplace narratif peu palpitant. Malgré les défauts et égarements divers, la tendance globale reste sur une note plutôt positive. Bravo donc à Tom King d’avoir réussi à mettre de jolis mots sur des maux particulièrement humains. Un travail appréciable, parfois clivant, parfois passionnant, qui laisse rarement indifférent. L’avenir nous dira si tout cela n’aura pas été vain…
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[1] Jason Fabok, Frank Miller, Lee Bermejo, Neal Adams, Tony S. Daniel, Paul Pope, Tim Sale, Andy Kubert, David Finch, Jim Lee, Greg Capullo… parmi les plus connus de l’industrie !

[2] L’épilogue ouvre sur une autre histoire, qui sera écrite par James Tynion IV, habitué depuis une petite dizaine d’année à signer ou co-signer diverses bandes dessinées sur le Chevalier Noir. Tout cela sera à découvrir dès septembre dans le premier volume (très réussi et accessible) de Batman : Joker War.
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Cet article — se voulant être un bon complément des critiques détaillées, analysant avec le recul l’entièreté du run et le présentant de manière plus synthétique — a initialement été publié sur UMAC (site sur lequel je contribue de temps en temps).

Les points positifs de la série Batman Rebirth :
  • Un ensemble cohérent, dont toutes les intrigues trouvent une résolution.
  • Les dessins majoritairement assurés par Mikel Janin, David Finch, Tony S. Daniel, Jorge Fornes. De jolies planches, un régal !
  • Deux histoires importantes : le plan de Bane et la romance entre Bruce et Selina.
  • Le côté humain et meurtri de Bruce Wayne, bien mis en avant tout le long.
  • Très bon travail éditorial d’Urban Comics (rapidité des sorties au plus près des versions US, contextualisation de l’ensemble, fiches personnages, choix de couvertures pertinents et galeries de bonus systématiques).
  • Des connexions à d’autres bons récits (Flashpoint et le segment sur le Chevalier Noir de cet univers, Le Badge, Heroes in Crisis, diverses séries sur Batman, etc.)…

Les points négatifs :

  • … qui peuvent perdre (un peu) les non connaisseurs.
  • Beaucoup trop long, l’essentiel aurait largement pu tenir en 7 tomes.
  • Un rythme en demi-teinte, parfois passionnant, parfois ennuyant, avec des épisodes inutiles ou de faible qualité.
  • Des passages pouvant parfois être perçus comme sexistes.
  • Moins marquant que d’autres sagas cultes (à part la mort d’un personnage important mais qui reviendra sans doute d’une manière ou d’une autre, comme toujours, même si on espère avoir tort).
  • (Un chapitre complémentaire qui aurait dû être intégré dans la série Rebirth au lieu de bénéficier d’un tirage à part.)

Batman Rebirth – Tome 11 : La chute et les déchus

Après un tome en demi-teinte (Cauchemars), que vaut l’avant-dernier volume de la longue série de Tom King ?

[Histoire]
Batman est réveillé ! Il se détache de la machine qui le retenait prisonnier à Arkham et lui insufflait ses cauchemars via des toxines conçues par l’Épouvantail (voir tome précédent). Le Chevalier Noir affronte certains de ses ennemis dans l’asile et part en croisade contre celui à l’origine de tout depuis le début : Bane.

L’homme chauve-souris compte sur ses alliés, sur « son armée », pour l’épauler et reprendre Gotham. Certains répondent présents, d’autres non. Mais Bruce Wayne/Batman n’a-t-il déjà pas perdu d’avance ? N’est-il pas déjà brisé par les nombreuses épreuves qu’il a affronté dernièrement, à commencer par l’échec de son mariage ?

[Critique]
La fin est proche ! Les pièces du puzzle s’assemblent enfin, avec un récapitulatif bien pensé (pour les lecteurs) du plan machiavélique de Bane. Celui-ci est explicité par un personnage secondaire primordial auquel on ne s’attendait pas forcément et des planches des anciens volumes sont insérées dans sa démonstration pour mieux comprendre l’ensemble. Un doute subsiste : Catwoman était-elle réellement du côté de Bane comme le sous-entend le texte ? Difficile d’y croire après tout ce qu’on a vu, lu et « traversé » avec ce couple…

Néanmoins, en mettant de côté certaines incompréhensions (les non-réactions d’Alfred à ce stade — il nie s’être fait agresser au Manoir —, comment a-t-il réagit en découvrant Thomas Wayne, etc. ?) et/ou incohérences (le stratagème de Bane ne pouvait clairement pas anticiper « tout » ce qui est évoqué : Booster Gold du futur et son Wayne heureux, la romance entre Selina et Bruce…), on prend nettement plus de plaisir à lire cet onzième tome que son prédécesseur.

Il faut dire que les choses avancent enfin ! Aussi bien côté Bane que côté Bruce/Batman et… son père (issu d’un univers alternatif vu dans Flashpoint où il incarne le Chevalier Noir car Bruce est mort — à (re)découvrir dans la compilation des travaux consacrés au Chevalier Noir réalisés par Brian Azzarello (scénario) et Eduardo Risso (dessin et encrage) : Citée Brisée et autres histoires…).

La relation père/fils est exploitée plus longuement, ce qui manquait cruellement à l’œuvre initiale d’Azzarello. Le tout dans un lieu désertique où les deux êtres n’ont d’autres choix que d’avancer ensemble. De quoi alimenter certaines réflexions de ces « retrouvailles » si particulières et de livrer de beaux moments touchants. Quelques zones d’ombre sur ce « Batman Flashpoint » seront tout de même à éclaircir par la suite. Quant à Bane, il est un peu plus présent physiquement mais moins bavard. On peut déplorer la non-utilisation de son célèbre masque, qui le rend moins « identifiable » aux lecteurs, néophytes ou non. C’est un détail. Du reste, à l’exception de sa fascination à détruire Batman, on ne sait pas encore trop d’autres choses mais c’est l’occasion de voir un combat épique entre lui et le justicier (rendant hommage à celui de Knightfall et sa célèbre brisure de colonne vertébrale).

La chute et les déchus s’étalent sur cinq chapitres (#70-74), écrits par Tom King et dessinés par Mikel Janin et Jorge Fornes pour les trois premiers, Janin seul pour les deux derniers. L’ensemble est donc plutôt homogène avec le style si particulier de Janin (découpage épurée, visages « lisses » mais totalement identifiables…) et celui de Fornes, nettement plus « brut », presque « vintage » parfois, répond bien à celui de son confrère car utilisé pour des scènes principalement flash-backs. Graphiquement, il y a donc peu à redire, au contraire !

La chanson Home on the Range est fredonnée par Thomas Wayne tout le long du quatrième chapitre. Des renvois par astérisques la traduisent mais sans contexte. Difficile de comprendre. Il s’agit d’un titre extrêmement ancien (Wikipédia l’attribue à un poème de… 1872 !), considéré comme un classique des chansons du Far-West — et qui s’y prête bien dans cet épisode, il est vrai — et repris par une tonne d’artistes différents. Une « évidence » pour les lecteurs aux États-Unis mais qui aurait mérité une explication pour les autres (nous, en l’occurrence). De même, le cinquième chapitre évoque un livre (à priori fictif) à maintes reprises, de nombreuses cases en parlent, soit dans des dialogues, soit en narration externe. Plombant… Ce genre de styles peine à convaincre ou cible un lectorat trop restreint pour un titre pourtant mainstream.

Quatre courts chapitres « Batman Secret Files #1 », de huit pages chacun, se succèdent en dernière partie du livre (tous portent étrangement la numérotation #1). Aux scénarios, on retrouve respectivement Ram V, Cheryl Lynn Eaton, Jordie Bellaire et Tom Taylor. Aux dessins Jorge Fornes, Elena Casagrande, Jill Thompson puis Brad Walker. Enfin, à la colorisation Matt Wilson, Jordie Bellaire, Trish Mulvihill et Jordie Bellaire à nouveau.

La nature de la peur raconte le témoignage d’un policier qui avait inhalé une toxine de l’Épouvantail avant d’être sauvé par Batman. Compte à rebours suit une enquête de Batman et Gordon qui ont trouvé cinq cadavres mais aucun indice. Des drones de Wayne Enterprises seraient liés à ces meurtres… Ça suffit montre Bruce Wayne isolé dans un chalet en montagne enneigée. Batman et le plus grand détective au monde met en scène le Chevalier Noir et le singe détective Bobo (issu de Batman Metal – Tome 3) qui cherchent un jeune homme, possiblement homme de main du Sphinx.

Ces quatre récits sont totalement anecdotiquest (seul le dernier se démarque, assez touchant) et s’intercalent très mal dans l’ouvrage car totalement déconnectés de l’histoire principale de Tom King. Difficile de comprendre pourquoi ils sont ici… En les omettant et en se concentrant sur La chute et les déchus on obtient un tome de très bonne facture non sans défauts (il faut fermer les yeux sur des incohérences et incompréhensions — qui trouveront peut-être une sorte de résolution dans le prochain volume, le dernier de la série) mais particulièrement efficace et prometteur avant la conclusion de (l’interminable) run de l’auteur. Un bon pénultième tome de transition.

« C’est pourquoi vous devez prendre au sérieux
ce que je vais vous dire,
après toutes ces années.

Parce que j’ai soigné vos blessures,
que je connais votre force aussi bien que vos faiblesses…

Mon honneur m’oblige à vous le dire,
Monsieur, pour la première fois…

Vous avez perdu. »
[Alfred Pennyworth à Bruce Wayne/Batman]

Le douzième et ultime tome sortira le 7 mai prochain. Il contiendra les onze derniers chapitres de Batman Rebirth écrits par  Tom King (#75 à #85), comprenant notamment City of Bane (le titre français sera peut-être La Cité de Bane ?), et le quatrième annual, soit douze épisodes au total étalés sur plus de 300 pages.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 10 janvier 2020.

Contient : Batman Rebirth #70-74 + Batman Secret Files #1

Scénario : Tom King
Dessins, encrage et couleur : + collectif (voir article)

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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Batman Rebirth – Tome 11 : La chute et les déchus
Batman Rebirth – Tome 10 : Cauchemars
Batman Rebirth – Tome 09 : L’aile meurtrière
Batman Rebirth – Tome 08 : Noces Noires

Batman Rebirth – Tome 7 : Sur la route de l’autel

Suite du run de Tom King dans ce septième tome un peu particulier qui contient majoritairement des chapitres centrés sur la Bat-Family (plutôt en retrait depuis le début de la série) créés spécialement pour le fameux mariage à venir de Batman et Catwoman. Que valent ces « Preludes to the Wedding » (leur titre originel), intrinsèquement et regroupés dans leur ensemble ?

[Histoire]
Le Joker est vexé : il a appris le mariage de Batman et Catwoman mais n’est pas convié. Il attend chez un illustre inconnu que l’invitation arrive par courrier.

L’occasion de suivre différents alliés et ennemis du Chevalier Noir dans cette période pré-mariage. L’ombre du Clown du Crime n’est jamais loin…

[Critique]
Les chapitres apparaissent dans l’ordre suivant après leur introduction commune (celle-ci intitulée Prélude en VF et provenant de DC Nation #0) : Robin vs. Ra’s al Ghul, Nightwing vs. Hush, Batgirl vs. l’Homme-Mystère, Red Hood vs. Anarky, Harley Quinn vs. Joker puis les Batman #48 et #49.

Le chapitre d’introduction permet de renouer ENFIN avec le Joker. En effet, sur les six tomes précédents, le Clown du Crime n’était apparu que durant le quatrième (le plus mauvais) et il était… antipathique au possible, bien loin de sa folie habituelle (il ne riait pas et était de mauvaise humeur tout le temps). On retrouve donc un Joker plus proche de l’imagerie collective et cela est clairement agréable — les deux chapitres finaux sont d’ailleurs le point d’orgue de l’hystérie meurtrière du Joker ; on y revient plus tard.

Le récit sur Damian est sympathique au début (sa relation avec Selina) avant de tomber dans quelques absurdités : un ennemi ridicule d’une part, l’envie de jouer à un jeu vidéo d’arcade en pleine nuit d’autre part. La réelle identité de son adversaire est prévisible au possible et à part un bref retour du Damian du futur sous forme d’hallucination (celui apparu dans Batman #666, dans Grant Morrison présente Batman), il n’y a pas grand chose d’autre à sauver. On retient surtout la complicité entre Selina et Damian et le fil rouge à propos du Joker évoqué en épilogue.

Nightwing qui prépare avec Superman l’enterrement de vie de garçon de Batman ? Sur le papier, c’est un grand oui. Mais c’est malheureusement trop court : le premier Robin se trouve piégé dans une autre dimension face à Silence (Hush). Forcément, l’évocation du meilleur ami est au premier plan et là aussi on se retrouve avec un chapitre « sympathique sans plus », à l’exception — à nouveau — de la fin qui connecte chaque récit avec la folie meurtrière du Joker.

Quand Batgirl suit les énigmes du Riddler pour sauver des innocents, on a du mal à suivre… Les énigmes sont confuses, elles n’ont aucun rapport avec ce qu’on connaît (et/ou la traduction était sans doute difficile) et l’ensemble sonne « faux ». S’il y avait une certaine logique dans les chapitres précédents entre le rapport de l’ennemi ou de l’allié à Batman ou son mariage, ici ça ne prend pas du tout. Une parenthèse hyper anecdotique…

Le chapitre sur Red Hood se déroule juste avant puis en même temps que ceux de Robin et de Nightwing — principalement durant l’enterrement de vie de jeune fille de Selina cette fois. Batman charge Todd de surveiller discrètement et protéger si besoin Selina. C’est le même soir (et au même endroit tant qu’à faire) qu’Anarky a décidé d’organiser une rencontre « chaotique ». Une fois de plus, l’ensemble reste quelconque et sans réel intérêt.

Une interrogation du lecteur est mise en avant (elle l’était déjà dans le récit sur Nightwing) : le mariage de Batman et Catwoman est « public » mais quid de Bruce Wayne et Selina Kyle ? Impossible pour eux de se marier dans le civil. C’est un point important qui mériterait une réflexion nettement plus poussée au lieu d’être survolée…

Un dernier segment, consacré à Harley Quinn qui kidnappe le Joker, ferme cette longue parenthèse consacrée aux alliés (et anti-héros). Sans aucune doute l’histoire la plus intéressante car elle évoque la frustration du Joker mais aussi son couple avec Quinn. Les connexions annoncées en amont (le « parcours » du Clown du Crime à la recherche d’une invitation pour le mariage) permettent d’apprécier davantage ce chapitre, où l’émancipation d’Harley est plutôt bien mise en avant. À ce stade, on favorise grandement le premier court chapitre introductif et celui-ci, à eux deux ils suffisent amplement. Par ordre de préférence, on ajouterait ceux de Nightwing, Red Hood, Damian puis Batgirl mais clairement ils sont tous passables.

Enfin, les deux ultimes chapitres de la bande dessinée reprennent la suite de la série Batman Rebirth : le premier est glaçant et le second conclut magistralement l’ensemble. Le Joker y apparaît meurtrier (et cette fois on voit tout, pas comme dans le tome 4), complètement fou et imprévisible. Son monologue face à un Batman mutique est l’aboutissement dramatique et épique de tout le livre, qui tranche d’ailleurs avec la légèreté de certaines aventures lues peu avant… Même chose pour le dialogue entre le Clown et Selina, fort en métaphores avec le couple que forment Batman et le Joker.

Clairement, ces deux derniers chapitres sont excellents, largement au-dessus du lot de tout le comic-book et peut-être même l’apothéose de la série. Sans aucun doute ce qu’on a lu de mieux dans Batman Rebirth ! Malheureusement, cela est plombé par tout ce qu’on lit avant. Comme déjà évoqué dans les critiques précédentes, il y aurait clairement quelque-chose à jouer pour une réédition, en ne conservant que les meilleurs chapitres de l’histoire. Même si cela revêt d’une subjectivité certaine, on peut avoir confiance en Urban Comics pour  proposer les indispensables histoires de tout son arc narratif. Car à ce stade, en bientôt 50 chapitres, on a perdu Gotham Girl (introduite dans le premier volume) et on s’est éternisé dans des sentiers narratifs peu palpitants (les tomes 4, 5 et 6 à quelques exceptions près et presque l’intégrale de ce 7ème sauf son introduction et sa fin).

In fine, comme beaucoup de « longs run » (Morrison, Snyder, Dixon…), la qualité est hétérogène oscillant du médiocre au parfait, en passant par le passable ou le fameux « sympathique sans plus ». Sur la route de l’autel n’est pas forcément le bon exemple car co-écrit avec Tim Seeley mais on constate trop de difficulté la l’évolution du travail de Tom King — qui laisse une certaine place au dialogue et à la « seconde lecture » qui rehausse l’intérêt selon certains. Malgré tout, on conseille tout de même cette septième salve pour sa conclusion. Du reste, à part l’introduction et le chapitre sur Harley Quinn (et encore), rien ne restera marqué dans la mythologie profonde du Caped Crusader. Les affrontements entre les alliés de Batman et ses célèbres ennemis sont assez expéditifs, comme très souvent dans ce genre de compilation. Niveau dessin, c’est un festival où personne ne sort réellement du lot (cf. session à propos) à part Mikel Janin, habitué de la série. En synthèse, c’est mieux que les trois tomes précédents mais uniquement pour un tiers du comic-book (qui fourmille de nombreux bonus : couvertures alternatives, croquis préparatoires, planches encrées, crayonnés…).

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 1 mars 2019.

Contient : Batman Rebirth #48-49, Prelude to the Wedding: Robin Vs. Ra’s al Ghul #1, Prelude to the Wedding: Nightwing Vs. Hush #1, Prelude to the Wedding: Batgirl Vs. The Riddler #1, Prelude to the Wedding: Red Hood Vs. Anarky #1, Prelude to the Wedding: Harley Quinn Vs. The Joker #1 + pages from DC Nation #0

Précédemment publié partiellement dans le magazine Batman Rebirth #24 (mai 2019).

Scénario : Tom King, Tim Seeley
Dessins : Mikel Janin, Clay Mann, Brad Walker, Travis Moore, Minkyu Jung, Javier Fernandez, Hugo Petrus, Sami Basri, Otto Schmidt
Encrage additionnel : Andrew Henessy, Mick Gray, José Marzan Jr.
Couleur : Jordie Bellaire, Tamra Bonvillain, John Kalisz, Jessica Kholine, June Chung, Otto Schmidt

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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