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Batman & Robin Année Un – Tome 1

Nouvelle série qui – comme son titre l’indique – suit la première année de Batman quand il intègre Robin (Dick Grayson) dans sa croisade, sous la plume du célèbre Mark Waid. Ouvrage soigné au dos toilé rouge qui bénéficie aussi d’une édition spéciale avec une couverture alternative pour les enseignes Momie, Batman & Robin Année Un est particulièrement accessible et devrait réjouir l’ensemble des fans du célèbre duo. Découverte d’un récit inédit.

[Résumé de l’éditeur]
Alors que Bruce Wayne vient officiellement d’adopter l’orphelin Dick Grayson qu’il forme comme son acolyte, un mystérieux nouveau patron du crime appelé le Général tente de s’approprier les rues de Gotham en annihilant la mafia locale… À la recherche de réponses, Batman et Robin vont devoir mener l’enquête mais aussi gérer les deux aspects de leur relation en tant que père et fils et duo dynamique !

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Une revisitation des premiers pas du tout jeune Dick Grayson dans les collants, ou plutôt le slip, du jeune prodige : voilà une ambition à la fois originale et qui a, forcément, un côté déjà-vu. Impossible de ne pas penser au chouette Robin – Année Un par exmple – de là à y voir une sorte d’extension ? Pourquoi pas… Dans ce premier tome, Dick est déjà entraîné et connaît la double identité de son nouveau père adoptif. Il a déjà déambulé dans Gotham la nuit drapé de son costume de Robin mais il n’est pas encore très « connu/identifié » par les malfrats et même par Gordon, qui va donc découvrir Robin pour la première fois. Cela permet de situer à peu près chronologiquement le récit.

Alors, qu’est-ce que ça raconte de « nouveau » ? Le scénariste historique de DC Mark Waid (à l’œuvre à peu près en même temps ou récemment sur Absolute Power et Justice League Unlimited) propose une fiction assez convenue mais très plaisante. Ici, à l’exception de Double-Face et d’un célèbre autre antagoniste (tous deux étant assez en retrait néanmoins), c’est davantage la pègre qui fera office d’ennemi, avec le Général Grimaldi un nouveau venu plutôt malin qui va faire s’entretuer les différents clans. Il y a une petite veine polar, un côté urbain très prononcé (d’où la seconde couverture inédite et superbe) ponctuant les aventures du dynamique duo. D’un côté, un mentor paternel parfois dépassé, d’un autre côté une jeunesse pleine d’énergie, solaire et légère.

Et… si ces caractéristiques font partie de l’ADN de Grayson, on déplore tout de même le manque de séquences de « tristesse/deuil » dont il est à peine question dans l’ouvrage. Théoriquement la mort des parents de Dick reste assez récente (preuve en est : les services sociaux rendent des visites surprises au Manoir Wayne pour s’assurer de la bonne éducation de l’orphelin !). Ce n’est pas très grave mais c’est un petit peu étonnant – peut-être que cela viendra plus tard car toute l’intrigue se déroule sur une poignée de jours, quelques semaines tout au plus. Il faut dire que la bande dessinée bénéficie d’un rythme haletant et se dévore aisément.

Entre ses protagonistes charismatiques, ses quelques mystères ici et là, ses dialogues ciselés (les joutes verbales entre Alfred et Bruce sont un délice – « wayniser ! »), Batman & Robin – Année Un est une sorte de retour aux sources très agréable, bien loin de toutes les aventures récentes où l’on voyait un homme chauve-souris désabusé et/ou un Robin colérique voire insupportable (Damian). Ici on retrouve une sorte de « virginité artistique » dressant un tableau paradoxalement familier et novateur, qui offre une narration maîtrisée (visiblement, Waid sait là où il va), tout en caractérisant efficacement ses personnages qu’il s’amuse à faire vadrouiller un peu partout. En somme, l’ensemble est extrêmement plaisant bien qu ‘il lui manque, peut-être et en toute modestie, un certain « grain de folie (ou de malice) » qui donnerait à la chose une dimension incontournable.

Il faut se tourner vers l’objet, le livre en lui-même pour y trouver cela. Urban Comics tente une édition prestige à prix raisonnable (pour une fois), avec un bel écrin, dos toilé rouge, absence de texte en quatrième de couverture, deux versions, etc. Un soin qui apparaît salvateur et complémentaire aux planches de Chris Samnee dont la patte couplée à la colorisation de Matheus Lopes rappelleront inéluctablement le style si singulier de Darwyn Cooke (The New Frontier, Batman – Ego…). Cette tendance cartoony adulte, douce et parfois brutale à la fois, touchante (à l’instar de ses héros), presque naïve. Un régal. Cette modernisation pulp du Robin jovial de l’Âge d’or fonctionne admirablement malgré son sentier globalement balisé.

Doit-on lire Batman & Robin – Année Un ? Comme toujours, si vous rechercher un peu de fraîcheur, évidemment ! Si vous voulez quelque chose de foncièrement novateur et inédit, pas spécialement. C’est une élégante porte d’entrée et… elle rappelle indéniablement la série d’animation de 1992, donc autant se procurer ce coup de cœur car, in fine, qui n’aime pas la parfaite itération de Bruce Timm et Paul Dini ?

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 13 juin 2025.
Contient : Batman & Robin Year One #1-6
Nombre de pages : 152

Scénario : Mark Waid
Dessin & encrage : Chris Samnee
Couleur : Matheus Lopes

Traduction : Yann Graf
Lettrage : Eric Montesinos

Acheter sur amazon.frBatman & Robin Année Un – Tome 1 (20 €)

 

Absolute Power

Critique des trois tomes d’Absolute Power, l’évènement qui regroupe plusieurs séries et met fin à l’ère Infinite (tout en ouvrant doucement sur la nouvelle : DC Prime – cf. cet article) !

[Contextualisation éditoriale]
Ce n’est pas une « crise » à proprement parler (cf. guide) mais un crossover important qui vient conclure les multiples séries de l’ère Infinite de DC Comics. Pour le Chevalier Noir, il y a eu (sans forcément de fil conducteur) Batman Infinite puis Dark City (et Nocturne en parallèle), pour les autres justiciers, il s’agissait surtout des collections Dawn of (Superman, Green Arrow & Black Canary, Titans…). Comme souvent, nul besoin d’avoir lu ces œuvres précédentes même si ça aide (par exemple, connaître le personnage androïde de Failsafe (dans Batman… Failsafe) facilite la compréhension mais, une fois encore, rien d’obligatoire). Absolute Power reste accessible et propose une situation inédite : la terrible Amanda Waller réussi à priver les super-héros de leurs pouvoirs ! Cette antagoniste mythique bénéficie d’un avant-propos rédigé par Urban Comics sur son site et dans le premier tome, à découvrir également ci-dessous.

À noter que le premier tome est sorti dans une édition limitée en janvier 2025 à l’occasion du Festival d’Angoulême.

  

[Avant-propos de l’éditeur issu du premier tome – nécessaire pour tout avoir en tête avant la découverte]
Les super-héros de l’Univers DC ont affronté d’innombrables êtres surpuissants au cours de leur existence : des monstres, des Dieux, des menaces venues d’autres planètes, d’autres dimensions… Pour autant, c’est bien une simple humaine, sans le moindre pouvoir, qui pourrait finir par causer leur perte.

Amanda Waller fait sa première apparition en 1986 dans la mini-série Legends, écrite par John Ostrander et Len Wein et dessinée par John Byrne, où Darkseid élabore un nouveau plan pour nuire aux super-héros : saper leur image auprès du grand public. En manipulant les médias, le maître d’Apokolips orchestre une campagne anti-justiciers pour retourner la population contre ses icônes. Influencé par le climat ambiant, le gouvernement américain déclare tous les super-héros, dont la Ligue de Justice, hors la loi. Amanda Waller est alors réquisitionnée pour monter une équipe de super-vilains afin de protéger le mont Rushmore de l’attaque du monstre Brimstone. Suite à cela, Waller réussit à convaincre le président Reagan de la nécessité de disposer d’agents secrets impitoyables et sacrifiables pour mener à bien les missions les plus dangereuses en échange d’une réduction de peine : la Suicide Squad est née !

L’introduction de Waller dans Legends marque un tournant pour DC, à un moment où l’éditeur cherche à explorer des thématiques plus politiques et sociales, notamment après la fin du Multivers durant Crisis on Infinite Earths. La vision cynique et jusqu’au-boutiste du personnage résonne avec une période où les figures super-héroïques classiques sont remises en cause afin de satisfaire l’appétence du lectorat pour des personnages plus atypiques, plus proches des anti-héros.

Pour preuve, le succès du concept de la Suicide Squad est immédiat et conduit rapidement à une série régulière en 1986 (Les archives de la Suicide Squad). Amanda Waller y dirige d’une main de fer l’escadron avec des méthodes pour le moins coercitives et n’hésite pas à tenir tête à quiconque s’oppose à elle, que ce soient les membres de sa propre équipe comme Captain Boomerang, ses supérieurs hiérarchiques ou encore certains super-héros comme Batman…

Originaire d’un quartier difficile de Chicago, et suite à des événements traumatiques que vous pourrez découvrir dans le tome 3 de la présente série, Waller a su rapidement gravir les échelons pour devenir une figure aussi respectée que crainte, que ce soit de ses collègues ou de la communauté super-héroïque. Au fil des années, elle cumula la direction de plusieurs agences de renseignement. Elle prit notamment la tête de l’agence secrète Checkmate, appartenant à la Task Force X comme la Suicide Squad, pour entreprendre des missions secrètes dans le monde afin d’assurer la sécurité des États-Unis. Pendant un temps, elle dirigea même l’Agence de Renseignement, de Gestion, d’Unification et de Soutien (A.R.G.U.S.), en charge de régir les interactions entre le gouvernement et les super-héros avant d’intégrer le Département des Événements Ultra-Spéciaux (D.E.U.S.), chargé de surveiller et prévenir toute menace métahumaine sur le sol américain. Elle devint même secrétaire des affaires méta-humaines au sein de l’administration de Lex Luthor lorsque ce dernier était président des États-Unis (à découvrir dans le récit complet Président Lex Luthor).

Pendant les périodes Renaissance et Rebirth, Amanda Waller continue d’être décrite comme une personne aux convictions les plus froides et calculatrices au travers des missions qu’elle confie à la Suicide Squad. Mais c’est bien durant la période Infinite qu’Amanda Waller prend une place prépondérante dans l’Univers DC, déployant tout son machiavélisme pour mener à bien ses plans contre la communauté méta-humaine. En tant que directrice de la Suicide Squad, Waller orchestre de nombreuses opérations controversées sans aucune autorisation gouvernementale. Parmi les plus audacieuses figure son projet de créer sa propre Ligue de Justice pour envahir et dominer Terre-3, monde gouverné depuis des décennies par le redoutable Syndicat du Crime. Rick Flag, épaulé par les Titans et sa propre Suicide Squad dissidente, tenta de stopper Amanda Waller, en vain puisque cette dernière réussit à manipuler Ultraman, version corrompue de Superman, pour prendre le contrôle de Terre.

  

Elle fut ensuite rapatriée sur Terre-Prime par le mystérieux Conseil de la Lumière, avec pour mission d’éliminer la communauté des superhumains, héros comme vilains. Si pendant plusieurs mois, Waller resta apparemment inactive, elle agissait en réalité dans l’ombre pour accumuler de nombreux artefacts et consolider son pouvoir : le Casque de la Haine sur l’île de Lazare grâce à Peacemaker, Peacewrecker et Gunsmith, ou encore la Pierre des Cauchemars lors de l’attaque d’Insomnia sur la Terre (Justice League – Knight Terrors). Lors de l’évènement Beast World (Dawn of Titans – Tome 2 : Beast World), Beast Boy est transformé en créature féroce par le Doctor Hate.

Amanda Waller s’en prend à l’équipe des Titans, alors seuls garants de la paix en l’absence de la Ligue de Justice, en manipulant l’opinion publique pour justifier l’élimination des super-héros. Malgré la victoire des Titans face à Waller, cette dernière réussit à obtenir la création du Bureau de la Souveraineté dont les locaux se situent dans l’ancien quartier général de la Ligue de Justice, rebaptisé « Le Hall de l’Ordre »…

Durant cette période, Waller resta en veille permanente, observant les faits et gestes de la communauté super-héroïque, scrutant la moindre occasion. Parmi ses cibles se trouve le Chevalier Noir, qui pendant plusieurs mois a dû faire face au redoutable Failsafe, un « Bat-robot » implacable conçu pour l’éliminer si jamais il devait s’écarter de son credo et attenter à une vie humaine. Batman réussit finalement à désactiver Failsafe (Dark City – Tome 5 : Sombres prisons) envoyant, selon toute vraisemblance, le robot à la casse…

 

En parallèle, Amanda Waller manipula Green Arrow pour qu’il travaille à ses côtés après avoir dispersé sa famille dans le temps et l’espace (à lire dans les deux tomes de Dawn of Green Arrow & Black Canary). Mais la rhétorique de Waller semble aujourd’hui convaincre Oliver, qui se met à douter de sa mission et de ses alliances… Waller aurait-elle gagné un atout de poids dans la guerre qui se prépare ?

Enfin, après plusieurs mois de collaboration avec l’énigmatique Conseil de la Lumière, Waller découvrit finalement la véritable identité de ses membres : il s’agissait d’une coalition de variants de Brainiac provenant de différentes réalités ! Surprise par cette révélation, Waller choisit de s’éloigner de cet ennemi dangereux et imprévisible. Qu’à cela ne tienne, le Collectionneur de mondes lance un énième assaut contre Superman et Metropolis en créant la Reine Brainiac, un androïde capable d’anéantir toute vie dans l’univers. Au terme d’un féroce combat, (à découvrir dans Dawn of Superman – Tome 3), la super-famille réussit à repousser la menace de la Reine Brainiac. Mais pour combien de temps ?

Après une vie entière à préparer dans l’ombre la chute des super-héros, toutes les pièces finissent de se mettre en place. Amanda Waller est plus que jamais prête à lancer l’assaut final de sa croisade contre les méta-humains, et à tenir entre ses mains le pouvoir absolu…

[Résumés de l’éditeur]
Tome 1/3 : Peu d’être humains ont su tenir tête aux super-héros avec autant de zèle et de détermination qu’Amanda Waller. Après une carrière de machinations, et grâce à la puissance combinée de l’inarrêtable Failsafe et de la glaçante Reine Brainiac, Waller a finalement atteint son but : priver tous les héros et vilains de la planète Terre de leurs capacités métahumaines. Alors que le chaos inonde les rues et qu’une vaste campagne de désinformation fait basculer l’opinion publique de son côté, la fondatrice de la Suicide Squad déclenche une véritable guerre éclair pour faire tomber tous les super-héros, les uns après les autres. En ces heures sombres, une résistance se forme… mais ces  héros impuissants peuvent-ils vraiment vaincre la Trinité du Mal et leurs implacables sbires ?

Tome 2/3 : Après l‘attaque dévastatrice d’Amanda Waller et de ses sbires sur la forteresse de Solitude, les plus grands super-héros de l’histoire sont dos au mur, et contraints de prendre la fuite… Sans pouvoir, et privé d’un Jonathan Kent plus dangereux que jamais qui a rejoint les lignes ennemies, les derniers espoirs de la Terre se sont exilés à Themyscira, bastion de la Résistance. Mais s’ils ont réussi à éviter de succomber aux assauts de la Trinité du Mal jusqu’ici, ils sont loin d’avoir gagné la guerre…

Tome 3/3 : Alors que les derniers super-héros se battent corps et âme sur l’île de Gamorra, Batman et Superman sont mis en difficultés par les forces de la Trinité du Mal. Amanda Waller, quant à elle, a franchi la ligne rouge lorsqu’elle fait appel à des renforts venus de tout le Multivers pour écraser les derniers rebelles. l’espoir est-il encore permis pour les super-héros ?

[Critique]
Et si Amanda Waller était plus forte que Darkseid ? Et si c’était l’ennemie la plus puissante et féroce de l’univers DC ? C’est ce postulat poussé à l’extrême (principalement par le scénariste Mark Waid) que nous propose Absolute Power. Publié en France au premier semestre 2025 (fin janvier puis début mars puis fin avril), les lecteurs ont donc pu découvrir en à peine trois mois l’entièreté de cette conclusion épique et inédite (d’où le délai – sur ce site – préférant tout lire à la suite et tout chroniquer en une seule fois). Ce qui ressort de l’ensemble est globalement positif : un excellent rythme (on ne s’ennuie pas) malgré un côté inégal entre les multiples séries proposées (on y reviendra), des binômes originaux et agréables à découvrir (idem), un concept tiré par les cheveux mais qui fonctionne à peu près, de l’action et une homogénéité graphique honorable. En somme : c’est une aventure XXL sympathique, un divertissement efficace, pas si révolutionnaire que cela, pas forcément incroyable mais pas oubliable pour autant. Tour d’horizon.

D’entrée de jeu, il faut accepter l’improbable : Waller trouve un moyen de priver les méta-humains de leurs pouvoirs. Les explications sont complexes et bordéliques mais bon, dans ce genre de cas, il faut clairement fermer les yeux sur ça et avancer. Ce qui en résulte est à la fois passionnant et, parfois, décevant. En effet, au-delà de cette situation inédite, Waller enchaîne la diffusion de fausses informations pour retourner le cerveau du citoyen lambda et manipuler les foules. À l’heure des fake news en tout genre, notamment aux États-Unis, impossible de ne pas y voir un écho (« gentiment ») politique… Passé cela, on aurait pu croire que la Bat-Famille serait mise en avant : pour cause, ce sont les rares justiciers de DC qui n’ont pas de pouvoirs ou n’utilisent pas la magie. Hélas, à part quelques segments sur Batman, Damian et Nightwing, il n’en est rien. C’est justement Nightwing qui devient leader de la Résistance mais, une fois encore, ça reste anecdotique et n’est jamais vraiment exploré.

Ce qui est exposé en marge de tout cela est, en revanche, plutôt pertinent. D’un côté les origines de Waller (trois chapitres en ouverture du troisième tome) afin de comprendre son parcours, ses motivations et générer une éventuelle empathie. De quoi découvrir que la terrible femme a perdu un mari et un fils par le passé, est vite devenue une redoutable manipulatrice dans des élections et a gravi les échelons dans l’ombre, au détriment d’une relation apaisée avec ses autres enfants. D’un autre côté, parmi les épisodes proposés, Absolute Power regroupe les séries « habituelles » Batman, Wonder Woman, Superman, Green Arrow et Green Lantern (ainsi que celles spécifique à l’eventAbsolute Power et Absolute Power : Task Force VII principalement). Et c’est dans tout ça qu’il faut piocher les bonnes idées.

En effet, le titre nous offre alors de longs passages avec des duos inédits. Ainsi, Wonder Woman se retrouve avec Damian Wayne où chacun favorise sa méthode d’interrogatoire (la douceur et l’amour vs. la peur et la violence – en gros) dans une relation atypique. Superman, lui, accompagne Zatanna dans l’univers de la magie – elle-aussi n’a plus ses pouvoirs –, que l’homme d’acier déteste en temps normal. Là aussi le binôme détonne et n’est pas souvent vu ensemble. Pour Batman, c’est avec Catwoman qu’il exécute une mission, c’est donc déjà un peu plus classique… On apprécie également les parcours croisés des différents Green Lantern, notamment Alan Scott qui arrive à donner un début de conscience à un de ses ennemis robotiques.

Tous ces chapitres additionnels ne freinent nullement l’intrigue principale et ajoutent une dimension non négligeable tout en bénéficiant d’un rythme endiablé qui se greffe habilement au fil rouge stricte d’Absolute Power (qui ne se déroule que sur quatre épisodes !). Ceux sur la Task Force VII sont moins palpitants et, si l’ensemble a un déroulé parfois convenu (les gentils gagnent à la fin, on repart à peu près à la situation initiale – d’où le terme soft reboot pour la suite : que ce soit pour les séries de DC ou la Justice League Unlimited (suite presque directe)), le côté divertissement mainstream prend le dessus.

Mark Waid signe un titre dense mais accessible et fluide, épaulé par tous les scénaristes des séries habituelles (Chip Zdarsky pour Batman, Joshua Williamson pour Superman, Tom King pour Wonder Woman – qui écrira comme d’habitude des dialogues remplis de mots vulgaires #fatigue – et ainsi de suite). On aurait aimé un zoom sur les Flash, Aquaman et Cyborg, tous relégués à de la figuration et, dans une moindre mesure, sur différents ennemis – ceux de Batman en tête. Il y a donc un sentiment d’incomplet mais qui ne gâche pas l’ensemble. Pour ceux qui ont suivi Failsafe dans la série Dark City, Reine Brainiac dans Dawn of Superman et, entre autres, les aventures de Green Arrow (cf. plus haut), l’impression d’un regroupement majeur entre tous ces titres est particulièrement jouissif. Le fidèle lecteur est récompensé, sans pour autant avoir l’impression d’une sorte d’artificialité entre ses connexions ou un appui forcé.

Côté dessin, une myriade d’artistes se succède sur les trois tomes, sans compter les coloristes. Citons les plus notables sur les dizaines qui opèrent : Dan Mora, Tony S. Daniel, Mikel Janin, Mike Hawthorne et Fernando Pasarin par exemple. Rien de particulier à relever, les planches se suivent et tout le monde est identifiable, tout est globalement homogène et appréciable, colorisés dans la pure veine d’un « comic book grand public ». Certaines pleines planches (voire doubles) sont savoureuses, on aurait aimé en avoir davantage, surtout dans sa dernière ligne droite.

Comme souvent face à ce genre de propositions, il est difficile de conseiller ou non la lecture. Comme dit plus haut, un énième « divertissement sympathique mais sans plus » à la longue liste déjà existante… Si ça (vous) fait toujours son petit effet alors ne pas hésiter. Pour un total de 83 €, on peut exiger du mieux tout de même… d’autant que la lecture n’est pas obligatoire pour comprendre les futures suites et se résument en quelques lignes. Néanmoins, si tout l’univers Infinite (vous) a séduit, que les connexions entre Superman, Green Arrow, Wonder Woman et tous les autres (vous) stimulent et que vous souhaitez voir où tout cela converge, c’est évidemment une lecture indispensable ! Ici, on a surtout été séduit par les origines d’Amanda Waller, personnage de la « zone grise » de DC, aussi fascinant que détestable. Rien que pour elle, ça vaut, in fine, le coup/coût.

[À propos]
Publiés chez Urban Comics les 31 janvier, 7 mars et 25 avril.
Contenu par opus.
Tome 1 (320 pages) : Green Arrow #13-14 + Absolute Power: Free Comic Book Day 2024 + Absolute Power: Ground Zero + Absolute Power #1-2 + Superman #16 + Batman #151 + Wonder Woman #11 + Absolute Power: Task Force Seven #1-3 + Green Lantern #13
Tome 2 (240 pages) : Green Arrow #15 + Absolute Power #3 + Superman #17 + Batman #151-152 + Wonder Woman #12 + Task Force Seven #4-5 + Green Lantern #14
Tome 3 (288 pages) : Green Arrow #16 + Absolute Power #4 + Superman #18 + Wonder Woman #13 + Task Force Seven #6-7 + Absolute Power: Super Son + Green Lantern #15 + Absolute Power: Origins #1-3

Scénario : Mark Waid, Chip Zdarsky, Joshua Williamson, Tom King, Jeremy Adams, John Layman, Leah Williams, Nicole Maines, Tini Howard, Pornsak Pichetshote, Alex Paknadel, John Ridley, Sina Grace, Dan Watters

Dessin & encrage :  Dan Mora, Amancay Nahuelpan, Mike Hawthorne, Fernando Pasarin, Jamal Campbell, Tony S. Daniel, Max Raynor, Mikel Janin, Skylar Patridge, V. Ken Marion, Gleb Melnikov, Caitlin Yarsky, Sean Izaakse, Marco Santucci, Claire Roe, Marianna Ignazzi, Pete Woods, Alitha Martinez, Khary Randolph, John Timms, Travis Mercer, Sean Izaakser, Fran Galan

Couleur : Alejandro Sanchez, Romulo Fajardo Jr., Trish Mulvihill, Patricio Delpeche, Gleb Melnikov, Alex Guimaraes, Jamal Campbell, Jay David Ramos, Luis Gerrero, Arif Prianto, Giovanna Niro, Lee Loughridge, Leonardo Paciarotti, Pete Woods, Andrew Dalhouse, Romulo Fajardo Jr., Hi-Fi, Adriano Lucas, Pete Pantazis, Rex Lokus, Fran Galan

Traduction : Jérôme Wicky, Yann Graf, Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard et Lorine Roy)

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Batman Superman World’s Finest – Tome 1 : Le diable Nezha

Le grand retour d’une série consacrée à Batman et Superman ! Affublé du titre historique (World’s Finest), ce premier tome place son intrigue à l’époque où Robin est encore Dick Grayson. Découverte.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis une attaque chimique dévastatrice, suite à une confrontation avec Metallo, les pouvoirs de Superman ne sont plus ce qu’ils étaient… Pour retrouver sa force d’antan, l’Homme d’Acier n’a d’autre choix que de se tourner vers le justicier de Gotham : le Chevalier Noir. Ensemble, les deux plus grands super-héros que le monde ait jamais connus vont devoir explorer toutes les pistes possibles pour délivrer l’Homme de Demain de son mal… allant jusqu’à enrôler une nouvelle équipe : la Doom Patrol.

[Début de l’histoire]
Metropolis est attaqué par Poison Ivy et Metallo ! Superman les combat avec l’aide de Batman et Robin (Dick Grayson). Zod ne tarde pas non plus à se montrer face à… la Doom Patrol !

Dans l’ombre, un autre ennemi fait surface : le diable Nezha. Les justiciers vont devoir s’allier et repousser leur limite pour affronter ces multiples menaces.

[Critique]
L’homme d’acier et l’homme chauve-souris en comics, c’est une longue histoire. Elle est résumée dans l’avant-propos du livre mais contentons-nous, sur ce site, de rappeler les quelques sorties existantes en France. Tout d’abord les deux ouvrages de Jeph Loeb, sobrement intitulés Superman Batman (cf. les critiques du tome 1 , pas trop mal au scénario, davantage clivant aux dessins, et du tome 2, moins réussi et plus indigeste). Ensuite, le célèbre récit complet L’étoffe des héros (pas encore chroniqué sur ce site mais assez moyen selon les modestes souvenirs de l’auteur de ces lignes). Enfin, la dernière série en date (avant cette World’s Finest) était tout simplement (en VO) Batman/Superman et s’était répartie en France dans Le Batman Qui Rit – Les Infectés (2020) puis dans les volumes 3 et 4 de Batman Bimestriel Infinite (fin 2022 et début 2023, cf. index – pas encore lu).

Aujourd’hui, la relance d’une aventure commune entre les deux super-héros apporte un vent de fraîcheur où brille notamment une partie graphique haute en couleur, un scénario simpliste mais efficace (contenant une excellente idée mais peu développée – on y reviendra) et une vaste galerie de protagonistes. Supergirl, Robin, la Doom Patrol et quelques autres figures de DC Comics gravitent autour de Batman et Superman. En cinq chapitres, l’équipe va affronter le puissant diable Nezha (titre de ce premier tome) – un sixième épisode un peu déconnecté ferme l’ouvrage. L’intrigue permet surtout à son auteur Mark Waid et au binôme Dan Monra/Tamra Bonvillain (dessinateur/coloriste) de s’éclater. On est dans un pur blockbuster mainstream (comme pouvaient l’être Justice League vs. Suicide Squad dans une moindre mesure).

Mark Waid est un scénariste réputé chez DC qui a signé des titres mémorables. On lui doit un long travail exemplaire (huit ans !) sur Flash par exemple (à découvrir dès juin 2023 dans The Flash Chronicles 1992) mais aussi le chef-d’œuvre Kingdom Come ou encore Superman – Les origines (très conseillé). Il a également travaillé sur l’excellente série 52, se déroulant après Infinite Crisis (cf. index des crises DC) et la série Justice League of America (rééditée en sept volumes après avoir eu droit à des sorties sous forme de récits complets pour La tour de Babel et Ascension).

Un artiste accompli également responsable éditorial chez DC Comics qui a contribué à des créations d’univers comme Gotham by Gaslight par exemple. Après plusieurs années chez Marvel ou ailleurs, Mark Waid a signé son grand retour chez DC et élabore un nouvel univers. Urban Comics le mettra en avant en juin prochain (cf. leur article récapitulatif), en plus de la publication de son début de run sur Flash, le très attendu Planet Lazarus – Tome 1 : Batman vs. Robin sera proposé,  ainsi que le second tome de Batman Superman World’s Finest.

Revenons sur le premier justement. La lecture est limpide, rythmée (on ne s’ennuie pas) et globalement accessible (si vous n’avez pas lu de comics sur la Doom Patrol mais que vous avez vu l’excellente adaptation en série TV ça devrait aller, sinon ce n’est pas très grave). On sent l’amour de Waid pour l’âge d’argent des comics, une époque moins sombre où les super-héros étaient davantage « optimistes ». Succession de combats, stratégies et retournements de situation agrémentées de la fidèle amitié et complicité des deux justiciers et leurs alliés de marque. C’est pile ce qu’on vient chercher dans World’s Finest donc rien à dire de plus à ce niveau-là. Certes le récit n’est pas forcément marquant, il remplit le contrat du fameux « divertissement efficace » (c’est, certes, peu exigeant mais ce n’est pas toujours aussi aisé que ce qu’on pourrait penser pour y arriver – cf. Justice League – Endless Winter qui cumulait poncifs et restait anecdotique, in fine).

Au cours de la fiction (attention aux révélations qui vont suivre – passez au paragraphe suivant et ne descendez pas jusqu’en bas de cette critique pour ne pas voir l’illustration associée), un être improbable fait son apparition : la fusion de Batman et Superman ! Difficile de savoir s’il s’agit d’une sorte de rapprochement mental entre les deux surhommes ou autre chose mais c’est terriblement jouissif ! Malheureusement cela ne dure que quelques planches… On aimerait revoir cet incroyable personnage dans une série entièrement consacrée à « lui ». Les guillemets sont de mise car on lit bien les pensées des deux héros, il y a donc une coexistence simultanée. Une anomalie encore jamais explorée chez DC Comics et qui mériterait un traitement à part.

Du reste, pas grand chose à dire, on apprécie la dynamique globale de l’ensemble et les différentes interactions de groupes, aussi bien celles de Batman et Superman que Batman et Robin, Robin et Supergirl, la Doom Patrol, etc. Il ne faut pas s’attendre à une œuvre « intellectuelle » (ce n’est pas un défaut) ou proposant des réflexions et analyses très poussées (comme beaucoup de comics du genre de toute façon) mais un festival de jolies scènes d’action et figures familières de DC attachantes, au-delà du duo du titre.

Visuellement, l’ensemble du titre est superbe ! Il faut dire qu’il bénéficie du duo de choc évoqué plus haut : Dan Mora et Tamra Bonvillain (déjà en équipe sur la série Once and Future, écrite par Kieron Gillen). L’action est hyper lisible, fluide et dynamique. Les personnages aisément reconnaissables et leurs émotions palpables. Ça fourmille de plein de couleurs vives, c’est soigné, c’est joli, ça fait le taf. Mora gagne en couleurs « vives » grâce à Bonvillain mais perd (peut-être) l’austérité et l’approche plus « réaliste » que lorsqu’il travaille avec Jordie Bellaire pour la colorisation, cf. Batman Detective Comics Infinite. Travis Moore s’occupe de l’épilogue dans un style plus conventionnel (cf. avant-dernière image de cet article). En synthèse, pour 17 € ce premier opus vaut clairement le coup si vous savez ce que vous venez chercher. La suite est alléchante (sortie prévue le 30 juin prochain) car elle verra une personne extraterrestre atterrir sur Terre (comme Superman en son temps) et pris sous l’aile aussi bien par Batman et le kryptonien que… le Joker (et The Key) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 janvier 2023.
Contient : Batman / Superman World’s Finest #1-6

Scénario : Mark Waid
Dessin & encrage : Dan Mora, Travis Moore
Couleur : Tamra Bonvillain

Traduction : Yann Graf
Lettrage : Makma (Gaël Legeard, Maurine Denoual, Lorine Roy et Stephan Boschat)

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