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Catwoman – Lonely City

Récit complet centré sur Catwoman (mais pas que !) dans une Gotham City différente, dix ans après la mort de Batman et le Joker, Lonely City réussit là où Batman/Catwoman échouait parfois et propose une histoire passionnante.

[Résumé de l’éditeur]
Il y a dix ans, le massacre connu sous le nom de Nuit du Fou coûta la vie à Batman, à Nightwing, au commissaire Gordon ainsi qu’au Joker… et a envoyé Catwoman derrière les barreaux. Une décennie plus tard, Gotham a changé et remisé l’héroïsme et autres phénomènes de foire au rayon des souvenirs encombrants. La nouvelle Gotham est plus propre, plus sûre… et désormais placée sous l’œil vigilant du maire Harvey Dent et de ses Batcops. C’est dans cette nouvelle ville que Selina Kyle revient, marquée, avec en tête un dernier gros coup : les secrets enfouis de la Batcave et une ultime promesse faite à Bruce Wayne !


[Critique]

L’artiste Cliff Chiang (dessinateur connu entre autres pour Human Target, Paper Girls – écrit par Brian K. Vaughan –, Wonder Woman – période Renaissance, avec Brian Azzarello) a tout géré sur cette œuvre : scénario, illustrations, colorisation, lettrage ! En quatre chapitres et près de deux cent pages, Chiang propose une version assez touchante de Selina Kyle mais aussi d’une grande foule de protagonistes. Hasard du calendrier, lire ce titre après le plutôt bon mais inégal Batman/Catwoman permet de « gommer » (involontairement) les deux défauts majeurs de cette autre déclinaison un brin futuriste de Catwoman.

On reprochait à Tom King d’avoir rendu Kyle parfois antipathique mais aussi ridicule en costume du fait de son âge avancé. Ici, dans Lonely City, c’est tout l’inverse. La femme féline émeut à plusieurs reprises, tiraillée entre son passé de criminelle, son deuil perpétuel et sa volonté de décrypter les derniers mots de Batman. Quand elle apparaît costumée, elle a du mal à être aussi agile qu’autrefois. Des problèmes aux genoux et quelques années de plus au compteur, Selina est une humaine avant tout.

Mais reprenons. Dans cette Gotham avancée d’une dizaine d’années, il n’y a pas de sursaut technologique improbable ou une évolution trop radicale de ce qu’est déjà la ville dite « moderne ». La principale surprise réside en Harvey Dent, définitivement guéri (même si toujours difforme au visage), qui est devenu le maire d’une métropole sûre et avec peu de criminalité. Bien aidé d’une milice surarmée et effrayante (ornée de casques et masques de chauve-souris !), Dent brigue un nouveau mandat.

C’est sans compter sur le peuple qui se soulève lentement mais sûrement face au fascisme ambiant (reconnaissance faciale, flicage…) et au milieu duquel Catwoman fait figure d’emblème révolutionnaire bien malgré elle. C’est probablement l’un des points les plus étranges de la bande dessinée tant il s’insère mal dans le reste de la fiction.

Lonely City conte le parcours avant tout d’une cambrioleuse, veuve et solitaire en semi quête de rédemption. Son obsession sera de comprendre ce que lui a dit Batman en mourant et, éventuellement, d’exaucer une possible dernière volonté. En cela, le fil rouge qui se dessine peut décevoir dans sa conclusion – difficile d’en dire davantage sans dévoiler. Comme le dit l’adage, ce n’est pas la destination qui importe mais le voyage (ou la compagnie, comme l’évoquait Brad Pitt à propos de David Fincher aux Césars 2023 – aparté improbable).

Ici, le parcours croisé d’une femme ainsi que ses anciens alliés et compagnons de route face à la férocité d’un maire et d’une ville en proie au chaos accompagnent le lecteur avec une narration très efficace. Entre les dessins soignés (on y reviendra) et le rythme « parfait », la lecture est fluide et agréable. Cliff Chiang parsème son ouvrage de têtes familières (pas forcément les plus attendues) en conservant une cohérence par rapport à la mythologie habituelle du Chevalier Noir. Eddie (Nygma) s’est rangé par exemple et a une fille, Waylon (Killer Croc) ressasse le passé en buvant et ainsi de suite.

Quand il faut monter un casse atypique (aller dans… la Batcave !), c’est une équipe imparfaite mais soudée qui se lance dans l’aventure. Une dimension presque « humaine » (à nouveau) et plaisante, avec des moments tragiques et sincèrement touchants (c’est tellement rare en bandes dessinées, encore plus dans les comics !). Malgré tout, il manque cet ingrédient mystère qui aurait pu faire de Lonely City une œuvre incontournable. Un univers – ou plutôt une dystopie – peut-être plus élargi (d’autres chapitres ? d’autres volumes ? une dimension politique plus poussée ?), un lien avec Batman usité différemment (une réflexion plus développée sur la pertinence des justiciers ?), une présence accrue de la Bat-Family (seule Barbara Gordon est encore très active) ? Etc. Difficile à expliquer. Le titre veut le détour, assurément, mais peine à s’inscrire au-delà de son concept.

Il vaut le détour malgré tout (on l’ajoute volontiers aux coups de cœur du site), restant plutôt original pour un récit hors-continuité ! Par ailleurs, Cliff Chiang livre de belles planches, proches d’une bande dessinée indépendante européenne. On est loin de lire un comic book mainstream ! Entre la mégalopole über réaliste et les costumes (et clins d’œil à d’autres époques) de Catwoman, c’est un régal. Tout sonne « vrai » entre les relations des personnages, indéniablement la grande force de l’œuvre, une authenticité très bien écrite. Le tout dans un étrange mélange entre nostalgie (le temps s’est écoulé, plus personne n’est aussi puissant qu’auparavant) et une étonnante vivacité contemporaine. Le bel écrin du Black Label est idéal pour les épisodes qui composent le récit (Sale vieille ville, Le club des chats de gouttière, Une épopée à l’américaine, Le monde d’en bas).

L’ouvrage comporte plusieurs bonus et est introduit par un texte de l’éditeur Chris Conroy (disponible sur le site d’Urban) livrant quelques secrets de création. Pour une fois, le mot de la fin appartient à un ami et confrère, GriZZly, issu de sa critique (très élogieuse) de Lonely City (sur le site UMAC pour lequel je collabore de temps en temps).

Pourquoi ces gus en costumes se battent-ils comme des forcenés en habits de carnaval ? Leur action est-elle utile, n’est-elle pas contreproductive ? Une politique de fermeté mettant fin aux agissement de chacun de ces personnages, de quelque camp qu’il soit, ne serait-elle pas la solution ? Au final, c’est sans doute ça qui est impressionnant : Lonely City est autant la résurrection d’une question que l’on ne se pose plus qu’une réponse à une question que l’on ne se pose pas encore.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 10 février 2023.
Contient : Catwoman Lonely City #1-4

Scénario & dessin (& couleur) : Cliff Chiang

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Sarah Grassart et Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.fr : Catwoman – Lonely City (21€)

 


Catwoman – Tome 5 : Course de haut vol

Suite et fin de la série Catwoman en cinq tomes. Après les deux premiers volumes réussis (La règle du jeu et La maison de poupées) puis deux ratés et peu palpitants (Indomptable et La main au collet), cette conclusion est-elle à la hauteur ? Spoiler : non.

[Résumé de l’éditeur]
L’indomptable Selina Kyle poursuit son jeu d’équilibriste entre le Bien et le Mal. Après avoir passé un temps à arpenter les rues de Gotham City aux côté de Batman, son amour pour le luxe et son attraction évidente pour le crime la poussent à se replonger dans une course aux larcins sans précédent. Véritable désir de possession ou challenge personnel ? Jusqu’où Catwoman sera-elle prête à aller ?

[Début de l’histoire]
Pas besoin de détailler davantage tant le tome compile plusieurs récits indépendants, voir critique ci-après pour les détails.

[Critique]
N’ayons pas peur des mots, cette conclusion est ratée. Ce cinquième volume composé de dix chapitres (!) est en effet morcelé et coincé sur quatre épisodes autour de différents évènements éditoriaux (cette fois explicités en avant-propos), comme l’était malheureusement le troisième volet (et ce qui  l’a grandement desservi). Cela démarre avec L’An Zéro, ramenant Batman (dans sa série éponyme) et ses alliés dans un flash-back conséquent (six ans plus tôt) où Gotham est plongée dans le chaos urbain, sans électricité. Catwoman n’y échappe pas dans son premier épisode (Avant que les griffes ne sortent, Catwoman #25), où après avoir dérobé un sac de matériel randonneur elle se découvre une certaine agilité combative aidée de son butin. La voleuse déjà expérimentée va plus loin en s’infiltrant dans une soirée de la haute société et en utilisant un fouet pour la première fois, afin de subtiliser des précieuses sources d’énergie manquant cruellement chez les plus démunis durant ce black-out. Ces « nouvelles origines » sont sympathiques mais restent anecdotiques alors qu’elles auraient pu se rattacher à l’épisode #0 du second tome (qui laissait, justement, un mystère en suspens qui ne sera jamais résolu – MàJ : peut-être dans Catwoman Eternal, difficile de savoir si cela était prévu ou non)…

Vient ensuite Gothtopia, une uchronie/utopie sympathique dans son ensemble, comme le sont les trois chapitres sur Batman qui formaient le cœur de cette histoire, issus de la série Detective Comics et compilés dans Jours de Colère – un one-shot pas terrible pris intrinsèquement. Cet event mériterait donc une réédition incluant tous les titres impliqués afin de lire l’intégralité des dix épisodes que constituent l’histoire complète : Batgirl qui avait été chroniqué, Batman et Catwoman (publiés en librairie), Birds of Prey et Batwing tous deux inédits en VF . Ici, on découvre donc Catwoman en Catbird dans ce qu’on imagine de prime abord comme un monde parallèle où la paix et le bonheur règnent en maître. Mais tout ceci est une illusion et des tentatives de suicide font ouvrir les yeux de Selina. Clairement, sans avoir lu le reste (donc à minima les trois épisodes de Batman Gothtopia), ce n’est pas super accessible ni passionnant, deux chapitres (Catwoman #27-28) qui auraient pu/du être mis ailleurs.

Enfin, Disparation, alias Catwoman Futures End #1 (proposé à la toute fin du livre mais chroniqué ici dans un souci de linéarité) nous projette cinq ans dans le futur. Futures End est, encore une fois, un récit assez conséquent dans sa globalité avec tout ce qui gravite autour (cf. cet index mais les tomes n’ont pas encore été lus et critiqués), ponctué de quelques chapitres sympathiques à droite à gauche. Dans cet avenir pas si lointain, Selina est la reine de la pègre, elle a réussi à regrouper des clans, à ne pas attirer l’attention de Batman en le concentrant sur les fous et les monstres. Mais une guerre des gangs est imminente et les relations sont tendues entre les différentes mafias. Au point que Selina va… disparaître (comme son titre VF l’indique, le VO étant The Death of Selina Kyle).

Voilà un épisode très intriguant qui n’a qu’un seul objectif : nous pousser à lire Catwoman Eternal, la suite de la série Catwoman (terminée en deux opus) gérée par une nouvelle équipe artistique et se déroulant en marge de Batman Eternal (après son second tome précisément). Le récit donne envie mais aurait peut-être dû être dans le premier tome de Catwoman Eternal tant il est déconnecté du reste du comic (mais propose un joli clin d’œil à Catwoman à Rome). Le look de Selina y est particulier avec notamment une chemise ouverte jusqu’au bas du ventre et écartée uniquement pour voir sa poitrine… Une posture plutôt ridicule voire carrément sexiste.

Une fois ces quatre chapitres enlevés, il reste donc six épisodes (Catwoman #29-34) pour réellement suivre une aventure à la fois indépendante du reste et qui doit rester cohérente avec les anciens récits mais aussi se suffire à elle-même, tout en concluant la fiction, pour justifier l’achat du livre (en partant du principe que le reste est facultatif et/ou sans intérêt). Pari réussi ? Bof… Entamé avec Envolée fracassante (Catwoman #29), évoqué comme un interlude dans le livre (il s’agit banalement d’un énième vol où WayneTech puis Batman sont impliqués mais c’est hyper anodin et, de facto, inutile), le titre se poursuit avec le nom du comic : Course de haut vol, divisé en quatre chapitres (Catwoman #30-33).

Course de haut vol raconte une sorte de compétition entre différents voleurs réputés. Les enjeux sont incompréhensibles : on passe d’une alliance entre Selina et le Maître des Miroirs à une infiltration d’Alvarez et de Keyes – les deux inspecteurs du GCPD devenus deux boulets narratifs dont ne sait que faire la scénariste Ann Noccenti – sans oublier une confrontation avec l’énigmatique femme Roulette (!), à l’initiative de cette poursuite rocambolesque incluant une véritable course dans le désert entre les personnages façon Les fous du volant (!!). Les dialogues restent pathétiques ou peu inspirés : il suffit que Roulette dise qu’elle est la meilleure voleuse du monde pour que Catwoman s’insurge « non c’est moi » et participe à tout ce concours de cabrioles et cambriolages peu palpitant.

Enfin, un ultime chapitre, Une vie à distance (Catwoman #34), met en avant Alice Tesla, nouvelle complice de Selina arrivée un peu comme un cheveu sur la soupe, son acolyte geek, steampunk et asociale – forcément. Une fois de plus ce n’est pas très bien écrit et sans grand intérêt. Comme vu plus haut, seule la conclusion avec la transition vers Catwoman Eternal stimule un peu le lecteur pour découvrir un virage « mafieux » alléchant.

C’est donc un troisième volet consécutif raté pour la série Catwoman. Quel dommage ! Les deux premiers étaient très encourageants, le changement de scénariste (Judd Winnick a laissé sa place à Ann Noccenti – accompagnée ici de John Layman et Sholly Fisch) et les différents évènements éditoriaux ont empêché Selina Kyle de s’émanciper et d’avoir droit à une écriture plus soignée et aboutie, comme elle le fut aux débuts. On ne saura donc jamais les mystérieuses origines liées à son éventuel frère (fin du deuxième tome – MàJ : peut-être dans Catwoman Eternal, difficile de savoir si cela était prévu ou non…) ni l’évolution du fameux Volt (cf. explications dans la critique du quatrième tome). Lola et Gwendolyne n’auront été que des faire-valoir éphémères et mal exploitées, idem pour Alvarez et Keyes (même si on les retrouvera dans Eternal).

Même les dessins de ce cinquième volet ne sauvent pas le reste, assurés majoritairement par Patrick Olliffe (Aaron Lopresti et Cliff Richards sur quelques segments). Il n’y a plus vraiment ce trait élégant qu’on trouvait chez les précédents artistes qui permettait d’avoir un minimum de beauté visuel et donc un semblant d’intérêt. Attention, ce n’est pas loupé mais ce n’est pas transcendant non plus à part quelques passages (ou le premier épisode, le #25, de Lopresti). Bref, dès son troisième volume, la série Catwoman est devenue catastrophique, c’est in-com-pré-hen-sible ! Les débuts étaient tellement prometteurs…

Les possibilités étaient vastes et la série s’est retrouvée empêtrée à se connecter maladroitement à différents events et dès qu’elle en sortait c’était pour raconter des choses banales et sans intérêt. Quel gâchis… Il aurait peut-être été plus judicieux de ne publier que trois tomes, les deux premiers à l’identique et le dernier qui aurait compilé les rares bons petits épisodes ici et là, afin de proposer une série plus courte mais plus réussie. À voir pour une éventuelle réédition intégrale en un seul volume donc. Bref, arrêtons le massacre, concentrons-nous sur Catwoman Eternal qui a l’air nettement meilleure (sans trop de difficultés). Vous l’aurez compris, si vous trouvez les deux premiers tomes de Catwoman, faîtes-vous plaisir mais inutile d’acheter ou lire les trois suivants !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 3 juillet 2015
Contient : Catwoman #25 + #27-34 + Catwoman Futures End #1

Scénario : Ann Noccenti, John Layman (orthographié par erreur Lopresti), Sholly Fisch
Dessin : Patrick Olliffe, Aaron Lopresti, Cliff Richards
Encrage : Om Nguyen, Walden Wong, John Livesay
Couleur : Sonia Oback

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.fr : Catwoman – Tome 5 : Course de haut vol (23€)



Catwoman – Tome 4 : La main au collet

Après deux tomes convaincants de la série Catwoman (La règle du jeu et La maison de poupées), le troisième, Indomptable, était franchement décevant pour ne pas dire complètement raté. La main au collet relève-t-il le niveau ? Un peu mais ce n’est toujours pas suffisant. Explications.

[Résumé de l’éditeur]
Les rues de Gotham sont inquiétantes, mais ce qui rampe sous ses rues pavées l’est encore davantage… Engagée dans une guerre contre les pires gangsters de la ville, Catwoman met une fois de plus ses plus proches alliés en danger. Pour sauver l’un d’entre eux, elle devra s’aventurer dans les sinistres labyrinthes de la Cité et affronter ce qui, jusqu’alors, demeurait méconnu de tous.

[Début de l’histoire]
Catwoman s’infiltre dans l’Asile d’Arkham comme patiente. Elle travaille en réalité pour l’A.R.G.U.S. (et la Justice League of America – cf. critique détaillée plus loin) qui lui demande de trouver une relique spécifique. Ce séjour fortuit l’emmène dans le sous-sol de Gotham et notamment dans un cimetière où elle retrouve le Pingouin, ses sbires (dont l’Hypnotiste) et une créature déjà affrontée (dans le tome précédent).

En parallèle, les inspecteurs Alvarez et Keyes poursuivent leur enquête autour de la femme féline, sans arriver à percer son identité ni à prouver son implication dans des vols.

Dans la ville, plus particulièrement dans le quartier des Badlands, Queue de rat, leader d’une bande de jeunes (dont les cheveux forment une… queue de rat) demande l’aide de Catwoman pour lutter contre les malversations du Pingouin.

[Critique]
Il y a du mieux mais ce n’est pas encore ça, de loin… Ce quatrième tome se présente comme une succession de neuf épisodes qui enchaînent deux voire trois arcs narratifs distincts : Piégée !, De pire empire, Glace noire, Guerre des gangs, Dans les profondeurs, Les mains propres, La chair et la moelle, C’est au tréfonds qu’on fait les plus belles rencontres et Les diamants sont les pires amies des dames.

On y retrouve Ann Noccenti au scénario – qui n’avait pas brillé dans l’affreux tome précédent – accompagnée à nouveau de Rafa Sandoval pour cinq chapitres et une orgie de dessinateurs différents pour les autres, parfois jusqu’à trois dans le même épisode (!) : Cliff Richards, Stefano Mortino, Diogenes Neves, Mateus Santolouco, Christian Duce et Aaron Lopresti.

Qu’est-ce qu’il y a de bon et moins bon dans tout ça ? Les débuts sont clairement laborieux, voulant se rattacher aux évènements de la série Justice League de l’époque (et plus particulièrement son quatrième tome simple, La Ligue de Justice d’Amérique, très réussi au demeurant) mais aussi à la deuxième partie d’Indomptable. C’est louable dans les faits mais ce n’est pas très intéressant et toujours aussi confus… Heureusement ça ne dure que deux chapitres (Catwoman #19-20) avant de dériver – plutôt habilement – vers une confrontation plus intense contre le Pingouin (Annual #1 et Catwoman #20-21) puis d’opérer une transition (#22) vers une troisième partie (Catwoman #23-24 + #26 + Joker’s Daughter cf. section À propos). Cette fois, il y a une certaine linéarité et cohérence entre tous ces segments, ce n’est pas plus mal.

Malgré tout, on ne peut que déplorer les clichés des scènes d’action et la pauvreté de la réflexion proposées… Tout le récit autour du Pingouin n’est pas trop mal mais sans réels enjeux dramatiques ou épiques : on se moque un peu de cette guerre des gangs et du fameux Queue de rat, jamais vu auparavant. Le dernier acte aurait pu être passionnant mais se loupe totalement malgré son concept alléchant : dans les profondeurs de Gotham se cachent plusieurs tribus (pourquoi pas). L’une d’elle est gérée par le Docteur Phosphorus et sa fille Poudrière – qui veut absolument se marier avec un homme, même s’il est laid et qu’il la bat (sic) !! –, une autre se nomme Les Phacochères (sic bis) et la dernière, les Abysses, était une ancienne société patriarcale renversée par… la fille du Joker !

Ça veut dire quoi et ça raconte quoi ? Rien d’extraordinaire malheureusement et on se demande ce que Catwoman vient faire là-dedans (elle cherche simplement Queue de rat à la base). La fille du Joker, Duela de son vrai prénom, n’est évidemment pas la progéniture du célèbre Clown mais une adolescente ravagée qui s’est auto-mutilée. Elle ne doit son surnom qu’à un pur hasard : elle découvre le masque de peau du visage du Joker dans l’eau et le revêt (cf. l’œuvre du Taxidermiste dans la série Batman Detective Comics de l’ère New 52). Protagoniste potentiellement séduisante sur le papier mais terriblement caricaturale tant dans ses envies (prendre la tête de la tribu, mettre les femmes au pouvoir…) que par sa personnalité (aucune empathie).

Selina Kyle jongle donc entre ces trois lieux et tribus, les affrontant tour à tour sans réelle intensité. Le look et les pouvoirs de Phosphorus ouvraient un champs des possibles assez vaste, surtout si Volt revenait aussi dans la partie. On ne sait d’ailleurs toujours pas très bien si la nouvelle version de Volt croisé dans l’ouvrage (aussi bien en civil qu’en « être avec ses capacités spéciales ») est réellement le même que celui du deuxième volume. Ce n’est jamais correctement expliqué même si Urban nous assure que oui dans la présentation des personnages des tomes trois et quatre (et même cinq). Mais quelques recherches évoquent plutôt Thaddeus Volt qui apparaît pour la première fois ici, donc il s’agirait d’une personne différente ? Dans tous les cas, que ce soit dans le volume précédent ou celui-ci, il n’y a eu aucun échange entre Catwoman et Volt pour expliquer cette situation (rappelons que Volt – compagnon de crime et de cœur de la voleuse – a été froidement assassiné par Gwendoline, sans que Selina le sache ni ne se préoccupe de sa disparition, et désormais réapparition, par la suite…).

Heureusement, la partie graphique de l’entièreté du livre sauve un peu le titre. Si l’ensemble ne paraît pas trop décousu (ni dans sa partie visuelle ni dans celle narrative), c’est qu’une certaine cohérence opère malgré la myriade d’artistes à l’œuvre sur la fiction. Un peu plus de la moitié (la seconde partie notamment) étant à nouveau assurée par Rafa Sandoval, on obtient un résultat plutôt propre et lisible avec quelques belles scènes d’action. Ce n’est pas suffisant pour rehausser le niveau global mais c’est toujours ça de pris…

À ce stade, on conseille aussi de faire l’impasse sur ce tome en croisant fort les doigts pour que le cinquième et dernier revienne à un monde plus terre-à-terre dans Gotham, une Selina plus soignée, fragile et séductrice ainsi qu’une histoire mieux écrite qui rattache également les wagons à ce qui était promis à la fin du deuxième volume dans l’épisode sur les origines de Catwoman. (Spoiler : ce ne sera malheureusement pas le cas…)

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 12 juin 2015
Contient : Catwoman #19-24 + #26 + Annual #1 + Batman – The Dark Knight 23.4 : Joker’s Daughter

Scénario : Ann Noccenti
Dessin : Rafa Sandoval (+ collectif, cf. critique)
Encrage : Jordi Tarragona, Walden Wong, Taylor Esposito
Couleur : Sonia Oback, Guy Major, Andrew Dalhouse, Matt Yackey

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Moscow Eye

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