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Batman – Last Knight on Earth

Dernière création du binôme Scott Snyder et Greg Capullo (à qui l’on doit tous les tomes de la série Batman de l’ère New 52 (Renaissance en VF)), Last Knight on Earth est un volume unique s’inspirant (selon sa quatrième de couverture) aussi bien de The Dark Knight Returns que de Mad Max. Que vaut ce one-shot ? Est-il accessible ? Critique.

[Histoire]
Bruce Wayne se réveille dans un asile. Alfred lui explique que cela fait vingt ans qu’il y est enfermé et fantasme d’être Batman ! Ses docteurs ont été transformés dans son imagination en ses pires ennemis.

Wayne parvient à s’échapper et découvre une Gotham City ravagée et… la tête du Joker, bien vivant et très bavard, dans un vase ! Tous deux s’aventurent dans la ville visiblement détruite par un certain Omega.

[Critique]
La folie. La folie (éventuelle) de Bruce Wayne et la folie (évidente) de Scott Snyder. On ressort un peu sonné (épuisé et perplexe) de cette lecture… Il faut dire que le scénariste, qui officie sur le personnage depuis 2011 à travers une dizaine de séries différentes et plus d’une trentaine de tomes, tous disponibles en France (1) — avec des hauts (rares — Sombre Reflet, La Cour des Hiboux, L’An Zéro, Batman Eternal) et des bas (beaucoup — presque tout le reste) — injecte dans son récit aussi bien de bonnes choses que des mauvaises. La folie des grandeurs…

Comme toujours, le début du comic-book est bien, vraiment bien. La présentation, les enjeux, le concept, l’originalité de l’ensemble… tout cela fonctionne parfaitement. Pour cause : entre un Batman potentiellement fou et une plongée apocalyptique accompagnée d’une tête décapitée d’un Joker bavard (!), l’auteur réussit à captiver son lecteur d’emblée. Il est d’ailleurs servi par de superbes planches comme nous le verrons plus loin.

Si le connaisseur de Batman et de l’univers DC ne sera pas trop perdu, il est évident qu’un néophyte va avoir du mal à capter toutes les allusions et connexions qui parsèment le récit. La plupart proviennent (comme toujours hélas) des propres travaux de Snyder. La fameuse (et surestimée) Cour des Hiboux et ses ergots ont une certaine importance, les divagations métalliques trouve un petit écho ici (avec peut-être une autre inspiration puisée dans Justice) et quelques personnages de DC Comics traversent l’aventure avec Batman.

Un Batman qui n’est évidemment pas fou mais qui cache un double (en)jeu. On ne révèlera pas le second, même s’il est assez prévisible et on évoque volontairement le premier (ce Bruce Wayne est un clone) car il est dévoilée dans l’introduction d’Urban Comics qui le mentionne : la machine pour créer des doubles de Bruce Wayne tous les 27 ans avait effectivement été évoquée dans le run de Snyder. Ce n’est pas très surprenant (on le sait rapidement dans la BD de toute façon) mais, in fine, pas très bien exploitée. La faute à Snyder qui, une fois les bases de son récit posées, se perd en explications confuses sur plein d’autres sujets plus ou moins pertinents (pour sa narration) mais malheureusement pas spécialement passionnants. Les délires intello et pénibles de l’artiste rappellent ses pires passages sur Batman Metal

Snyder refuse (à raison) le classicisme de l’univers de Batman (dont il est responsable des dernières bâtisses modernes — avec plus ou moins de succès mais une déconstruction inédite et parfois originale) mais s’engouffre dans une singularité de prime abord sympathique mais mal développée et ethnocentrée, inutilement bavarde (avec un fourre-tout agaçant : insistance sur Joe Chill, monstres et créatures bizarres, robots, gimmicks idiots renvoyant à ses anciennes œuvres comme la fameuse mouche liée au Joker…).

C’est là tout le problème majeur du titre : ce volume unique n’apporte finalement rien à la mythologie de l’homme chauve-souris et propose, tout au plus, un divertissement honorable (par ses dessins notamment) mais bien trop complexe pour assurer une balade agréable et mémorable. Des bonnes idées (scénaristiques et graphiques) il y en a, comme souvent chez Snyder, avec par exemple ce binôme surréaliste d’un Batman jeune épaulé par un Clown du Crime décapité et drôle ! Ou encore cet autre duo, composé d’un semi Épouvantail transporté par Bane (voir illustration en fin d’article, provenant d’une couverture et non d’une case attention). Passé cela, en mettant de côté des pistes narratives inabouties et quelques incohérences (ou situations mal expliquées, au choix), on se régale surtout avec le retour de l’équipe graphique qui a su faire des merveilles lors de la série Batman, ère New52.

Ainsi Greg Capullo rempile aux dessins pour une dernière (?) aventure, accompagné de Jonathan Glapion à l’encrage et Fco Plascencia à la colorisation. Capullo est en très grande forme (meilleure que sur Metal) où son trait limpide et clair assure de beaux visages (certains toujours plus ou moins ressemblant — l’homme démarque ses personnages notamment par des coupes de cheveux, crânes rasés et/ou barbes afin de mieux les dissocier) et des panoramas dantesques avec quelques scènes iconiques. Le tout avec une mise en couleur permettant de jolies scènes contemplatives, glauques ou d’action, toujours dans les tons parfaits qui vont avec, parfois flashy, parfois très sombre, etc. Renouant autant avec les orgies chromatiques et visuelles de Metal que de l’intimiste et minimaliste de Batman.

Des prestigieuses références citées en ouverture de l’article, donc en quatrième de couverture du livre, on ne retient pas (du tout) The Dark Knight Returns et sa dimension politique ni son futur proche et à peine Mad Max qui est juste effleuré (un univers post-apocalyptique et un très court passage dans le désert certes, mais ce n’est pas suffisant — bien loin de la sauvagerie ou de la survie proposée dans les quatre films). Par ses jolies planches et son concept, Last Knight on Earth séduit aisément mais sa lecture pénible et son faible intérêt (en one-shot ou en conclusion de tout l’éventail des créations de Snyder) ne permettent pas de réellement le conseiller. Mitigé donc… D’une certaine manière, on retrouve pêle-mêle la quintessence des écrits de Snyder en une seule fois dans cette ultime (?) croisade du Chevalier Noir, ce qui plaira donc à ses adorateurs tandis que ses détracteurs soupireront une fois de plus (comme l’auteur de ces lignes).

(1) : Sombre Reflet, la série Batman ère New52/Renaissance (9 tomes), Batman Eternal (6 tomes), Les Portes de Gotham, All-Star Batman ère Rebirth (3 tomes) avec une co-écriture pour le premier tome de cette période, Batman Metal (3 tomes) puis ses suites avec la Justice League (New Justice, 4 tomes), incluant le one-shot No Justice et enfin Le Batman qui rit (2 tomes).

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 5 juin 2020

Scénario : Scott Snyder
Dessin : Greg Capullo
Encrage : Jonathan Glapion
Couleur : Fco Plascencia
Traduction : Edmond Tourriol
Lettrage : MAKMA (Sarah Grassart et Stephen Boschat)

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Batman – Tome 03 : Le Deuil de la Famille

Batman le deuil de la famille[Histoire]
Le Joker est de retour à Gotham City après un an d’absence. Il s’était fait enlever le visage par le Taxidermiste (cf. Detective Comics #01) avant de quitter la ville du Chevalier Noir pour élaborer son plan. Ce dernier consiste à briser la famille de Batman, c’est à dire la plupart de ses alliés : Nightwing, Batgirl, Red Robin, etc.

Selon le Clown du Crime, c’est l’attachement de Batman à cette famille qui l’affaiblit et le rend par conséquent plus vulnérable et c’est cela qu’il déplore, il souhaite (re)trouver un adversaire digne de lui. Afin de tuer « psychologiquement » cette famille, le Joker va préparer un dîner particulier où les convives seront les alliés du Dark Knight. Il commence donc par capturer un majordome habitué des soirées mondaines : Alfred Pennyworth.

Est-ce le hasard ou bien un choix délibéré de choisir le domestique de Bruce Wayne ? De plus, lorsque le Joker avoue connaître l’identité de chaque allié, s’agit-il d’un coup de bluff ou d’un réel chantage ? Pourquoi sa carte s’est retrouvée dans la BatCave et personne n’a été mis au courant alors que Batman le savait pertinemment ?
C’est en semant le trouble et en s’en prenant violemment ou avec de la torture psychique sur l’entourage de Batman que le Joker va mener à bien ses objectifs.

Perdant peu à peu la confiance de ses alliés, le Chevalier Noir va se confronter à son pire ennemi dans un lieu emblématique : l’asile d’Arkham.

Batman Deuil Joker[Critique]
Cette critique porte sur le recueil publié en librairie (qui contient uniquement la série Batman et ses back-up) mais aussi sur les publications dans Batman Saga (avec l’intégrale des histoires annexes). Attention donc à bien différencier les deux.

« Revenir sur l’histoire globale a un goût amer,
on se sent tellement dupé par le jeu de Snyder. »

Difficile parfois de juger une œuvre tant la fin de celle-ci est importante, c’est le cas ici. Si la conclusion est loin d’être réussie, est-ce que tous les éléments précédemment mis en place, avec brio, permettent de trouver l’ensemble finalement intéressant ? Vaste débat (qui est valable également pour le cinéma).
Quoiqu’il en soit, il est indéniable que le dernier chapitre (voire les deux derniers) sont très décevants. Revenir sur l’histoire globale a un goût amer, tellement on se sent dupé par le jeu de Scott Snyder.

Joker Batman Deuil de la FamilleReprenons depuis le début.
Dès la dernière planche du premier chapitre de la série Batman, le lecteur est pris par l’histoire et voudra connaître la fin. Mais avant d’en arriver au bout, ce qui est possible très rapidement en ne lisant « que » les cinq chapitres de la série mère (et qui donne clairement un récit sans intérêt, incomplet et ridicule — c’est hélas ce qui est publié dans le recueil sorti en librairie), il est nécessaire de lire tous les petits bouts de vie des séries-sœurs (ne serait-ce que pour comprendre comment le Joker a réuni autour de sa table les alliés de Batman). À savoir : Batgirl, Nightwing, Catwoman, Red Robin (via Teen Titans), Robin (via Batman & Robin) et enfin Jason Todd (via Red Hood & the Outlaws). Chaque personnage se verra en effet confronté au Joker et finira capturé par ce dernier et ligoté au fameux dîner préparé par le Clown du Crime.

« Il est conseillé de découvrir cet arc avec
les cinq numéros de Batman Saga au lieu du recueil en libraire. »

Si les deux chapitres consacrés à Catwoman sont plutôt confus et sans réel intérêt, ceux sur Batgirl sont à l’inverse indispensables et très intéressants. La belle héroïne voit sa mère capturée par le Joker, on suppose donc qu’il connaît son identité, avant de comprendre qu’il s’agit de son frère psychopathe qui a agit en tant que bras droit du Joker (vu dans l’excellent Sombre Reflet). Le Clown ira même demander en mariage la belle…
Dans la série Detective Comics, seules quelques cases donnent un écho à la trame principale, c’est donc totalement passables (exceptés le seizième chapitre, un peu plus ancré dans l’arc). Les chapitres sur Damian Wayne (Robin) n’est pas non le plus fouillé.
En revanche, Nightwing reste une valeur sûre et, surprise, les chassés-croisés et dialogues entre Red Robin et Red Hood, sonnent justes et sont pertinents, notamment dans la série Teen Titans :

« Voilà ce qu’il pense : on affaiblit Batman. On affaiblit son efficacité. Nous tuer rendra Batman plus fort, ce qui rendra la partie plus intéressante pour le Joker. Je déteste le reconnaitre, mais il raison. Alors comment faire ? » (Teen Titans #15 Cri d’adolescent)

« Quelque part à Gotham City, des gens crient. Je les entends malgré le brouillard des drogues. Je ne peux pas ouvrir les yeux, j’ai les lèvres enflées. C’est le Jooker. Il est responsable de tout ça. Il essaie d’endurcir Batman en brisant sa famille. Nightwing, Batgirl, Catwoman, Alfred, Bruce Wayne et moi, Red Robin… Il cherche à nous tuer. Mais plus déconcertant que les cris, c’est la respiration étouffée dix centimètres devant moi. Il y a un très léger écho. Pas une cagoule. Pas un capuchon. L’odeur de la cordite et du cirage sur un pistolet Red Hood. Jason Todd. Peut-être la personne qui a été le plus pèrs d’être un vrai frère de toute ma vie. Deux outsiders dans le club de garçons le plus fermé du monde : les Robins. Rouges ou non. Anciens  »acolytes » de Batman. Jason et moi n’avons pas parlé beaucoup depuis qu’il est revenu d’entre les morts et s’est lancé dans une grande vengeance. Mais je peux vous dire ceci. Si je dois affronter le Joker… je ne veux personne d’autre à mes côtés. » (Teen Titans #16 Gotham vire au rouge)

Batman Teen Titans Red Robin Red Hood Jason Todd Deuil de la familleBref, même si les chapitres de la Bat-Family sont de qualité inégale, la majorité est tout de même intéressante, indispensable et agréable à lire. Il est donc conseillé de découvrir cet arc via les cinq numéros de Batman Saga (cf. infographie après l’article) au lieu du recueil sorti en libraire. Celui-ci ne suit que le Dark Knight et malgré un excellent début, dès l’arrivée à Arkham ce qui suit devient loufoque : les chevaux, les combats ridicules et éphémères contre des ennemis emblématiques démolis en deux cases… Une fois au bout, Batman découvre tous ses alliés prisonniers, impossible de savoir comment ils sont arrivés là sans avoir lu les histoires annexes du coup.

« Deux dessinateurs (Greg Capullo et Jock) au sommet de leur art
mais qui sont malheureusement  desservis par leur collègue scénariste Scott Snyder. »

Malgré tout, la conclusion, tant attendue survient après d’épiques moments (sauf dans le recueil) et la tension est à son comble.
Mais celle-ci s’essouffle dès l’instant où les visages de chaque allié apparaissent sans être défiguré. Snyder (ou les hauts bureaux de DC ?) n’ont pas eu le courage d’aller au bout des choses. Ce n’est pas le plus grave, c’est surtout que le Joker ignorait bel et bien les identités de chacun ! Sacré pétard mouillé !
Certes, la famille se retrouve séparée et en conflits intérieurs. Les dernières planches sont, sur ce point prévis, particulièrement réussies. Tout cela ne servirait donc que pour « la suite » des aventures de la Bat-Family. Sauf qu’il y a fort à parier qu’il n’y aura quasiment pas de réelles répercussions, et quand bien même, cet arc narratif forme « un tout » avec donc une fin peu satisfaisante. L’après Deuil de la Famille sera surtout axé sur un autre évènement (la mort d’un personnage dans une autre série — qui aurait paradoxalement mieux été baptisée avec le nom de cet arc du coup) et cette histoire vite oubliée…

batman deuil de la familleEt c’est vraiment, vraiment dommage. Car tous les ingrédients étaient là, tout était quasi-parfait avant les derniers chapitres totalement à côté de la plaque.
De plus, côté graphisme Greg Capullo excelle à nouveau, sa version défigurée du Joker est superbe (même si scénaristiquement l’intérêt reste flou) ; Jock est aux commandes des back-up, consacrés respectivement au Pingouin, au Riddler (L’Homme Mystère) et à Double Face. Son style unique tranche avec celui de Capullo, mais les deux se complètent parfaitement : deux artistes au sommet de leur art mais qui sont malheureusement desservis par leur collègue scénariste Scott Snyder.

Critique peut-être trop sévère, mais à chaud et après une seconde relecture l’avis n’a pas trop changé. L’intégrale de ce Deuil de la Famille est bon, sa fin est (très) mauvaise. La déception l’emporte donc. À relire dans quelques mois, peut-être après le nouvel arc, L’An Zéro, qui apportera un nouveau regard.

Joker Joke[À propos]
Publié en France dans Batman Saga  #15 à #19 (août à décembre 2013) et en recueil chez Urban Comics le 14 février 2014.
Titres des chapitres : voir infographie ci-dessous.
Ce qui suit concerne uniquement le recueil.
Scénario : Scott Snyder
Dessin : Greg Capullo / Jock (pour les back-up)
Couleur : Fco Plascencia
Encrage : Jonathan Glapion
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray (studio Myrtille)
Traduction : Jérôme Wicky
Publication originale dans Batman vol. 3 : Death of the Family (Batman #13-17)

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• Tome 3 : Le Deuil de la Famille
• Tome 2 : La Nuit des Hiboux
• Tome 1 : La Cour des Hiboux

Deuil de la Famille