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Batman – Year Two / Année Deux

Proposé comme 6ème volume de la collection DC Confidential *, Batman – Year Two / Année Deux succède au célèbre Année Un de Frank Miller. Il contient trois histoires, toutes écrites par Mike W. Barr. La principale et la plus longue, Année Deux, est dessinée par Alan Davis puis Todd McFarlane. Elle contient quatre chapitres de Detective Comics (#575-578) publiés à partir de juin 1987 (Année Un de Miller occupait la série Batman #404 à #407, de février à juin 1987, Année Deux enchaînait donc « parfaitement » en guise de suite). Ce récit avait été publié par Semic en France en 2003 sous le titre Year Two – L’héritage du Faucheur. Cercle vicieux (dessiné à nouveau par Alan Davis), la suite directe, avait aussi été en vente chez Semic mais « avant », en février 1999 (!) sous le titre La boucle est bouclée ! — parfois appelée Année Trois. Enfin,  La vengeance du Faucheur (dessiné par Jerry Bingham) date de 2011 et est inédit dans notre pays. Critique d’une œuvre méconnue qui mérite pourtant le détour !

* La collection DC Confidential se propose de mettre en lumière les étapes décisives dans la des plus grands super-héros, tout en révélant l’autre Histoire de DC, celle qui s’est déroulée en marge des grandes sagas connues de tous. Réalisés par les auteurs les plus talentueux et représentatifs de leur époque, ces récits complets — et inédits dans leur grande majorité — représentent autant de lectures indispensables pour qui souhaite approfondir sa connaissance de l’Univers DC. Chaque album sera pas ailleurs augmenté d’épisodes complémentaires qui couvriront un peu les recoins les moins exposés de l’éditeur.
Texte apposé sur la couverture par Urban Comics (Voir en fin d’article la liste des titres proposés.)

[Résumé de l’éditeur]
À présent que le Romain et sa famille mafieuse ont vu leur règne s’achever suite à l’alliance de Batman et de James Gordon, la ville de Gotham peut à nouveau entrevoir un avenir radieux. Mais le retour d’un justicier du passé, le Faucheur, va mettre en péril l’amitié entre le jeune Chevalier Noir et le commissaire nouvellement nommé. Poussé à bout, Batman va même devoir s’allier avec l’homme qui a changé à jamais le cours de sa vie, et la deuxième année de Batman pourrait bien s’avérer être sa dernière.

[Histoire — Année Deux]
Gotham City s’habitue à la présence du nouveau justicier masqué, Batman, allié du fraîchement promu commissaire Gordon. Les médias le comparent à un ancien « vigile costumé » appelé le Faucheur, qui sévissait dans la ville il y a vingt ans avant de disparaître soudainement.

C’est précisément au même moment que le Faucheur revient combattre les criminels. Comme son surnom l’indique, il « fauche des vies » : il coupe, tue, décapite les malfrats, les racketteurs, les prostituées…

Pour le combattre, Batman décide de l’affronter avec une arme à feu : le pistolet qui a ôté la vie de ses parents !

[Critique]
Année Deux
se lit extrêmement bien, nul besoin d’avoir tous les détails d’Année Un en tête (au contraire, cela apporte une certaine « nostalgie » de (re)découvrir les premiers pas de Bruce/Batman). Les quatre chapitres (Craignez le Faucheur, Pacte avec le Diable, Mortels Alliés, Et poussière…) s’enchaînent sans temps mort, passant parfois un peu trop vite sur des éléments, comme la romance entre Bruce Wayne et une nouvelle venue Rachel (le milliardaire la rencontre, tombe amoureux, sort avec, la demande en mariage, etc.). Cette idylle est probablement le seul défaut du récit qui a par ailleurs extrêmement bien passé la postérité (à l’inverse de Le Culte par exemple, qui a plutôt mal vieilli dans sa narration (mais pas ses dessins) et dont on retrouve justement ici une certaine similarité graphique).

On (re)voit avec plaisir quelques audaces de l’époque (sous l’égide de l’éditeur Dennis O’Neil, une bénédiction). Mike W. Barr ose toucher au sacré : Batman avec un flingue ! Batman allié à Joe Chill ! De quoi être sacrément remué pour un lecteur de longue date. Même si le fameux pistolet n’est, in fine, peut-être pas aussi bien exploité que cela, c’était complètement inédit pour une publication de ce genre. On l’apprend dans la passionnante préface de l’auteur : il avait écrit son histoire bien avant celle de Miller. Année Deux, un temps appelé Batman 1980, devait même être publié en parallèle d’Année Un. Barr a conservé 75% de son jet initial et adapté le reste pour coller à l’univers instauré par Miller.

Le scénariste met aussi en avant Leslie Thompkins, figure maternelle bien présente tout au long de la fiction pour soutenir ou recadrer le playboy. L’homme d’affaires se trouve également au premier plan (il apparaît presque autant que sous son costume de justicier), amusant la galerie, jouant avec son alias civil comme jamais. C’est quelque chose qui s’est beaucoup perdu au fil du temps, c’est donc très appréciable de retrouver cela, contrastant en plus avec la noirceur du Faucheur et des séquences très violentes et sanglantes.

Il n’y a aucun mystère quant à l’identité de ce dernier, il est présenté sous sa véritable identité puis, quelques cases plus loin, en train d’admirer son costume avant de l’enfiler. On sait donc de qui il s’agit avant même qu’il apparaisse en Faucheur. Cela permet de se concentrer sur ses motivations et non sur l’identité de ce « vigilante ». Ce n’est pas plus mal car il n’y a guère d’intérêt à dévoiler des antagonistes masqués en fin de récit lorsqu’ils sont de parfaits inconnus, jamais vu auparavant dans d’autres comics.

Le Faucheur tue, décapite et coupe sans sourciller (aussi bien des agresseurs/racketteurs/criminels que des prostituées !) et utilise des armes à feu sans problème. Une approche extrêmiste à l’opposé évidemment de la croisade de l’homme chauve-souris. Et si l’armure du Faucheur peut sembler un peu désuète et connoter radicalement avec le style très urbain et plausible de l’ensemble, ce n’est pas pire que celle d’un Azrael…

La bande dessinée, hyper accessible, prolonge sans problème la veine polar initiée dans Année Un. Que ce soit dans l’ambiance plutôt noire ou du côté des dessins particulièrement soignés et réalistes (on est parfois proche d’un thriller franco-belge). Alan Davis assure le premier chapitre avant que le légendaire Todd McFarlane (Spawn) apporte sa touche flamboyante quand il croque le Chevalier Noir en action, avec le déploiement gothique et presque irréel de la cape du justicier. Sublime !

[Histoire — Cercle Vicieux]
Tandis que Batman vient de recruter Robin (Dick Grayson), le Faucheur est de retour à Gotham ! Qui a revêtu l’armure du terrible vigilante ? Pourquoi noue-t-il une haine si féroce envers le Chevalier Noir ?

L’occasion pour Bruce de retrouver Leslie et, surtout, Rachel, la fille de l’ancien Faucheur.

[Critique]
Là aussi on connaît directement l’identité du « nouveau » Faucheur, à savoir le fils de Joe Chill ! Cette suite s’insère parfaitement et propose une intrigue ficelée assez prenante. L’expression « la boucle est bouclée » prend tout son sens à la fin.

Quelques nouveautés priment comme Batman qui maquille son visage même sous son masque de justicier (!) si jamais il lui arrivait malheur. Et ce sera évidemment le cas, lors d’une scène inoubliable où le Chevalier Noir risque de finir pendu ou tombé dans de l’acide, vacillé par son propre traumatisme d’enfant. Heureusement que Dick/Robin apporte une certaine légèreté à l’ensemble et permet de suivre ses premiers pas (en parallèle du très bon Robin – Année Un).

[Histoire — La vengeance du Faucheur]
Quelques années après les évènements précédents, un autre Faucheur est (encore) de retour ! Batman est désormais allié à Jason Todd comme second Robin. Tous deux enquêtent.

[Critique]
Cette fois, c’est l’inverse, l’identité du Faucheur n’est révélée qu’à la fin et le lecteur est invité à suivre les indices afin de voir s’il a découvert, comme Batman, qui se cache derrière le crâne argenté du terrible ennemi (ou s’il n’y arrive pas, comme Robin).

Sans aucun doute le récit le plus faible de l’ouvrage : aussi bien scénaristiquement parlant (des choses prévisibles, d’autres pas du tout alors qu’elles sont censées l’être, peu importe elles ne sont guère intéressantes) que graphiquement (Jerry Bingham et son encrage trop épais, son manque de clarté global et ses quelques visages trop communs pour se démarquer du reste).

Néanmoins, on a ainsi l’intégralité du travail de Mike W. Barr sur cet antagoniste particulier qui a étrangement moins marqué la galerie d’ennemis de seconde (voire troisième) zone qui apparaît de temps à autre dans la mythologie Batman : Cluemaster, Killer Moth, Anarky, Zeus, KGBeast, l’Électrocuteur, Ratcatcher… Le Faucheur est revenu brièvement dans Arkham War mais n’a jamais récupéré son « aura » d’antan. Curieusement, il n’était pas présent non plus dans l’excellente saga de jeux vidéo Batman – Arkham ni dans la série d’animation de 1992. La faute, peut-être, à un design qui semble avoir servi d’inspiration aussi bien à Azraël (Jean-Paul Valley), cinq ans après l’apparition du Faucheur, ou à celui du célèbre Fantôme Masqué du parfait long-métrage animé du même titre. Tous deux s’étant davantage inscrit dans la culture populaire en complément des fans assidus de Batman.

[Conclusion & Critique de l’ensemble]
Faut-il acheter et lire Année Deux ? Absolument. Atteint-on la certaine « maestria » d’Année Un ? Non. Est-ce un problème ? Pas du tout. Au contraire et comme déjà évoqué, Année Deux franchit plutôt bien l’épreuve du temps, restant toujours aussi efficace dans sa narration que son découpage dynamique au rythme imbattable (trop rapide parfois). Violent, sanglant, sans concession, on (re)découvre un pan mythique et quasiment indispensable pour tous les passionnés. On le (re)précise si jamais : il ne s’agit pas d’une suite directe d’Année Un mais d’une histoire qui s’y déroule peu de temps après.

La très belle édition d’Urban Comics et son prix dérisoire pour son contenu (environ 200 pages pour 17,50€) en font un incontournable pour ceux qui s’intéressent aux premières années du Chevalier Noir, rejoignant habilement trois titres cultes (Année Un, Un Long Halloween, Amère Victoire) et se greffant éventuellement à deux comics plus confidentiels (Un homme à terre et Robin : Année Un). Il rejoint ainsi les « coups de cœur » du site et s’intercale efficacement dans la liste des comics « par où commencer ? » (même s’il est moins dispensable que les autres pré-cités, bien entendu).

 

Que ce soit pour Cercle Vicieux (arborant son titre anglais Full Circle, traduit par La boucle est bouclée !) en 1999 (en hors-série de leur catalogue alloué à Batman) ou Année Deux (titré L’héritage du Faucheur) en 2003 (en souscription d’abonnement pour plusieurs comics de super-héros, tous éditeurs US confondus), Semic avait choisi la même illustration de couverture. C’est aussi celle qu’arbore l’édition 2021 d’Urban Comics présentée dans cet article.

Un mot sur cette collection DC Confidential expliquée en début d’article. Elle propose en effet de très bons récits atypiques (la chronique du premier tome est prévu prochainement) qu’on recommande amplement. Ci-dessous la liste des volumes concernés (la collection se concentre uniquement sur des titres des années 1980 aux 2000).

1. Batman – Huntress : Cry for Blood / Dette de Sang [2000]
2. Green Lantern : Emerald Twilight / Crépuscule [1994]
3. Green Arrow : The Longbow Hunters / Les Prédateurs [1987]
4. JSA : The Golden Age / L’Âge d’or [1993]
5. Legion of Super-Heroes : The Great Darkness Saga / La Saga des Ténèbres [1982]
6. Batman : Year Two / Année Deux [1987]

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 29 janvier 2021.
Précédemment publié chez Semic en février 1999 et en mars 2003.

Scénario : Mike W. Barr
Dessin : Alan Davis, Todd Mc Farlane, Jerry Gingham
Encrage : Paul Neary, Alfredo Alcala, Mark Farmer, Todd Mc Farlane, Jerry Gingham
Couleur : Steve Oliff, Gloria Vasquez, Tom Ziuko, Carlos Badilla

Traduction : Nicole Duclos et Xavier Hanart
Lettrage : Moscow ★ Eye

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