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No Man’s Land – Tome 04

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

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Le Message
scénario : Alisa Kwitney | dessin : Michael Zulli
Batman : No Man’s Land Secret Files #1

Peu avant l’évacuation des citoyens de Gotham, l’un d’eux, Jason Braun, entend une voix lui demandant de délivrer un message à Oracle. Suit une dérive nocturne où l’homme va croiser Le Pingouin, Poison Ivy… et quelques autres têtes connues de la ville.

Harley Quinn Penguin Pingouin

► Voici une étrange introduction, présentant un nouveau personnage, qui n’aura d’intérêt que s’il revient ultérieurement. D’un point de vue purement rationnel, il s’agit « juste » d’un homme sombrant dans la folie de la ville, la dernière nuit où il était possible de la quitter. Avare en métaphore et proche du mysticisme, le style graphique aide à apprécier cette petite histoire qui replonge dans le passé (les débuts du no man’s land) mais s’attarde sur une personne lambda sans développement narratif réellement intéressant.

Harley Quinn
scénario : Paul Dini | dessin : Yvel Guichet
Batman : Harley Quinn #1

Poison Ivy, chargée de la récolte de fruits par Batman, découvre une étrange figure familière en costume d’Arlequin dans des décombres à Gotham. Elle décide de la soigner et écoute son histoire d’ancienne psychiatre à l’Asile d’Arkham (là où Ivy l’a connu) et son idylle avec le Joker.

Harley Quinn No Mans Land

► Cette longue histoire (48 pages) est presque la première véritable apparition de Harley Quinn dans un comic-book. Nous sommes en octobre 1999, sept ans après sa création par Paul Dini pour la série d’animation Batman, la muse du Joker a droit à sa transition vers le papier en intégrant officiellement l’arc narratif en cours de Batman, en passant par ses origines (contées ici). C’est « presque » sa première apparition puisqu’elle était déjà dans le chapitre The Batman Adventures #12 en septembre 1993 (soit pile un an après sa découverte dans le dessin animé). Mais ce chapitre est un mélange d’adaptation et de prolongement de la série de Paul Dini (et Bruce Timm), plutôt anecdotique et enfantin (disponible en français dans Batman – Les Nouvelles Aventures – Tome 2). Et puis sûr, en février 1994 est sorti l’excellent Mad Love, à la fois adaptation de l’épisode éponyme qui refermait la série, et transposition papier officielle dans un one-shot dans un récit à la double lecture. C’est donc plutôt la troisième fois que Quinn apparaît dans une bande dessinée mais véritablement la première fois qu’elle intègre le Bat-Universe des comics, sa mythologie et ses connexions avec les autres protagonistes, prenant ainsi part à la complexe mythologie du Chevalier Noir. On notera aussi au passage la couverture alternative de ce chapitre par Alex Ross, livrant toujours de sublimes compositions (cf. Kingdome Come), qui a été choisi pour illustrer ce quatrième tome de No Man’s Land.

Modifiant très légèrement des petits passages d’origin-story de Mad Love (la rencontre entre Harley et le Joker), cette histoire développe efficacement le personnage d’Harleen Quinzel. Le récit navigue d’ailleurs en perpétuelle confusion sur l’état mentale de la dulcinée du Joker et de ce dernier. Jonglant entre la folie pure et le rationalisme à propos de leur idylle, bien difficile de juger si l’un ou l’autre est réellement fou et pas conscient de ses actes. Ces éléments sont clairement les points forts de ce chapitre, s’intercalant peu après Les Fruits de la Terre (fin du volume précédent) et dans l’immense échiquier qu’est la saga No Man’s Land. On retrouve évidemment le Joker et on en sait davantage sur ce qu’il faisait récemment.

Hélas, la pauvreté graphique, oscillant étrangement entre le très cartoony (pour se rapprocher de la série d’animation ?) et un style plus classique mais mal encré et colorisé, n’aident pas à faire de ce Harley Quinn, un « must-have » et un objet culte (l’exploit de Mad Love n’est donc pas réitéré). Dommage mais pas complètement gâché pour autant car le scénariste Paul Dini, créateur du personnage, livre tout de même une histoire solide et passionnante.

*À titre anecdotique, on peut lire Nom de Zeus…

Le Roi
scénario : Ian Edginton | dessin : Jason Minor
Batman : Shadow of the Bat #89

Batman cherche  » Le Roi « , un mystérieux bienfaiteur qui a aidé les plus démunis et abandonnés. Killer Croc semble être en lien avec cette disparition.

Batman Killer Croc

► Si, une fois de plus, on s’attarde sur un personnage anecdotique, il est intéressant de constater le « bien » qui est fait dans Gotham City et, surtout, c’est la première fois depuis longtemps que Batman est au centre d’un récit. Ce qui fait… du bien aussi ! Toutefois les graphismes hideux n’aident pas à rendre cette histoire mémorable, loin de là…

Sur les quais
scénario : Janet Harvey | dessin : Sergio Cariello
Batman #569

Batman confie une mission à la nouvelle Batgirl, ravie de pouvoir montrer ses talents à celui qu’elle admire.

Batgirl No Mans Land

► Le développement du personnage de la fille de Caïn — toujours sans prénom durant cette histoire — se poursuit « lentement mais sûrement ». Apparue à la fin du deuxième tome, elle a pris la relève de l’ancienne Batgirl (Huntress qui avait revêtu la cape sans le réel aval de Batman), et permet d’obtenir une certaine dynamique intéressante. Notamment dans la relation maître-élève qui avait disparu depuis un bon moment dans les aventures du Chevalier Noir. Du reste, on poursuit, ou plutôt on stagne (mais ce n’est pas bien grave), l’évolution du no man’s land de Gotham avec toujours ses différents gangs et lieux stratégiques.

Le Retour
scénario : Larry Hama | dessin : Mike Deodato Jr.
Detective Comics #736

Bane est de retour à Gotham. Par un ingénieux système, la brute intelligente réussit à passer les ponts pourtant détruits et gardés. Bane considère que c’est SA ville et qu’il est temps de revenir y mettre de l’ordre et évidemment d’affronter Batman.

Bane No Mans Land

►Avec un excellent rythme (aucun temps mort, beaucoup d’action bien croquée), ce retour fracassant de Bane (apparu dans Knightfall, la précédente saga qui se déroulait peu avant celle-ci) est réjouissant même s’il fait surtout office d’introduction. On a hâte de voir cet antagoniste puissant œuvrer dans la ville car, s’il y a bien un ennemi du Chevalier Noir qui n’est pas dans le manichéisme primaire, c’est bien Bane.

Sous les pavés, la guerre !
scénario : Chuck Dixon / Staz Johnson | dessin : Gordon Purcell
Robin #68 à 70

Batman confie la lourde tâche à Robin (Timothy Drake) de trouver une cache dans les égouts qui contient nourritures et médicaments. Le jeune apprenti ne veut décevoir son mentor et se risque dans le dédale poisseux où plusieurs figures ennemies se côtoient… À commencer par Mangles et Mégaborg, qui manquent de peu de se noyer. De l’autre côté de Gotham, en rentrant chez elle après un footing, Stéphanie Brown est confrontée à sa mère, qui vient de découvrir le costume de Spoiler en rangeant les affaires de sa fille.

Robin No Mans Land

► Comme dans la seconde partie du tome précédent, trois chapitres constituent cette mini-histoire : les Rats, les Louveteaux, les Survivants. On y retrouve justement des têtes connues et aperçues en début du troisième volume : le duo Tommy Mangles et Mégaborg (ils sont un peu ridicules et deviennent rapidement des figurants), Otis Flannegan, le « chasseur de rats » (sauf qu’il ne les chasse pas, il les dompte), lui aussi brièvement croisé dans le tome précédent et enfin (surtout), Mister Freeze qui signe là son grand retour. Malheureusement l’ensemble ne sera pas spécialement épique mais fonctionne rudement bien grâce au travail d’écriture sur Robin, obstiné à ne pas décevoir Batman.

Une autre partie intéressante du récit se situe du point de vue Stéphanie Brown. Selon une conversation, on comprend que la jeune fille était enceinte et a avorté. En couple avec Robin (même si ce n’est pas explicitement indiqué), on prend plaisir à suivre l’avancement de cette autre justicière, même sans son costume. Un aparté plus poussé aurait été le bienvenu, de peur qu’elle soit délaissé et revienne plus tard sans forcément avoir eu un traitement aussi soigné (ou plutôt publié) que ses alliés.

Fantômes
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael #58

Azrael continue d’aider les plus démunis et les ramène au Docteur Thompkins. Mais le justicier ne cesse d’être hanté et poursuivi par ses démons intérieurs : son père, l’Ordre de St. Dumas…

Azrael no mans land

► Il est toujours difficile de lire les aventures de Jean-Paul Valley. Si le jeune homme est charismatique et que son cheminement interne est toujours plutôt bien développé (il est à la limite de la schizophrénie), la dériver avec les chevaliers mystiques, le côté sectaire et d’autres éléments ont toujours du mal à passer dans l’univers de Batman. Il aurait sans doute fallu lire tout l’arc consacré à Azrael pour pleinement être

Le Code
scénario : Bronwyn Carlton | dessin : Mike Deodato Jr. / Tom Morgan
Batman #570 | Detective Comics #737

Le Joker et Harley Quinn prennent possession d’un immeuble. Harley s’installe dans un appartement où elle découvre un code de séduction qu’elle décide de suivre à la lettre pour que son poussin montre son amour pour elle. De son côté, le Clown du Crime décide d’organiser une élection dans son territoire pour permettre « démocratiquement » de savoir qui va le diriger entre lui et Petit, un policier qui a préféré s’exiler de Gordon, préférant des méthodes plus brutales. L’objectif du Joker est multiple : retrouver sa dulcinée, montrer que Batman impose sa façon de faire alors que lui propose d’être élu, etc.

Joker Harley No Mans Land

► Le retour du duo fou, peu de temps après les premiers pas d’Harley. L’ensemble est clairement bien écrit et réjouissant, on retrouve les caractéristiques propres du couple, empruntant à la fois à la série d’animation et aux codes des comics papier (le Joker est plus violent, Harley semble plus maline). L’élection est clairement un prétexte bidon et une intrigue très secondaire. Elle permet tout de même de retrouver Huntress, qui agit en solo suite à son renvoi par Batman. Graphiquement ça tient la route et continue de montrer par petites touches des histoires différentes qui font avancer lentement mais sûrement l’intrigue, même si la globalité de la saga « stagne » toujours (elle dévoile juste les petites avancées de chaque protagonistes ou antagonistes).

Jeu de Pouvoir
scénario : Larry Hama | dessin : Rick Burchett
Batman : Legends of the Dark Knight #121

Batman enquête dans un quartier où Mister Freeze semble régner…

Batman Torture Tue

► Le style de Rick Burchett rappelle indéniablement celui de Darwyn Cooke. Cela permet d’y voir une histoire aux allures « enfantines » mais aux propos plus « adultes », ce qui détonne toujours et est particulièrement efficace. Mais ici, le côté sombre et mature du récit n’est évoqué que partiellement : la mort de Nora — femme de Victor Fries — et le sauvetage des œuvres d’art par ce dernier afin de les préserver du désastre causé par le no man’s land. L’idée n’est malheureusement qu’effleurer et il faudra absolument la développer. Ne reste qu’un très long affrontement, presque onirique entre l’homme de glace et l’homme chauve-souris. Une petite mention est faite à Robin (voir plus haut) mais on ne sait pas comment Mister Freeze s’est échappé pour redevenir libre. Un court chapitre plutôt réussi mais qui aurait méritait de s’étendre sur un autre.

Le Gouffre aux Chimères
scénario : Larry Hama | dessin : Paul Gulacy
Batman : Legends of the Dark Knight #122 | Batman : Shadow of the Bat #90

Le Chevalier Noir s’allie à Lynx, une antagoniste borgne redoutable. Ensemble ils vont combattre une triade asiatique qui exploite les plus démunis. Ces derniers sont des esclaves chargés de pédaler en continue pour fournir de l’électricité à des chefs mafieux.

Batman Lynx No Mans Land

► Quand baissent les chimères… et un bel exemple pour la jeunesse sont les deux titres de cette histoire un peu anecdotique puisqu’elle fait intervenir un personnage peu connu et pas forcément charismatique. On retient surtout un flash-back en France et la dernière planche annonçant un plan d’action de Bane. L’ensemble est assez moyen d’un point de vue graphique et Batman semble être un roc imbattable. Des échanges avec Lynx sont par contre intéressants, comme celui-ci : « Je combats le crime et je suis un détective. Je ne me considère pas comme un héros. Ce n’est pas un métier… c’est une appellation… que décerne la postérité. »

Conclusion : Si chaque tome de No Man’s Land poursuit un certain schéma pré-établi avec brio (de multiples petites histoires faisant intervenir des héros, des antagonistes, des ennemis, des inconnus… partiellement ou sur deux à trois chapitres), la formule semble s’essouffler un petit peu. En effet, l’ensemble a toujours été hétérogène quant à la qualité graphique (c’est à nouveau le cas ici mais une tendance tout de même en dessous de ce qu’on a connu) mais toujours homogène côté scénario. L’écart se creuse dans ce quatrième tome puisqu’on a du très bon (toutes les histoires avec le Joker, Harley Quinn, Bane et éventuellement Mister Freeze) et du moins bon voire franchement pas mauvais (les errances d’Azrael, Killer Croc et Le Pingouin).

En constat général, les deux tiers de l’œuvre sont quand même excellents (scénaristiquement parlant) mais l’autre tiers se révèle plus que moyen. L’équilibre qualitatif devient un peu plus fragile. Néanmoins, la saga continue de passionner, à défaut de vraiment s’émanciper vers un échappatoire logique et une certaine légèreté faite d’espoir et de clarté. Recommandé tout de même donc.

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No Man’s Land – Tome 01

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs livres : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc de texte reprenant l’ensemble de l’ouvrage, les (petites) histoires qui le composent sont bien distinguées et séparées entre elles. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

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Ni Loi ni Ordre
scénario : Bob Gale | dessin : Alex Maleev
Batman : No Man’s Land #1 | Batman : Shadow of the Bat #83 | Batman #563 | Detective Comics #730

Gotham City a été déclaré no man’s land : personne n’y entre, personne n’y sort. Trois mois après cet état de fait décrété par le gouvernement, les rues sont peuplées des plus pauvres et démunis, ceux qui n’ont pas pu (ou voulu) sortir de Gotham à temps. Les gangs et les criminels se partagent ainsi les zones et la police essaie tant bien que mal d’assurer un semblant de sécurité pour le peu de citoyens restant. Quant à Batman, il semble avoir disparu depuis le début de cette transition… (1) Les denrées sont rares, aussi bien les vivres que les vêtements, certains en font un commerce juteux, comme Le Pingouin, d’autres monnayent ou volent ce qu’ils peuvent. Peu avant le décret no man’s land, le directeur d’Arkham avait libéré tous ses patients, qui errent donc dans Gotham City, en prenant possession de territoires.

Batman No Mans Land Gordon

► Excellente introduction, extrêmement noire et redistribuant toutes les cartes des comics habituels de Batman, ce premier segment (en quatre chapitres) plonge directement le lecteur dans ce nouveau statut quo inédit. On y suit principalement Barbara Gordon et, surtout, son père. Oracle a habilement réussi à établir un réseau de communicants et Gordon en veut profondément à Batman de les avoir abandonnés. Le commissaire, habituel gardien de la morale, change du tout au tout ici, prêt à contourner la loi car celle-ci n’existe plus dans Gotham City. Ce qui ravit Bullock et Petit, un de ses agents très extrémiste mais dont les décisions, radicales, ne sont pas totalement reniées par l’ensemble du GCPD (ni approuvées pour autant). C’est là l’une des forces de l’écriture de Ni Loi ni Ordre : sans garde-fou de la civilisation, comment régenter un minimum la population restante ? Un exemple très concret s’appuie sur une guerre des gangs, habilement coordonnée par Gordon lui-même (il voulait user d’un graffiti – marque d’appartenance d’un lieu désormais – pour lancer les hostilités entre deux gangs rivaux, là où Petit a carrément tué trois de ses membres pour provoquer les autres). Une fois les deux équipes exténués et affaiblies, le GCPD reprend le contrôle du territoire (leur ancien commissariat) et ne sait que faire des prisonniers. Gordon les autorise à partir, espérant que d’autres criminels se chargeront d’eux. Il clame que s’ils reviennent, la peine de mort sera appliquée. Petit surprend tout le monde en en tuant un au hasard pour « montrer l’exemple ». Gordon le réprimande mais est incapable de dire que son officier a mal agi ou que c’était une mauvaise idée…

C’est toute cette ambiguïté morale qui se joue dans les planches. Et c’est assez fascinant. Le retour de Batman est assez prévisible, ainsi qu’une autre super-héroïne revêtant sa cape et son emblème (là encore, Batman n’approuve pas mais ne désapprouve pas non plus). Les raisons de son absence lui sont personnels mais elles devront être abordées ultérieurement. Au-delà du mystère de sa disparition (qui est un élément narratif intéressant en soi), il est un peu dommage qu’Urban ait fait l’impasse sur la jonction manquante entre Cataclysme (qui était lui-même une introduction à la saga No Man’s Land) et ce premier tome.

Batman No Mans Land Map Carte

(1) En effet, on apprend en avant-propos que Bruce Wayne tenta d’user de son poids financier et politique pour demander au niveau fédéral une aide conséquente, mais celle-ci fut refusé. Pendant ce temps, les habitants de Gotham fuyaient les ruines de leur ancienne cité et les haines et tensions furent attisées par Nicolas Scratch, une rock-star au pouvoir hypnotique surhumain. Scratch réussit à convaincre le gouvernement d’ordonner une mise en quarantaine de Gotham, déclarée No Man’s Land. Et depuis, plus personne n’a aperçu la silhouette de l’Homme Chauve-Souris…

Résultat : il y a une petite dizaine de numéros manquants de la série Batman (par exemple), qui auraient peut-être renforcé le contexte. Il n’est pas impossible d’en faire un « numéro zéro » un jour ou bien, et c’est sans doute le cas, l’ensemble n’était éditorialement parlant pas très bon et ne justifiait pas une publication. Il n’y en a évidemment pas besoin pour comprendre le récit, mais on passe d’une situation à la fin de Cataclysme à une autre au début de No Man’s Land qui est tout de même très différente.

Batman No Mans Land Batgirl

Du reste, l’on pense très fortement au film The Dark Knight Rises (dont Nolan avait avoué s’être inspiré de No Man’s Land et de Knightfall), avec cette anarchie régnant sur Gotham City et chacun vivant sous le joug d’un criminel ou dans la peur et, surtout, au jeu vidéo Arkham City. Dans ce dernier, une portion de Gotham était devenue synonyme de prison géante où chaque ancien prisonnier ou fou faisait ce qu’il voulait. Une fois encore, chaque antagoniste prenait les rennes d’un territoire et Batman agissait pour remettre de l’ordre dans tout ça.

En synthèse : ces premiers chapitres sont une bonne entrée matière, écrit par Bob Gale en grande forme et dessiné par Alex Maleev, au style soigné, agréable et élégant, malgré toute la noirceur du propos mais aussi de la « géographie ».

Le Diable tout en bas
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #52

Azrael rejoint Gotham City en se cachant dans un bateau, avec une citoyenne qui veut retrouver sa fille dans la ville en ruine. L’ancien Batman (cf. Knightfall) poursuit également Scratch, qui agit dans le No Man’s Land en toute impunité…

Batman No Mans Land Azrael

► Anecdotique de prime abord, cette très brève incursion (un seul chapitre) avec le chevalier déchu de l’Ordre de St. Dumas n’a qu’un double intérêt : introduire Scratch (qui est apparu pour la première fois avant cette histoire — cf. l’avant-propos du tome recopié un peu plus haut) et renouer avec Azrael. Ce n’est pas forcément passionnant mais montre un autre justicier dans ce Gotham en ruines. À l’évidence, ce sont les chapitres suivants cet arc narratif qu’il faudrait lire « d’une traite » pour l’apprécier davantage.

La Peur de la Foi
scénario : Devin Grayson | dessin : Dale Eaglesham
Batman : Legends of the Dark Knight #116 | Batman : Shadow of the Bat #84 | Batman #564 | Detective Comics #731

Le père Christian refuse farouchement d’être protégé par le GCPD et ouvre son église à tous les pauvres, égarés et immigrés se présentant à lui. Une aubaine pour l’Épouvantail qui décide d’infiltrer le lieu. De son côté, Batman offre une seconde chance à un sbire de Black Mask en le plaçant au même endroit. Mickey, l’ancien truand, se rachète comme il peut dans ce nouveau rôle. Mais Huntress reste sceptique aux engagements de Crane (et Mickey), Gordon craint pour la sécurité du lieu et le Pingouin souhaite même y cacher des armes…

 No Mans Land Huntress Batman

► À nouveau, les quatre chapitres composant cette histoire sont aussi réussis que Ni Loi ni Ordre. C’est à peu près la formule qui est appliquée mais d’une façon différente : la moralité est mise à toute épreuve et sous un prisme religieux cette fois. Avec, en plus, le droit à la seconde chance, à la réinsertion et, bien évidemment « la peur de la foi », alliant aussi bien la thématique cher à l’Épouvantail et celle au cœur du sujet avec un homme d’église en plein dilemme. À l’instar de Cataclysme, le personnage le plus intéressant est Huntress, qui continue d’évoluer en tant que justicière mais ne répondant pas forcément aux mêmes codes moraux que Batman (même si elle apparaît ici nettement plus « sage »). Mickey est extrêmement touchant et mériterait de devenir un personnage secondaire régulier.

No Mans Land Epouvantail

Les planches sont soignées et le look de l’Épouvantail très réussi, la patte de Dale Eaglesham résonne le style des années 90 tout en se dirigeant vers une certaine modernité à l’épreuve du temps. Seule la fin, peut-être pas assez noire, tranche un peu avec le reste, sous haute tension et captivant.

Du pain et des jeux
scénario : Ian Edginton | dessin : D’Israeli
Batman : Legends of the Dark Knight #117 | Batman : Shadow of the Bat #85

Batman veut mettre fin aux trafics en tout genre du Pingouin. Pour cela, il décide d’affronter seul ses sbires durant un spectacle organisé par le mafieux. En substance, l’idée est aussi que la population (re)prenne conscience que Batman veille et que ses ennemis doivent le craindre.

Batman Pingouin No Mans Land

► Étape cruciale du retour de Batman : réaffirmer sa légende, acclimater la peur, apprendre à nouveau aux malfrats « qui est le plus fort ». Les codes ont changé, le Chevalier Noir se livre tel un gladiateur dans l’arène du Pingouin avec un but bien précis. La dernière case renforce, d’une certaine manière, la folie du Dark Knight. L’autre figure féminine justicière sans nom actuellement revêtant un masque cachant son visage et arborant fièrement le logo de Batman (une nouvelle Batgirl ?) continue d’apparaître (on imagine qu’elle sera prochainement au centre d’un récit).

Seuls bémols de ces deux chapitres : les dessins et l’encrage. Un style parfois un brin cartoony avec des traits gras, des fonds de case noirs, etc. L’ensemble ne prend pas forcément mais on retient un dialogue entre Gordon et l’homme chauve-souris (non visible) très réussi. Du reste, l’évolution « primitive » suit son cours logique : les arcs et les flèches ont remplacé les pistolets, la viande de chien s’échange au marché noir, etc.

Mosaïque
scénario : Greg Rucka | dessin : Frank Teran
Batman #564 | Detective Comics #731

Oracle doit à la fois consolider son repaire et également « accepter » qu’une nouvelle Batgirl déambule dans Gotham City avec la bénédiction de Batman lui-même. Ce dernier compte sur Double-Tour et KG Beast pour défendre le pénitencier Blackgate. Pendant ce temps, le gang de Black Mask compte bien passer à l’offensive dans la ville…

Batman No Mans Land Black Mask

► Le personnage de Barbara Gordon est bien mis en avant, tout comme son père, quasi-méconnaissable depuis le statu quo inédit de la ville. Les dessins de Frank Teran accentuent cette opportunité, tant ils sont loin des schémas « classiques ». Le côté très hors-norme, plutôt associé à des productions indépendantes habituellement, rendent l’ensemble assez poisseux et malsain, mais clairement réussis. On retrouve, de façon anecdotique, deux antagonistes de seconde zone (Double-Tour et KG Beast), aperçus dans Cataclysme et qui seront très certainement au centre d’un futur récit.

Deux pour la route
scénario : Greg Rucka | dessin : Jason Pearson
The Batman Chronicles #16

Entre le tremblement de terre et peu avant l’application concrète du No Man’s Land, l’agent Montoya a été, durant son « temps libre » à la rescousse de plusieurs citoyens en étant aidé de… Double-Face. Le criminel a en effet montré un altruisme sans faille lors de cette période, secourant bon nombre de citoyen. Mais l’agent de police n’a pas forcément confiance…

Batman No Mans Land Double Face

► Petit aparté revenant sur deux personnages secondaires important : Montoya et Double-Face. Le rapport à la confiance est à nouveau inversé : Double-Face (tout comme l’Épouvantail dans La Peur de la Foi) apparaît soudainement entièrement « bon » et dévoué. De quoi semer le doute chez le lecteur et de découvrir, pour une fois, cet ennemi sous une nouvelle face(tte).

Conclusion : À l’exception de deux/trois histoires dont les graphismes peinent à convaincre, toutes les autres, bien que foncièrement différentes dans leurs styles visuels, permettent d’enchaîner des mini-scénarios parfaitement calibrés pour passionner le lecteur. Seul celui sur Azraël est de moindre qualité mais globalement tout le tome tient parfaitement la route est s’avère presque indispensable tant les qualités sont nombreuses. La myriade de scénaristes ne pose pas de problèmes de cohérence en soi, au contraire, chacun offre un aperçu de sa vision post-apocalyptique.

Entre l’originalité de l’ensemble, le questionnement relatif à la morale, les aventures de protagonistes secondaires, ce premier tome de No Man’s Land est plus que conseillé ! Batman n’est absolument pas au premier plan, contrairement à ce que la couverture nous laisse penser — à ce sujet, les deux premiers tomes n’ont pas les plus belles couvertures contrairement aux quatre derniers. Seul réel « problème » de ce volume : on sait d’avance qu’il y en aura d’autres, au nombre de cinq. Cela peut clairement rebuter le lecteur, en terme de coût évidemment (6 x 28€ = 168€) mais aussi de crainte d’un récit indigeste et répétitif sur le long terme (effet Knightfall oblige). Pour l’instant, ce n’est absolument pas le cas et on ne peut que recommander la lecture de ce tome (l’article sera mis à jour en fonction des critiques des volumes suivants).

Page récapitulative.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le xx avril 2014
Premières publications originales en 1999.
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hungray (Studio Myrtille)
Traduction : Alex Nikolavitch
Adaptation Graphique : Willem Merloo

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Batman – No Man’s Land : Tome 01