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No Man’s Land – Tome 02

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

Rappel : après un énorme cataclysme, Gotham City est déclaré no man’s land : personne n’y entre et personne n’en sort. Les rues sont aux mains des criminels, divisés par zones spécifiques. La police et quelques justiciers tentent d’en reprendre le contrôle et de sauver les plus démunis qui n’ont pas pu partir.

batman-no-mans-land-tome-2

À noter que tous les chapitres commencent par cette introduction : « … Au lendemain du cataclysme qui jeta à terre les fiers buildings de Gotham City, la nation américaine abandonna le peuple de la cité réduite en cendres. Seuls survivront les braves, les calculateurs et les fous dans cet enfer sur Terre appelé NO MAN’S LAND »

Équilibre
scénario : Greg Rucka | dessin : Jason Pearson
Batman : Legends of the Dark Knight #118

Alfred raconte l’histoire d’un chevalier et son écuyer à des enfants dans un endroit sécurisé de Gotham géré par lui-même et Leslie Thompkins. Il y explique la disparition du chevalier (Batman donc) et ce qu’a fait son écuyer (Alfred forcément) en attendant le retour de son maître. Alfred a aidé du mieux qu’il le peut les plus démunis et, surtout, observer les factions en place.

alfred no mans land

► Un point de vue intéressant sur Alfred, qui était absent du tome précédent (sans qu’on s’en rende compte réellement). Cela fait donc « du bien » de découvrir ce qu’il était advenu du célèbre majordome. Peu d’éléments sur le départ de Bruce/Batman (à priori, selon les résumés du volet précédent il essayait de convaincre le gouvernement de sauver Gotham City) mais un beau retour, un peu épique et très « visuel » malgré des dessins globalement ratés sur les visages mais réussis sur le reste (décors, découpage, couleurs)…

Harold / Bien chez soi
scénario : Dennis O’Neil / Scott Beatty | dessin : Chris Renaud / Damion Scott
The Batman Chronicles #16

Harold, bricoleur muet, bossu et chassé de chez lui pour sa laideur, travaillait avec Alfred et Batman dans la Bat-Cave (personnage manipulé par Le Pingouin puis recueilli par le Chevalier Noir). Le génie mécanique est sommé par Alfred de retourner en ville après le cataclysme…

harold batman

Un couple de voleurs se retrouve dans l’appartement… du Joker ! Une ombre en forme de chauve-souris les surveille…

no mans land robin dead

► Deux courts chapitres, surtout celui sur Harold. Ce personnage tertiaire est brièvement au centre du récit pour découvrir, à l’instar d’Alfred juste avant, ce qu’il faisait durant le cataclysme. Anecdotique et pas assez long pour vraiment s’attacher à Harold, on espère le revoir plus tard mais nul doute que ce petit segment est nécessaire pour revenir sur tous les protagonistes, même les moins présents.

L’autre chapitre est nettement plus prenant, glauque et réussi. L’omniprésence du Joker est glaçante alors que le célèbre clown n’apparaît absolument pas durant cette histoire. Les éléments décoratifs et divers (attention aux surprises malsaines) suffisent pour laisser planer l’ombre de l’éternel ennemi du Chevalier Noir.

Home Sweet Home
scénario : Lisa Klink | dessin : Guy Davis
Batman : Shadow of the Bat #86

Le sergent retraité William S. Riley a refusé de quitter Gotham City et continue de défendre sa maison corps et âme. Elle est pourtant située dans un bloc conquis par Killer Croc et que le gang de Zsasz souhaite récupérer. Même Batgirl n’a pas la force de les combattre et se voit contrainte de fuir les lieux…

no mans land tome 2

► Un chapitre qui se focalise sur un parfait inconnu pour mieux faire comprendre au lecteur l’état d’esprit des habitants de Gotham. Ils sont sur le qui-vive puisque les différents criminels s’approprient leur territoire voire leur maison, ils doivent payer un tribut (nourriture…) pour rester en vie, etc. En plus de montrer cet aspect (important et nécessaire), les souvenirs du vieil homme, sa propre vie familiale plutôt triste, la Seconde Guerre Mondiale et l’évolution de jeunes de la ville qu’il a vu grandir font de cette histoire, au style graphique proche d’une BD franco-belge, une curiosité élégante et réussite. Peut-être parce que le point de vue est foncièrement humain sous tous rapports…

Attentat au bonbon piégé
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #53

Azraël est toujours à la recherche de Calibax (cf. tome précédent) lorsque Batman lui confie la lourde tâche de retrouver le Joker et de le capturer. Tiraillé entre son désir de justice et agacé par l’autorité paternaliste effectuée par le Chevalier Noir, Azraël accepte cette mission. Ça tombe bien, le Clown du Crime est particulièrement impatient et cherche à tout prix à revoir Batman…

joker no mans land

► Si de prime abord le titre et le mot « dragibus » (les fameux bonbons dudit titre) prêtent à sourire, ce chapitre redore clairement le blason de Jean-Paul Valley et de cet arc narratif qui avait mal débuté. Véritable menace, le Joker est typiquement celui du dessin animé de la série de Bruce Timm et Paul Dini (voire même le Nicholson de Burton) : drôle et effrayant. Le dilemme moral entre la justice et la vengeance dans le rôle des quêtes que se sont données Batman et Azraël vient clore efficacement cette petite histoire. L’homme chauve-souris apparaît brièvement mais déterminé comme jamais pour reprendre le contrôle de sa ville, comprenant que sa présence en plein jour est gage de qualité pour effrayer ses ennemis. Seule ombre au tableau : des bulles narratives expliquant l’action en cours (et peut-être une colorisation trop vive pour des dessins des héros moins réussis que ceux du Joker, stylé au possible).

Le Visiteur
scénario : Kelley Puckett | dessin : Jon Bogdanove
Batman #566

Superman vient (enfin) en aide à Gotham City. Batman y est réticent et lui donne 24 heures pour faire autant « de bien » qu’il le peut. L’Homme d’Acier compte bien en profiter mais les habitants de la ville sont-ils prêt à être solidaire ?

superman no mans land

► L’ouvrage poursuit les points de vue différents (et c’est tant mieux) avec cette fois le surhomme de Metropolis, curieusement absent dans les volumes précédents. Cette entrée en matière ravit mais son côté éphémère et le fatalisme facile imposé (en gros Superman abandonne) gâche un peu l’ensemble — même si le justicier kryptonien n’a pas dit son dernier mot, il revient d’ailleurs dès le chapitre suivant —, servi par des dessins globalement ratés et encrés de façon très grossière et grasse.

Infiltration
scénario : Devin K. Grayson / Mark Waid | dessin : Mark Pajarillo
JLA #32

Huntress communique avec Superman et en veut terriblement à la Ligue de Justice de ne pas être intervenu et de continuer de rester en retrait. De leur côté, les membres affrontent diverses menaces et suivent une piste qui les mène au groupe de scientifiques Locus qui auraient peut-être manipuler le Sénat pour voter le décret no man’s land, interdisant à quiconque d’entrer dans Gotham. C’est l’une des raisons pour laquelle l’Homme d’Acier n’intervient pas, puisque cela est « illégal ».

Huntress No Mans Land

► Ce chapitre arrive pile au bon moment car ça faisait un bout de temps qu’on ne comprenait pas l’absence de la Justice League à Gotham. Si des raisons évoquées ne sont pas forcément les plus pertinentes (cette histoire d’illégalité), l’idée que chaque membre travaille dans l’ombre pour enquêter sur divers groupuscules souhaitant prendre le pouvoir depuis l’extérieur sur la ville est par contre tout à fait « plausible » et intéressante. Du reste, on poursuit le développent de Huntress et l’ensemble est agréable, un peu confus tout de même, avec de jolis dessins qui tranchent avec le chapitre précédent.

Nuances de gris
scénario : Bob Gale | dessin : Phil Winslade
Detective Comics #733

Dans Gotham, Batgirl constate que Gordon ne veut ni d’elle ni de Batman (accusé d’avoir abandonné sa ville). Le Chevalier Noir est lui même pris de doutes sur les bonnes méthodes à adopter pour sécuriser le maximum de personnes. Les choix « justes » sont-ils tous légaux et moraux ? À nouveau le justicier s’interroge et Alfred lui conte un souvenir similaire qui a eu lieu avec Thomas Wayne, à l’époque où Bruce n’était qu’un enfant.

Batman No Mans Land

► Sans nul doute le récit le plus intelligemment écrit jusqu’ici (avec Ni Loi ni Ordre qui ouvrait le tome précédent, déjà scénarisé par le même Bob Gale). La question du dilemme moral est une fois de plus soulevé sans réelle réponse. Tout n’est pas noir ou blanc, il y des nuances de gris, titre du chapitre donc. L’ensemble est passionnant, se recentre (enfin) sur le Chevalier Noir et est d’une rare élégance en terme de dessins particulièrement fins et soignés.

Danse de miséricorde
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #54-55

Azrael recherche toujours trois personnes : le Joker, Nicholas Scratch et Calibax. Il va voir l’Oracle pour recueillir des informations mais son parcours croise, forcément, celui de quelques démunis, malfrats et d’un mystérieux nouvel ennemi : le danseur de la mort, qui ôte la vie à ceux qui souffrent du no man’s land.

azrael no man land

► On retrouve quelques explications bienvenues, notamment pourquoi des habitants n’ont pas quitté Gotham City : la plupart pensait que le gouvernement ne les abandonnerait pas, ne croyait pas cela possible tellement ça semblait surréaliste. Ça se tient, peut-être pas à si grande échelle mais ça reste plausible (plus que l’inaction de la Justice League). Outre trouvaille, ou plutôt bonne idée, à peine esquissée jusqu’ici : le rechargement par panneau solaire, révolutionnaire pour l’époque (le récit date de l’été 1999). C’est comme cela qu’Oracle utilise des ressources. Une étrange relation entre elle et Azrael , qui se voient pour la première fois après plusieurs journées de conversation téléphonique (dommage qu’on ne les perçoit pas ainsi), se noue.

Le fille de Gordon « flirtait » avec Azrael, Jean Paul Valley de sa véritable identité, qui avait pris tout cela au premier degré (on ne badine pas avec l’amour !). Une certaine complicité nait entre eux deux et c’est clairement… sympathique et original ! En se recentrant sur Azrael durant ces deux chapitres, on s’aperçoit d’ailleurs que ce « justicier » est clairement partagé entre plusieurs éléments : il a pitié des plus pauvres mais une part de lui pense que c’est bien fait pour eux. Il y a toute une ambivalence, cher et coutumière du personnage, qui est ici nettement mieux écrit que d’habitude. Le justicier attire clairement une empathie plus poussée que dans d’autres histoires (plus anciennes comme Knightfall ou plus récentes comme Batman & Robin Eternal).

En bref, ces deux chapitres sont un sans faute si on accepte cette colorisation un peu trop vive qui tranche avec les autres planches de l’ouvrage, plus sombres voire monochromes, ainsi que le costume mi-armure mi-cosplay d’Azrael, un poil too much.

Oracle Azrael No Mans Land

— Tu es avec Batman ?
— Comment avez-vous deviné ? Oh… Le costume bien sûr.
— Non. La violence.

Leslie Thompkins à Azraël.

« Souffrir, c’est le prix que nous payons pour vivre. Et il n’est pas négociable.
Tout ce que nous pouvons faire, c’est l’accepter et aller de l’avant.
La pire chose que nous puissions faire, c’est nous apitoyer sur notre sort. »

Road Trip
scénario : Chuck Dixon / Scott Beatty | dessin : Andy Kuhn
Young Justice : No Man’s Land #1

Batman a viré Robin (Timothy Drake) de Gotham. Le jeune homme a en plus déménagé à Keystone City et ne supporte plus de rester inactif face à la situation actuelle de son ancienne ville. Le fait que son co-équipier ne lui demande pas de l’aide l’enrage et il en discute avec deux membres de la Young Justice : le sexiste (assumé) Superboy et Impulse (Bart Allen). Après un bref débat,  les trois jeunes justiciers partent en croisade à Gotham tandis que Red Tornado reste au QG (ainsi que Wonder Girl et Arrowette). De son côté, un jeune atlante, Lagoon Boy, nage pour la première fois vers Gotham City mais se fait attaquer par Kobra Prime, ennemi de la Young Justice.

Robin No Mans Land

► Petit aparté « fraîcheur et couleur » avec ce chapitre qui montre une jeunesse souriante et dynamique, d’un style graphique très moderne. Robin apparaît enfin, une fois de plus c’est un prisme d’explications qui arrive : le jeune rouge-gorge a été interdit de Gotham par son mentor, d’où son absence, c’est aussi simple que cela. Si le combat final (contre Kobra Prime) est expéditif et très moyen, celui contre la création de Poison Ivy (cette dernière n’apparaît pas mais elle a clairement son territoire et un pacte avec le Chevalier Noir) est très réussi. Il est d’ailleurs étonnant que trois jeunes justiciers n’en arrivent pas à bout, preuve que ce no man’s land n’est pas pour eux. Bon, pourquoi pas… L’ensemble apporte en tout cas ce vent de légèreté qui devient presque nécessaire tant l’ensemble est (un peu) anxiogène (sans que cela soit un défaut, bien entendu).

Titre de propriété
scénario : Greg Rucka | dessin : Mike Deodato Jr.
Batman : Legends of the Dark Knight #119 | Batman : Shadow of the Bat #87

Plus de quatre mois après le début du no man’s land, une carte de territoire montre l’avancée de chaque gangs, certains sont désormais rayés (Black Mask, l’Epouvantail, Scarface…), d’autres sont toujours en place (Double-Face, le Pingouin…) et Batman a presque la moitié de Gotham, une autre partie étant aux mains de la police. Le Pingouin et Double-Face décident de s’associer pour récupérer quelques territoires. Côté GCPD, Gordon prépare un assaut également.

double face no mans land

► Une histoire pleine d’action et particulièrement sombre. Peut-être ce qui « manquait » à l’ouvrage pour nous montrer le « vrai quotidien » du no man’s land en terme d’affrontement et des difficultés rencontrées par Batman pour garantir un semblant de paix. Si graphiquement des passages sont très réussis (notamment Double-Face), d’autres sont clairement ratés (Batman est une montage de muscles bodybuildé). Gordon semble avoir pactisé avec le diable, suffisamment alléchant pour vouloir connaître la suite et Oracle affirme avoir trouvé l’identité secrète de la nouvelle Batgirl. Cette dernière n’est toujours pas acceptée à 100% par Batman qui semble encore sur la réserve pour obtenir une aide plus concrète de sa part. Bref, dans ces deux chapitres, les pièces de l’échiquier avancent lentement mais sûrement, tout le monde a sa propre façon d’agir et trahit ses convictions (alliés comme ennemis). L’image finale est particulièrement réussie.

La marque de Caïn
scénario : Kelley Puckett | dessin : Damion Scott
Batman #567 | Detective Comics #734

Dans un passé proche, une jeune fille ne parlant pas l’anglais s’est liée d’amitié avec Barbara Gordon et a même sauvé la vie de son père. Pour cause, le tueur à gages Caïn est le père de cette jeune fille. Il l’a entraîné pour qu’elle soit une redoutable combattante mais celle-ci ne souhaite pas « tuer des gens ».

Batgirl Batman No Mans Land

Alternant flash-back se situant avant et durant le no man’s land, on ignore un peu les repères chronologiques précis de cette histoire un brin confuse. Son point fort réside dans son mutisme, les trois quarts de l’ensemble n’ont pas de bulle et se « lisent » très bien. On s’attache facilement à la jeune Cain, Cassandra de son prénom (qu’on connaît si on est déjà familier de l’univers Batman), il est difficile de comprendre les tenants et aboutissants de tout le récit tant ces nouveaux personnages ont l’air de sortir de nulle part. Le Chevalier Noir a un look différent de l’histoire précédente mais le début de celle-ci semble se dérouler juste après. Bref c’est un peu le bazar, avec un style cartoonesque étrange et qui ne colle pas à l’ensemble du tome. Sans doute la partie la moins réussie de l’ouvrage mais pas déplaisant totalement non plus grâce à l’introduction « civile » de la jeune fille de Caïn.

Conclusion : La saga poursuit sa très bonne lancée et livre un second tome aussi bon que le(s) précédent(s). Cette fois-ci, l’action est mise sur plusieurs justiciers ou antagonistes bien précis et cette nouvelle salve répond (avec plus ou moins de crédibilité) à bon nombre d’interrogations soulevées légitimement depuis le début de No Man’s Land (inaction de Superman, point de vue de Robin, etc.). Certaines histoires se lisent à travers le prisme d’inconnus ou de personnages très très secondaires, ce qui est une force de ce tome. On peut déplorer des styles graphiques assez différents mais l’ensemble restent très cohérent avec tout de même une qualité plus qu’honorable. Ne pas s’attendre à de gros changements majeurs au sein de l’évènement ni à beaucoup d’actions permettent de mieux savourer ce tome.

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No Man’s Land – Tome 01

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs livres : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc de texte reprenant l’ensemble de l’ouvrage, les (petites) histoires qui le composent sont bien distinguées et séparées entre elles. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

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Ni Loi ni Ordre
scénario : Bob Gale | dessin : Alex Maleev
Batman : No Man’s Land #1 | Batman : Shadow of the Bat #83 | Batman #563 | Detective Comics #730

Gotham City a été déclaré no man’s land : personne n’y entre, personne n’y sort. Trois mois après cet état de fait décrété par le gouvernement, les rues sont peuplées des plus pauvres et démunis, ceux qui n’ont pas pu (ou voulu) sortir de Gotham à temps. Les gangs et les criminels se partagent ainsi les zones et la police essaie tant bien que mal d’assurer un semblant de sécurité pour le peu de citoyens restant. Quant à Batman, il semble avoir disparu depuis le début de cette transition… (1) Les denrées sont rares, aussi bien les vivres que les vêtements, certains en font un commerce juteux, comme Le Pingouin, d’autres monnayent ou volent ce qu’ils peuvent. Peu avant le décret no man’s land, le directeur d’Arkham avait libéré tous ses patients, qui errent donc dans Gotham City, en prenant possession de territoires.

Batman No Mans Land Gordon

► Excellente introduction, extrêmement noire et redistribuant toutes les cartes des comics habituels de Batman, ce premier segment (en quatre chapitres) plonge directement le lecteur dans ce nouveau statut quo inédit. On y suit principalement Barbara Gordon et, surtout, son père. Oracle a habilement réussi à établir un réseau de communicants et Gordon en veut profondément à Batman de les avoir abandonnés. Le commissaire, habituel gardien de la morale, change du tout au tout ici, prêt à contourner la loi car celle-ci n’existe plus dans Gotham City. Ce qui ravit Bullock et Petit, un de ses agents très extrémiste mais dont les décisions, radicales, ne sont pas totalement reniées par l’ensemble du GCPD (ni approuvées pour autant). C’est là l’une des forces de l’écriture de Ni Loi ni Ordre : sans garde-fou de la civilisation, comment régenter un minimum la population restante ? Un exemple très concret s’appuie sur une guerre des gangs, habilement coordonnée par Gordon lui-même (il voulait user d’un graffiti – marque d’appartenance d’un lieu désormais – pour lancer les hostilités entre deux gangs rivaux, là où Petit a carrément tué trois de ses membres pour provoquer les autres). Une fois les deux équipes exténués et affaiblies, le GCPD reprend le contrôle du territoire (leur ancien commissariat) et ne sait que faire des prisonniers. Gordon les autorise à partir, espérant que d’autres criminels se chargeront d’eux. Il clame que s’ils reviennent, la peine de mort sera appliquée. Petit surprend tout le monde en en tuant un au hasard pour « montrer l’exemple ». Gordon le réprimande mais est incapable de dire que son officier a mal agi ou que c’était une mauvaise idée…

C’est toute cette ambiguïté morale qui se joue dans les planches. Et c’est assez fascinant. Le retour de Batman est assez prévisible, ainsi qu’une autre super-héroïne revêtant sa cape et son emblème (là encore, Batman n’approuve pas mais ne désapprouve pas non plus). Les raisons de son absence lui sont personnels mais elles devront être abordées ultérieurement. Au-delà du mystère de sa disparition (qui est un élément narratif intéressant en soi), il est un peu dommage qu’Urban ait fait l’impasse sur la jonction manquante entre Cataclysme (qui était lui-même une introduction à la saga No Man’s Land) et ce premier tome.

Batman No Mans Land Map Carte

(1) En effet, on apprend en avant-propos que Bruce Wayne tenta d’user de son poids financier et politique pour demander au niveau fédéral une aide conséquente, mais celle-ci fut refusé. Pendant ce temps, les habitants de Gotham fuyaient les ruines de leur ancienne cité et les haines et tensions furent attisées par Nicolas Scratch, une rock-star au pouvoir hypnotique surhumain. Scratch réussit à convaincre le gouvernement d’ordonner une mise en quarantaine de Gotham, déclarée No Man’s Land. Et depuis, plus personne n’a aperçu la silhouette de l’Homme Chauve-Souris…

Résultat : il y a une petite dizaine de numéros manquants de la série Batman (par exemple), qui auraient peut-être renforcé le contexte. Il n’est pas impossible d’en faire un « numéro zéro » un jour ou bien, et c’est sans doute le cas, l’ensemble n’était éditorialement parlant pas très bon et ne justifiait pas une publication. Il n’y en a évidemment pas besoin pour comprendre le récit, mais on passe d’une situation à la fin de Cataclysme à une autre au début de No Man’s Land qui est tout de même très différente.

Batman No Mans Land Batgirl

Du reste, l’on pense très fortement au film The Dark Knight Rises (dont Nolan avait avoué s’être inspiré de No Man’s Land et de Knightfall), avec cette anarchie régnant sur Gotham City et chacun vivant sous le joug d’un criminel ou dans la peur et, surtout, au jeu vidéo Arkham City. Dans ce dernier, une portion de Gotham était devenue synonyme de prison géante où chaque ancien prisonnier ou fou faisait ce qu’il voulait. Une fois encore, chaque antagoniste prenait les rennes d’un territoire et Batman agissait pour remettre de l’ordre dans tout ça.

En synthèse : ces premiers chapitres sont une bonne entrée matière, écrit par Bob Gale en grande forme et dessiné par Alex Maleev, au style soigné, agréable et élégant, malgré toute la noirceur du propos mais aussi de la « géographie ».

Le Diable tout en bas
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #52

Azrael rejoint Gotham City en se cachant dans un bateau, avec une citoyenne qui veut retrouver sa fille dans la ville en ruine. L’ancien Batman (cf. Knightfall) poursuit également Scratch, qui agit dans le No Man’s Land en toute impunité…

Batman No Mans Land Azrael

► Anecdotique de prime abord, cette très brève incursion (un seul chapitre) avec le chevalier déchu de l’Ordre de St. Dumas n’a qu’un double intérêt : introduire Scratch (qui est apparu pour la première fois avant cette histoire — cf. l’avant-propos du tome recopié un peu plus haut) et renouer avec Azrael. Ce n’est pas forcément passionnant mais montre un autre justicier dans ce Gotham en ruines. À l’évidence, ce sont les chapitres suivants cet arc narratif qu’il faudrait lire « d’une traite » pour l’apprécier davantage.

La Peur de la Foi
scénario : Devin Grayson | dessin : Dale Eaglesham
Batman : Legends of the Dark Knight #116 | Batman : Shadow of the Bat #84 | Batman #564 | Detective Comics #731

Le père Christian refuse farouchement d’être protégé par le GCPD et ouvre son église à tous les pauvres, égarés et immigrés se présentant à lui. Une aubaine pour l’Épouvantail qui décide d’infiltrer le lieu. De son côté, Batman offre une seconde chance à un sbire de Black Mask en le plaçant au même endroit. Mickey, l’ancien truand, se rachète comme il peut dans ce nouveau rôle. Mais Huntress reste sceptique aux engagements de Crane (et Mickey), Gordon craint pour la sécurité du lieu et le Pingouin souhaite même y cacher des armes…

 No Mans Land Huntress Batman

► À nouveau, les quatre chapitres composant cette histoire sont aussi réussis que Ni Loi ni Ordre. C’est à peu près la formule qui est appliquée mais d’une façon différente : la moralité est mise à toute épreuve et sous un prisme religieux cette fois. Avec, en plus, le droit à la seconde chance, à la réinsertion et, bien évidemment « la peur de la foi », alliant aussi bien la thématique cher à l’Épouvantail et celle au cœur du sujet avec un homme d’église en plein dilemme. À l’instar de Cataclysme, le personnage le plus intéressant est Huntress, qui continue d’évoluer en tant que justicière mais ne répondant pas forcément aux mêmes codes moraux que Batman (même si elle apparaît ici nettement plus « sage »). Mickey est extrêmement touchant et mériterait de devenir un personnage secondaire régulier.

No Mans Land Epouvantail

Les planches sont soignées et le look de l’Épouvantail très réussi, la patte de Dale Eaglesham résonne le style des années 90 tout en se dirigeant vers une certaine modernité à l’épreuve du temps. Seule la fin, peut-être pas assez noire, tranche un peu avec le reste, sous haute tension et captivant.

Du pain et des jeux
scénario : Ian Edginton | dessin : D’Israeli
Batman : Legends of the Dark Knight #117 | Batman : Shadow of the Bat #85

Batman veut mettre fin aux trafics en tout genre du Pingouin. Pour cela, il décide d’affronter seul ses sbires durant un spectacle organisé par le mafieux. En substance, l’idée est aussi que la population (re)prenne conscience que Batman veille et que ses ennemis doivent le craindre.

Batman Pingouin No Mans Land

► Étape cruciale du retour de Batman : réaffirmer sa légende, acclimater la peur, apprendre à nouveau aux malfrats « qui est le plus fort ». Les codes ont changé, le Chevalier Noir se livre tel un gladiateur dans l’arène du Pingouin avec un but bien précis. La dernière case renforce, d’une certaine manière, la folie du Dark Knight. L’autre figure féminine justicière sans nom actuellement revêtant un masque cachant son visage et arborant fièrement le logo de Batman (une nouvelle Batgirl ?) continue d’apparaître (on imagine qu’elle sera prochainement au centre d’un récit).

Seuls bémols de ces deux chapitres : les dessins et l’encrage. Un style parfois un brin cartoony avec des traits gras, des fonds de case noirs, etc. L’ensemble ne prend pas forcément mais on retient un dialogue entre Gordon et l’homme chauve-souris (non visible) très réussi. Du reste, l’évolution « primitive » suit son cours logique : les arcs et les flèches ont remplacé les pistolets, la viande de chien s’échange au marché noir, etc.

Mosaïque
scénario : Greg Rucka | dessin : Frank Teran
Batman #564 | Detective Comics #731

Oracle doit à la fois consolider son repaire et également « accepter » qu’une nouvelle Batgirl déambule dans Gotham City avec la bénédiction de Batman lui-même. Ce dernier compte sur Double-Tour et KG Beast pour défendre le pénitencier Blackgate. Pendant ce temps, le gang de Black Mask compte bien passer à l’offensive dans la ville…

Batman No Mans Land Black Mask

► Le personnage de Barbara Gordon est bien mis en avant, tout comme son père, quasi-méconnaissable depuis le statu quo inédit de la ville. Les dessins de Frank Teran accentuent cette opportunité, tant ils sont loin des schémas « classiques ». Le côté très hors-norme, plutôt associé à des productions indépendantes habituellement, rendent l’ensemble assez poisseux et malsain, mais clairement réussis. On retrouve, de façon anecdotique, deux antagonistes de seconde zone (Double-Tour et KG Beast), aperçus dans Cataclysme et qui seront très certainement au centre d’un futur récit.

Deux pour la route
scénario : Greg Rucka | dessin : Jason Pearson
The Batman Chronicles #16

Entre le tremblement de terre et peu avant l’application concrète du No Man’s Land, l’agent Montoya a été, durant son « temps libre » à la rescousse de plusieurs citoyens en étant aidé de… Double-Face. Le criminel a en effet montré un altruisme sans faille lors de cette période, secourant bon nombre de citoyen. Mais l’agent de police n’a pas forcément confiance…

Batman No Mans Land Double Face

► Petit aparté revenant sur deux personnages secondaires important : Montoya et Double-Face. Le rapport à la confiance est à nouveau inversé : Double-Face (tout comme l’Épouvantail dans La Peur de la Foi) apparaît soudainement entièrement « bon » et dévoué. De quoi semer le doute chez le lecteur et de découvrir, pour une fois, cet ennemi sous une nouvelle face(tte).

Conclusion : À l’exception de deux/trois histoires dont les graphismes peinent à convaincre, toutes les autres, bien que foncièrement différentes dans leurs styles visuels, permettent d’enchaîner des mini-scénarios parfaitement calibrés pour passionner le lecteur. Seul celui sur Azraël est de moindre qualité mais globalement tout le tome tient parfaitement la route est s’avère presque indispensable tant les qualités sont nombreuses. La myriade de scénaristes ne pose pas de problèmes de cohérence en soi, au contraire, chacun offre un aperçu de sa vision post-apocalyptique.

Entre l’originalité de l’ensemble, le questionnement relatif à la morale, les aventures de protagonistes secondaires, ce premier tome de No Man’s Land est plus que conseillé ! Batman n’est absolument pas au premier plan, contrairement à ce que la couverture nous laisse penser — à ce sujet, les deux premiers tomes n’ont pas les plus belles couvertures contrairement aux quatre derniers. Seul réel « problème » de ce volume : on sait d’avance qu’il y en aura d’autres, au nombre de cinq. Cela peut clairement rebuter le lecteur, en terme de coût évidemment (6 x 28€ = 168€) mais aussi de crainte d’un récit indigeste et répétitif sur le long terme (effet Knightfall oblige). Pour l’instant, ce n’est absolument pas le cas et on ne peut que recommander la lecture de ce tome (l’article sera mis à jour en fonction des critiques des volumes suivants).

Page récapitulative.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le xx avril 2014
Premières publications originales en 1999.
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hungray (Studio Myrtille)
Traduction : Alex Nikolavitch
Adaptation Graphique : Willem Merloo

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Batman – No Man’s Land : Tome 01