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Batman Infinite – Tome 1 : Lâches par essence

La suite de Joker War est enfin arrivée ! À la fois « nouveau départ » et « continuité », que vaut Lâches par essence, premier tome de Batman Infinite, qui inaugure une pseudo nouvelle ère pour le Chevalier Noir, toujours scénarisée par James Tynion IV et dessinée par Jorge Jimenez ?

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir libéré Gotham de l’emprise du Joker et s’être confronté aux nouveaux venus Clownhunter et Ghost Maker, Batman pensait avoir repris les destinées de sa ville en main. Mais le nouveau maire Christopher Nakano, allié à l’industriel Simon Saint, est bien décidé à mettre en place et purger Gotham de ses justiciers masqués qu’il juge être à la source même de la criminalité qui ronge sa ville. Dépossédé de sa fortune, Bruce Wayne parviendra-t-il à mener seul sa croisade contre le crime ?

[Histoire]
Des toxines du Joker sont diffusés dans l’Asile d’Arkham, causant la mort de plusieurs personnes dont Bane (!) et un incendie dans le bâtiment. Cet attentat est nommé « Jour A ». L’Épouvantail, pourtant déclaré mort après cette attaque semble se cacher derrière elle, même si elle est imputée dans un premier temps au Clown Prince du Crime qui a disparu (depuis la fin du tome 2 de Joker War et dont la cavale est à découvrir dans Joker Infinite). Le nouveau maire de Gotham City, Christopher Nakano, ne veut plus que Batman et ses alliés s’occupent de la ville.

Heureusement, le Chevalier Noir peut compter sur l’aide de Ghost Maker, ancien antagoniste qui a rejoint sa croisade (cf. Joker War – Tome 3), Barbara Gordon qui reprend son poste d’Oracle et… Harley Quinn. La nouvelle fidèle alliée est par ailleurs à la recherche de Poison Ivy – dont l’ex petite-amie Bella arpente aussi la ville.

En parallèle, un groupe d’anarchistes nommés le collectif Unsanity et emmenés par l’énigmatique Wyze diffuse des informations pour les citoyens de Gotham. Bruce doit les infiltrer pour comprendre ce qu’ils trament réellement. Il fait la connaissance de Molly

Le mystérieux Simon Saint œuvre avec l’Épouvantail pour accentuer le climat anxiogène dans Gotham. Proche du maire Nakano, il le convainc d’accepter son programme Peacekeeper, milice composée à terme de cinq mercenaires, des hommes puissants et « réparés » avec des technologies avancées, leur conférant une force surhumaine.

[Critique]
Après les bons débuts de Joker War (tomes 1 et 2) puis une certaine déception dans sa « conclusion » (tome 3), ce premier volet de Batman Infinite fait du bien. Les guillemets sont de mises autour du terme « conclusion » car la courte série Joker War n’a jamais été pensée ainsi en VO, elle suivait tout simplement les derniers chapitres de l’ère Rebirth et, surtout, entamait un nouveau cycle. Cycle qu’Urban Comics avait choisi d’appeler Joker War et affublé du terme « série en cours » avant de rétropédaler et de l’achever en « série complète en trois tomes ». En effet, le troisième volume était à la fois une semi-conclusion des deux précédents, une bande dessinée de transition vers un autre arc narratif mais aussi et surtout une introduction multiple à d’autres évènements (avec Ghost Maker par exemple). La suite est à donc à retrouver dans ce premier tome de Batman Infinite.

Lâches par essence s’ouvre sur les quelques pages de Batman puisées dans Infinite Frontier #0. Des planches qui sont clairement le début de l’histoire. Infinite Frontier #0 est un long épisode s’attardant sur douze justiciers ou groupes de super-héros (Superman, Justice League, Green Lantern, Wonder Woman, etc.) inclut dans le récit complet DC Infinite Frontier (qui donne son nom à cette ère « Infinite ») même s’il n’y a absolument aucune obligation de l’avoir lu pour découvrir les séries Infinite (Batman Infinite, Detective Comics Infinite, Joker Infinite, Nightwing Infinite, Robin Infinite… parmi celles de la Bat-Famille). Il s’agit surtout de la continuité des titres qui existaient juste avant (en l’occurrence Batman Rebirth puis Joker War ici).

Dans ce volume, la galerie de personnages (de tous bords) est très dense ! Le scénariste James Tynion IV utilise ses valeurs sûres (Batman, Harley Quinn, Barbara/Oracle et l’Épouvantail en tête), ses créations récentes (Ghost Maker pour l’instant – Clownhunter devrait suivre sous peu) et ses nouvelles têtes : le maire Nakano, homme intègre menant une politique inédite, la pétillante Miracle Molly d’Unsanity (arborant quasiment le transhumanisme), Bella, l’ex de Poison Ivy qui semble avoir des pouvoirs similaires, le lugubre Simon Saint et son premier Peacekeeper. Des protagonistes qui parsèment le récit – très bien rythmé – avec un bon équilibre entre eux.

Si le titre suit un sentier narratif assez balisé (peu de surprises ou rebondissements), il séduit tout de même par ce renouveau moderne, cette approche encore plus urbaine qu’auparavant (Gotham ressemble à une ville futuriste bardée de néons, lorgnant vers des univers comme Cyberpunk 2077 par exemple, son architecture moins gothique est exploitée habilement de plusieurs façons) et politique. Pas de justiciers mais une milice armée et contrôlée par la mairie ? Ça sonne comme un déjà-vu (Batman – Tome 8 : La Relève notamment) mais ça continue de fonctionner car on sait que l’Épouvantail se cache derrière tout cela et prépare (forcément) quelque chose de plus grand (le fameux État de terreur, qui donne son titre aux tomes 2 et 3 de Batman Infinite et touche d’autres séries (Nightwing) tout en en créant de nouvelle (Fear State et quelques Secret Files sur les nouveaux personnages (Molly, Peacekeeper…)).

À l’instar des trois volumes de Joker War, le comic multiplie les genres avec brio : action, science-fiction, polar, fantastique, etc. La nouvelle dynamique instaurée par l’équipe d’alliés fonctionne plutôt bien : Batman, Ghost Maker et Harley Quinn, épaulés à distance par Oracle. Des nouvelles têtes, on retient surtout Molly, prometteuse sur le papier (une future collaboratrice de la Bat-Team ?) et le Peacekeeper (Sean Mahoney de sa véritable identité – qui peut avoir une évolution particulièrement intéressante si elle est soignée). L’introduction de l’ouvrage évoquait Future State qui montrait un avenir singulier pour Gotham, débouchant sur les conséquences des actes… apparemment narrés ici. Mais, une fois encore, nul besoin de connaître tout ce background et d’autres titres qu’on pourrait pensait liés (DC Infinite Frontier justement), ce Batman Infinite est clairement l’équivalent de Joker War – Tome 4. Difficile de démarrer les aventures de Batman directement avec ce tome, il est recommandé de passer par les trois précédents Joker War

Si Bruce Wayne a été dépossédé de sa fortune, comme cela a été martelé dans les résumés et au détour de quelques bulles, ça ne change pas grand chose à sa situation : il continue d’opérer depuis un repaire, a toujours quelques gadgets et véhicules, etc. Funfact : Molly se déplace avec lui en drone volant, rappelant énormément Watch Dogs : Legion pour les connaisseurs (encore un jeu vidéo !). Néanmoins, le Chevalier Noir ne peut plus compter sur l’aide du GCPD (Montoya succède à Gordon, absent du titre, occupé à courir après le Joker dans Joker Infinite) ni vraiment sur la confiance des citoyens envers lui – même si cela a peu d’impact concret sur le déroulé de la narration.

Outre l’écriture globalement efficace de James Tynion IV, aussi bien dans les dialogues – bien rythmés comme dit plus haut – que les situations (tour à tour sinistres, complexes, palpitantes), tout le titre doit son mérite (en grande partie) aux superbes dessins et colorisation du duo Jorge Jimenez et Tomeu Morey. Une équipe gagnante qui offre une richesse chromatique pour les protagonistes et les lieux avec une certaine élégance. Le nouveau look de l’Épouvantail (rappelant plus ou moins celui d’Arkham Asylum – encore un jeu vidéo, décidément !) est effrayant et singulier. La cybernétique entourant Peacekeeper est réaliste et séduisante (un côté Robocop, carrément cité dans la BD et dont on sent une certaine inspiration pour l’auteur). Le style atypique de Molly rend la jeune femme encore plus attachante. Les combats et apparitions de Batman sont sublimés comme toujours. Bref, c’est encore un sans faute sur la partie graphique, intégralement réalisée par le binôme.

Sans être révolutionnaire, Batman Infinite – Tome 1 : Lâches par essence est une belle promesse (comme l’était à l’époque Joker War par la même équipe créative/artistique). Des débuts encourageants et passionnants, pas forcément les plus originaux pour le fond de l’histoire mais qui fonctionnent tout de même par sa belle galerie de personnages (bons ou mauvais, anciens ou nouveaux). Une poursuite évidente de ce qu’a instauré Joker War et une bande dessinée particulièrement jolie, complétée par une galerie d’illustrations de couvertures alternatives et crayonnés de bonne facture.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 28 janvier 2022.

Contient Batman #106-111 + pages de Infinite Frontier #0

Scénario : James Tynion IV
Dessin & Encrage : Jorge Jimenez
Couleurs : Tomeu Morey

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Makma (Sarah Grassart, Gaël Legeard, Sabine Maddin et Stephan Boschat)

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Batman Detective Comics – Tome 07 : Batmen Eternal

Suite et fin de la chouette série Batman Detective Comics (ère Rebirth). Le dénouement est-il réussi ? Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Batwoman a commis l’impensable en prenant la tête de la Colonie. En réponse, le Chevalier Noir organise une réunion de crise avec les membres de la Bat-Famille pour la juger et décider quelles mesures prendre suite à sa sédition. Mais le temps est compté, car Ulysses Armstrong a un plan que Batwoman elle-même ignore et ce dernier pourrait bien causer la perte de Gotham toute entière !

[Histoire]
(Pas besoin de détails supplémentaire, le résumé d’Urban évoque pile ce qu’il faut et amorce le début du comic.)

[Critique]
Une conclusion tournée vers le registre de… la science-fiction (pour l’aspect robotique notamment). Effectivement, les chapitres mettent en avant le logiciel surpuissant « l’œil » et des Batmen robotiques contrôlés par Ulysses et son projet OMAC. Pour les fans de DC Comics, on ne peut que déchanter car cette idée a déjà été exploitée plusieurs fois (Infinite Crisis et Convergence par exemple, toutes s’inspirant déjà de la création du super soldat du futur de Jack Kirby, cf. le récit complet O.M.A.C., déjà dépoussiéré dans OMAC : L’arme ultime). Une certaine déception est de mise, surtout après avoir parcouru les aventures de l’équipe hyper attachante autour de Batman, qui brassait déjà à sa manière plusieurs registres, alternant thriller, magie, SF et presque voyages dans le temps, etc.

Si on met de côté ce principal reproche ou, mieux, si on ne connaissait pas OMAC, la bande dessinée reste globalement divertissante et apporte une fin plus ou moins satisfaisante – en fonction de son degré d’exigence, comme souvent. Les protagonistes trouvent ici une « conclusion » plutôt cohérente, Red Robin étant le plus mis en avant afin de réparer ses erreurs, ou plutôt ses obsessions maladives depuis la vision de son avenir. À ce titre, le fameux Ulysses Armstrong officie comme nouvel ennemi, sans que ce soit réellement surprenant après avoir suivi son parcours dans les titres précédents. Malheureusement, le discours est très convenu, assez oubliable… Dommage aussi que le « procès » de Batwoman soit vite balayé dès la fin du premier épisode pour se concentrer sur la suite (les errements de Red Robin, son affrontement avec Ulysses puis les conséquences globales de tout ça et ce qui gravite autour).

On apprécie en revanche l’approche de Batwoman et sa relation avec Batman, tous deux s’étant dirigés vers des chemins différents, la « nouvelle » alliance entre eux fonctionne plutôt bien, permettant de « boucler la boucle » avec ce qui était entamé dans le premier tome. La série pourra d’ailleurs être relue sous un nouveau prisme plus ou moins inédit. La présence de la Bat-Famille plus classique (Nightwing, Batgirl, Red Hood et Robin), en début d’histoire notamment, fait sens et renoue avec une autre forme de complicité bienvenue.

Au rayon des frustrations, James Tynion IV ne nous offre pas la suite de l’arc narratif entre Ra’s al Ghul et le père de Jean-Paul Valley, qui fermait le quatrième tome et promettait un « mystérieux commanditaire ». On a pourtant revu aucun des trois… Si le lectorat suivait Batman Detective Comics au rythme de ses publications mensuelles, il a probablement oublié ce « détail ». Mais quand on lit les sept tomes à la suite, impossible de ne pas y penser ! On imaginait un plan d’envergure, fomenté par Ghul et Azrael Sr., au final il n’en est rien… Sauf si la personne au-dessus d’eux était le Drake du futur mais ça paraît improbable. C’est peut-être pas grand chose pour certains fans, pour d’autres (le cas de l’auteur de ces lignes) c’est LE point noir de ce dernier volume qui générait des attentes légitimes…

Les dessins restent de bonne facture sans faire d’éclats, faute à des visages souvent peu naturels et une flopée d’artistes différents aux pinceaux comme toujours. Ici, Avaro Martinez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones et Scot Eaton se succèdent, soit six dessinateurs aux styles assez similaires (les Batmen robotiques restent les meilleures illustrations de l’ensemble) bénéficiant d’une colorisation toujours aussi riche en tons variées, permettant l’appellation très « comic book » de l’ensemble. Comme dans les volets précédents, ce sont les visages – notamment en gros plan – qui gâchent parfois les planches, la cause à des traits faciaux grossiers. Néanmoins, la plupart des héros œuvrant sous un masque, on n’en croise pas beaucoup donc ça reste globalement de bonne facture, à l’image de l’entièreté de la série.

En somme, ce dernier tome est mi-figue, mi-raisin. La plupart des dénouements (d’arcs narratifs et d’évolutions de protagonistes) sont tenus et corrects, certains sont en revanche décevants ou inexistants. C’est d’autant plus dommage que l’ensemble de la série, à un ou deux tomes près sans compter celui-ci était vraiment une réussite, très originale, profondément attachée à sa dimension humaine et relativement inédite dans l’univers très austère et souvent calibrée du Chevalier Noir. Ne soyons pas trop sévère tout de même, rien que pour sa proposition originale, elle mérite le détour, bien plus que des sagas confuses et indigestes comme Batman Metal, ou des runs trop longs comme Batman Rebirth (malgré ses coups d’éclats bien sûr). Batman Detective Comics apporte aussi une extension alléchante à Batman Eternal mais aurait gagné en qualité si elle avait été amputée d’un ou deux volumes et suivi une direction plus passionnante dans sa dernière ligne droite.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 octobre 2019.
Précédemment publié dans Batman Rerbirth #21 à #24, de février à mai 2019.

Contient Detective Comics #975-981

Scénario : James Tynion IV
Dessin : Avaro Martinez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones, Scot Eaton
Encrage : Raul Fernandez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones, Wayne Faucher
Couleur : Brad Anderson, John Kalisz, Adriano Lucas, Allen Passalaqua

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)

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(Pas une illustration de la bande dessinée mais une couverture d’un numéro – Detective Comics #969 par Guillem March –
qui représente bien l’entièreté de l’équipe, pour le plaisir des yeux…)

Batman Detective Comics – Tome 06 : La chute des Batmen

Après un excellent tome 5, la chouette série Batman Detective Comics est dans sa dernière ligne droite. Critique de l’avant-dernier volume qui rassemble plusieurs éléments narratifs parsemés depuis le début.

[Résumé de l’éditeur]
Red Robin est enfin de retour ! Et maintenant qu’il a retrouvé sa place aux côtés de Spoiler et de ses alliés, il lutte de nouveau contre le crime. Mais le succès de Batman et de la Bat-Famille a un prix, car le Syndicat des Victimes entend les faire payer. Leur ultimatum cinglant vient de tomber : si Batman ne révèle pas son identité en direct à la télévision, les criminels de l‘Asile d’Arkham seront lâchés sur la ville.

[Histoire]
Tandis que Spoiler retrouve Red Robin – et que leur couple subit quelques tensions suite au travail acharné de Tim – plusieurs menaces prolifèrent dans Gotham. Tout d’abord une équipe de plusieurs vilains emmenés par Killer Moth. Ensuite la collaboration entre le Syndicat des Victimes et Anarky, tous deux élaborant leurs plans depuis l’Asile d’Arkham. Enfin, Gueule d’Argile se contrôle de moins en moins, son ADN « de monstre » prend le dessus sur son état humain…

Par ailleurs, Michael Akins, le maire de la ville est farouchement opposé à la croisade de mercenaires qu’emploie Batman, à commencer par Gueule d’Argile, justement, qui n’a pas sa place dans une équipe de justiciers mais devrait être enfermé avec les autres criminels.

« Vous êtes en train de militariser le concept de Batman. Ce n’est plus un seul homme qui aide une ville à accomplir ce qu’elle ne pouvait réaliser seule. C’est un groupe de cinq à dix justiciers surentraînés qui cherchent à supplanter le système de justice démocratique dans notre ville. Et plusieurs d’entre eux ont l’air d’adolescents, bordel. »
Le maire Akins à Batman.

[Critique]
Jamais un titre n’aura aussi bien résumé son récit ! La chute des Batmen montre évidemment l’effondrement des Chevaliers de Gotham (nom trouvé par Red Robin). L’équipe est pétrie de tensions, elle se scinde même en deux camps, Gueule d’Argile prend le large et redevient presque un ennemi flamboyant. Tim Drake est toujours obsédé par « l’acte » (on ignore lequel) que commettra Batwoman et qui causera le futur peu radieux où un Drake plus âgé reprendra la cape de Batman (cf. tome précédent). Batman doit composer avec la municipalité de la ville et l’Asile d’Arkham, bref le récit est riche en action et en promesses plutôt tenues ! Deux grosses ficelles à déplorer néanmoins : l’ensemble des gardes de l’asile qui sont complices avec le Syndicat et Batman qui en dégomme une centaine à lui tout seul (sans qu’on ne le voit puisqu’il y a une ellipse). C’est le seul point noir de l’ouvrage qui rassemble pas mal de pièces de puzzles narratifs évoqués depuis le début de la série.

On connecte donc les agissements (dans l’ombre) du Syndicat des Victimes et ceux d’Anarky, une alliance qui fait sens et, une fois de plus, est plutôt originale parmi les productions de comics sur le Chevalier Noir. Une idée est également esquissée : une petite ligue d’ennemis de seconde zone dirigée par Killer Moth. Séduisante sur le papier mais vite contrée par les justiciers, on espère revoir cela à l’occasion car c’était plutôt bien vu. Ce sixième tome (l’avant-dernier) met enfin en avant Gueule d’Argile.

Rappelons que chaque volume a toujours eu valeur d’introspection pour un membre de l’équipe avec un équilibre plutôt respecté : Batwoman/Kate, Spoiler/Stéphanie, Orphan/Cassandra, Azrael/Jean-Paul. Red Robin/Tim y a surtout eu droit dans l’opus précédent (même s’il était bien suivi dans le premier tome aussi) et Gueule d’Argile/Basil a eu un traitement qui était très justement écrit mais pas encore bien exploité. C’est donc réparé dans ce tome qui propose, en plus de suivre l’évolution de l’anti-héros, un très long chapitre (annual#1) dédié à ses origines. De quoi comprendre la relation qu’il avait avec celle qui deviendra Gueule de Boue et dont on nous parle depuis le tome 2.

Rétroactivement, cet épisode aurait pu (aurait du ?) être publié au tout début des aventures de cette team atypique pour une meilleure fluidité narrative. Rappelant le superbe double épisode de Batman, la série animée, consacrée au même personnage, ce chapitre est assez touchant avec ce souffle d’humanité qui parcourt la fiction (un de ses atouts depuis le début) À ce stade, seul Batwing/Luke Fox n’a pas réellement eu de chapitres dédiés, même si on le voyait beaucoup avec Jean-Paul dans le quatrième volet. Rappelons également qu’Alfred est majoritairement absent de la série, tout comme Gordon, qu’on retrouve enfin un peu plus ici.

Les séquences d’action – impressionnantes avec Gueule d’Argile – s’enchaînent avec brio et convergent vers ce qu’on nous promettait en amont. Pas de révélation majeure dans cette critique, il reste de toute façon un ultime tome pour conclure efficacement la fiction. À ce stade, les chaînons manquants sont ceux autour de la Ligue des Ombres et de l’Ordre de Saint-Dumas (cf. tomes 3 et 4), s’ils ne reviennent pas dans l’opus suivant, ils n’auront pas servis à grand chose (malgré ce qui a été évoqué un moment). Inutile d’être davantage nébuleux, La chute des Batmen tient bien ses promesses aussi et montre une équipe de plus en plus brisée, un peu ce qu’avait tenté Scott Snyder avec son Deuil de la Famille et ses faibles conséquences. Une fois de plus : à suivre sur la durée pour constater les dégâts.

Les dessins sont à nouveau signés par une myriade d’artistes, à l’exception de certains visages (des expressions faciales peu naturelles) de Joe Bennet et Eddy Barrows et leur colorisation, l’ensemble tient la route, magnifiant parfois des séquences de destruction porn, de poursuites et de combats. Le découpage s’étale souvent sur des doubles pages ou avec malice durant l’épisode de l’annual sous forme de bobines de films. Clairement, côté graphisme même si aucun style ne se démarque vraiment, on est quand même dans du bon niveau avec des palettes chromatiques riches, bref typique dans du bon comic book !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 juin 2019.
Également publié dans les magazines Batman Rebirth #17 à #20 (octobre 2018 à janvier 2019)

Contenu : Batman Detective Comics #969-974 + Detective Comics Annual #1

Scénario : James Tynion IV
Dessin : Joe Bennett, Miguel Mendonça, Jesus Merino, Philippe Briones, Eddy Barrows
Encrage : Collectif
Couleurs :  Adriano Lucas, Jason Wright, Allen Passalaqua

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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