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Trois histoires de « Batman Detective Comics » publiés dans « Batman Bimestriel » en 2019

La série Batman Detective Comics compte (en France) sept tomes. La suite – indirecte – de la série du même titre a été publiée dans les magazines Batman Bimestriel à partir de juillet 2019 (avec bien évidemment d’autres séries comme Batman ou des récits complets, cf. l’Index de A à Z). Les trois premiers numéros ont accueillis trois histoires différentes de Detective Comics qui n’ont pas été rééditées dans des tomes en librairie.

Il s’agit de La malédiction de Gotham City ! en un chapitre (Detective Comics #982), À l’extérieur en cinq épisodes (DC #983-987) puis Perdre la face en six chapitres (DC #988-993). La suite de la série a été compilée en cinq volumes en librairie dans Batman Detective (en plus d’être également proposée dans les numéros suivants de Batman Bimestriel bien sûr).

Pour les anglophones, les deux premiers récits – bien que déconnectés entre eux – ont bénéficié d’une sortie aux États-Unis dans le volume 8 de Batman Detective Comics (On the outside) et la troisième histoire est dans le volume 9 (Defate the face). Découverte et critique de ces trois histoires !

 

La malédiction de Gotham City !Detective Comics #982
Scénario : Michael Moreci / Dessin et encrage : Sebastian Fiumara / Couleur : Dave Stewart
Publié dans Batman Bimestriel #1 en juillet 2019

[Histoire]
Batman recherche un enfant kidnappé dans les égouts de Gotham. Il tombe sur plusieurs créatures mystérieuses et des êtres humains en piteux états. Tous semblent obéir au diacre Blackfire.

[Critique]
Trop court pour être inoubliable, cet épisode offre une sorte d’épilogue au célèbre titre Batman – Le Culte. En effet, l’antagoniste de ce récit, le célèbre homme religieux Blackfire – qui avait constitué une véritable secte dans les souterrains de la ville – réapparaît ici (après être revenu dans Batman Eternal). Le Chevalier Noir s’interroge comme le lecteur : qu’est-ce qui est réel et ne l’est pas ? Sont-ce des fantômes ou des hommes ?

Les questions n’ont pas réellement de réponse (et ce n’est pas grave) puisque c’est avant tout le voyage onirique/cauchemardesque et, surtout, graphique qui séduit ici. On retrouve, comme dans Le Culte, « des formes effrayantes, spectrales ou horrifiques » mais un ensemble moins gore et sanglant qu’à l’époque (1988), la colorisation n’est pas non plus aussi psychédélique que la série mère, allant surtout dans des tonalités brunes.

En somme, La malédiction de Gotham City ! n’a d’intérêt que pour prolonger très éphémèrement le diacre Blackfire et montre un Batman perdu et tourmenté. Si Batman – Le Culte est réédité un jour dans la collection Black Label, nul doute que ce chapitre unique sera ajouté en segment pour fermer le comic.

À l’extérieurDetective Comics #983-987
Scénario : Bryan Hill / Dessin : Miguel Mendonça, Philippe Briones / Encrage : Diana Egea, Philippe Briones / Couleur : Adriano Lucas
Publié dans Batman Bimestriel #1 et #2 en juillet et septembre 2019

[Histoire]
Dans Gotham, un mystérieux nouvel ennemi, Karma, piège Le Signal (Duke Thomas) et le blesse sévèrement, arguant qu’il rend faible Batman.

Bruce Wayne reçoit la visite du Limier Martien car Superman n’est pas disponible. Le milliardaire lance une nouvelle équipe et souhaite que Jefferson Pierce, alias Éclair Noir (Black Lightning) le rejoigne.

Batman lui rend visite (ils s’étaient croisés dans le premier tome de Batman Metal) et lui propose de venir à Gotham. Un temps circonspect, Jefferson accepte et ses talents de professeur devraient permettre d’insuffler une pédagogie aux jeunes alliés de Batman, dont ce dernier manque probablement.

Karma continue de s’en prendre à la Bat-Family en s’attaquant à Orphan (Cassandra Cain).

[Critique]
Un ennemi inédit et original mais dont on n’arrive jamais à avoir peur, une équipe novatrice mais qui ne fonctionne qu’à moitié, un allié singulier et rare mais qui ne sert pas à grand chose… Beaucoup de paradoxes parsèment À l’extérieur, qui a tout de même le mérite de mettre en avant Éclair Noir (Black Lightning) dans une aventure du Chevalier Noir. Mieux : ce segment sonne comme une introduction à la création d’une nouvelle équipe, Batman et les Outsiders. Pour lire la suite de leurs aventures, il faudra se tourner vers deux récits proposés dans Batman Bimestriel #7 et #11, toujours écrits par Bryan Hill et contenant l’équivalent de deux tomes (sur trois) de cette série du même titre (Batman & the Outsiders).

Dans les cinq chapitres que nous avons ici, l’antagoniste Karma estime que les alliés de Batman sont ce qui l’affaiblit, ce qui n’est pas foncièrement faux – le détective de la nuit partage même ce constat. Qui se cache derrière le masque du mercenaire au sabre ? Une ancienne « victime » du Chevalier Noir (on le sait rapidement), qui veut banalement se venger (le karma donc…). C’est un peu maigre et vite oublié malgré un look alléchant et une opportunité narrative intéressante. De la même manière, propulser Éclair Noir en mentor d’Orphan (Cassandra Cain), Le Signal (Duke Thomas) et Oracle (Barbara Gordon) n’a aucun sens, surtout pour la dernière, déjà chevronnée à la vie de justicière nocturne. Ils n’ont pas besoin de conseils d’un professeur adoubé par Batman.

L’alchimie entre eux ne passe pas vraiment, on préfère celle entre Jefferson Pierce (le vrai nom d’Éclair Noir/Black Lightning) et… Bruce Wayne. En effet, le milliardaire apparaît beaucoup en civil, un aspect devenu rare en comics qui permet de renouer avec une certaine aisance plus « naturelle ». Il faut dire que Jefferson vient de Metropolis, connaît et épaule davantage Superman que Batman, donnant ainsi quelques échanges de visions et d’approches différentes pour l’encadrement des recrues. Néanmoins, si le capital sympathie de Jefferson fait mouche, il aurait pu être absent de la fiction que ça n’aurait pas changé grand chose, il évolue à la fois en retrait et se met en première ligne quand il y a besoin de ses pouvoirs (électriques, forcément).

Un ensemble graphiquement sympathique mais qui n’emporte jamais réellement le lecteur par ses frasques visuelles (alterné par Miguel Mendonça et Philippe Briones). La mort d’une journaliste ou la prise d’otages d’enfants ne font ni chaud ni froid ni plus. Bien que la lecture ne soit pas désagréable en soi, un brin dépaysante, on favorise plutôt l’idée d’une entrée en matière – celle des Outsiders donc – à prendre comme un tome zéro en attendant de lire la suite, qu’on espère plus palpitante.

Perdre la faceDetective Comics #988-993
Scénario : James Robinson / Dessin : Stephen Segovia, Carmine Di Giandomenico / Encrage : Stephen Segovia / Couleur : Ivan Plascencia
Publié dans Batman Bimestriel #2 et #3 en septembre et novembre 2019

[Histoire]
Batman revient aux fondamentaux. Plus apaisé, il renoue avec Gordon et enquête sur le meurtre de Karl Twist.

Sa piste l’amène face à Firefly – une nouvelle, Bridgit Pike – associé au Firefly initial (Ted Carson) puis aux jumeaux Tweed. Cette fréquence du chiffre « deux » le conduit à croiser le chemin de Double-Face.

L’ancien procureur Harvey Dent est toujours tiraillé entre ses personnalités. Étonnamment, Dent sauve même Gordon d’un assaut du GCPD par l’organisation Kobra.

Cette dernière semble cachée derrière les différentes attaques se déroulant à Gotham. Quel est leur but ?

[Critique]
En six épisodes plutôt bien rythmés et dessinés, l’auteur James Robinson surfe sur une certaine nostalgie. On retrouve l’ADN des premières enquêtes du Chevalier Noir : juste lui et Alfred d’un côté (très en forme sur l’humour pince-sans-rire) puis avec Gordon et… Harvey Dent/Double-Face ! Tout un chapitre se déroule d’ailleurs sur un toit entre les trois hommes, rappelant d’anciennes aventures (ou, évidemment, le film The Dark Knight).

Si les fausses pistes initiales permettent tout de même une réflexion pertinente sur la « hiérarchie » des ennemis (via Firefly, forcément), le discours global puis classique n’est pas très intéressant, à l’exception de ce qui tourne autour de Double-Face. Malheureusement la conclusion abrupte et peu claire gâche totalement ce qui était montré avant… Passons sur la fausse mort de Dent à laquelle on ne croit absolument pas.

C’est bien dommage car ce « retour en force » de Double-Face était particulièrement convaincant mais, in fine, n’apporte rien et reste une parenthèse anecdotique dans le parcours du Chevalier Noir et de son ennemi. Il subsiste bien sûr une certaine complicité entre Bruce/Batman et Harvey/Double-Face, plaisante à suivre, mais ça s’arrête là. À part pour les amoureux de Dent, on a donc tendance à déconseiller ce récit (privilégiez plutôt – parmi les titres les moins connus – Les tourments de Double-Face voire le premier tome d’All Star Batman, qui n’était déjà pas exceptionnel mais assumé dans son délire road trip).

Heureusement, les dessins sauvent plutôt l’ensemble, assurés par Stephen Segovia et Carmine Di Giandomenico à tour de rôle, colorisés par Ivan Plascencia. On retient quelques plans inspirés, entre les envolées nocturnes dans Gotham ou les scènes d’action épiques. C’est ce qui permet de passer une lecture plaisante et agréable, à défaut d’être mémorable et incontournable…

Conclusion de l’ensemble : On comprend aisément pourquoi ces trois titres n’ont pas bénéficié d’une autre édition en librairie. Le premier est évidemment trop court mais pourrait, comme déjà dit, être inclut dans une réédition de Batman – Le Culte. Le second sert plutôt d’introduction à une autre série (Batman & les Outsiders), publiée dans d’autres numéros – à voir une fois chroniqués si cela s’inscrit dans un run de l’auteur (Bryan Hill) qui vaudrait le détour, on en reparlera sur ce site. Le troisième et dernier est réservé aux inconditionnels d’Harvey Dent sans pour autant être un récit réellement marquant. En synthèse, aucun problème pour faire l’impasse sur ces trois histoires… La suite de la série Detective Comics (période Rebirth donc) a également été publiée dans les numéros suivants de Batman Bimestriel puis rééditée en cinq tomes — critiques bientôt en ligne (le quatrième étant connecté à Joker War).

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Batman Detective Comics – Tome 07 : Batmen Eternal

Suite et fin de la chouette série Batman Detective Comics (ère Rebirth). Le dénouement est-il réussi ? Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Batwoman a commis l’impensable en prenant la tête de la Colonie. En réponse, le Chevalier Noir organise une réunion de crise avec les membres de la Bat-Famille pour la juger et décider quelles mesures prendre suite à sa sédition. Mais le temps est compté, car Ulysses Armstrong a un plan que Batwoman elle-même ignore et ce dernier pourrait bien causer la perte de Gotham toute entière !

[Histoire]
(Pas besoin de détails supplémentaire, le résumé d’Urban évoque pile ce qu’il faut et amorce le début du comic.)

[Critique]
Une conclusion tournée vers le registre de… la science-fiction (pour l’aspect robotique notamment). Effectivement, les chapitres mettent en avant le logiciel surpuissant « l’œil » et des Batmen robotiques contrôlés par Ulysses et son projet OMAC. Pour les fans de DC Comics, on ne peut que déchanter car cette idée a déjà été exploitée plusieurs fois (Infinite Crisis et Convergence par exemple, toutes s’inspirant déjà de la création du super soldat du futur de Jack Kirby, cf. le récit complet O.M.A.C., déjà dépoussiéré dans OMAC : L’arme ultime). Une certaine déception est de mise, surtout après avoir parcouru les aventures de l’équipe hyper attachante autour de Batman, qui brassait déjà à sa manière plusieurs registres, alternant thriller, magie, SF et presque voyages dans le temps, etc.

Si on met de côté ce principal reproche ou, mieux, si on ne connaissait pas OMAC, la bande dessinée reste globalement divertissante et apporte une fin plus ou moins satisfaisante – en fonction de son degré d’exigence, comme souvent. Les protagonistes trouvent ici une « conclusion » plutôt cohérente, Red Robin étant le plus mis en avant afin de réparer ses erreurs, ou plutôt ses obsessions maladives depuis la vision de son avenir. À ce titre, le fameux Ulysses Armstrong officie comme nouvel ennemi, sans que ce soit réellement surprenant après avoir suivi son parcours dans les titres précédents. Malheureusement, le discours est très convenu, assez oubliable… Dommage aussi que le « procès » de Batwoman soit vite balayé dès la fin du premier épisode pour se concentrer sur la suite (les errements de Red Robin, son affrontement avec Ulysses puis les conséquences globales de tout ça et ce qui gravite autour).

On apprécie en revanche l’approche de Batwoman et sa relation avec Batman, tous deux s’étant dirigés vers des chemins différents, la « nouvelle » alliance entre eux fonctionne plutôt bien, permettant de « boucler la boucle » avec ce qui était entamé dans le premier tome. La série pourra d’ailleurs être relue sous un nouveau prisme plus ou moins inédit. La présence de la Bat-Famille plus classique (Nightwing, Batgirl, Red Hood et Robin), en début d’histoire notamment, fait sens et renoue avec une autre forme de complicité bienvenue.

Au rayon des frustrations, James Tynion IV ne nous offre pas la suite de l’arc narratif entre Ra’s al Ghul et le père de Jean-Paul Valley, qui fermait le quatrième tome et promettait un « mystérieux commanditaire ». On a pourtant revu aucun des trois… Si le lectorat suivait Batman Detective Comics au rythme de ses publications mensuelles, il a probablement oublié ce « détail ». Mais quand on lit les sept tomes à la suite, impossible de ne pas y penser ! On imaginait un plan d’envergure, fomenté par Ghul et Azrael Sr., au final il n’en est rien… Sauf si la personne au-dessus d’eux était le Drake du futur mais ça paraît improbable. C’est peut-être pas grand chose pour certains fans, pour d’autres (le cas de l’auteur de ces lignes) c’est LE point noir de ce dernier volume qui générait des attentes légitimes…

Les dessins restent de bonne facture sans faire d’éclats, faute à des visages souvent peu naturels et une flopée d’artistes différents aux pinceaux comme toujours. Ici, Avaro Martinez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones et Scot Eaton se succèdent, soit six dessinateurs aux styles assez similaires (les Batmen robotiques restent les meilleures illustrations de l’ensemble) bénéficiant d’une colorisation toujours aussi riche en tons variées, permettant l’appellation très « comic book » de l’ensemble. Comme dans les volets précédents, ce sont les visages – notamment en gros plan – qui gâchent parfois les planches, la cause à des traits faciaux grossiers. Néanmoins, la plupart des héros œuvrant sous un masque, on n’en croise pas beaucoup donc ça reste globalement de bonne facture, à l’image de l’entièreté de la série.

En somme, ce dernier tome est mi-figue, mi-raisin. La plupart des dénouements (d’arcs narratifs et d’évolutions de protagonistes) sont tenus et corrects, certains sont en revanche décevants ou inexistants. C’est d’autant plus dommage que l’ensemble de la série, à un ou deux tomes près sans compter celui-ci était vraiment une réussite, très originale, profondément attachée à sa dimension humaine et relativement inédite dans l’univers très austère et souvent calibrée du Chevalier Noir. Ne soyons pas trop sévère tout de même, rien que pour sa proposition originale, elle mérite le détour, bien plus que des sagas confuses et indigestes comme Batman Metal, ou des runs trop longs comme Batman Rebirth (malgré ses coups d’éclats bien sûr). Batman Detective Comics apporte aussi une extension alléchante à Batman Eternal mais aurait gagné en qualité si elle avait été amputée d’un ou deux volumes et suivi une direction plus passionnante dans sa dernière ligne droite.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 octobre 2019.
Précédemment publié dans Batman Rerbirth #21 à #24, de février à mai 2019.

Contient Detective Comics #975-981

Scénario : James Tynion IV
Dessin : Avaro Martinez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones, Scot Eaton
Encrage : Raul Fernandez, Javier Fernandez, Eddie Barrows, Eber Ferreira, Philippe Briones, Wayne Faucher
Couleur : Brad Anderson, John Kalisz, Adriano Lucas, Allen Passalaqua

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)

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(Pas une illustration de la bande dessinée mais une couverture d’un numéro – Detective Comics #969 par Guillem March –
qui représente bien l’entièreté de l’équipe, pour le plaisir des yeux…)

Batman Detective Comics – Tome 06 : La chute des Batmen

Après un excellent tome 5, la chouette série Batman Detective Comics est dans sa dernière ligne droite. Critique de l’avant-dernier volume qui rassemble plusieurs éléments narratifs parsemés depuis le début.

[Résumé de l’éditeur]
Red Robin est enfin de retour ! Et maintenant qu’il a retrouvé sa place aux côtés de Spoiler et de ses alliés, il lutte de nouveau contre le crime. Mais le succès de Batman et de la Bat-Famille a un prix, car le Syndicat des Victimes entend les faire payer. Leur ultimatum cinglant vient de tomber : si Batman ne révèle pas son identité en direct à la télévision, les criminels de l‘Asile d’Arkham seront lâchés sur la ville.

[Histoire]
Tandis que Spoiler retrouve Red Robin – et que leur couple subit quelques tensions suite au travail acharné de Tim – plusieurs menaces prolifèrent dans Gotham. Tout d’abord une équipe de plusieurs vilains emmenés par Killer Moth. Ensuite la collaboration entre le Syndicat des Victimes et Anarky, tous deux élaborant leurs plans depuis l’Asile d’Arkham. Enfin, Gueule d’Argile se contrôle de moins en moins, son ADN « de monstre » prend le dessus sur son état humain…

Par ailleurs, Michael Akins, le maire de la ville est farouchement opposé à la croisade de mercenaires qu’emploie Batman, à commencer par Gueule d’Argile, justement, qui n’a pas sa place dans une équipe de justiciers mais devrait être enfermé avec les autres criminels.

« Vous êtes en train de militariser le concept de Batman. Ce n’est plus un seul homme qui aide une ville à accomplir ce qu’elle ne pouvait réaliser seule. C’est un groupe de cinq à dix justiciers surentraînés qui cherchent à supplanter le système de justice démocratique dans notre ville. Et plusieurs d’entre eux ont l’air d’adolescents, bordel. »
Le maire Akins à Batman.

[Critique]
Jamais un titre n’aura aussi bien résumé son récit ! La chute des Batmen montre évidemment l’effondrement des Chevaliers de Gotham (nom trouvé par Red Robin). L’équipe est pétrie de tensions, elle se scinde même en deux camps, Gueule d’Argile prend le large et redevient presque un ennemi flamboyant. Tim Drake est toujours obsédé par « l’acte » (on ignore lequel) que commettra Batwoman et qui causera le futur peu radieux où un Drake plus âgé reprendra la cape de Batman (cf. tome précédent). Batman doit composer avec la municipalité de la ville et l’Asile d’Arkham, bref le récit est riche en action et en promesses plutôt tenues ! Deux grosses ficelles à déplorer néanmoins : l’ensemble des gardes de l’asile qui sont complices avec le Syndicat et Batman qui en dégomme une centaine à lui tout seul (sans qu’on ne le voit puisqu’il y a une ellipse). C’est le seul point noir de l’ouvrage qui rassemble pas mal de pièces de puzzles narratifs évoqués depuis le début de la série.

On connecte donc les agissements (dans l’ombre) du Syndicat des Victimes et ceux d’Anarky, une alliance qui fait sens et, une fois de plus, est plutôt originale parmi les productions de comics sur le Chevalier Noir. Une idée est également esquissée : une petite ligue d’ennemis de seconde zone dirigée par Killer Moth. Séduisante sur le papier mais vite contrée par les justiciers, on espère revoir cela à l’occasion car c’était plutôt bien vu. Ce sixième tome (l’avant-dernier) met enfin en avant Gueule d’Argile.

Rappelons que chaque volume a toujours eu valeur d’introspection pour un membre de l’équipe avec un équilibre plutôt respecté : Batwoman/Kate, Spoiler/Stéphanie, Orphan/Cassandra, Azrael/Jean-Paul. Red Robin/Tim y a surtout eu droit dans l’opus précédent (même s’il était bien suivi dans le premier tome aussi) et Gueule d’Argile/Basil a eu un traitement qui était très justement écrit mais pas encore bien exploité. C’est donc réparé dans ce tome qui propose, en plus de suivre l’évolution de l’anti-héros, un très long chapitre (annual#1) dédié à ses origines. De quoi comprendre la relation qu’il avait avec celle qui deviendra Gueule de Boue et dont on nous parle depuis le tome 2.

Rétroactivement, cet épisode aurait pu (aurait du ?) être publié au tout début des aventures de cette team atypique pour une meilleure fluidité narrative. Rappelant le superbe double épisode de Batman, la série animée, consacrée au même personnage, ce chapitre est assez touchant avec ce souffle d’humanité qui parcourt la fiction (un de ses atouts depuis le début) À ce stade, seul Batwing/Luke Fox n’a pas réellement eu de chapitres dédiés, même si on le voyait beaucoup avec Jean-Paul dans le quatrième volet. Rappelons également qu’Alfred est majoritairement absent de la série, tout comme Gordon, qu’on retrouve enfin un peu plus ici.

Les séquences d’action – impressionnantes avec Gueule d’Argile – s’enchaînent avec brio et convergent vers ce qu’on nous promettait en amont. Pas de révélation majeure dans cette critique, il reste de toute façon un ultime tome pour conclure efficacement la fiction. À ce stade, les chaînons manquants sont ceux autour de la Ligue des Ombres et de l’Ordre de Saint-Dumas (cf. tomes 3 et 4), s’ils ne reviennent pas dans l’opus suivant, ils n’auront pas servis à grand chose (malgré ce qui a été évoqué un moment). Inutile d’être davantage nébuleux, La chute des Batmen tient bien ses promesses aussi et montre une équipe de plus en plus brisée, un peu ce qu’avait tenté Scott Snyder avec son Deuil de la Famille et ses faibles conséquences. Une fois de plus : à suivre sur la durée pour constater les dégâts.

Les dessins sont à nouveau signés par une myriade d’artistes, à l’exception de certains visages (des expressions faciales peu naturelles) de Joe Bennet et Eddy Barrows et leur colorisation, l’ensemble tient la route, magnifiant parfois des séquences de destruction porn, de poursuites et de combats. Le découpage s’étale souvent sur des doubles pages ou avec malice durant l’épisode de l’annual sous forme de bobines de films. Clairement, côté graphisme même si aucun style ne se démarque vraiment, on est quand même dans du bon niveau avec des palettes chromatiques riches, bref typique dans du bon comic book !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 juin 2019.
Également publié dans les magazines Batman Rebirth #17 à #20 (octobre 2018 à janvier 2019)

Contenu : Batman Detective Comics #969-974 + Detective Comics Annual #1

Scénario : James Tynion IV
Dessin : Joe Bennett, Miguel Mendonça, Jesus Merino, Philippe Briones, Eddy Barrows
Encrage : Collectif
Couleurs :  Adriano Lucas, Jason Wright, Allen Passalaqua

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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