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Batman & Robin Dynamic Duo – Tome 1 : L’heure de la réconciliation

Nouvelle série centrée sur le célèbre duo dynamique avec Damian Wayne dans le rôle de Robin et s’inscrivant dans la poursuite de l’ère Infinite (sans avoir besoin de les connaître), donc après les séries Robin Infinite (trois tomes) puis sa conclusion Shadow War – des titres chapeautés par Joshua Williamson, à l’œuvre également sur ce premier opus réjouissant. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Les plus monstrueux voyous de Gotham s’associent et transforment la ville en une véritable jungle urbaine ! Le duo d’aventuriers formé par Batman et Robin doit anéantir le cerveau de l’opération criminelle. Mais un vilain, jusqu’alors inconnu, ourdit une vengeance contre le Chevalier Noir lui-même. Le jeune Damian, face à ses propres obligations scolaires, peut-il aider son père à éteindre cette menace avant qu’il ne soit trop tard ?

[Début de l’histoire]
Damian
vient habiter chez Bruce, dans son appartement à Gotham City. La relation père/fils va donc évoluer dans ce nouveau cadre.

En parallèle, ce dynamique duo doit retrouver le Dr Kafira, enlevé par le Lapin Blanc.

Qui se cache derrière réellement derrière ce kidnapping et pourquoi ?

Les activités nocturnes occupent les deux justiciers tandis que Damian fait ses premiers pas dans un lycée et tente de s’intégrer comme il peut dans l’établissement scolaire où il est clairement en décalage…

[Critique]
Enfin une chouette aventure simple mais efficace de Batman et Robin ! Loin du Chevalier Noir abîmé et torturé des deux autres séries de la continuité (le run de Zdarsky dans Dark City, celui de Ram V dans Nocturne). L’introduction de la bande dessinée permet de raccrocher les wagons avec le passif des deux personnages, à la fois dans une préface de Jean-Marc Laîné et dans quelques cases explicatives, notamment de la nouvelle habitation de Bruce Wayne et quelques mentions à l’évolution de Damian.

Le fils habituellement insupportable a particulièrement bien muri (on peut d’ailleurs le qualifier d’adolescent) durant la série Robin Infinite notamment (en dépit des faiblesses de celle-ci). Ici, le jeune homme est moins impulsif, plus consciencieux, aussi bien dans son travail que dans sa relation avec son père. C’est tout bonnement ultra plaisant (surtout quand on n’apprécie pas des masses ce jeune Robin initialement). Sa complicité avec un Bruce lui aussi assagi fait chaud au cœur tout en étant extrêmement efficace dans la narration – le rythme est très bien équilibré et on ne sent pas le temps passé en lisant cette histoire un peu rocambolesque.

C’est le point faible de l’ouvrage, l’intrigue n’est clairement pas à la hauteur. Le duo cherche à secourir un docteur, enlevé visiblement par Lapin Blanc. Qui ça ? Jaina Hudson, une vague antagoniste très très secondaire, créée dans le moyen Batman – Le Chevalier Noir il y a une douzaine d’année et qui avait disparu aussitôt être apparue sans bénéficier de véritable parcours. Mais ce n’est pas elle le plus important (on est d’ailleurs pas certain qu’il s’agisse de la même personne), c’est l’équipe d’ennemis qui gravite autour d’elle, en tant qu’alliés ou non, tous liés à la faune. D’un côté Killer Croc, Orca et Man-Bat, d’un autre le fameux trio infernal (initiée dans la série d’animation de 1992) où, cette fois, les trois hommes se cachant derrière des masques de renard, requin et vautour sont désormais de véritables hommes-animaux !

Pourtant c’est une nouvelle personne à la tête de ceux-ci qui est mise en avant, une certaine Soupir, s’inspirant potentiellement de Silence (cf. le comic éponyme) ! On ignore à ce stade s’il y a vraiment un lien. La fin suggère une identité « cohérente » et connectée au passé de Damian dévoilée au fil de l’eau dans la fiction et ce n’est malheureusement pas une surprise. Toutefois, Joshua Williamson reste suffisamment ambigu pour laisser planer un léger doute (à voir dans la suite donc). Malgré ces soucis d’écriture sur les ennemis et les retournements de situation (trop prévisibles), les dialogues entre Bruce et Damien sonnent justes, générant une double empathie et un attachement indéniable aux deux.

En parallèle, l’incursion de Damian dans un lycée est tout aussi réjouissante ! Se heurtant à des écoliers harceleurs, une professeure moins douée que lui et une directrice un peu étrange, cela donne un souffle singulier à la série (on pourrait titiller sur le fait que les deux femmes adultes de l’établissement sont – comme par hasard – de très jolies demoiselles). Ce Dynamic Duo est bien aidée par les traits épurés et la colorisation éclatante de Simone Di Meo.

Une approche solaire, chromatiquement très riche et indéniablement élégante qui confère une véritable identité graphique à la bande dessinée (comme toujours, il faut, évidemment, apprécier le style de l’illustrateur, à la fois mainstream tout en restant atypique, proche du manga, éclatant de dynamisme et fluidité). Dommage qu’il n’officie pas intégralement sur l’ouvrage pour avoir une parfaite cohérence visuelle (Mikel Janin, Nikola Cizmesija et Howard Porter – on en parle juste après) mais rien est à jeter pour autant. La légèreté de sa patte rejoint celle de l’écriture, un parti pris clivant, forcément, à acheter en connaissance de cause.

L’épisode annual est dessiné par Howard Porter, compagnon habituel de Williamson (entre autres sur Le Badge et Flash) avec un style fourmillant de crayonnés, une patte parfois brouillonne mais qui sert bien le propos en fonction de ce dernier, c’est le cas ici, heureusement. L’histoire rappelle le film The Hunt (2020) : Bruce et Damian partent en camping pour une virée père/fils loin du tumulte urbain et de leur job de justiciers. Problème, ils sont coincés dans un dôme magique le temps d’une nuit de partie de chasse où de nombreux mercenaires, dont Bloodsport, cherche l’adrénaline et l’assassinat ! Pour le binôme de super-héros en civil, c’est l’occasion idéale pour tester les conditions de survie et leurs limites sans bénéficier de leur arsenal habituel. Un récit plaisant et globalement original qui poursuit bien le titre mère, se déroulant en marge de celui-ci.

En somme, L’heure de la réconciliation est accessible et « divertissant » (oui, le terme est toujours compliqué à utiliser et séduit les moins exigeants mais aussi ceux qui cherchent une certaine simplicité – ce n’est pas un reproche). Moins sombre qu’à l’accoutumée, ce duo dynamique se lit très bien et donne envie de savoir la suite. S’il ne révolutionne ni la mythologie du Chevalier Noir, ni la continuité (en tout cas, à ce stade), il offre des séquences père/fils touchantes et une proposition graphique alléchante.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 29 mars 2024
Contient : Batman & Robin #1-5 + Batman & Robin 2024 Annual
Nombre de pages : 192

Scénario : Joshua Williamson
Dessin : Simone Di Meo, Mikel Janin, Nikola Cizmesija, Howard Porter
Couleur : Jeromy Cox, Romulo Fajardo Jr., Tomeu Morey, Rex Lokus

Traduction : Xavier Hanart
Lettrage : Scribgit

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Batman Beyond the White Knight

Nouveau chapitre du MurphyVerse après l’excellent premier volume (White Knight), sa suite un peu moins réussie mais tout de même solide (Curse of the White Knight) et une parenthèse centrée sur Harley Quinn (qui poursuivait malgré tout l’histoire principale et qui était très bien), Beyond the White Knight est enfin disponible en France ! Entre le titre (Beyond) et les couvertures, pas de doute, l’auteur/dessinateur Sean Murphy est allé pioché du côté de la série d’animation Batman Beyond (Batman, la relève). Découverte.

Comme à son habitude pour certaines grosses sorties, Urban Comics propose plusieurs versions de l’ouvrage.
Ici une classique (24 €), une réservée aux librairies Momie limitée à 499 exemplaires (26 €) et une en noir et blanc (29 €), limitée également.

[Introduction/contextualisation de l’éditeur – disponible en début du livre et sur leur site]
Le nouvel univers établi par Sean Murphy dans Batman – White Knight nous a permis de faire la connaissance de Jack Napier, une version du Joker soignée de ses névroses. Apparemment sain de corps et d’esprit, celui-ci se lance dans une carrière politique, et souhaite qu’à son image, la ville opère une mue salvatrice, grâce à « l’initiative Napier ». Mais la partie sombre du personnage ne tarde pas à refaire surface. Une dualité pleinement exploitée dans Batman – Curse of the White Knight, qui ne se contente pas de montrer un Joker faillible, mais s’intéresse également à la mythologie de Gotham et aux origines de la famille Wayne.

Sean Murphy laisse ensuite le soin à Katana Collins d’écrire le scénario et Matteo Scalera de réaliser les dessins de Batman – White Knight • Harley Quinn. Collins décide quant à elle de se focaliser sur un personnage féminin, souvent relégué au rang de partenaire : Harley Quinn. Femme forte, elle porte l’histoire à elle seule. Seule ? Plus tout à fait, car elle est désormais mère, elle a donné naissance aux jumeaux de Jack Napier : Jackie et Bryce.

Si le justicier masqué faisait preuve d’une violence exacerbée dans les trois premiers titres, comme pour contrebalancer le calme apparent du Joker, il semble avoir retrouvé une forme de sérénité après avoir passé une décennie en prison, suite à la révélation de sa double identité. En guise de peine, Bruce Wayne a légué sa fortune à la ville de Gotham, qui s’en est servi pour renforcer la sécurité de la ville. Le GTO, créé par Napier, a évolué jusqu’à devenir un système de surveillance oppressant et intrusif qui prive les habitants de leurs libertés. La police a ainsi la mainmise sur la ville et veille sur ses citoyens… ou plutôt les surveille.

[Résumé de l’éditeur]
Dix ans après que Gotham s’est interrogée sur l’efficacité réelle du Chevalier Noir, Derek Powers a pris le contrôle des actifs de la famille Wayne et utilise l’unité anti-terroriste de la ville pour protéger les citoyens… mais à quel prix ? Le justicier de Gotham est toujours en prison et, en son absence, c’est à Terry McGinnis de prendre la relève. Mais dans cette ville futuriste dystopique, seul le vrai Batman est conscient des dangers à venir…

[Début de l’histoire]
En explorant la Bat-Cave sur les ordres et conseils de Derek Powers, Terry McGinnis découvre et revêt un costume de Batman inédit et puissant.

En prison, Bruce Wayne apprend que sa fortune léguée à Gotham a permis à Powers d’établir un état policier avec, entre autres, une armée de Batmen suréquipés. Quand il découvre que Mc Ginnis est devenu le Chevalier Noir, l’ancien milliardaire s’évade pour régler ses comptes avec son ancien partenaire Powers et remettre de l’ordre aussi bien dans sa vie que dans sa ville.

De son côté, Harley Quinn a du mal à canaliser sa fille Jackie, au caractère et tempérament plus proche de son père…

Jason Todd est, lui aussi, en proie aux doutes et de moins en moins à l’aise avec son rôle de gardien de prison pour le GTO. Dick Grayson, dirigeant du GTO semble, lui, y trouver son compte.

[Critique]
Batman Beyond the White Knight (BBtWK)
est le moins bon tome des quatre de l’univers conçu par Sean Murphy. L’artiste poursuit son « adultisation » de ses souvenirs liés à Batman (film, séries d’animation, comics…) – pour reprendre les termes de François Hercouët (cf. interview du directeur éditorial d’Urban Comics) – mais livre un épisode où de nombreux éléments ne fonctionnent pas vraiment malgré la qualité des illustrations et quelques idées bienvenues, entre autres sur l’entourage et la famille du célèbre homme chauve-souris. Explications.

Les fans de Batman, la relève (Batman Beyond donc) devraient être plus ou moins conquis car ce nouvel opus de White Knight propose une place de choix à Terry McGinnis et Derek Powers (l’ennemi principal). Terry est malheureusement très secondaire dans la fiction (il est même curieux que la couverture – et même le titre – le montre autant), Powers est, en revanche, assez présent mais suit un sentier complètement balisé (d’abord présenté comme une sorte de bienfaiteur avant d’en découvrir la part sombre – sans aucune réelle surprise, qu’on connaisse ou non sa version originelle). McGinnis et Powers gravitent autour de Bruce Wayne, le roc et véritable personnage principal de cette itération (mais attention, le milliardaire repenti n’a, lui, pas grand chose à voir avec son pendant vieillissant de la série Batman Beyond, et cette fois c’est tant mieux).

Il faut dire que le gros travail d’écriture (plutôt soigné) autour de la figure paternaliste de Wayne est au cœur du récit. Ses erreurs du passé, sa volonté de corriger sans cesse ce qu’il estime avoir échoué, son ambiguïté autour de son individualisme et travail d’équipe, sa romance discrète avec Harley, sa soif de justice, sa « famille » d’alliés et ainsi de suite.

Sean Murphy n’a jamais été aussi bon lorsqu’il met en avant tous les paradoxes de ce bon vieux Bruce et son alter ego. Mention spéciale à son « héritage » non pas financier (détourné pour monter un état de plus en plus liberticide) mais familial. Les nombreux alliés de Bruce parsèment l’ouvrage avec cohésion et pertinence, sans nul doit le point fort de ce BBtWK (même si certains sont en retrait, comme Barbara Gordon). Hélas, la narration est entachée de plusieurs problèmes.

Tout d’abord, l’auteur a (re)placé Jack Napier/le Joker dans quasiment l’intégralité de ses planches avec une facilité d’écriture assez décevante (et irrationnelle). En effet, Bruce Wayne voit une sorte d’hologramme mêlée à une intelligence artificielle couplée à une vague « hallucination » qui a bien sûr la forme et la voix de Napier. S’ensuit un drôle de duo, plus ou moins drôle quand la situation l’exige mais vite lourdingue et peu plausible (certes inspirée par la série d’animation mais quand même…). Pour ne pas entacher le rythme, il aurait probablement fallu une vision du Joker apparaissant sporadiquement à Batman (dans les situations de danger, de faiblesse psychologique, etc.). C’est un procédé assez convenu mais plus pertinent qu’ici (sans compter la séquence – ne lisez pas cette fin de parenthèse pour éviter une mineure révélation – où Bruce est carrément « interchangé » de corps avec Jack (!)).

Le justicier est aussi sujet à des crises d’anxiété, là aussi c’est un procédé qui peine à marcher dans des fictions de ce genre (une fois pourquoi pas, mais c’est vite barbant et peu crédible vu la facilité déconcertante avec lequel Wayne semble toujours aussi agile et puissant malgré sa décennie enfermée). Ensuite, comme évoqué plus haut, Derek Powers est l’antagoniste de de BBtWK. Il n’y aucun étonnement quant à sa véritable nature et le dessein auquel il est voué. L’auteur joue d’ailleurs avec la continuité rétroactive (retcon) pour « arranger » le passé et « faire croire » que Powers était « complice » de Batman durant ses années d’activité. Après avoir lu trois volumes de White Knight où ce n’était jamais mentionné, ça a du mal à passer également…

Enfin, si les alliés de Batman occupent une place non négligeable (et passionnante) dans l’entièreté du volume, on a aussi un peu de mal avec les caractéristiques de chacun. Impossible de reconnaître Dick Grayson par exemple, complètement fermé et énervé ; il est plus proche de l’ADN initial de Jason Todd, lui aussi très présent dans BBtWK. Todd a d’ailleurs droit à deux chapitres interludes (Batman: White Knight presents – Red Hood #1-2 en VO) qui revisite son passé (le Joker ne l’a pas tué mais l’a laissé en vie quand il avait avoué au Clown du Crime la véritable identité de Batman !) et le montre former une nouvelle Robin, Gan. Malheureusement, ce segment prometteur, signé Clay McCormack, est finalement assez sommaire.

Pour l’anecdote, dans l’univers White Knight, Batman a d’abord eu Jason Todd comme premier Robin, avec lequel il a « échoué » et ensuite il a eu Dick Grayson (Tim Drake n’a pour l’instant jamais été mentionné – alors que Duke Thomas existe par exemple). Il s’agit d’une erreur de continuité dans le premier volet qu’a ensuite assumée Sean Murphy et instauré comme étant la chronologie normale de son univers (ce qui est assez intéressant puisque cela permet à Batman d’apprendre de ses erreurs de son enseignement au premier Robin pour être meilleur avec le second – mais ça mériterait un véritable préquel plus poussé que ce qu’on voit ici).

Parmi les nouveaux personnages de BBtWK, en plus de Gan/Robin donc, citons à nouveau McGinnis et Powers – piochés dans Batman Beyond, la police d’écriture étant même apposée plusieurs fois – ainsi que Bryce et Jackie, les jumeaux d’une douzaine d’années de Harley et Jack (apparus bébés dans l’opus consacré à Quinn). Le premier est un garçon relativement sage, la seconde davantage tournée vers la folie de son père (cf. image ci-dessous).

Si les deux ne sont pas très bien exploités pour l’instant, ils ont carrément droit à leur propre série à partir de ce mois de mai 2023, scénarisée par Katana Collins (la femme de Murphy), qui avait déjà signé l’excellent volume sur leur mère. Batman : White Knight Presents – Generation Joker sera composé de six épisodes et sortira en 2024 chez Urban Comics (confirmé par une source très très proche du dossier 😉 ).

L’univers White Knight n’est d’ailleurs par en reste (les deux dernières planches de BBtWK étant particulièrement ouvertes et annonciatrices) : d’autres séries sont en développement. La suite directe (pas encore de titre), toujours chapeautée par Murphy à l’écriture et au dessin mais aussi et surtout World’s Finest : White Knight, également scénarisée et dessinée par Murphy (à moins que ces deux projets… ne soient le même ?). D’autres titres ont été évoqués (souvent en fin des publications VO aux États-Unis) sans réellement de confirmation pour l’instant : Batgirl, Nightwing, Catwoman et Superman. Il est vrai qu’on a vu Batgirl et Nightwing à l’œuvre dans White Knight mais le saut dans le futur proche de BBtWK empêche d’avoir vu leurs aventures plus « classiques » de cette époque peu développée dans le MurphyVerse.

Mais revenons au comic book de cette critique. Batman Beyond the White Knight donne donc la part belle à un Bruce Wayne âgé mais solide, imparfait mais toujours passionnant dans son évolution. Une évolution qui touche aussi la plupart de ses alliés (mention spéciale pour Jason Todd) et l’univers Gothamien très policier ; sur ce point, on retrouve la patte « urbaine » du premier volet qui manquait un peu dans le second. L’évocation d’une armée de robots alliée aux différentes technologies Wayne/Powers a déjà été vue et revue mais fonctionne bien dans l’univers White Knight (impossible de ne pas penser au récent et chouette Catwoman – Lonely City avec Double-Face et Catwoman à la place de Powers et Batman). « Moins de liberté pour plus de sécurité » est une sorte de valeur sûre pour servir de socle narratif même si ça reste, in fine, assez survolé dans l’ensemble – le futur reste néanmoins pas trop « surréaliste » et cohérent avec l’univers des comics et non celui de la série animée, tant mieux.

En revanche, et comme étayé ci-dessus, beaucoup d’éléments ont du mal à servir l’histoire pour la rendre un brin plus palpitante, plus originale, plus incroyable, plus « réaliste » (dans la commune mesure de la fiction établie bien entendu). Il y a un côté convenu à l’ensemble du récit, un manque d’émotions ou d’audace qui l’aurait tiré vers le haut malgré son impeccable rythme et ses dialogues qui font mouche (probablement là où est le plus à l’aise Murphy en tant qu’auteur).

Heureusement, BBtWK bénéficie de la patte visuelle si singulière et plaisante de Sean Murphy qui livre un découpage dynamique, fluide et aéré comme il faut. À l’aise aussi bien dans les séquences intimes qu’explosives (avec de l’action épique en dernière ligne droite), l’artiste montre une fois de plus son amour pour ses personnages, sa ville et ses véhicules). On apprécie particulièrement les ombres de ses protagonistes aux contours de leurs anciens costumes, un procédé simple mais efficace (cf. image ci-dessous). Murphy continue de distiller son titre de références, hommages et souvenirs (aussi bien aux séries d’animation et pas que Beyond, que les comics cultes et les films – incluant aussi celui de Matt Reeves).

En cela, BBtWK est un régal, d’autant plus que le coloriste Dave Stewart (absent des deux premiers White Knight – où Matt Hollingsworth officiait – mais présent sur celui sur Quinn) apporte une véritable identité chromatique qui se marie parfaitement à l’univers habituel de White Knight et, de facto, la vision de Murphy. Les jeux de lumière et évidemment de l’obscurité bénéficient de tout le savoir faire de Stewart qui n’a plus qu’à « repasser » derrière l’encrage de base (de Murphy) qui place la barre relativement haut (ce n’est pas pour rien qu’une version en noir et blanc de la bande dessinée existe, à l’instar des autres opus). En résulte de sublimes pleines pages, parfois statiques mais iconiques, dans l’œuvre (cf. les cinq dernières illustrations de cette critique). Le segment sur Red Hood est dessinée Simone Di Meo, au style plus adouci et « numérique » (cf. image ci-dessous). Il  est connu pour l’excellente série We Only Find Them When They’re Dead et a signé de nombreuses couvertures Batman et Superman pour DC.

En synthèse, Batman Beyond the White Knight souffre de plusieurs défauts non négligeables : un Napier/Joker omniprésent, improbable et peu utile, une trame narrative balisée, une inégalité de représentation des personnages secondaires (incluant Terry McGinnis), un manque d’originalité global – surtout par rapport aux précédents titres du même univers –, un loupé dans l’émotion, etc. La bande dessinée est sauvée in extremis par sa partie graphique de grande qualité et le travail autour de Bruce Wayne, véritable figure angulaire de cette œuvre. Difficile donc de conseiller ou non ce quatrième épisode qui n’atteint pas du tout le niveau des premiers mais qui prolonge un univers inédit et atypique, même si c’est de façon convenue…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 5 mai 2023.
Contient : Batman : Beyond the White Knight #1-8 +et Batman : White Knight presents – Red Hood #1-2

Scénario : Sean Murphy, Clay McCormack
Dessin : Sean Murphy, Simone Di Meo
Couleur : Dave Stewart

Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Sarah Grassart, Coralline Charrier et Stephan Boschat)

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