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Absolute Batman – Tome 01 : Le zoo

Nouveau Batman dans un nouvel univers ! C’est ainsi qu’on peut raccourcir ce qu’est Absolute Batman (cf. cet article récapitulatif). Pour l’occasion, Urban Comics propose une version classique du premier opus, une en noir et blanc limitée (au format agrandie) et une troisième avec une couverture inédite (reprenant le célèbre manga et film anime Akira), disponible dans les enseignes Pulps. L’occasion pour le scénariste Scott Snyder de se réapproprier à nouveau le célèbre super-héros après ses différentes séries très inégales (Batman, Batman Metal, All-Star Batman… – voir les index A à Z de ce site).

[Résumé de l’éditeur]
Bruce Wayne ne part de rien. Il n’est pas le descendant d’un riche empire de Gotham City, il est le fils d’un professeur d’école publique qui, enfant, a vécu l’horreur inimaginable d’une fusillade, changeant à jamais la trajectoire de sa vie. Sans ressources illimitées pour le financer, sans manoir ni majordome pour s’occuper de lui, Bruce est devenu un Batman d’un genre tout à fait différent, à la fois cérébral et ultra musclé, vivant dans les quartiers les plus difficiles et les plus défavorisés de Gotham, loin de la haute société. Et alors que le gang de Black Mask sème la terreur dans la ville, il n’hésitera pas à déchainer un torrent de violence contre ses adversaires pour que le message soit clair : il y a un nouveau Batman en ville.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Quel plaisir de lire cette réinvention du mythe du Chevalier Noir ! On y retrouve un terrain très familier et pourtant si différent. Une proposition scénaristique solide et graphiquement (presque) impeccable. Un véritable coup de cœur pour un « renouveau » à la fois moderne, original et alléchant (à voir sur la durée – la série en est à son 9ème épisode en juin 2025 en VO, l’opus chroniqué ici en comporte six). Alors, qu’est-ce qui différencie ce Batman de l’habituel ?

Au-delà de ce qui est dit dans le résumé d’Urban Comics (et à l’instar de la continuité dans les séries Infinite), le fait que Batman ne soit pas fortuné ne change pas des masses les missions et ressources du justicier. Peut-être un peu moins de gadgets technologiques (et encore), une Batcave absente, des véhicules improbables, pas d’alliés proches mais dans le fond, c’est assez similaire. Ce qui change est davantage à trouver dans la nature des différents personnages. Ici, d’habituels antagonistes sont des amis d’enfance de Bruce ! Edouard (Nygma/le Sphinx), Oswald (Copplebot/le Pingouin), Harvey (Dent/Double-Face), Selina (Kyle/Catwoman) et Waylon (Jones/Killer Croc) sont, à l’âge adulte, toujours des relations amicales et personne ne semble être « méchant » (à l’exception d’Oswald qui trempe dans quelques affaires louches mais, à ce stade en tout cas, pas de bascule véritablement criminelle pour lui – et les autres). Des têtes connues de vilain sont évoquées ou montrées mais pas encore développées, plutôt annoncées pour la suite (à court terme et, probablement, à long terme également).

Si Bruce Wayne n’a pas de majordome, Alfred Pennyworth est pourtant bien présent, dans un rôle singulier et, sans trop de surprise, se rapproche de Batman et sa croisade – même si les qualificatifs de « partenaire et/ou soutien » sont encore prématurés. Autre aspect notable : le père de Bruce est bien décédé – lors d’une fusillade au zoo, d’où le titre de ce premier opus – mais sa mère est bien vivante ! De quoi rabattre les cartes et ajouter une dimension « relation mère/fils » totalement inédite et pertinente. Martha Wayne est même une bras droit du maire… Gordon !  Une idylle entre les deux semble envisageable.

Du reste, le grand ennemi est donc Roman (Sionis) alias Black Mask qui distribue des masques technologiques aux citoyens afin qu’ils tuent des cibles de prime abord au hasard mais l’on comprendra pourquoi en fin de récit (justifiant ainsi quelque chose qui pouvait paraître étrange dans la fiction – comment une armée grandit-elle aussi vite tout en étant constituée de milices à priori non professionnelles ?). On y retrouve un peu de la matrice de la série de films American Nightmare (La Purge) dans ces enchaînements de meurtres et de cette violence inédite. C’est là où Batman Absolute excelle tout en sachant poser ses limites : son Chevalier Noir est d’une grande violence avec un arsenal agressif MAIS il ne tue en aucun cas. Étonnant quand on connaît le passif de l’auteur Scott Snyder, fantasmant des Batman armés voire tueurs dans ses titres plus ou moins en marge de la chronologie officielle (Le Batman Qui Rit par exemple).

Côté histoire, sans en dévoiler davantage, les jalons sont posés et robustes, l’ensemble est alléchant ; peut-être moins du côté de Black Mask et les malfrats car cela aurait pu avoir lieu dans une histoire classique de Batman mais principalement grâce aux nouvelles tournures adaptées pour des protatonistes emblématiques (gentils, méchants ou entre les deux). Bruce/Batman est autant torturé qu’à l’accoutumée, son alias civil ne gambade pas en souriant de soirées caritatives en réunions des Wayne Enterprises mais lancine à droite à gauche, cache plus ou moins son spleen et reste mystérieux (on y retrouve un peu de l’approche de Matt Reeves dans son film The Batman). Dans son écriture, Snyder jongle entre le passé (Batman enfant, la journée au zoo qui a conduit au drame, les souvenirs avec ses parents…) et le présent (la traque de Sionis, ses milices…) avec une certaine fluidité même s’il est parfois trop bavard, multipliant les bouts de texte sans réelle plus-value mais c’est anecdotique au regard de l’ensemble de la bande dessinée.

Côté dessin, la majorité est signée Nick Dragotta, davantage connu pour ses travaux chez Marvel et, surtout, East of West chez Image (Urban Comics chez nous) – qui a aussi travaillé sur l’écriture avec Snyder sur le quatrième épisode, qu’il n’a pas dessiné, remplacé par Gabriel Hernandez Walta (on y reviendra). Si les visages non masqués ont une touche souvent trop lisse (et même parfois proche d’un style trop aéré, voire manga – donc sans doute clivante), Dragotta impressionne quand il déploie son massif Batman (ou son improbable Batmobile) et des séquences d’action spectaculaires qui occupent une voire deux planches intégralement. En revanche, le style de Walta, radicalement opposé, beaucoup plus « brut » et à l’encrage davantage prononcé, tranche beaucoup trop, cassant l’homogénéité graphique de l’ensemble, l’un des points faibles de la fiction de facto (cf. image tout en bas de cette critique)… L’ensemble est habilement colorisé par Frank Martin, qui confère cette tonalité urbaine et austère, nécessaire à la fiction – efficace donc.

Absolute Batman est donc une (modeste) réinvention du mythe du Dark Knight, très convaincante pour cette entrée en matière, complètement accessible (son point fort) et qui pourrait bien rejoindre un titre culte elseworlds comme Terre-Un (mais attention à préserver la qualité sur la durée). Le second tome sortira probablement entre octobre et décembre 2025, de même que ceux des autres séries de lancement de cette collection : Absolute Wonder Woman et Absolute Superman, qui seront rejoint fin 2025 par Absolute Flash, Absolute Martian Manhunter puis début 2026 par Absolute Green Lantern.

Fort de la possibilité de séduire un nouveau lectorat, Urban Comics a mis en vente plusieurs éditions (voir haut de la critique) mais aussi, pour l’occasion, choisi des dos des bandes dessinées de différentes couleurs (grise pour Batman). De quoi dénoter dans la bibliothèque et, surtout, dans les librairies (les retours critiques et commerciaux aux US sont exceptionnels pour toute la gamme Absolute) pour attirer le sacro-saint potentiel non connaisseur – à raison. De plus, l’ouvrage propose une galerie de croquis préparatoires dans les bonus ainsi les indispensables couvertures alternatives. Un véritable coup de cœur et une espérance grandissante pour cette nouvelle collection !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 30 mai 2025.
Contient : Absolute Batman #1-6
Nombre de pages : 184

Scénario : Scott Snyder, Nick Dragotta
Dessin & encrage : Nick Dragotta, Gabriel Hernandez Walta
Couleur : Frank Martin

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard et Bryan Welstein)

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