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Batman Dark Patterns – Affaire #1 : L’Homme Blessé

Série prévue en quatre volumes, Batman Dark Patterns annonce renouer avec l’approche détective du célèbre justicier. Alléchant sur le papier mais avec un premier hic avant d’entamer sa lecture : le prix. En effet, le comic book coûte 16 € pour seulement 80 pages (dont 72 € seulement de BD pour trois chapitres !) mais on en reparlera plus loin. Alors, que vaut cette première affaire : L’Homme Blessé ? Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Affaire #1 : Une série de meurtres effroyables a provoqué une onde de choc à Gotham. La piste mène tout droit vers un sinistre tueur en série, au corps percé d’innombrables clous et baptisé l’écorché. Mais s’agit-il des agissements d’un seul désaxé, ou y a-t-il quelque chose d’encore plus sinistre en jeu ?

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Qu’il est plaisant de retrouver un Chevalier Noir détective au sens littéral, sans artillerie lourde ou gadgets surpuissants. Un justicier qui a démarré sa croisade depuis trois ans, dont les ennemis emblématiques ne sont pas encore présents. Complice avec Gordon (et Alfred), Batman avance méthodiquement, un peu rapidement aussi (pas de place pour Bruce Wayne dans la fiction). Quelques nouveaux personnages secondaires sont posés (un médecin légiste un peu creepy, un journaliste indépendant solitaire prompt à avoir des ragots) pour – sans doute – être réutilisés plus tard. En effet, Dark Patterns est (en VO) « banalement » une série en douze chapitres qui se suivent, avec une enquête différente tous les trois épisodes.

En France, Urban Comics a donc choisi de les segmenter en quatre opus dédié chacun à une enquête. Ce qui relance toujours le même débat légitime sur le prix de vente par rapport au nombre de pages d’une part, mais aussi par rapport à un horizon éditorial « inconnu » d’autre part. Comprendre qu’à terme, il est possible qu’Urban réédite Dark Patterns en intégrale (320 pages) au même format ou en Nomad… Impossible de le savoir pour l’instant, il faudra donc débourser 64 € pour l’entièreté de la saga (16 € par tome) ! Pour information/rappel, un titre équivalent (Absolute Power et ses 320 pages également) est vendu… 31 € ! De même, certaines rééditions de plus de 500 pages (Justice League Intégrale) coûtent elles aussi 31 € (et même 30 € avant juillet 2024 – code UB30 chez les commerçants). Au lecteur de trancher : 16 € une fois de temps en temps (tous les quatre mois) passeront mieux qu’un achat complet d’un coup ?

Revenons à L’Homme Blessé. Le titre fait référence à l’antagoniste de ce premier volet, un « coupable » très rapidement identifié et, chose rare, il s’agit d’un antagoniste (et non un ennemi) qui a une originalité « graphique » qui marque immédiatement les esprits et, chose rare, pourrait peut-être même rejoindre le prestigieux panthéon des figures atypiques de la galerie des vilains de Batman. En effet, cette mystérieuse personne (rapidement dévoilée) a enfoncé dans son corps une multitude de piques, vis et barres de fer transperçant sa peau. De même pour son visage, blindé de clous et punaises en tout genre, brrrh ! Comme dit le Chevalier Noir, « sa chair est une tapisserie d’automutilation quasi fatale. Si je le touche je le tue. ».

Affrontement singulier (impossible de le frapper), origine cohérente (connectée à une tête connue de Gotham), épopée rythmée… Cette première enquête de Dark Patterns fonctionne très bien, même si un peu courte, trop rythmée (certains pans vont trop vite), il faudra voir sur l’entièreté de la série s’il y a un écho à ce nouvel Homme Blessé. Pas grand chose d’autre à critiquer (positivement ou négativement) sur le scénario signé Dan Watters (récemment et principalement sur Nightwing, il a aussi œuvré sur une multitude de titres chez DC à droite à gauche). Côté visuel, Hayden Sherman (Absolute Wonder Woman) offre une vision fidèle aux récits des 1990’s, avec des traits limpides et des cases très détaillées, fournies, corrélés à une dimension presque psychédélique dans sa colorisation (Triona Farrelle). Une patte peut-être clivante pour certains, notamment dans les visages, bouches et expressions faciales. Mais on ferme aisément les yeux sur ça tant l’ensemble ravit. Lecture courte mais intense (et onéreuse) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le2 mai 2025.
Contient : Batman : Dark Patterns #1-3
Nombre de pages : 80

Scénario : Dan Watters
Dessin & encrage : Hayden Sherman
Couleur : Triona Farrelle

Traduction : Basile Béguerie
Lettrage : Cromatik Ltd (Île Maurice)

Acheter sur amazon.frBatman Dark Patterns – Affaire #1 : L’Homme Blessé (16 €)

Absolute Power

Critique des trois tomes d’Absolute Power, l’évènement qui regroupe plusieurs séries et met fin à l’ère Infinite (tout en ouvrant doucement sur la nouvelle : DC Prime – cf. cet article) !

[Contextualisation éditoriale]
Ce n’est pas une « crise » à proprement parler (cf. guide) mais un crossover important qui vient conclure les multiples séries de l’ère Infinite de DC Comics. Pour le Chevalier Noir, il y a eu (sans forcément de fil conducteur) Batman Infinite puis Dark City (et Nocturne en parallèle), pour les autres justiciers, il s’agissait surtout des collections Dawn of (Superman, Green Arrow & Black Canary, Titans…). Comme souvent, nul besoin d’avoir lu ces œuvres précédentes même si ça aide (par exemple, connaître le personnage androïde de Failsafe (dans Batman… Failsafe) facilite la compréhension mais, une fois encore, rien d’obligatoire). Absolute Power reste accessible et propose une situation inédite : la terrible Amanda Waller réussi à priver les super-héros de leurs pouvoirs ! Cette antagoniste mythique bénéficie d’un avant-propos rédigé par Urban Comics sur son site et dans le premier tome, à découvrir également ci-dessous.

À noter que le premier tome est sorti dans une édition limitée en janvier 2025 à l’occasion du Festival d’Angoulême.

  

[Avant-propos de l’éditeur issu du premier tome – nécessaire pour tout avoir en tête avant la découverte]
Les super-héros de l’Univers DC ont affronté d’innombrables êtres surpuissants au cours de leur existence : des monstres, des Dieux, des menaces venues d’autres planètes, d’autres dimensions… Pour autant, c’est bien une simple humaine, sans le moindre pouvoir, qui pourrait finir par causer leur perte.

Amanda Waller fait sa première apparition en 1986 dans la mini-série Legends, écrite par John Ostrander et Len Wein et dessinée par John Byrne, où Darkseid élabore un nouveau plan pour nuire aux super-héros : saper leur image auprès du grand public. En manipulant les médias, le maître d’Apokolips orchestre une campagne anti-justiciers pour retourner la population contre ses icônes. Influencé par le climat ambiant, le gouvernement américain déclare tous les super-héros, dont la Ligue de Justice, hors la loi. Amanda Waller est alors réquisitionnée pour monter une équipe de super-vilains afin de protéger le mont Rushmore de l’attaque du monstre Brimstone. Suite à cela, Waller réussit à convaincre le président Reagan de la nécessité de disposer d’agents secrets impitoyables et sacrifiables pour mener à bien les missions les plus dangereuses en échange d’une réduction de peine : la Suicide Squad est née !

L’introduction de Waller dans Legends marque un tournant pour DC, à un moment où l’éditeur cherche à explorer des thématiques plus politiques et sociales, notamment après la fin du Multivers durant Crisis on Infinite Earths. La vision cynique et jusqu’au-boutiste du personnage résonne avec une période où les figures super-héroïques classiques sont remises en cause afin de satisfaire l’appétence du lectorat pour des personnages plus atypiques, plus proches des anti-héros.

Pour preuve, le succès du concept de la Suicide Squad est immédiat et conduit rapidement à une série régulière en 1986 (Les archives de la Suicide Squad). Amanda Waller y dirige d’une main de fer l’escadron avec des méthodes pour le moins coercitives et n’hésite pas à tenir tête à quiconque s’oppose à elle, que ce soient les membres de sa propre équipe comme Captain Boomerang, ses supérieurs hiérarchiques ou encore certains super-héros comme Batman…

Originaire d’un quartier difficile de Chicago, et suite à des événements traumatiques que vous pourrez découvrir dans le tome 3 de la présente série, Waller a su rapidement gravir les échelons pour devenir une figure aussi respectée que crainte, que ce soit de ses collègues ou de la communauté super-héroïque. Au fil des années, elle cumula la direction de plusieurs agences de renseignement. Elle prit notamment la tête de l’agence secrète Checkmate, appartenant à la Task Force X comme la Suicide Squad, pour entreprendre des missions secrètes dans le monde afin d’assurer la sécurité des États-Unis. Pendant un temps, elle dirigea même l’Agence de Renseignement, de Gestion, d’Unification et de Soutien (A.R.G.U.S.), en charge de régir les interactions entre le gouvernement et les super-héros avant d’intégrer le Département des Événements Ultra-Spéciaux (D.E.U.S.), chargé de surveiller et prévenir toute menace métahumaine sur le sol américain. Elle devint même secrétaire des affaires méta-humaines au sein de l’administration de Lex Luthor lorsque ce dernier était président des États-Unis (à découvrir dans le récit complet Président Lex Luthor).

Pendant les périodes Renaissance et Rebirth, Amanda Waller continue d’être décrite comme une personne aux convictions les plus froides et calculatrices au travers des missions qu’elle confie à la Suicide Squad. Mais c’est bien durant la période Infinite qu’Amanda Waller prend une place prépondérante dans l’Univers DC, déployant tout son machiavélisme pour mener à bien ses plans contre la communauté méta-humaine. En tant que directrice de la Suicide Squad, Waller orchestre de nombreuses opérations controversées sans aucune autorisation gouvernementale. Parmi les plus audacieuses figure son projet de créer sa propre Ligue de Justice pour envahir et dominer Terre-3, monde gouverné depuis des décennies par le redoutable Syndicat du Crime. Rick Flag, épaulé par les Titans et sa propre Suicide Squad dissidente, tenta de stopper Amanda Waller, en vain puisque cette dernière réussit à manipuler Ultraman, version corrompue de Superman, pour prendre le contrôle de Terre.

  

Elle fut ensuite rapatriée sur Terre-Prime par le mystérieux Conseil de la Lumière, avec pour mission d’éliminer la communauté des superhumains, héros comme vilains. Si pendant plusieurs mois, Waller resta apparemment inactive, elle agissait en réalité dans l’ombre pour accumuler de nombreux artefacts et consolider son pouvoir : le Casque de la Haine sur l’île de Lazare grâce à Peacemaker, Peacewrecker et Gunsmith, ou encore la Pierre des Cauchemars lors de l’attaque d’Insomnia sur la Terre (Justice League – Knight Terrors). Lors de l’évènement Beast World (Dawn of Titans – Tome 2 : Beast World), Beast Boy est transformé en créature féroce par le Doctor Hate.

Amanda Waller s’en prend à l’équipe des Titans, alors seuls garants de la paix en l’absence de la Ligue de Justice, en manipulant l’opinion publique pour justifier l’élimination des super-héros. Malgré la victoire des Titans face à Waller, cette dernière réussit à obtenir la création du Bureau de la Souveraineté dont les locaux se situent dans l’ancien quartier général de la Ligue de Justice, rebaptisé « Le Hall de l’Ordre »…

Durant cette période, Waller resta en veille permanente, observant les faits et gestes de la communauté super-héroïque, scrutant la moindre occasion. Parmi ses cibles se trouve le Chevalier Noir, qui pendant plusieurs mois a dû faire face au redoutable Failsafe, un « Bat-robot » implacable conçu pour l’éliminer si jamais il devait s’écarter de son credo et attenter à une vie humaine. Batman réussit finalement à désactiver Failsafe (Dark City – Tome 5 : Sombres prisons) envoyant, selon toute vraisemblance, le robot à la casse…

 

En parallèle, Amanda Waller manipula Green Arrow pour qu’il travaille à ses côtés après avoir dispersé sa famille dans le temps et l’espace (à lire dans les deux tomes de Dawn of Green Arrow & Black Canary). Mais la rhétorique de Waller semble aujourd’hui convaincre Oliver, qui se met à douter de sa mission et de ses alliances… Waller aurait-elle gagné un atout de poids dans la guerre qui se prépare ?

Enfin, après plusieurs mois de collaboration avec l’énigmatique Conseil de la Lumière, Waller découvrit finalement la véritable identité de ses membres : il s’agissait d’une coalition de variants de Brainiac provenant de différentes réalités ! Surprise par cette révélation, Waller choisit de s’éloigner de cet ennemi dangereux et imprévisible. Qu’à cela ne tienne, le Collectionneur de mondes lance un énième assaut contre Superman et Metropolis en créant la Reine Brainiac, un androïde capable d’anéantir toute vie dans l’univers. Au terme d’un féroce combat, (à découvrir dans Dawn of Superman – Tome 3), la super-famille réussit à repousser la menace de la Reine Brainiac. Mais pour combien de temps ?

Après une vie entière à préparer dans l’ombre la chute des super-héros, toutes les pièces finissent de se mettre en place. Amanda Waller est plus que jamais prête à lancer l’assaut final de sa croisade contre les méta-humains, et à tenir entre ses mains le pouvoir absolu…

[Résumés de l’éditeur]
Tome 1/3 : Peu d’être humains ont su tenir tête aux super-héros avec autant de zèle et de détermination qu’Amanda Waller. Après une carrière de machinations, et grâce à la puissance combinée de l’inarrêtable Failsafe et de la glaçante Reine Brainiac, Waller a finalement atteint son but : priver tous les héros et vilains de la planète Terre de leurs capacités métahumaines. Alors que le chaos inonde les rues et qu’une vaste campagne de désinformation fait basculer l’opinion publique de son côté, la fondatrice de la Suicide Squad déclenche une véritable guerre éclair pour faire tomber tous les super-héros, les uns après les autres. En ces heures sombres, une résistance se forme… mais ces  héros impuissants peuvent-ils vraiment vaincre la Trinité du Mal et leurs implacables sbires ?

Tome 2/3 : Après l‘attaque dévastatrice d’Amanda Waller et de ses sbires sur la forteresse de Solitude, les plus grands super-héros de l’histoire sont dos au mur, et contraints de prendre la fuite… Sans pouvoir, et privé d’un Jonathan Kent plus dangereux que jamais qui a rejoint les lignes ennemies, les derniers espoirs de la Terre se sont exilés à Themyscira, bastion de la Résistance. Mais s’ils ont réussi à éviter de succomber aux assauts de la Trinité du Mal jusqu’ici, ils sont loin d’avoir gagné la guerre…

Tome 3/3 : Alors que les derniers super-héros se battent corps et âme sur l’île de Gamorra, Batman et Superman sont mis en difficultés par les forces de la Trinité du Mal. Amanda Waller, quant à elle, a franchi la ligne rouge lorsqu’elle fait appel à des renforts venus de tout le Multivers pour écraser les derniers rebelles. l’espoir est-il encore permis pour les super-héros ?

[Critique]
Et si Amanda Waller était plus forte que Darkseid ? Et si c’était l’ennemie la plus puissante et féroce de l’univers DC ? C’est ce postulat poussé à l’extrême (principalement par le scénariste Mark Waid) que nous propose Absolute Power. Publié en France au premier semestre 2025 (fin janvier puis début mars puis fin avril), les lecteurs ont donc pu découvrir en à peine trois mois l’entièreté de cette conclusion épique et inédite (d’où le délai – sur ce site – préférant tout lire à la suite et tout chroniquer en une seule fois). Ce qui ressort de l’ensemble est globalement positif : un excellent rythme (on ne s’ennuie pas) malgré un côté inégal entre les multiples séries proposées (on y reviendra), des binômes originaux et agréables à découvrir (idem), un concept tiré par les cheveux mais qui fonctionne à peu près, de l’action et une homogénéité graphique honorable. En somme : c’est une aventure XXL sympathique, un divertissement efficace, pas si révolutionnaire que cela, pas forcément incroyable mais pas oubliable pour autant. Tour d’horizon.

D’entrée de jeu, il faut accepter l’improbable : Waller trouve un moyen de priver les méta-humains de leurs pouvoirs. Les explications sont complexes et bordéliques mais bon, dans ce genre de cas, il faut clairement fermer les yeux sur ça et avancer. Ce qui en résulte est à la fois passionnant et, parfois, décevant. En effet, au-delà de cette situation inédite, Waller enchaîne la diffusion de fausses informations pour retourner le cerveau du citoyen lambda et manipuler les foules. À l’heure des fake news en tout genre, notamment aux États-Unis, impossible de ne pas y voir un écho (« gentiment ») politique… Passé cela, on aurait pu croire que la Bat-Famille serait mise en avant : pour cause, ce sont les rares justiciers de DC qui n’ont pas de pouvoirs ou n’utilisent pas la magie. Hélas, à part quelques segments sur Batman, Damian et Nightwing, il n’en est rien. C’est justement Nightwing qui devient leader de la Résistance mais, une fois encore, ça reste anecdotique et n’est jamais vraiment exploré.

Ce qui est exposé en marge de tout cela est, en revanche, plutôt pertinent. D’un côté les origines de Waller (trois chapitres en ouverture du troisième tome) afin de comprendre son parcours, ses motivations et générer une éventuelle empathie. De quoi découvrir que la terrible femme a perdu un mari et un fils par le passé, est vite devenue une redoutable manipulatrice dans des élections et a gravi les échelons dans l’ombre, au détriment d’une relation apaisée avec ses autres enfants. D’un autre côté, parmi les épisodes proposés, Absolute Power regroupe les séries « habituelles » Batman, Wonder Woman, Superman, Green Arrow et Green Lantern (ainsi que celles spécifique à l’eventAbsolute Power et Absolute Power : Task Force VII principalement). Et c’est dans tout ça qu’il faut piocher les bonnes idées.

En effet, le titre nous offre alors de longs passages avec des duos inédits. Ainsi, Wonder Woman se retrouve avec Damian Wayne où chacun favorise sa méthode d’interrogatoire (la douceur et l’amour vs. la peur et la violence – en gros) dans une relation atypique. Superman, lui, accompagne Zatanna dans l’univers de la magie – elle-aussi n’a plus ses pouvoirs –, que l’homme d’acier déteste en temps normal. Là aussi le binôme détonne et n’est pas souvent vu ensemble. Pour Batman, c’est avec Catwoman qu’il exécute une mission, c’est donc déjà un peu plus classique… On apprécie également les parcours croisés des différents Green Lantern, notamment Alan Scott qui arrive à donner un début de conscience à un de ses ennemis robotiques.

Tous ces chapitres additionnels ne freinent nullement l’intrigue principale et ajoutent une dimension non négligeable tout en bénéficiant d’un rythme endiablé qui se greffe habilement au fil rouge stricte d’Absolute Power (qui ne se déroule que sur quatre épisodes !). Ceux sur la Task Force VII sont moins palpitants et, si l’ensemble a un déroulé parfois convenu (les gentils gagnent à la fin, on repart à peu près à la situation initiale – d’où le terme soft reboot pour la suite : que ce soit pour les séries de DC ou la Justice League Unlimited (suite presque directe)), le côté divertissement mainstream prend le dessus.

Mark Waid signe un titre dense mais accessible et fluide, épaulé par tous les scénaristes des séries habituelles (Chip Zdarsky pour Batman, Joshua Williamson pour Superman, Tom King pour Wonder Woman – qui écrira comme d’habitude des dialogues remplis de mots vulgaires #fatigue – et ainsi de suite). On aurait aimé un zoom sur les Flash, Aquaman et Cyborg, tous relégués à de la figuration et, dans une moindre mesure, sur différents ennemis – ceux de Batman en tête. Il y a donc un sentiment d’incomplet mais qui ne gâche pas l’ensemble. Pour ceux qui ont suivi Failsafe dans la série Dark City, Reine Brainiac dans Dawn of Superman et, entre autres, les aventures de Green Arrow (cf. plus haut), l’impression d’un regroupement majeur entre tous ces titres est particulièrement jouissif. Le fidèle lecteur est récompensé, sans pour autant avoir l’impression d’une sorte d’artificialité entre ses connexions ou un appui forcé.

Côté dessin, une myriade d’artistes se succède sur les trois tomes, sans compter les coloristes. Citons les plus notables sur les dizaines qui opèrent : Dan Mora, Tony S. Daniel, Mikel Janin, Mike Hawthorne et Fernando Pasarin par exemple. Rien de particulier à relever, les planches se suivent et tout le monde est identifiable, tout est globalement homogène et appréciable, colorisés dans la pure veine d’un « comic book grand public ». Certaines pleines planches (voire doubles) sont savoureuses, on aurait aimé en avoir davantage, surtout dans sa dernière ligne droite.

Comme souvent face à ce genre de propositions, il est difficile de conseiller ou non la lecture. Comme dit plus haut, un énième « divertissement sympathique mais sans plus » à la longue liste déjà existante… Si ça (vous) fait toujours son petit effet alors ne pas hésiter. Pour un total de 83 €, on peut exiger du mieux tout de même… d’autant que la lecture n’est pas obligatoire pour comprendre les futures suites et se résument en quelques lignes. Néanmoins, si tout l’univers Infinite (vous) a séduit, que les connexions entre Superman, Green Arrow, Wonder Woman et tous les autres (vous) stimulent et que vous souhaitez voir où tout cela converge, c’est évidemment une lecture indispensable ! Ici, on a surtout été séduit par les origines d’Amanda Waller, personnage de la « zone grise » de DC, aussi fascinant que détestable. Rien que pour elle, ça vaut, in fine, le coup/coût.

[À propos]
Publiés chez Urban Comics les 31 janvier, 7 mars et 25 avril.
Contenu par opus.
Tome 1 (320 pages) : Green Arrow #13-14 + Absolute Power: Free Comic Book Day 2024 + Absolute Power: Ground Zero + Absolute Power #1-2 + Superman #16 + Batman #151 + Wonder Woman #11 + Absolute Power: Task Force Seven #1-3 + Green Lantern #13
Tome 2 (240 pages) : Green Arrow #15 + Absolute Power #3 + Superman #17 + Batman #151-152 + Wonder Woman #12 + Task Force Seven #4-5 + Green Lantern #14
Tome 3 (288 pages) : Green Arrow #16 + Absolute Power #4 + Superman #18 + Wonder Woman #13 + Task Force Seven #6-7 + Absolute Power: Super Son + Green Lantern #15 + Absolute Power: Origins #1-3

Scénario : Mark Waid, Chip Zdarsky, Joshua Williamson, Tom King, Jeremy Adams, John Layman, Leah Williams, Nicole Maines, Tini Howard, Pornsak Pichetshote, Alex Paknadel, John Ridley, Sina Grace, Dan Watters

Dessin & encrage :  Dan Mora, Amancay Nahuelpan, Mike Hawthorne, Fernando Pasarin, Jamal Campbell, Tony S. Daniel, Max Raynor, Mikel Janin, Skylar Patridge, V. Ken Marion, Gleb Melnikov, Caitlin Yarsky, Sean Izaakse, Marco Santucci, Claire Roe, Marianna Ignazzi, Pete Woods, Alitha Martinez, Khary Randolph, John Timms, Travis Mercer, Sean Izaakser, Fran Galan

Couleur : Alejandro Sanchez, Romulo Fajardo Jr., Trish Mulvihill, Patricio Delpeche, Gleb Melnikov, Alex Guimaraes, Jamal Campbell, Jay David Ramos, Luis Gerrero, Arif Prianto, Giovanna Niro, Lee Loughridge, Leonardo Paciarotti, Pete Woods, Andrew Dalhouse, Romulo Fajardo Jr., Hi-Fi, Adriano Lucas, Pete Pantazis, Rex Lokus, Fran Galan

Traduction : Jérôme Wicky, Yann Graf, Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard et Lorine Roy)

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Batman Nocturne – Tome 5 : Finale

Ça y est ! La série Batman Nocturne arrive enfin à son terme. Les quatre précédents volumes ont mis à l’honneur de somptueuses planches mais un scénario assez médiocre et vite oubliable (cf. chronique du quatrième). Les neufs chapitres de la série Detective Comics (#1081-1089) achèvent ce run de Ram V dans Finale. Critique d’une conclusion attendue avant le renouveau de la série (Ghosts of Gotham, chapeauté par Tom Taylor – disponible le 27 juin).

[Résumé de l’éditeur]
Exilé d’une ville qui le croit mort, Batman a été emmené loin de Gotham jusqu’à un désert de légendes, à la frontière du mythe et du réel. Toujours possédé par un démon Azmer et perdant peu à peu sa propre identité, il erre dans ce paysage hostile, guidé seulement par ses visions. Et sans eau, sans vivres et sans personne pour le sauver, seules deux options se profilent : venir à bout du démon qui le ronge de l’intérieur, ou se résigner à mourir et laisser ses os blanchir à jamais dans le sable. Pendant ce temps, le plan des Orgham est bel et bien lancé : ils utilisent le moteur de réalité pour faire oublier à tout Gotham que Batman a bel et bien existé…

NB : Au-delà de résumé, il est certainement judicieux de reprendre le texte en début de livre proposé par Urban Comics pour bien tout avoir en tête avant la lecture du tome ou de la présente critique. Le voici donc juste ci-après.

[Dans le tome précédent]
Le plan des Orgham a bel et bien fonctionné : ils sont parvenus à prendre le contrôle total de Gotham en s’immisçant dans les hautes sphères du pouvoir gothamien, en transformant ses laissés-pour-compte en une armée de monstres à leur service, et surtout en y excisant celui qu’ils considèrent comme une anomalie dans l’histoire de la cité : Batman. Capturé par Arzen Orgham, le justicier s’est vu emprisonné et inoculé un démon Azmer, dévorant de l’intérieur ses souvenirs comme sa santé mentale et le rendant plus vulnérable que jamais.

Après avoir mis l’homme à genoux, il ne leur restait qu’à détruire le symbole: dans une mise en scène macabre, l’homme Chauve-Souris fût conduit à la potence sous les yeux de la population de Gotham, et pendu haut et court.

Mais c’était sans compter sur une alliance aussi efficace que contre-nature pour organiser son sauvetage, réunissant aussi bien des alliés historiques du Chevalier Noir comme Jim Gordon, Catwoman ou Batgirl, que des ennemis d’hier comme Mister Freeze, Double-Face ou Azrael. Ayant transmis à Bruce, par un baiser, un poison concocté par Ivy permettant aux yeux des Orgham de simuler la mort du héros au moment où la sentence tombe, Catwoman parvient tout d’abord à lui éviter le pire. Par la suite, cet escadron improvisé réussit à récupérer le corps de Bruce et à s’extirper des rues de Gotham avec fracas, avant de le confier à Talia al Ghul pour qu’elle puisse le mettre en sûreté… et le confronter à son destin

Car si l’homme fût sauvé in extremis, il n’en demeure pas moins dans un état catatonique proche de la mort, sa psyché continuant d’être ravagée par le démon Azmer et par Barbatos, personnification monstrueuse de la Chauve-Souris. Pire encore, tout Gotham a vu son protecteur se balancer au bout d’une corde, et le souvenir du mythe s’érode déjà alors que les Orgham utilisent le moteur de réalité pour réécrire une Gotham ou Batman n’aurait jamais existé…

[Critique]
Finale
est scindée en plusieurs parties distinctes et inégales. On y trouve ainsi Une élégie de sable en trois chapitres puis un interlude Son nom était Dr Hurt (composé de trois back-ups). La suite se compose de Crescendo en quatre épisodes, chacun coupé par un interlude (un back-up à chaque fois) : Terrain de chasse, Aud-Daj-Jé, Habeas Corpus et Bonk. Enfin, Finale conclut le tome en deux épisodes, eux aussi entrecoupés un interludes back-up, Enfant chéri. Alors qu’est-ce que ça vaut tout ça ?

Le plus dur est de commencer… Une élégie de sable est le récit le moins intéressant et le plus insupportable à lire, il rappelle les pires moments du run de Grant Morrison, à mi-chemin entre le rêve et la réalité, dans un style décousu, une narration complexe et un propos, in fine, qui n’avait pas besoin d’occuper autant de place (en gros : Batman va « se réveiller / se ressourcer / revenir plus fort »). Cette errance « sépia chromatique » est trop longue et on décroche facilement.

L’omniprésence de Barbatos et Hurt se veut à la fois un hommage à d’anciens moments cultes de Batman (comme Morrison l’avait fait avant lui – avec la même impression désagréable et non limpide) et à la fois une somme soi-disant logique de ce qui a été montré auparavant (on cherche encore le pourquoi du comment). Bref, Une élégie de sable, malgré son joli titre poétique renou malheureusement avec tous les travers désagréables de Batman Nocturne, à peine sauvée par ses quelques planches élégantes (de Riccardo Federici, Stefano Raffaele – qui n’opèreront plus ensuite, laissant place à une myriade d’autres dessinateurs, tous talentueux – cf. rubrique À propos plus bas). C’est un parti pris clivant qui semble plaire à certains et fortement agacer à d’autres (dont l’auteur de ces lignes, vous l’aurez compris depuis le temps). Ce n’est pas l’idéal pour débuter sa lecture, ça ne motive pas à vouloir poursuivre…

Heureusement, le complément Son nom était Dr Hurt est plus intéressant, bien qu’anecdotique eu égard de la grande fresque qu’est la série de Ram V mais sympathique tout de même. Et, heureusement (bis) la suite est d’un meilleur acabit. En effet, Crescendo et Final se lisent avec une excellente fluidité rythmique – peut-être pour la première fois dans toute la série – et rétablit une action efficace avec une double équipe (les alliés de Batman, dont Nightwing, Batgirl, Azrael… ET ses ennemis/antagonistes comme Double-Face, Catwoman, Talia al Ghul, Freeze… face aux ennemis communs – on en parle plus loin).

Le gros problème est la multitude de courtes histoires en back-up qui s’intercalent maladroitement dans les chapitres parentaux. Des courts récits qui ajoutent une certaine importance non négligeable pour « comprendre » ce qu’on va découvrir ensuite, mais il aurait fallu tout proposer en début ou milieu d’ouvrage pour avoir ensuite un enchaînement quasiment sans faute. La dernière ligne droite de Batman Nocturne voit un enchaînement de combats (loup-garou, démon, créature…) mais, surtout, une conclusion plutôt correcte et cohérente avec tout ce qui a été instauré depuis le premier tome. Et en cela, c’est déjà très très bien.

Comprendre : la fin de règne des Orgham et Azmer, se réclamant héritiers de Gotham après avoir montré l’homme chauve-souris déchu et (théoriquement) mort. Mais, on le sa(va)it, rien de tout ça ne fonctionnait jamais vraiment, faute à une écriture confuse, des personnages nouveaux peu empathiques ni charismatiques, des concepts abscons, des moments inintelligibles et peu passionnants… Se targuant de constituer un véritable « opéra » urbain et nocturne (forcément), l’évidence pointe son nez en fin de lecture : et si tout cela n’aurait pas été mieux directement en animation et… en musique ? Dans un médium statique et silencieux, Nocturne passe peut-être plus difficilement avec ce côté figé (si tant est que c’était le souhait de son auteur Ram V).

Au-delà des souvenirs pénibles de l’entièreté de la série, on retient positivement quelques éléments (concentrons nous sur les rares réussites). Principalement la partie graphique (couvertures comprises et la plupart des planches – ce qu’on a mis en avant régulièrement dans les chroniques associées) et quelques parcours singuliers voire intrigants de protagonistes. Renee Montoya muée en (The) Question par exemple (avec de belles promesses pour l’avenir). Bien entendu, Batman reste aussi « palpitant », malmené une énième fois (déconstruit ?) avant de revenir (littéralement) d’entre les morts, plus puissant que jamais (comme dans la série parallèle Dark City). Le tout débouchant sur une énième « remise à zéro » (en vérité : la suite de Detective Comics se poursuit et est chapeauté par Tom Taylor dans Ghosts of Gotham).

Conseille-t-on Batman Nocturne ? Honnêtement non (mais visiblement – et je permets une rare subjectivité – je suis le seul à le penser). Rien de vraiment original : des nouveaux ennemis – oubliables – pour un plan classique puis déjoué… Un bourbier manquant de limpidité et qui peinait cruellement à susciter de l’intérêt. En somme pour les curieux n’osant franchir le pas, espérez une réédition en format Nomad pour découvrir à bas prix.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 28 mars 2025.
Contient : Detective Comics #1081-1089
Nombre de pages : 312

Scénario : Ram V
Dessin & encrage : Riccardo Federici, Stefano Raffaele, Javier Fernandez, Guillem March, Christian Duce, Hayden Sherman, Christopher Mitten, Jorge Fornés, Robbi Rodriguez, Lisandro Estherren, Francesco Francavilla
Couleur : Lee Loughridge, Dave McCaig, Luis Guerrero, Triona Farrell, Patricio Delpeche, Francesco Francavilla

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Emmanuel Touset, Morgane Rossi et Bryan Wetstein)

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