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Batman Meurtrier & Fugitif – Tome 1

Saga inédite en France (jusqu’à sa publication initiée en mai 2018 par Urban Comics), Batman Meurtrier & Fugitif s’inscrit dans la continuité de New Gotham (en trois tomes, mais c’est surtout le troisième et dernier qui avait son importance dans la continuité), qui poursuivait déjà les excellentes grandes fresques Cataclysme et No Man’s Land. On y retrouve d’ailleurs la même construction par chapitrage, c’est-à-dire un crossover géant rassemblant diverses séries phares de l’époque (2002) gravitant autour du Chevalier Noir : Batman, Detective Comics, Nightwing, Batgirl, Gotham Nights, Birds of Prey… Découverte du premier volet (sur trois).

[Résumé de l’éditeur]
Vesper Fairchild vient d’être assassinée, et son corps sans vie a été retrouvé… dans le Manoir Wayne ! Et le seul suspect de l’enquête n’est autre que Bruce Wayne. Mais il lui est impossible de dévoiler son véritable alibi, sous peine de révéler qu’il se pare tous les soirs du costume du Chevalier Noir. Arrêté et emprisonné, c’est à la Bat-Famille qu’il incombe de découvrir l’identité du meurtrier.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Quel plaisir de lire et suivre cette histoire palpitante et admirablement bien rythmée ! Le pitch tient sur une ligne, est dans le résumé de l’éditeur et se réduit même simplement au titre de l’œuvre. Simple. Efficace. Avant de rentrer dans le détail de la critique et sans vouloir rédiger trop de résumés wikipédiesque, enchaînons sur chaque épisode avec son titre, son scénariste et la série dont il est tiré et ce qu’il raconte.

Dans Quête sans fin de Greg Rucka (Batman: 10-Cent Adventure #1) dresse le portrait historique et habituel du Chevalier Noir avant de montrer une nuit habituelle dans Gotham entre Batman et son garde du corps Sasha Bordeaux, qui connaît son secret et revêt aussi un costume de justicière pour combattre les criminels à ses côtés. Une fois de retour au petit matin au Manoir Wayne, le cadavre de Vesper Faichild gît sur le sol, la police est déjà sur les lieux et arrête Bruce et Sasha. Procédure (Detective Comics #766), toujours signé Rucka, suit les interrogatoires des deux suspects, par Crispus Allen et Renee Montoya principalement.

Dans Batgirl de Kelley Puckett (Batgirl #24) la justicière – Cassandra Cain à cette époque – échange énormément avec Oracle – Barbara Gordon – et enquête au Manoir, y croise Margaret Sawyer (remplaçante d’Harvey Bullock – un certain Michael Akins a pris la place aussi de Gordon, comme l’explique l’introduction du livre). L’arme du crime est retrouvée aux alentours et Cassandra prend conscience que Bruce Wayne est Batman. La casse ! de Chuck Dixon (Nightwing #65) s’attarde évidemment sur Dick Grayson qui arrive à infiltrer Blackgate pour parler avec Bruce. Sortie interdite (Gotham Knight #25), écrit par Devin Grayson (ça ne s’invente pas) montre le premier jugement du tribunal et s’attarde aussi sur Alfred Pennyworth.

Dans L’arme du crime (Birds of Prey #39), Chuck Dixon met en avant Oracla/Barbara qui s’inquiète pour la santé de Ted Kord/Blue Beetle et s’attarde en parallèle sur Dinah Lance/Black Canary qui découvre sur quoi travaillé Vesper avant sa mort puis rencontre Spoiler (Stéphanie Brown). Dixon enchaîne ensuite sur Timothy Drake (Robin) dans La ligne rouge (Robin #98) et son quotidien dans un lycée prestigieux, tout en poursuivant l’histoire de Black Canary et Spoiler. Ed Brubaker entre en scène en écrivant Dedans-dehors (Batman #599) qui revient sur Bruce en prison et ses conflits avec d’autres incarcérés, ses échanges avec un avocat, la « cohabitation » (très éloignée) avec Sasha, etc. Hors du temps de Greg Rucka (Detective Comics #767) suit, justement, Sasha Bordeaux en cellule et ses états d’âme.

Dans Suspects inhabituels de Chuck Dixon (Nightwing #66), Oracle et Nightwing enquêtent sur les éventuels adversaires de Bruce Wayne. Ni les fous ou tueurs habituels mais plutôt des dirigeants et économistes qui en voudraient aux entreprises Wayne. De quoi croiser éphémèrement Orpheus (nouvel allié créé peu avant et assez méconnu) et rayer des suspects de la liste. Présomption d’innocence (Gotham Knights #26), de Devin Grayson à nouveau, s’interroge sur la culpabilité du Chevalier Noir (et condense à peu près tout ce qui était vu auparavant). D’un côté Alfred et Dick sont farouchement convaincu de l’innocence de Bruce Wayne. D’un autre côté, Barbara, Tim et quelques autres émettent des doutes – légitimes aux yeux des indices.  L’occasion de voir également Leslie Thompkins.

Enfin, dans Le bout de la route (Robin #99) de Chuck Dixon, Tim investigue sur le kidnapping d’un de ses camarades, pendant qu’Oracle poursuit d’éventuels autres suspects à distance et avec la Bat-Famille. L’auteur enchaîne avec Revers (Birds of Prey #40) qui est quasiment une suite direct : Oracle, Robin et Black Canary, Spoiler poursuivent leurs enquêtes et aventures respectives, avec Blue Beetle en fâcheuse posture en toile de fond. L’ouvrage se conclut brillamment dans La scène de crime (Batman #600) d’Ed Brubaker où l’homme chauve-souris est de retour pour une raison évidente (propre au titre de la bande dessinée).

Immense introduction palpitante, ce premier opus de Meurtrier & Fugitif (sur trois au total) prend son temps mais ne « stagne pas » pour autant. Les quatre scénaristes principaux (Rucka, Dixon, Brubaker – bien connu chez les fans, responsables de bon nombre de productions qualitatives, chez DC, Batman [dont les précédentes sagas Knightfall et No Man’s Land justement] ou ailleurs – et Grayson) s’en donnent à cœur joie. Le lecteur n’a pas l’impression de lire des segments différents mais bel et bien une fiction qui se suit au fil de chapitres qui formeraient une seule ligne narrative continue. Pas spécialement inégaux, les épisodes souffrent néanmoins parfois de légers pas de côté : à ce stade, on ne voit pas trop l’intérêt de montrer Blue Beetle et Orpheus par exemple.

Le seul défaut inhérent à ce genre de projet est évident : l’armée de dessinateurs (une petite dizaine dont aucun nom « notable », cf. À propos) cassent une éventuelle homogénéité graphique. Pas de difficulté à savoir « qui est qui » parmi les super-héros néanmoins (grâce aux costumes et à la colorisation) mais l’ensemble souffre parfois d’un côté cartoony propre à la période, supprimant de facto le côté sombre et mature qui aurait été bénéfique à Meurtrier et Fugitif. Le pire est la caractérisation grossière des visages, presque caricaturale ; les traits beaucoup trop gras au global et parfois des éléments corporels disproportionnés. Les dessins sont donc ni spécialement beaux, ni forcément trop laids, ça se « regarde » sans éblouir ni grimacer.

Pas grand chose à reprocher au demeurant, on veut surtout lire la suite et, évidemment, ne pas être déçu par la future révélation : qui a tué Vesper ? pourquoi ? comment ? D’autres questions pour les plus attentifs peuvent survenir : pourquoi le GCPD était sur les lieux du crime si tôt ? qui les a prévenus ? pourquoi Bruce Wayne a acheté une arme à feu à son nom (qui sera évidemment l’arme utilisée pour assassiner Vesper) ? Attention aux solutions de facilité (Gueule d’Argile qui aurait pris l’apparence de Wayne) ou improbables (un homme invisible ou autre) ! Le comportement de Wayne reste insupportable (dans sa dernière ligne droite), impossible pour le lecteur de ne pas s’identifier à Grayson qui lui rétorque ce que l’on se demande tous. Vivement la suite donc !

Meurtrier & Fugitif s’en donne à cœur joie pour dynamiser le relationnel de la Bat-Famille. Au premier plan, on pense immédiatement à Barbara Gordon, quasiment omniprésente, avec une vue de hauteur, une rigueur exemplaire et des questionnements importants. Dick Grayson est aussi mis à l’honneur, tiraillé entre sa frustration de ne pas avoir de réponses et son sentiment d’impuissance. Enfin, l’habituelle ‘humanité d’Alfred est toujours aussi remarquable et « juste ». Les fans vont indéniablement se régaler ! Un véritable coup de cœur pour cette série plus ou moins culte et curieusement assez moins populaire en France. L’écriture va au-delà du concept alléchant pour brosser une galerie de portraits touchants et l’ensemble demeure passionnant. Parfaitement exécuté et redoutablement efficace.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 4 mai 2018.
Contient : Batman: The 10-Cent Adventure #1 + Detective Comics #766-767 + Batgirl #24 + Nightwing #65-66 + Gotham Nights #25-26 + Birds of Prey #39-40 + Robin #98-99 + Batman #599-600
Nombre de pages : 352

Scénario : Greg Rucka, Kelley Puckett, Chuck Dixon, Devin Grayson, Ed Brubaker
Dessin : Rick Burchett, Scott McDaniel, Damion Scott, Trevor McCarthy, Roger Robinson, Rick Leonardi, Pete Woods, Steve Lieber
Encrage : Klaus Janson, Jesse Delperdang, Robert Campanella, Rob Stull, Dodney Ramos, John Floyd, Andrew Pepoy, Andy Owens, Mick Gray, Rob Leigh
Couleur : Lee Loughridge, Jason Wright, Wildstorm FX, Digital Chameleon, Patricia Mulvihill, Noelle Giddings, Roberta Tewes, Gregory Wright, Gloria Vasquez

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Moscow Eye

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Batman – City of Madness

Découverte d’un récit complet issu du Black Label, en trois chapitres (150 pages environ), qui mixe à la fois l’univers contemporain (et récent/moderne) de Batman – via la forte présence de la Cour des Hiboux notamment – et des inspirations Lovecraftiennes, sans oublier celle, assumée et volontaire, de la BD Arkham Asylum – dont l’auteur et dessinateur de City of Madness, Christian Ward, se revendique fan absolu et décrit modestement son œuvre comme une sorte de « continuité spirituelle ». Carrément. Critique.

Couverture classique (g.) et limitée inédite en vente via
les librairies du réseau Comics Shop Assemble (cf. explications fin de cette page).

[Résumé de l’éditeur]
La Cour des Hiboux, sinistre cabale gothamienne qui tire les ficelles dans l’ombre, garde un portail menant à une Gotham City déformée, en proie à des créatures terrifiantes dépassant largement les frontières de l’imaginable. Quand ce passage entre les deux mondes cède une créature de la nuit s’infiltre dans Gotham avec un objectif bien précis en tête : trouver son propre Robin pour l’accompagner dans son éternelle quête de vengeance…

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Il est presque dommage que la couverture annonce autant la couleur et, surtout, que le résumé de l’éditeur explicite d’entrée de jeu l’existence des deux mondes (le « classique » et l’un déformé aux personnages habituels sous forme animale ou monstrueuse) tant City of Madness se dévoile principalement au bout d’un tiers voire la moitié de son récit. Ce n’est pas bien grave, cela casse éventuellement une certaine surprise (de registre bien entendu mais aussi de protagonistes). Ainsi, l’on découvre que la Cour des Hiboux a bien conscience de la nature du « monde démoniaque » qui s’agite sous Gotham. Une « ville de la folie » (la fameuse City of Madness) où le Chevalier Noir de là-bas, aux allures lovecraftiennes – son visage bordé de tentacules – n’hésite pas à tuer et semble aliéné.

Sans surprise, le véritable Batman s’engouffre donc dans cet autre univers, s’alliant temporairement avec un ergot – très bonne idée au demeurant. Malgré sa durée, la fiction propose différents moments avec plusieurs ennemis secondaires de la galerie emblématique du Dark Knight – les habituels ou leur version Madness. En vrac : le trio infernal, Killer Croc, le Ventriloque… C’est franchement plaisant ! Au-delà des Hiboux, c’est aussi Double-Face qui est au cœur de City of Madness (pour différentes raisons qu’on n’évoquera pas ici pour ne pas gâcher la lecture). Côté alliés, une place de choix est également accordée à Alfred et, dans une moindre mesure, une autre à Nightwing.  Et si le récit est un brin balisé dans sa structure et son intrigue, il n’en demeure pas moins extrêmement marquant grâce à son identité visuelle minutieusement soignée, originale (brassant de multiples genres) et brillamment mise en couleur (rien que pour cela, le livre rejoint les coups de cœur du site !).

L’on doit le tout (écriture, dessin, encrage et colorisation) à une seule personne : Christian Ward ! Il est principalement connu en France pour son superbe Aquaman Andromeda et la série en trois tomes Invisible Kingdom (chez Hi Comics). L’artiste londonien ne s’en cache pas (et on le ressent tout au long de l’œuvre avant d’en avoir la confirmation dans sa postface) : il voue un culte au titre Arkham Asylum de Grant Morrison et Dave McKean. Ce n’est pas pour rien que les planches de Ward rappellent, justement, celles de McKean (nom donné également à un personnage très secondaire pour accentuer l’hommage).

C’est un régal pour les yeux, son traitement de Double-Face notamment, est époustouflant, jouant aussi bien sur la morphologie du criminel que son schisme d’humanité à travers un double – voire triple – visage effrayant ! Les pages se suivent et ne ressemblent pas : découpage déstructurée, couleurs tour à tour psychédéliques ou sombres, visages tantôt réalistes, tantôt propres au classicisme mainstream du médium et ainsi de suite, c’est riche et varié, élégant et agréable.  À échelle plus modeste, certaines cases rappellent aussi Bill Sienkiewicz (souvent associé à McKean d’ailleurs) et qui signe quelques couvertures alternatives disponibles en fin du recueil. Paradoxalement, ici l’œuvre verse moins dans l’horreur, le glauque et le dérangeant, les chromatiques flashy et l’encrage souvent assez épais contribuant énormément à cette sorte d’adoucissement étrange.

Ward ne puise pas que graphiquement dans son œuvre fétiche, il en offre même une certaine relecture plus ou moins moderne, qu’il qualifie (toujours dans sa postface) de « suite spirituelle ». Celle-ci se résume, principalement, aux errances du Chevalier Noir dans le célèbre hôpital psychiatrique et ses interactions avec Harvey Dent – heureusement c’est très minoritaire dans l’entièreté de l’ouvrage. Cela permet donc à City of Madness d’avoir son propre ADN, aussi bien dans sa narration que dans sa folie visuelle.

Pour ce double exploit, on conseille bien évidemment ce titre (il faut dire que depuis deux ou trois ans, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent !). Attention bien entendu : si vous êtes imperméable au registre fantastique/surnaturel dans les aventures de Batman, le comic book risque de vous laisser de marbre. Aux amoureux de Lovecraft, on aurait tendance à faire découvrir un autre titre assumé (bien davantage qu’ici mais nettement moins réussi sur d’autres aspects) : La malédiction qui s’abattit sur Gotham. City of Madness est sans doute trop court et aurait mérité deux ou trois épisodes complémentaires mais, faute de mieux, on s’en contentera grandement comme lecture « divertissante un brin original qui ne révolutionne rien mais reste sympathique » (et c’est souvent ce qu’on vient chercher dans une BD, sans forcément atteindre un maelström d’émotions ou de stimulation cérébrale, surtout dans le genre super-héroïque, même si, quand ça a lieu ça frôle la perfection ) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 octobre 2024.
Contient : Batman City of Madness #1-3
Nombre de pages : 168

Scénario & dessin : Christian Ward

Traduction : Mathieu Auverdin
Lettrage : CROMATIK (Île Maurice)

Acheter sur amazon.frBatman – City of Madness (18 €)

Batman Dark City – Tome 5 : Sombres prisons

Les chapitres #145 -150 de la série Batman constituent ce cinquième tome de Dark City, intitulé Sombres prisons. Une aventure toujours chapeautée par Chip Zdarsky, qui prenait racine dans son ancien récit complet The Knight, connecté a posteriori à son run (depuis le quatrième opus, Bombe mentale). Très inégale (souvent moyenne voire médiocre), cet opus hausse-t-il (enfin) le niveau global ? Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Incarcéré dans la prison de Zur avec le Joker pour voisin de cellule, Batman doit organiser son évasion… Mais parviendra-t-il à s’échapper d’un établissement conçu par l’ultime version de lui-même ? De son côté, Zur est devenu le nouveau protecteur de Gotham et établit des règles toutes personnelles. Il détient un sombre secret, et si ce dernier venait à le révéler, une menace sans précédent s’abattrait sur le Chevalier Noir, la ville de Gotham, et l’Univers DC dans son ensemble.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Aparté : ce texte a été rédigé presque deux mois après avoir lu le tome. Il est possible qu’il y ait quelques égarements ou confusions malgré ma relecture rapide et en diagonale de la BD dans le cadre de la finalisation de cet article (je n’avais franchement pas envie de reperdre une heure à le relire intégralement). Merci d’avance pour votre indulgence et n’hésitez pas à corriger en commentaire s’il y a une erreur ou autre.

Un volume aux aspects conclusifs et globalement rushé, toujours autant improbable mais étrangement touchant, tout en repartant (presque) à zéro, c’est ce qui vient immédiatement en fin de lecture de ce cinquième opus de Dark City. Il est dissocié en plusieurs segments qui se suivent plus ou moins (on y reviendra) : Sombres prisons (Batman #145-147), Les directives du docteur (back-up Batman #145-146), Leur montrer à tous (back-up Batman #147), La tempête (Batman #148), Un beau rêve (#149) et enfin – assez déconnecté du reste – Être meilleur (#150).

Sombres prisons (qui donne donc son titre à la bande dessinée) positionne Batman dans sa prison avec le Joker. Passé ce postulat vite expédié, c’est une course contre la montre agréable qui suit un Chevalier Noir évadé face à son ennemi « ultime » : Zur fusionné à Failsafe (en gros). Une épopée qui fait croiser bon nombre d’alliés (Damian au premier plan), quelques ennemis habituels de la galerie de Gotham/Arkham (dont Punchline) et des antagonistes (Amanda Waller, Vandal Savage, le fameux Captio – « mentor » du Joker et de Batman sorti de nulle part, cf. tome précédent…), le maire Nakano ainsi qu’un nouveau vilain (de prime abord) : un clone de Bruce qui grandit plus vite que la normale (impossible de ne pas penser à Damian), supervisé par Zur. Ouf ! Malgré ce trop plein de protagonistes, Chip Zdarsky s’en sort à peu près bien pour confronter tout ce beau monde et, surtout, revenir à l’éternel point de départ…

En effet (passez au paragraphe suivant pour éviter les quelques révélations), par d’habiles tour de passe-passe scénaristiques, ou plutôt des facilités d’écritures franchement honteuses, Bruce Wayne retrouve sa fortune (merci Zur/Failsafe, tellement intelligent qu’il a réinvesti en bourse de l’argent) et… sa main biologique pourtant coupée ! Cette fois, il faut remercier le clone de Bruce qui lui offre ce cadeau – sa propre main donc (!) – qui servira davantage à Batman qu’à cet énième alter ego vieillissant – bigre ! Surtout, le Chevalier Noir renoue avec une cohésion d’équipe bienvenue, entouré de ses fidèles alliés. Néanmoins, le récit se termine sur une ouverture et un « à suivre » – qui devrait en toute logique correspondre en France au sixième et dernier opus, contenant donc les chapitres #153-157 et la fin du run de Zdarsky (enfin !), cf. explications à la fin de cette critique.

Les deux histoires back-up sont tout aussi douteuses, centrées sur Captio. La première revisite l’histoire du Joker sous ce nouveau prisme découvert dans le volet précédent : quelqu’un croit VRAIMENT à cette rocambolesque continuité rétroactive qui dévoile que le célèbre Clown est presque né des directives du coach Captio et que ce dernier l’a suivi lointainement tout au long de sa « carrière » ?! – c’est largement pire que la proposition Trois Jokers (clivante, ubuesque, osée mais intéressante et stimulante)… Bref. La seconde le place avec le Sphinx cette fois, introduisant la fameuse « suite » à découvrir théoriquement dans le sixième tome (encore).

Malgré tous les défauts d’écriture, on retient pourtant et paradoxalement de la bande dessinée son avant-dernier chapitre, Un beau rêve, centré sur le clone de Bruce et sa « vie » accélérée. Des moments particulièrement touchants, humains, et croqués en parallèle de la bienveillance (et des retrouvailles) de tous les membres de la Bat-Famille, voilà de quoi redonner espoir et foi pour la suite et se satisfaire de cette semi-conclusion dans un premier temps (encore une fois : malgré toute l’improbabilité qui découle de l’ensemble) !

Le dernier épisode raconte les déambulations d’un ancien homme de main Catwoman, Teddy, qui a découvert l’identité de Batman lors de la guerre entre les deux amants (cf. troisième tome, Gotham War). Un dilemme moral pour un père absent qui veut se racheter et une offre en or à marchander pour tous les ennemis de l’homme chauve-souris. Un segment « à hauteur d’homme » (à nouveau), faisant la part belle avec le précédent chapitre et qui rappelle, dans une moindre mesure, le très bon récit complet Joker (qui s’attardait aussi sur un membre d’une figure emblématique de Gotham et ses enjeux de survie urbaine).

Ce sont donc principalement ces deux derniers segments qui sortent du lot, de façon surprenante, et permettent d’apprécier Sombres prisons. Le reste de la fiction ne fonctionne pas vraiment mais on prend plaisir à lire un vrai retour de Batman et ses alliés, avec – comme toujours et heureusement –  les jolies planches de Jorge Jiménez (principalement sur le titre, d’autres artistes complètent la distribution, cf. rubrique À propos), qui permettent de sauver tout de même un peu plus l’ensemble. Dommage que l’enchaînement bordélique entre Zur/Failsafe, Captio et le rythme expéditif de cette fausse fin gâchent tout le reste (donc la majorité du comic), sans oublier l’écriture franchement faible (pas forcément les dialogues mais les situations au sens global) et qui prend quasiment ses lecteurs pour des imbéciles. Étrangement (ou non), Zdarsky s’en sort nettement mieux quand il déploie ses petites touches d’humanité sur deux personnages complètement secondaires et éphémères.

Il est toujours difficile de conseiller la série Dark City (son ensemble ou ce tome en particulier), mais on se motive en se disant (ou plutôt en espérant) que le sixième opus sera complètement déconnecté de tout ça (comme le fut le quatrième de la série Batman Infinite en son temps) et enfin une probable remise à zéro des compteurs. Il était temps. La fiction s’approche en effet de sa fin, plus ou moins en adéquation avec le souhait de son auteur. Entre le début de l’ère Absolute, disponible en France le 31 janvier 2025 dans le premier Absolute Power,  qui contiendra l’épisode #151 de Batman (le #152 sera dans le second tome (sur trois) d‘Absolute Power), et le retour surprise de Jeph Loeb et Jim Lee pour la suite de Silence/Hush (en mars 2025 aux États-Unis) à partir du chapitre #158, il ne restera donc que les #153-157 sous la plume de Zdarsky pour achever son œuvre. Des épisodes qui devraient, en toute logique, composer la conclusion du sixième (et donc dernier) tome de Dark City chez nous, contenant l’arc intitulée en VO The Dying City. Si c’est bien le cas, il sera disponible au plus tôt en mai 2025 (Urban Comics ayant révélé toutes sorties jusqu’à avril 2025).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 25 octobre 2024.
Contient : Batman #145-150
Nombre de pages : 208

Scénario : Chip Zdarsky, Joshua Williamson
Dessin : Jorge Jiménez, Michele Bandini, Miguel Mendonça, Steve Lieber, Denys Cowan
Encrage : John Stanisci
Couleur : Tomeu Morey, Alex Sinclair, Eren Angiolini, Nick Filardi

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.frBatman Dark City – Tome 5 : Sombres prisons (22 €)