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Batman Dark Patterns – Affaire #1 : L’Homme Blessé

Série prévue en quatre volumes, Batman Dark Patterns annonce renouer avec l’approche détective du célèbre justicier. Alléchant sur le papier mais avec un premier hic avant d’entamer sa lecture : le prix. En effet, le comic book coûte 16 € pour seulement 80 pages (dont 72 € seulement de BD pour trois chapitres !) mais on en reparlera plus loin. Alors, que vaut cette première affaire : L’Homme Blessé ? Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Affaire #1 : Une série de meurtres effroyables a provoqué une onde de choc à Gotham. La piste mène tout droit vers un sinistre tueur en série, au corps percé d’innombrables clous et baptisé l’écorché. Mais s’agit-il des agissements d’un seul désaxé, ou y a-t-il quelque chose d’encore plus sinistre en jeu ?

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Qu’il est plaisant de retrouver un Chevalier Noir détective au sens littéral, sans artillerie lourde ou gadgets surpuissants. Un justicier qui a démarré sa croisade depuis trois ans, dont les ennemis emblématiques ne sont pas encore présents. Complice avec Gordon (et Alfred), Batman avance méthodiquement, un peu rapidement aussi (pas de place pour Bruce Wayne dans la fiction). Quelques nouveaux personnages secondaires sont posés (un médecin légiste un peu creepy, un journaliste indépendant solitaire prompt à avoir des ragots) pour – sans doute – être réutilisés plus tard. En effet, Dark Patterns est (en VO) « banalement » une série en douze chapitres qui se suivent, avec une enquête différente tous les trois épisodes.

En France, Urban Comics a donc choisi de les segmenter en quatre opus dédié chacun à une enquête. Ce qui relance toujours le même débat légitime sur le prix de vente par rapport au nombre de pages d’une part, mais aussi par rapport à un horizon éditorial « inconnu » d’autre part. Comprendre qu’à terme, il est possible qu’Urban réédite Dark Patterns en intégrale (320 pages) au même format ou en Nomad… Impossible de le savoir pour l’instant, il faudra donc débourser 64 € pour l’entièreté de la saga (16 € par tome) ! Pour information/rappel, un titre équivalent (Absolute Power et ses 320 pages également) est vendu… 31 € ! De même, certaines rééditions de plus de 500 pages (Justice League Intégrale) coûtent elles aussi 31 € (et même 30 € avant juillet 2024 – code UB30 chez les commerçants). Au lecteur de trancher : 16 € une fois de temps en temps (tous les quatre mois) passeront mieux qu’un achat complet d’un coup ?

Revenons à L’Homme Blessé. Le titre fait référence à l’antagoniste de ce premier volet, un « coupable » très rapidement identifié et, chose rare, il s’agit d’un antagoniste (et non un ennemi) qui a une originalité « graphique » qui marque immédiatement les esprits et, chose rare, pourrait peut-être même rejoindre le prestigieux panthéon des figures atypiques de la galerie des vilains de Batman. En effet, cette mystérieuse personne (rapidement dévoilée) a enfoncé dans son corps une multitude de piques, vis et barres de fer transperçant sa peau. De même pour son visage, blindé de clous et punaises en tout genre, brrrh ! Comme dit le Chevalier Noir, « sa chair est une tapisserie d’automutilation quasi fatale. Si je le touche je le tue. ».

Affrontement singulier (impossible de le frapper), origine cohérente (connectée à une tête connue de Gotham), épopée rythmée… Cette première enquête de Dark Patterns fonctionne très bien, même si un peu courte, trop rythmée (certains pans vont trop vite), il faudra voir sur l’entièreté de la série s’il y a un écho à ce nouvel Homme Blessé. Pas grand chose d’autre à critiquer (positivement ou négativement) sur le scénario signé Dan Watters (récemment et principalement sur Nightwing, il a aussi œuvré sur une multitude de titres chez DC à droite à gauche). Côté visuel, Hayden Sherman (Absolute Wonder Woman) offre une vision fidèle aux récits des 1990’s, avec des traits limpides et des cases très détaillées, fournies, corrélés à une dimension presque psychédélique dans sa colorisation (Triona Farrelle). Une patte peut-être clivante pour certains, notamment dans les visages, bouches et expressions faciales. Mais on ferme aisément les yeux sur ça tant l’ensemble ravit. Lecture courte mais intense (et onéreuse) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le2 mai 2025.
Contient : Batman : Dark Patterns #1-3
Nombre de pages : 80

Scénario : Dan Watters
Dessin & encrage : Hayden Sherman
Couleur : Triona Farrelle

Traduction : Basile Béguerie
Lettrage : Cromatik Ltd (Île Maurice)

Acheter sur amazon.frBatman Dark Patterns – Affaire #1 : L’Homme Blessé (16 €)

Batman Nocturne – Tome 5 : Finale

Ça y est ! La série Batman Nocturne arrive enfin à son terme. Les quatre précédents volumes ont mis à l’honneur de somptueuses planches mais un scénario assez médiocre et vite oubliable (cf. chronique du quatrième). Les neufs chapitres de la série Detective Comics (#1081-1089) achèvent ce run de Ram V dans Finale. Critique d’une conclusion attendue avant le renouveau de la série (Ghosts of Gotham, chapeauté par Tom Taylor – disponible le 27 juin).

[Résumé de l’éditeur]
Exilé d’une ville qui le croit mort, Batman a été emmené loin de Gotham jusqu’à un désert de légendes, à la frontière du mythe et du réel. Toujours possédé par un démon Azmer et perdant peu à peu sa propre identité, il erre dans ce paysage hostile, guidé seulement par ses visions. Et sans eau, sans vivres et sans personne pour le sauver, seules deux options se profilent : venir à bout du démon qui le ronge de l’intérieur, ou se résigner à mourir et laisser ses os blanchir à jamais dans le sable. Pendant ce temps, le plan des Orgham est bel et bien lancé : ils utilisent le moteur de réalité pour faire oublier à tout Gotham que Batman a bel et bien existé…

NB : Au-delà de résumé, il est certainement judicieux de reprendre le texte en début de livre proposé par Urban Comics pour bien tout avoir en tête avant la lecture du tome ou de la présente critique. Le voici donc juste ci-après.

[Dans le tome précédent]
Le plan des Orgham a bel et bien fonctionné : ils sont parvenus à prendre le contrôle total de Gotham en s’immisçant dans les hautes sphères du pouvoir gothamien, en transformant ses laissés-pour-compte en une armée de monstres à leur service, et surtout en y excisant celui qu’ils considèrent comme une anomalie dans l’histoire de la cité : Batman. Capturé par Arzen Orgham, le justicier s’est vu emprisonné et inoculé un démon Azmer, dévorant de l’intérieur ses souvenirs comme sa santé mentale et le rendant plus vulnérable que jamais.

Après avoir mis l’homme à genoux, il ne leur restait qu’à détruire le symbole: dans une mise en scène macabre, l’homme Chauve-Souris fût conduit à la potence sous les yeux de la population de Gotham, et pendu haut et court.

Mais c’était sans compter sur une alliance aussi efficace que contre-nature pour organiser son sauvetage, réunissant aussi bien des alliés historiques du Chevalier Noir comme Jim Gordon, Catwoman ou Batgirl, que des ennemis d’hier comme Mister Freeze, Double-Face ou Azrael. Ayant transmis à Bruce, par un baiser, un poison concocté par Ivy permettant aux yeux des Orgham de simuler la mort du héros au moment où la sentence tombe, Catwoman parvient tout d’abord à lui éviter le pire. Par la suite, cet escadron improvisé réussit à récupérer le corps de Bruce et à s’extirper des rues de Gotham avec fracas, avant de le confier à Talia al Ghul pour qu’elle puisse le mettre en sûreté… et le confronter à son destin

Car si l’homme fût sauvé in extremis, il n’en demeure pas moins dans un état catatonique proche de la mort, sa psyché continuant d’être ravagée par le démon Azmer et par Barbatos, personnification monstrueuse de la Chauve-Souris. Pire encore, tout Gotham a vu son protecteur se balancer au bout d’une corde, et le souvenir du mythe s’érode déjà alors que les Orgham utilisent le moteur de réalité pour réécrire une Gotham ou Batman n’aurait jamais existé…

[Critique]
Finale
est scindée en plusieurs parties distinctes et inégales. On y trouve ainsi Une élégie de sable en trois chapitres puis un interlude Son nom était Dr Hurt (composé de trois back-ups). La suite se compose de Crescendo en quatre épisodes, chacun coupé par un interlude (un back-up à chaque fois) : Terrain de chasse, Aud-Daj-Jé, Habeas Corpus et Bonk. Enfin, Finale conclut le tome en deux épisodes, eux aussi entrecoupés un interludes back-up, Enfant chéri. Alors qu’est-ce que ça vaut tout ça ?

Le plus dur est de commencer… Une élégie de sable est le récit le moins intéressant et le plus insupportable à lire, il rappelle les pires moments du run de Grant Morrison, à mi-chemin entre le rêve et la réalité, dans un style décousu, une narration complexe et un propos, in fine, qui n’avait pas besoin d’occuper autant de place (en gros : Batman va « se réveiller / se ressourcer / revenir plus fort »). Cette errance « sépia chromatique » est trop longue et on décroche facilement.

L’omniprésence de Barbatos et Hurt se veut à la fois un hommage à d’anciens moments cultes de Batman (comme Morrison l’avait fait avant lui – avec la même impression désagréable et non limpide) et à la fois une somme soi-disant logique de ce qui a été montré auparavant (on cherche encore le pourquoi du comment). Bref, Une élégie de sable, malgré son joli titre poétique renou malheureusement avec tous les travers désagréables de Batman Nocturne, à peine sauvée par ses quelques planches élégantes (de Riccardo Federici, Stefano Raffaele – qui n’opèreront plus ensuite, laissant place à une myriade d’autres dessinateurs, tous talentueux – cf. rubrique À propos plus bas). C’est un parti pris clivant qui semble plaire à certains et fortement agacer à d’autres (dont l’auteur de ces lignes, vous l’aurez compris depuis le temps). Ce n’est pas l’idéal pour débuter sa lecture, ça ne motive pas à vouloir poursuivre…

Heureusement, le complément Son nom était Dr Hurt est plus intéressant, bien qu’anecdotique eu égard de la grande fresque qu’est la série de Ram V mais sympathique tout de même. Et, heureusement (bis) la suite est d’un meilleur acabit. En effet, Crescendo et Final se lisent avec une excellente fluidité rythmique – peut-être pour la première fois dans toute la série – et rétablit une action efficace avec une double équipe (les alliés de Batman, dont Nightwing, Batgirl, Azrael… ET ses ennemis/antagonistes comme Double-Face, Catwoman, Talia al Ghul, Freeze… face aux ennemis communs – on en parle plus loin).

Le gros problème est la multitude de courtes histoires en back-up qui s’intercalent maladroitement dans les chapitres parentaux. Des courts récits qui ajoutent une certaine importance non négligeable pour « comprendre » ce qu’on va découvrir ensuite, mais il aurait fallu tout proposer en début ou milieu d’ouvrage pour avoir ensuite un enchaînement quasiment sans faute. La dernière ligne droite de Batman Nocturne voit un enchaînement de combats (loup-garou, démon, créature…) mais, surtout, une conclusion plutôt correcte et cohérente avec tout ce qui a été instauré depuis le premier tome. Et en cela, c’est déjà très très bien.

Comprendre : la fin de règne des Orgham et Azmer, se réclamant héritiers de Gotham après avoir montré l’homme chauve-souris déchu et (théoriquement) mort. Mais, on le sa(va)it, rien de tout ça ne fonctionnait jamais vraiment, faute à une écriture confuse, des personnages nouveaux peu empathiques ni charismatiques, des concepts abscons, des moments inintelligibles et peu passionnants… Se targuant de constituer un véritable « opéra » urbain et nocturne (forcément), l’évidence pointe son nez en fin de lecture : et si tout cela n’aurait pas été mieux directement en animation et… en musique ? Dans un médium statique et silencieux, Nocturne passe peut-être plus difficilement avec ce côté figé (si tant est que c’était le souhait de son auteur Ram V).

Au-delà des souvenirs pénibles de l’entièreté de la série, on retient positivement quelques éléments (concentrons nous sur les rares réussites). Principalement la partie graphique (couvertures comprises et la plupart des planches – ce qu’on a mis en avant régulièrement dans les chroniques associées) et quelques parcours singuliers voire intrigants de protagonistes. Renee Montoya muée en (The) Question par exemple (avec de belles promesses pour l’avenir). Bien entendu, Batman reste aussi « palpitant », malmené une énième fois (déconstruit ?) avant de revenir (littéralement) d’entre les morts, plus puissant que jamais (comme dans la série parallèle Dark City). Le tout débouchant sur une énième « remise à zéro » (en vérité : la suite de Detective Comics se poursuit et est chapeauté par Tom Taylor dans Ghosts of Gotham).

Conseille-t-on Batman Nocturne ? Honnêtement non (mais visiblement – et je permets une rare subjectivité – je suis le seul à le penser). Rien de vraiment original : des nouveaux ennemis – oubliables – pour un plan classique puis déjoué… Un bourbier manquant de limpidité et qui peinait cruellement à susciter de l’intérêt. En somme pour les curieux n’osant franchir le pas, espérez une réédition en format Nomad pour découvrir à bas prix.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 28 mars 2025.
Contient : Detective Comics #1081-1089
Nombre de pages : 312

Scénario : Ram V
Dessin & encrage : Riccardo Federici, Stefano Raffaele, Javier Fernandez, Guillem March, Christian Duce, Hayden Sherman, Christopher Mitten, Jorge Fornés, Robbi Rodriguez, Lisandro Estherren, Francesco Francavilla
Couleur : Lee Loughridge, Dave McCaig, Luis Guerrero, Triona Farrell, Patricio Delpeche, Francesco Francavilla

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Emmanuel Touset, Morgane Rossi et Bryan Wetstein)

Acheter sur amazon.frBatman Nocturne – Tome 5 : Finale (31 €)

Absolute Batman – Tome 01 : Le zoo

Nouveau Batman dans un nouvel univers ! C’est ainsi qu’on peut raccourcir ce qu’est Absolute Batman (cf. cet article récapitulatif). Pour l’occasion, Urban Comics propose une version classique du premier opus, une en noir et blanc limitée (au format agrandie) et une troisième avec une couverture inédite (reprenant le célèbre manga et film anime Akira), disponible dans les enseignes Pulps. L’occasion pour le scénariste Scott Snyder de se réapproprier à nouveau le célèbre super-héros après ses différentes séries très inégales (Batman, Batman Metal, All-Star Batman… – voir les index A à Z de ce site).

[Résumé de l’éditeur]
Bruce Wayne ne part de rien. Il n’est pas le descendant d’un riche empire de Gotham City, il est le fils d’un professeur d’école publique qui, enfant, a vécu l’horreur inimaginable d’une fusillade, changeant à jamais la trajectoire de sa vie. Sans ressources illimitées pour le financer, sans manoir ni majordome pour s’occuper de lui, Bruce est devenu un Batman d’un genre tout à fait différent, à la fois cérébral et ultra musclé, vivant dans les quartiers les plus difficiles et les plus défavorisés de Gotham, loin de la haute société. Et alors que le gang de Black Mask sème la terreur dans la ville, il n’hésitera pas à déchainer un torrent de violence contre ses adversaires pour que le message soit clair : il y a un nouveau Batman en ville.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Quel plaisir de lire cette réinvention du mythe du Chevalier Noir ! On y retrouve un terrain très familier et pourtant si différent. Une proposition scénaristique solide et graphiquement (presque) impeccable. Un véritable coup de cœur pour un « renouveau » à la fois moderne, original et alléchant (à voir sur la durée – la série en est à son 9ème épisode en juin 2025 en VO, l’opus chroniqué ici en comporte six). Alors, qu’est-ce qui différencie ce Batman de l’habituel ?

Au-delà de ce qui est dit dans le résumé d’Urban Comics (et à l’instar de la continuité dans les séries Infinite), le fait que Batman ne soit pas fortuné ne change pas des masses les missions et ressources du justicier. Peut-être un peu moins de gadgets technologiques (et encore), une Batcave absente, des véhicules improbables, pas d’alliés proches mais dans le fond, c’est assez similaire. Ce qui change est davantage à trouver dans la nature des différents personnages. Ici, d’habituels antagonistes sont des amis d’enfance de Bruce ! Edouard (Nygma/le Sphinx), Oswald (Copplebot/le Pingouin), Harvey (Dent/Double-Face), Selina (Kyle/Catwoman) et Waylon (Jones/Killer Croc) sont, à l’âge adulte, toujours des relations amicales et personne ne semble être « méchant » (à l’exception d’Oswald qui trempe dans quelques affaires louches mais, à ce stade en tout cas, pas de bascule véritablement criminelle pour lui – et les autres). Des têtes connues de vilain sont évoquées ou montrées mais pas encore développées, plutôt annoncées pour la suite (à court terme et, probablement, à long terme également).

Si Bruce Wayne n’a pas de majordome, Alfred Pennyworth est pourtant bien présent, dans un rôle singulier et, sans trop de surprise, se rapproche de Batman et sa croisade – même si les qualificatifs de « partenaire et/ou soutien » sont encore prématurés. Autre aspect notable : le père de Bruce est bien décédé – lors d’une fusillade au zoo, d’où le titre de ce premier opus – mais sa mère est bien vivante ! De quoi rabattre les cartes et ajouter une dimension « relation mère/fils » totalement inédite et pertinente. Martha Wayne est même une bras droit du maire… Gordon !  Une idylle entre les deux semble envisageable.

Du reste, le grand ennemi est donc Roman (Sionis) alias Black Mask qui distribue des masques technologiques aux citoyens afin qu’ils tuent des cibles de prime abord au hasard mais l’on comprendra pourquoi en fin de récit (justifiant ainsi quelque chose qui pouvait paraître étrange dans la fiction – comment une armée grandit-elle aussi vite tout en étant constituée de milices à priori non professionnelles ?). On y retrouve un peu de la matrice de la série de films American Nightmare (La Purge) dans ces enchaînements de meurtres et de cette violence inédite. C’est là où Batman Absolute excelle tout en sachant poser ses limites : son Chevalier Noir est d’une grande violence avec un arsenal agressif MAIS il ne tue en aucun cas. Étonnant quand on connaît le passif de l’auteur Scott Snyder, fantasmant des Batman armés voire tueurs dans ses titres plus ou moins en marge de la chronologie officielle (Le Batman Qui Rit par exemple).

Côté histoire, sans en dévoiler davantage, les jalons sont posés et robustes, l’ensemble est alléchant ; peut-être moins du côté de Black Mask et les malfrats car cela aurait pu avoir lieu dans une histoire classique de Batman mais principalement grâce aux nouvelles tournures adaptées pour des protatonistes emblématiques (gentils, méchants ou entre les deux). Bruce/Batman est autant torturé qu’à l’accoutumée, son alias civil ne gambade pas en souriant de soirées caritatives en réunions des Wayne Enterprises mais lancine à droite à gauche, cache plus ou moins son spleen et reste mystérieux (on y retrouve un peu de l’approche de Matt Reeves dans son film The Batman). Dans son écriture, Snyder jongle entre le passé (Batman enfant, la journée au zoo qui a conduit au drame, les souvenirs avec ses parents…) et le présent (la traque de Sionis, ses milices…) avec une certaine fluidité même s’il est parfois trop bavard, multipliant les bouts de texte sans réelle plus-value mais c’est anecdotique au regard de l’ensemble de la bande dessinée.

Côté dessin, la majorité est signée Nick Dragotta, davantage connu pour ses travaux chez Marvel et, surtout, East of West chez Image (Urban Comics chez nous) – qui a aussi travaillé sur l’écriture avec Snyder sur le quatrième épisode, qu’il n’a pas dessiné, remplacé par Gabriel Hernandez Walta (on y reviendra). Si les visages non masqués ont une touche souvent trop lisse (et même parfois proche d’un style trop aéré, voire manga – donc sans doute clivante), Dragotta impressionne quand il déploie son massif Batman (ou son improbable Batmobile) et des séquences d’action spectaculaires qui occupent une voire deux planches intégralement. En revanche, le style de Walta, radicalement opposé, beaucoup plus « brut » et à l’encrage davantage prononcé, tranche beaucoup trop, cassant l’homogénéité graphique de l’ensemble, l’un des points faibles de la fiction de facto (cf. image tout en bas de cette critique)… L’ensemble est habilement colorisé par Frank Martin, qui confère cette tonalité urbaine et austère, nécessaire à la fiction – efficace donc.

Absolute Batman est donc une (modeste) réinvention du mythe du Dark Knight, très convaincante pour cette entrée en matière, complètement accessible (son point fort) et qui pourrait bien rejoindre un titre culte elseworlds comme Terre-Un (mais attention à préserver la qualité sur la durée). Le second tome sortira probablement entre octobre et décembre 2025, de même que ceux des autres séries de lancement de cette collection : Absolute Wonder Woman et Absolute Superman, qui seront rejoint fin 2025 par Absolute Flash, Absolute Martian Manhunter puis début 2026 par Absolute Green Lantern.

Fort de la possibilité de séduire un nouveau lectorat, Urban Comics a mis en vente plusieurs éditions (voir haut de la critique) mais aussi, pour l’occasion, choisi des dos des bandes dessinées de différentes couleurs (grise pour Batman). De quoi dénoter dans la bibliothèque et, surtout, dans les librairies (les retours critiques et commerciaux aux US sont exceptionnels pour toute la gamme Absolute) pour attirer le sacro-saint potentiel non connaisseur – à raison. De plus, l’ouvrage propose une galerie de croquis préparatoires dans les bonus ainsi les indispensables couvertures alternatives. Un véritable coup de cœur et une espérance grandissante pour cette nouvelle collection !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 30 mai 2025.
Contient : Absolute Batman #1-6
Nombre de pages : 184

Scénario : Scott Snyder, Nick Dragotta
Dessin & encrage : Nick Dragotta, Gabriel Hernandez Walta
Couleur : Frank Martin

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard et Bryan Welstein)

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Absolute Batman – Tome 01 : Le zoo (20 €) [édition classique]
Absolute Batman – Tome 01 : Le zoo (29 €) [édition noir et blanc limitée]
Absolute Batman – Tome 01 : Le zoo (22 €) [édition Pulps]