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Heure Zéro – Crise temporelle (Zero Hour : Crisis in Time)

Publié en France chez Semic en juillet 2004 (jamais réédité depuis), Heure Zéro – Crise temporelle, alias Zero Hour : Crisis in Time est initialement en vente en 1994 et se veut marquant, renouant avec le grand crossover Crisis on Infinite Earths (1985-86) – et cherchant maladroitement à s’inscrire dans les crises DC Comics (cf. guide). Écrit et dessiné par Dan Jurgens, cette crise temporelle est incompréhensible et peu passionnante. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Hank Hall
était un terrien normal jusqu’au jour où il devint Hawk, le faucon, un héros courageux et aimé de tous qui combattait le crime au sein du duo Hawk & Dove. Fragilisé et déséquilibré depuis la mort du premier Dove lors de la « Crise [en] terres multiples », Hank Hall a basculé du mauvais côté lorsqu’il a découvert que son double venu du futur, Monarch, était l’assassin de la seconde Dove. Fou de rage, il n’abattit Monarch… que pour prendre sa place et devenir un despote temporel dont les exactions menaçaient le continuum espace-temps. Arrêté par les Linear Men et enfermé au « Point de fuite », Monarch parvient à s’évader et à damer le pion de Rip Hunter et Waverider. Nourri des énergies de ce dernier, Monarch devient Extant, et se met en tête de reconstruire le temps, de réécrire l’histoire…

Quand le Time Trapper est abattu et que Darkseid, seigneur d’Apokolips, découvre que la trame de l’espace et du temps eux-mêmes est manipulée, les héros savent qu’il est temps de se liguer pour protéger l’univers. Mais rapidement, une question se pose… Qui est derrière Extant ? Qui manipule le manipulateur ? Qui veut réécrire l’histoire ?

[Critique]
Quelqu’un a compris le résumé de l’éditeur ? Il s’agit pourtant du seul extrait à peu près clair de cet immense foutraque que représente cette Heure Zéro – Crise temporelle… La première partie du résumé est d’ailleurs celle’une autre histoire, Armageddon 2001 (on y reviendra), afin d’avoir un peu de contexte dans cette nouvelle crise. Son concept était pourtant alléchant aussi bien sur la forme que le fond. Cinq épisodes publiés « à l’envers », comprendre du numéro #4 pour se conclure dans le #0 (la fameuse Zero Hour) et une intrigue dotée d’un compte à rebours. Ainsi, l’aventure commence « 32 heures plus tôt » puis « 27 heures plus tôt » et ainsi de suite. Confinant ainsi un resserrage temporelle et un horizon (que se passera-t-il arrivé à zéro ?).

Hélas, tout ce qui est proposé est incompréhensible et veut singer Crisis on Infinite Earths à bien des égards. Entre le charabia complexe (il est question « d’entropie » – dégradation de la matière – rappelant donc les vagues « d’anti-matières »), les multiples personnages (dont la moitié pas très connue) et parfois la même version de certains, les agissement de chacun et le manque flagrant de fluidité dans l’écriture et les dialogues, il est impossible de saisir pleinement les enjeux, de s’attacher aux protagonistes et d’être emmené par la narration (bavarde, lourdingue au possible). Comme dit, Heure Zéro évolue dans l’ombre de Crisis on Infinite Earths, elle-même compliquée et verbeuse, mais ici c’est un autre niveau : absolument rien ne permet de passer un agréable moment. Seul l’ultime chapitre apporte un peu de cohérence et relance plus ou moins bien le tout mais ça s’arrête là.

La plume de Dan Jurgens est donc catastrophique (bien aidé pourtant dans cette édition Semic par une introduction de Gérard Morvan, vulgarisant la continuité DC Comics). On aurait pu penser qu’après une décennie d’évolution de la bande dessinée super-héroïque états-unienne, l’artiste se serait adapté plus efficacement à un travail de lisibilité mais non… Heureusement que ses dessins sauvent un peu l’ensemble, proposant de jolis tableaux remplis de personnages emblématiques, richement colorés. Jerry Ordway est à l’encrage, ajoutant à nouveau cette sensation de « copie mal décalquée » de Crisis on Infinite Earths (que l’artiste avait déjà partiellement encrée).

À noter que Jurgens avait déjà dessiné un event quelques années plus tôt, en 1991 : Armageddon 2001 (cf. le résumé en quatrième de couverture). Ce dernier était écrit par Dennis O’Neil et Archie Goodwin et explorait déjà les crossovers et voyages dans le temps à la recherche de l’identité de Monarch, avec aussi Waverider à l’époque. Monarch étant donc Hank (au lieu de Captain Atom comme initialement prévu mais une fuite avait dévoilé cette identité mystérieuse). On peut imaginer que Zero Hour en est une sorte de suite spirituelle ou réinterprétation du titre avec, cette fois… Hal Jordan en Parallax. S’inscrivant après La mort de Superman et Green Lantern – Emerald Twilight (disponible chez Urban Comics dans leur collection DC Confidential), Zero Hour se « poursuit » (ou plutôt le parcours d’Hal) dans Final Night (trouvable en occasion, chez Semic à nouveau, dans JLA – Extinction) ; le tout formant donc une sorte d’arc autour d’Hal (même s’il est peu présent dans Zero Hour). Notons qu’on retrouve les « gardiens du temps » (Waveryder, Rip Hunter et Matthew Ryder), que Flash meurt à nouveau (dans les mêmes conditions que Crisis on Infinite Earths – quelle originalité !), mais qu’il s’agit cette fois de Wally West. De la même manière, Spectre apparaît dans une séquence assez semblable à celle de l’autre crisis. Metron joue, lui, plutôt le rôle de Monitor.

L’objectif de Time in crisis (renommé par la suite (A) Time in crisis afin de coller aux nomenclatures des crises DC) était une fois de plus de relancer de nombreuses séries (avec un impact aussi bien dans leur continuité et… une remise à zéro – beaucoup de titres ont bénéficié d’un #0, celui sur Green Lantern, Secondes Chances, est dans le tome cité plus haut) mais aussi d’unifier modestement l’univers, toujours bien encombré de plusieurs versions de justiciers (Hawkman en est le parfait exemple – cf. image ci-dessus) ou de leur passé plus ou moins chamboulé depuis Crisis in Infinite Earths.

De quoi modifier quelques éléments des fictions : Catwoman n’est plus une prostituée (à l’inverse de ce qui était montré dans Année Un – même si, paradoxalement, ce titre devient canonique dans la chronologie de Batman), le Chevalier Noir n’a jamais capturé le tueur de ses parents, Dick Grayson est adopté par Bruce Wayne, etc. Malgré tout, ce « nouveau départ » (des autres séries DC) ne rencontra pas le succès escompté et mis de côté une petite décennie l’idée d’un (autre) redémarrage complet – jusqu’à Infinite Crisis bien entendu.

À posteriori, l’intérêt se situe finalement pour les fans de Green Lantern qui auraient besoin d’une petite compréhension sur les desseins d’Hal Jordan, éventuellement ceux de la JSA (et notamment Starman), de Green Arrow (uniquement pour les dernières planches) ou pour les complétistes hardcore qui ont aimé Crisis on Infinite Earths (Heure Zéro doit se lire « juste après » idéalement pour conserver une certaine « cohérence » on va dire, avec l’enchaînement Armageddon 2001 entre les deux si possible…).

In fine, le meilleur résumé se trouve sur DC Fandom : « Hal Hordan, devenu Parallax, tente de restructurer l’univers et de corriger ses erreurs passées. Il est parasité par Extant qui veut profiter de cette situation pour recréer un monde à son image. Tout l’univers redémarre à zéro et le passé de Batman et de ses alliés est aussi remodelé ». Même si ça dévoile l’ensemble, c’est ce qu’il faut retenir.

On comprend mieux pourquoi Urban Comics n’a pas republié ce titre, tant il est rebutant… La faute à une traduction limitée ? Pas forcément, c’est un « tout » qui cause ce rejet (visiblement unanime), néanmoins il semblerait qu’accompagner de quelques chapitres tie-ins, ce soit plus limpide. Une fois de plus : c’est dommage car le pitch de départ était prometteur, l’idée générale pas mauvaise (repartir à zéro en refaçonnant un nouvel univers) et la conclusion un peu épique et surprenante ; pas trop mal.

Hélas, tout ce qui constitue ensuite cette crise temporelle est indigeste à un degré rarement atteint. Même les amoureux des personnages de DC Comics ne devraient pas profiter pleinement du titre tant tout s’enchaîne de façon étrange et peu claire… Si Urban décide à publier l’histoire, il faudrait une sorte d’intégrale Armageddon 2001, Crisis in Time et quelques épisodes annexes apparemment indispensables pour mieux comprendre l’ensemble.

Comme évoqué, aux États-Unis, l’évènement a impacté plusieurs séries dont certaines sur Batman (Detective Comics, Batman, Shadow of the Bat…) et Superman (Man of Steel, Action Comics, Adventures of Superman…), compilées quelques années plus tard dans Batman Zero Hour et Superman Zero Hour. À noter que les épisodes du Chevalier Noir de cette période devraient apparaître dans la collection Batman Chronicles quand elle aura atteint l’année 1994. Côté Superman, on retient un chapitre où l’homme d’acier rencontrait de multiples version de l’homme chauve-souris, incluant celle de la série télé des années 1960, du Detective Comics #27 de Finger et Kane de 1939 ou du Dark Knight Returns de Miller ! Le titre (Zero Hour) a également été repris à l’occasion de Convergence, en 2015. En France, Convergence est dans le dernier volume de la série Earth 2 – cf. index – mais ne contient pas les quelques séries disponible en VO dans Convergence : Zero Hour (Green Arrow, Catwoman, Justice League International…).

En synthèse (vous l’aurez compris), on déconseille fortement Heure Zéro – Crise temporelle, en attendant une éventuelle réédition mieux fournie et plus lisible…

[À propos]
Publié chez Semic le 5 juillet 2004.
Contient : Zero Hour : Crisis in time (#4-3-2-1-0)

Scénario et dessins : Dan Jurgens
Encrage : Jerry Ordway
Couleur : Grégory Wright

Traduction : Dan Fernandes • Edmond Tourriol / MAKMA
Lettrage : Studio Pascale Buffaut

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No Man’s Land – Tome 03

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

batman-no-mans-land-tome-3

En dessous de tout
scénario : Chuck Dixon | dessin : Staz Johnson
Robin #67

Dans les égouts de Gotham City, un étrange duo — Tommy Mangles et Mécaborg (un homme musclé et une tête humaine sur un corps androïde sans bras ni jambes attaché dans son dos !) — sème la terreur contre les plus démunis s’aventurant dans cette cachette improbable. Robin et Nightwing s’y engouffrent en amont, dans les endroits les plus éloignées de la surface, afin de rejoindre Gotham City. Les deux justiciers ont été rappelés par Batman. Mais une personne proche des rats semble aussi surveiller ces lieux si particuliers…

Robin Nightwing No Mans Land

► Une entrée en matière portée sur l’action, on se dit que les « hostilités » vont véritablement commencer dans ce tome. Les précédents présentant davantage la situation sous de multiples points de vue avec quelques affrontements divers. Il est donc temps d’accélérer un petit peu l’ensemble. Malheureusement ici, trois problématiques se succèdent : l’impression d’une jonction manquante (on avait quitté Robin peu avant interdit de séjour à Gotham — la simple explication de « Batman nous a rappelé » est un peu faiblarde), deux voire trois ennemis assez ridicules (grosse peur de retomber dans l’effet Knightfall qui voyait se succéder divers antagonistes risibles ou peu connus), des graphismes réussis dans l’ensemble mais avec une coloration trop vive et des cases parfois ratées (cf. illustration ci-dessous). Nightwing est méconnaissable tant son humour est « méchant » envers Robin, il ne génère aucune empathie. Par contre, l’histoire avance, un peu plus vite, et la fin confirme qu’il y a une suite « directe » (moins de petits chapitres éparses que les volumes précédents).

L’Assemblée
scénario : Greg Rucka | dessin : Mike Deodato Jr.
Batman : Legends of the Dark Knight #120

Une bonne partie des alliés de Batman se rassemble chez Oracle à sa demande : Nightwing, Robin et Azrael rejoignent donc les deux justiciers. La fille de Caïn, quasiment muette (découverte à la fin du volume précédent) est également présente. Après de brèves retrouvailles, le Chevalier Noir et Nightwing rendent visitent à Batgirl et découvrent son identité (Batman la connaissait déjà). Entre-temps Gordon et le Chevalier Noir ont échangé quelques mots (et même un poing !) sans déboucher sur une possible alliance.

Batman Batgirl Identity No Mans Land

► Une « assemblée » de courte durée mais qui fait chaud au cœur ! Même si les protagonistes n’ont pas le temps de beaucoup échanger, cela fait « du bien » de les voir réunis. La partie la plus importante du chapitre est bien sûr l’identité de Batgirl (c’est très bien vu et plutôt surprenant !) et son échange avec Batman, insensible comme jamais. Il faudra faire à sa manière sinon on ne collabore pas avec lui, point.

« Je pensais pouvoir… Je pensais avoir besoin de travailler seul.
Un ‘retour aux sources’. J’avais tort. Personne ne peut y arriver seul.
Le No Man’s Land est trop grand. Trop sombre.
La seule façon de ramener la lumière à Gotham, c’est de travailler ensemble.
»
Batman à ses alliés.

Batman Alliance No Mans Land

Les dessins jouent à fond la carte d’agréables enveloppements et autres flottements provoquées par les capes des super-héros, une façon de faire très esthétique et jolie. Un récapitulatif sur la fille de Caïn est le bienvenue : elle n’a pas de nom, son père est un assassin et l’a élevée pour en faire une tueuse parfaite. Elle s’est rebellée et s’est enfuie, a trouvé Oracle et apprend depuis cinq mois. De quoi s’y retrouver avec la temporalité et lever quelques zones d’ombre sur le chapitre qui fermait le volume précédent. Enfin, cette histoire se termine sur un changement historique et important dans la mythologie du Dark Knight : la fille de Caïn devient officiellement la nouvelle Batgirl !

Scratch-Test
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #56-57

Azrael est avec Leslie Thompkins quand Batgirl ramène une victime qui a pris une balle d’un pistolet. En remontant la piste de l’agresseur, quelques indices mènent à Nicholas Scratch, l’homme responsable de la loi déclarant Gotham no man’s land. Batman missionne le justicier, accompagné de sa nouvelle allié, de lui apporter Scratch.

Azrael Scratch No Mans Land

► Un affrontement clairement attendu : Azrael VS Scratch. On voit enfin Scratch en action, décrit comme un charismatique leader, il apparaît ici comme un (autre) ennemi plutôt ridicule, sorte de punk-leader (rappelant « vaguement » ce que faisait Bane dans The Dark Knight Rises). Si Scratch n’avait été qu’un énième ennemi à la tête d’un clan sur un territoire, alors l’ensemble passerait plutôt bien, mais d’avoir fait de cet antagoniste un personnage si « puissant » (dans ses descriptions en amont et dans sa responsabilité du no man’s land — responsabilité qui n’a jamais été montré en image mais uniquement par résumé éditoriale dans le premier tome) pour finalement qu’il soit traité de façon si simpliste est assez décevant (on est en droit d’avoir certaines attentes et exigences dans ce cas présent).

On retient tout de même quelques qualités : un duo intrigant et atypique (Batgirl & Azrael) et un développement intéressant de la « schizophrénie » d’Azrael, avec une présence plus forte de son alter ego Jean-Paul Valley (accompagné de la voix de la sagesse via Leslie Thompkins). Un bon point (involontaire ?) : l’arc narratif sur Scratch semble être terminé à la fin de cette petit histoire qui, bien que très bien dessinée, souffre de nombreuses cases manquant cruellement de décors ou bénéficiant d’un pauvre fond coloré. Toutefois, cet ensemble, même s’il n’est guère réussi et convaincant, permet de faire avancer les choses efficacement.

Un petit garçon perdu
scénario : Scott Beatty | dessin : Pascal Alixe
The Batman Chronicles #17

Aaron Langstrom est le fils du couple de scientifiques Francine et Kirk Kangstrom, alias « Man-Bat », qui se transforme littéralement en chauve-souris géante. Aaron a, par conséquent, lui aussi l’apparence d’une chauve-souris tout en étant un enfant. Il a été capturé et sa mère demande de l’aide au Pingouin — elle n’a pas vu son mari depuis le séisme et propose ses services de docteur en échange. Le Chevalier Noir s’en mêle…

Man Bat No Mans Land

► Antagoniste aussi emblématique que discret, Man-Bat n’apparaît ici que par l’intermédiaire de sa femme, au centre du récit, et de ses deux enfants. Une originalité supplémentaire que de les mettre en avant dans cette nouvelle histoire toujours un peu en marge de l’ensemble. Cette concentration sur des rôles secondaires au détriment de faire avancer les enjeux cruciaux et principaux est extrêmement intéressante mais un poil « agaçante » car elle donne l’impression de stagner. Néanmoins, sous le prisme de comparaison avec Knightfall, c’est nettement plus réussi et passionnant ici.

Ne zappez pas
scénario : Dafydd Wyn | dessin : Eduardo Barreto
The Batman Chronicles #17

Jenkin Yates a réussi à conserver presque intact son studio de transmission d’information et sa caméra. Il présente et filme l’intérieur de Gotham pour montrer au public externe ce qu’il se déroule au sein du no man’s land.

No Mans Land Yates

► Anecdotique de prime abord, cet aparté « journalistique » prend un sens intéressant lors de sa fin et l’incursion du Chevalier Noir qui voit dans cette transmission vidéo une possible puissante arme. À nouveau si cela procure une sensation un peu « éphémère » (de lire plusieurs petits bouts d’histoires), on comprend la connexion entre chacune d’entre elles et, surtout, on espère, les voir se lier et converger vers un aboutissement plus concret et utile.

Crise d’Identité
scénario : Chris Renaud | dessin : Graham Nolan
The Batman Chronicles #17

Batman se fait arracher son masque par Killer Croc lors d’un affrontement entre les deux. Dans l’ombre, le Dr Kryder reconnaît le visage de Bruce Wayne. Ce médecin travaillait à l’Asile d’Arkham, notamment sur le cas Harvey Dent et son obsessionnelle dualité interne. Qu’il retrouve aussi chez Wayne/Batman, forcément… Mais l’heure n’est plus aux études mais à la survie : l’identité secrète du justicier de Gotham est peut-être la clé de sortie pour Kryder. Il décide donc de retourner voir son ancien patient : Double-Face.

Two Faces No Mans Land

► À nouveau une petite excursion intéressante d’un point de vue d’un « civil » lambda mais pas si commun que cela. Prétexte encore une fois à montrer un des ennemis de Batman avec un petit angle novateur mais très expéditif. Une curiosité qui aurait mérité d’être développé sur plusieurs chapitres (après tout, le secret de l’identité de Batman est un fil rouge narratif qui peut générer beaucoup de tensions et retournements de situations !).

La Grande Évasion
scénario : Chuck Dixon | dessin : Scott McDaniel
Nightwing #35 à #37

Lyle Bolton, alias Double-Tour se réjouit de punir et enfermer « les méchants » dans la prison de Blackgate, véritable forteresse dont on ne s’évade pas et devenue, depuis le séisme et le décret no man’s land, un véritable « enfer sur terre ». Aidé de KGBeast, Double-Tour mène la vie dure aux détenus, qu’il considère comme des déchets. Batman charge Nightwing d’infiltrer la prison, d’en reprendre le contrôle et de mettre un terme aux agissements violents et néfastes du binôme carcéral impitoyable qui emploie également les frères la gâchette.

Nightwing No Mans Land

► Trois chapitres composent cette histoire centrée sur Nightwing : Le ventre de la bêteGagner du temps et La grande évasion. Une fois de plus (à l’instar d’Azraël un peu plus haut), si l’on se réjouit de suivre un point de vue très particulier, on reste dubitatif face à cette profusion d’antagonistes plus ou mois nouveaux, plus ou moins ridicules, plus ou moins crédibles. Le tout dessiné de façon trop « cartoony » pour réellement saisir la menace et le danger ambiant (alors que, clairement, les deux/trois dernières planches nous montrent un Nightwing complètement usé, épuisé et blessé – un côté peu vu auparavant).

Mais il y a tout de même de belles choses dans ce récit. Tout d’abord on comprend vite que venir à Gotham n’est pas si simple et facile que ce que l’on peut penser pour Nightwing. En établissant des petites références à Blüdhaven, on comprend aisément qu’en venant à Gotham, Nightwing délaisse sa ville prise d’assaut par un million de Gothamiens venus camper devant. Les chapitres s’attardent d’ailleurs sur un certain Nite-Wing, un jeune homme qui s’est livré à la police locale en clamant être le justicier masqué éponyme. Un commissaire le prend sous son aile et accepte qu’il travaille indirectement pour lui. Le nom de Roland Desmond est évoqué dans la liste des personnes à surveiller et a l’air d’être un futur ennemi « important ». Cela aura peut-être lieu dans le tome 6 (le dernier de la saga) puisque la dernière case de cette histoire mentionne « à suivre dans le tome 6 ». C’est à dire dans trois tomes, ce qui est assez « loin » !

On retrouve rapidement quelques têtes connus, comme Black Mask, le Dr Crane (l’Épouvantail), Jervis Tetch (Le Chapelier Fou), Firefly et le Ventriloque. D’autres antagonistes sont un peu nazes, comme évoqué plus haut, aussi bien parmi les prisonniers, donc les ennemis habituels du Chevalier Noir, que parmi les gardiens de prison entourant déjà les très spéciaux « Double-Tour » et « KGBeast ». Ainsi on découvre Le Dynamiteur et deux cow-boys, Tom  et Tad, alias « les frangins la gâchette » (qui ne sont pas sans rappeler ceux déjà intervenus dans Knightfall – à vérifier si ce sont bien les mêmes).

Du reste, Nightwing est plus sympathique qu’en début du tome et ce périple se laisse lire tout de même, ne serait-ce que pour statuer où se situent certaines figures emblématiques (la galerie de vilains) et, encore et toujours, la « façon de faire » à Gotham dans cette nouvelle aire sauvage et, presque, abandonnée.

Les Fruits de la Terre
scénario : Greg Rucka | dessin : Dan Jurgens
Batman : Shadow of the Bat #88 | Batman #568 | Detective Comics #735

Au début du no man’s land, Gueule d’Argile rend visite à Poison Ivy dans un parc de Gotham où la nature a repris ses droits. L’empoisonneuse a même pris sous son aile plusieurs enfants abandonnés. Le monstre de boue propose un marché à Ivy pour devenir riche en vendant fruits naturels.
Six mois plus tard, côté GCPD les tensions s’accumulent et les hommes de Gordon se scindent en deux clans : ceux qui le suivent et ceux qui vont faire régner la loi à leur façon (radicale et extrême, quitte à tuer pour survivre). Batman rend visite au Pingouin pour un interrogatoire.

Poision Ivy Gueule d'Argile No Mans Land)

► Une autre aventure en trois chapitres, très plaisante, qui s’attarde sur Poison Ivy, qui était plutôt mentionnée jusqu’ici, et sur Gueule d’Argile. D’un point de vue mythologie, il est fait mention que Bruce a fait construire de nombreuses bat-caves sous la ville lorsque Dick le remplaçait en tant que Batman (mention au très bon tome Le Fils Prodigue). Les Fruits de la Terre est sans aucun doute l’histoire la plus joliment dessinée de toute l’œuvre. Le duo Ivy/Argile fonctionne bien (et n’est pas si complice que ce qu’on pourra croire) et sera plus ou moins repris dans divers comics plus ou moins réussis par la suite, le très récent Dark Knight – The Last Crusade par exemple ou le plus anecdotique et peu convaincant Un Homme à Terre.

Côté scénario la trame narrative globale avance bien, Batman avait un accord avec Le Pingouin, il en a désormais un avec Poison Ivy. Huntress fait son retour et s’allie avec un personnage plutôt inattendu (et c’est, paradoxalement, une entreprise évidente). Un antagoniste à priori méconnu est en Colombie et est sollicité pour venir à Gotham. Gordon avait bel et bien un pacte avec Double-Face et en scelle un nouveau (au détriment de Renée Montoya). Enfin, Batman avait des données collectées sur Gotham et ses habitants et va devoir les récolter de nouveau en faisant appel à Catwoman (un autre récit en trois chapitres lui est consacrée et se déroule juste après ceux-ci).

Bref, on avance plutôt bien, par le prisme d’un lieu et quelques personnages secondaires, comme auparavant, mais cette fois à échelle beaucoup plus vaste grâce à quelques échanges et deux ou trois cases supplémentaires. Simple mais efficace. À presque mi-chemin de la saga, il était temps que cela évolue dans ce sens, pile à temps. Attention à ne pas retomber sur un schéma narratif répétitif (même si plaisant) juste après.

La Mission
scénario : John Ostrander | dessin : Jim Balent
Catwoman #72 à #74

À Manhattan, Catwoman est conviée à voler un bijou. Il s’agit d’un piège tendu par Batman qui l’attire dans la foulée à Gotham et lui demande de dérober d’importantes données informatiques pouvant aider à la reconstruction de la ville. Ces données sont… à New-York, fortement gardées par une équipe spéciale à la solde de Bruce Wayne.

Catwoman Batman No Mans Land

► À nouveau trois chapitres (La Mission, Miss Direction et Un Petit Détour) centrés sur la féline voleuse. La première moitié est clairement excellente, toute la caractérisation de Catwoman (sa relation avec Batman, son rapport à la ville, ses vols et le goût du jeu) sont parfaitement exposés et bien développés. La suite se gâte un petit peu. Catwoman et ses sbires affrontent les gardiens payés par Bruce (les « Durs des durs » — sic) dotée de pouvoirs surnaturels : télépathie, pyrokinésie, etc. Cela donne à l’histoire un petit côté « Mission : Impossible » voire Suicide Squad mais tout s’enchaîne trop vite et chaque membre n’a pas le temps d’être pleinement dévoilé. Ensuite, c’est l’ennemi Maxie Zeus, qui pense être la réincarnation de la divinité, qui fait son entrée. Là encore c’est assez expéditif, ce qui est dommage car ce Zeus est peu connu, souvent « ridicule », c’était l’occasion rêvée de lui apporter plus de consistance. Malgré tout, quelques choix de Catwoman font la part belle aux personnages et cette mini-histoire est clairement « à suivre ».

On retient aussi, entre autres, une réflexion intéressante pensée par Selina  : « Des hélicoptères équipés de projecteurs, des bateaux de patrouille, des soldats le long du périmètre… avec ce qu’ils payent pour tenir tout le monde à l’écart de la ville, ils auraient aussi vite fait de la reconstruire ». Ce genre de propos correspond souvent à ce qu’un lecteur peut se dire quand il cherche une certaine cohérence dans un récit. Dans le cas présent et depuis le début de l’histoire (même les anciens tomes), la bande dessinée en regorge. Parfois cela ne suffit pas comme « explication » mais de voir que les protagonistes s’interrogent sur ce genre d’aspect est clairement un élément bienvenu. On apprend aussi que Wayne est à priori en Europe et injoignable là-bas après s’être fait ridiculiser aux États-Unis (sans doute en tentant, en vain, de sauver Gotham par les voies légales classiques).

Il est fait plusieurs fois mentions du meurtre de Selina Kyle par Catwoman quand celle-ci se présentait aux élections locales (elle aurait jetée un cadavre de quelques jours du haut d’un immeuble en faisant croire que le cadavre était celui de Selina) ! Une note éditoriale aurait été la bienvenue sur ce sujet, à priori tiré d’une histoire inédite en France. De même, les nombreuses allusions à la période Knightfall pourraient être mentionnés d’un simple « Voir tel livre de notre collection » comme le fait pourtant habituellement l’éditeur. En somme, ces chapitres sont un régal pour les fans de Catwoman mais le faible développement des nombreux personnages secondaires ou antagonistes empêchent d’être une réussite totale. Sortir un peu de Gotham est aussi agréable et permet d’avoir une certaine « aération » nécessaire. À l’instar de l’histoire précédente, celle-ci fait aussi avancer « à grand pas » la trame générale, ce qui n’est pas déplaisant.

Conclusion : Encore une fois, ce nouveau volet de No Man’s Land est une réussite qui se concentre toujours sur des petites histoires différentes liées à l’avancement de chaque personnages ou groupe de protagonistes. Si l’effet, arrivé à la moitié de la saga, commence à atteindre une certaine saturation, la dernière ligne droite du tome (trois fois trois chapitres, soit plus de la moitié de l’œuvre), dévoile une certaine accélération, aussi bien pour chaque héros que pour la trame narrative générale.

Comme toujours, les graphismes souffrent légèrement d’une non-homogénéité mais ce n’est pas problématique. La situation inédite à Gotham continue d’être passionnante et les questions morales, un peu en retrait ici, aboutissent à de sincères réflexions. On regrette par contre, la vaste galerie de seconds couteaux peu charismatiques voire franchement ridicules, avec une première place pour Scratch, qui était pourtant prometteur et qui jouit d’un « pouvoir » pourtant féroce (c’est en partie à cause de lui que le décret no man’s land a été adopté — sans que l’on sache bien pourquoi et comment puisque cette jonction, se déroulent entre Cataclysme et le premier tome de No Man’s Land, est manquante dans la saga). De nombreux chapitres promettent une suite directe dans les prochains volets (notamment sur Nightwing et Catwoman), en route donc pour le tome 4 !

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