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No Man’s Land – Tome 06

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

batman-no-mans-land-tome-6

Ground Zero
scénario : Jordan B. Gorfinkel / Greg Rucka | dessin : Greg Land
Batman : No Man’s Land #0

La vie à Gotham et, surtout, celle de Bruce avant le décret définitif du no man’s land. Le milliardaire est alors en excursion européenne (à Monaco) pour « jouer » le playboy mais il déteste ça. Huntress, quant à elle, profite de l’absence du Chevalier Noir pour arborer un nouveau costume, celui de Batgirl (sans l’accord donc de Batman). Elle adore la puissance que lui procure son alias héroïque et la peur qu’elle peut instaurer avec. Mais Wayne est bien décidé à revenir dans SA ville et utiliser ses planques, des mini « batcaves » qu’il a conçu dans tout Gotham suite à sa défaite face à Bane quelques temps avant (cf. Knightfall). L’occasion pour lui d’observer également les premiers pas de Huntress en tant que Batgirl pour juger si elle est apte à le porter.

Bruce Wayne No Mans Land

► Retour aux débuts de la saga avec ce chapitre introductif assez long et plutôt plaisant. Il vient répondre à plusieurs interrogations : l’état de Wayne quand il n’était pas à Gotham (une visite de Talia As Ghul et une agression physique semblent avoir déclenché la motivation du milliardaire pour revenir) et l’évolution de Huntress en Batgirl avec Batman qui le sait dès le début (ce qu’on pouvait suivre durant les premiers tomes et qui était un mystère de prime abord puisqu’on ne savait pas qui était cette nouvelle Batgirl). L’occasion de voir l’ennemie Ferak, copie conforme de Poison Ivy en version plus « mutante » (et forte à priori). Logique : c’est une plante créée par Ivy nous apprend Wayne.

Batgirl No Mans Land

Certains détails sont également pertinents, outre le traumatisme de la défaite face à Bane, régulièrement rappelée, le choix d’une autre ceinture, comportant plus de pochettes, est le genre d’anecdote continuant à contribuer à un certain « réalisme » dont nous fait part la saga depuis le début. Une bonne chose donc. En bref, ce Ground Zero se veut comme une bonne introduction, rappelant le chemin parcouru depuis le début et dynamitant d’entrée de jeu ce sixième et ultime tome.

Idylle de Plomb
scénario : Chuck Dixon | dessin : Scott McDaniel
Nightwing #38-39

Dick Grayson est toujours en convalescence chez Barbara Gordon. Les deux anciens amants ont une nouvelle relation particulière… En même temps, des soldats semblant appartenir au GCPD attaquent le repaire d’Oracle.

Barbara Dick Oracle Nightwing

► Ces deux chapitres centrés sur Nightwing permettent de voir son évolution aussi bien d’un point de vue sentimental (avec Barbara et… Huntress !) que physique (la tour de l’horloge est hors-service). Sans temps mort et avec des dialogues plutôt convaincants, Idylle de Plomb pêche par ses graphismes trop cartoony et aux traits bien trop gras (avis aux amateurs d’Ed McGuiness, le style de McDaniel s’en rapproche). Côte super-héroïne costumée, on a bien du mal à comprendre les motivations de Huntress puis son soudain revirement de situation. Le « flic » Petit reste quant à lui fidèle au personnage déjà croqué en amont dans de précédents tomes. Un petit scénario intéressant donc, mais une faiblesse au niveau des dessins.

Une curieuse alliance / Dettes
scénario : John Ostrander | dessin : Jim Balent
Catwoman #76-77

Le Pingouin a récupéré Catwoman, blessée et affaiblie. Lorsqu’elle se réveille, Copplebot lui propose une alliance : elle travaille pour lui et il la paie très cher. Sa mission : voler les biens de Luthor qui a débarqué dans Gotham et est bien préparé à chambouler la ville et la rebâtir à sa façon.

Catwoman Le Pingouin No Mans Land

► Deux chapitres résolument modernes dans leur traitement graphique (avec une superbe couverture pour le numéro #76) et scénaristique. Il faut se remémorer le tome 3 de No Man’s Land pour retrouver Mercy, l’une des ennemies de Catwoman mais, surtout, une des fidèles alliées de… Luthor. Elle sera au centre de la seconde partie (la moins réussie) et permettra une revanche originale à Kyle. Une conclusion avec Deadman achèvera ce deuxième chapitre d’être vraiment « moyen ». Cela ne gâche pas la qualité de l’ensemble puisque la première partie est excellente, on y trouve une Catwoman maline, sexy (il n’y avait pas besoin de rendre ses seins énormes et de la montrer presque nue, dommage…), espiègle et indépendante. Toute l’essence du personnage est là, tiraillé entre « le bien et le mal » (qu’on retrouve aussi sur la fin). En bref c’est la conclusion de l’arc sur Catwoman, une histoire globalement bien écrite et dessinée. Quelques écarts fleurant avec le registre fantastique ou le voyeurisme gratuit mais une jolie performance où tous les ingrédients clés de la féline voleuse ont été réunis : relation ambigüe avec Batman, collaboration avec l’ennemi, traîtrise et manipulation, combats intenses, solitude et tristesse, etc. Un récit très marquant dans la mythologie des comics sur Catwoman.

Le Monde de l’Autre Côté
scénario : Chuck Dixon | dessin : N. Steven Harris
Robin #73

Jack Drake, père de Timothy, a joué de ses relations pour médiatiser la disparition de son fils perdu dans Gotham City. Batman voit cette soudaine mise en avant de la ville dans la presse de bonne augure, permettant d’accélérer les mouvements et décisions politiques liés à l’évolution du no man’s land. Tim (Robin) vit très mal cette médiatisation mais ne sait comment réagir face à la détresse de son paternel. Des agents fédéraux sont missionnés pour s’infiltrer dans Gotham et récupérer Tim.

Robin No Mans Land

► On continue de conclure les arcs par personnage. Ce chapitre sur Robin est plutôt prévisible et, surtout, pas très bien colorisé — à priori en numérique (c’était les prémices de cette technique) — tout est « fade » et presque uniformisé, dommage… Ce n’est clairement pas la meilleure histoire du tome, elle nécessite d’ailleurs un petit épilogue. Mais, et c’est là l’importance, on « sent » que pour la mythologie du troisième Robin, il y a un certain cap de franchi (qui s’accroîtra, cinq ans plus tard, dans l’excellent Crise d’identité).

Évacuation
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #60

Azrael et Batgirl sont chargés d’affronter le Joker par Batman.

Joker Azrael

► Un autre arc qui ne va pas tarder à se terminer, en tout cas on l’espère vu la fin risible de ce chapitre. Seul intérêt : l’alchimie éphémère entre la nouvelle Batgirl quasiment muette et Azrael. C’est sans réel surprise ni même intérêt, dommage… Qui plus est la majorité des fonds de case de couleur uni n’aident pas à rendre cette histoire plus palpitante et prenante malgré la présence du Joker.

Tour de Passe-Passe
scénario : Greg Rucka | dessin : Sergio Cariello
Batman #573 | Detective Comics #740

312ème jour du no man’s land : Luthor annonce en fanfare ses travaux pour reconstruire Gotham. Il trouve inacceptable et moralement condamnable ce qu’il s’est passé. Sans surprise, le Chevalier Noir n’en croit pas un mot et devine de sombres desseins derrière cet altruisme louche. Robin est chargé de surveiller Huntress et Petit (un ancien flic devenu très radical). Luthor peut compter, lui, sur les services de Bane pour assurer sa sécurité, que ce soit face à Batman mais aussi face… au Joker !

Batman vs Luthor

► Nettement plus passionnant que les derniers chapitres, ces deux nouveaux redonnent un coup de fouet à l’intrigue général avec la rivalité entre Luthor et Batman, les plans de chacun d’eux, la place de Bane dans tout cela, etc. Les dimensions politiques et économiques occupent davantage une place centrale, malgré quelques éléments confus. On notera aussi un amusant jeu de rôle entre Batman et Barbara appelant Lucius Fox, sous l’identité de Bruce et d’une masseuse. Graphiquement réussi (traits précis, cadrage hors-norme, découpage rythmé…) on apprécie aussi les séquences avec le Joker et le Pingouin, même si les « conclusions » avec ces deux derniers sont un peu expéditives.

On retrouve aussi un problème de cohérence puisque Robin (Timothy Drake) est présent ici alors qu’il a été évacué hors de la ville deux chapitres plus tôt (il s’agit en fait d’une curiosité éditoriale puisqu’il aurait sans doute fallu placer le chapitre sur Robin plus tard mais cela gâcher certainement la lecture de l’ensemble — le dernier chapitre du livre confirme que Tim fait des allers-retours dans la ville, ce qui n’était pas réellement explicite ici ; pourquoi pas). De la même manière, en étant pointilleux, on a du mal à comprendre pourquoi Luthor continue de s’adjoindre des services de Mercy plus qu’elle enchaîne défaite sur défaite sans que cela énerve son patron. Cette dernière a d’ailleurs l’occasion de tuer le Joker mais ne le fait pas préférant le laisser fuir car il a sans doute « compris le message » (sic) !

Fin de partie
scénario : Greg Rucka / Devin Grayson | dessin : Damion Scott / Dale Eaglesham
Batman : Legends of the Dark Knight #126 | Batman #574 | Detective Comics #741

Un mois. C’est le délai qu’il reste aux (derniers) habitants de Gotham pour rebâtir la ville pour que le décret no man’s land soit levé. Avec approbation du président des États-Unis, Lex Luthor s’occupe en grande partie de cette reconstruction. Les médias sont braqués sur lui, son image est extrêmement positive. En plus de LexCorp, Bruce Wayne Enterprises met évidemment aussi du sien, ainsi que les labos S.T.A.R., le Corps des Ingénieurs de l’Armée (et les citoyens de la ville). L’espoir renaît. Dans l’ombre, le Joker est irrité que ça évolue en ce sens : fini l’anarchie et les territoires contrôlés par des fous furieux. Dans Gotham, Noël se prépare…

Huntress no mans land

Douce nuit, sainte nuit… Tendre et à point puis Cet enfant sur la paille endormi sont les titres de ces trois chapitres qui se lisent d’une traite et se suivent directement. Huntress (en pleine rédemption) surveille Billy Petit, sombré dans la folie et paranoïa – en découlera le second chapitre, particulièrement réussi et haletant (un plan habile du Joker, un peu invraisemblable mais ça passe, un Petit dépassé et effrayant et une Huntress extrêmement touchante) -, la plupart des ennemis sont en prison ou peu dangereux (la chute du Pingouin, bien que soudaine, en est un bon exemple), seul le Joker reste donc LE fou furieux à arrêter en dernier parmi la galerie de vilains. Sur ce point, les dernières planches sont glaçantes. Toute la folie du Clown du Crime est montrée « à nouveau ». Bien sûr, l’ennemi revient souvent, mais il « marque » rarement la mythologie du Chevalier Noir dans des histoires qui laissent trace, à l’exception de la mort de Robin. Et bien, là aussi il tue un personnage (secondaire certes, mais important). Le Joker retrouve donc de « sa superbe » tout en étant détestable au plus haut point. Si No Man’s Land était déjà assuré de laisser une trace marquante dans la chronologie (et l’histoire) de Batman, cet ultime meurtre et méfait du Joker définit comme « culte » cette saga, ou tout du moins sa conclusion. Difficile de ne pas être touché, ému ou choqué en voyant certaines cases et les scènes qui suivent le crime. Le plaisir sadique du lecteur est aussi « récompensé », car il apparaissait surréaliste, dans le contexte extrêmement violent, perdu et sauvage de la ville, qu’il n’y ait pas plus de victimes (parmi les protagonistes connus) que cela (pas mal de figurants le sont tout de même). Seul reproche de cette fin de partie : la non-homogénéité des dessins. Il est normal d’avoir plusieurs dessinateurs différents (ici deux) dans ce genre de cas (3 chapitres de 3 séries différentes) mais les deux ont un style tellement différents que ça casse un peu l’immersion. Eaglesham va dans le réalisme pur et sale, là où Scott a un trait plus « cartoony », un chouilla dommageable mais ça passe quand même vu que le scénario prend le dessus aisément.

Dons de l’esprit
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #61

Prolongement de Fin de partie en adoptant cette fois le point de vue d’Azrael et Batgirl, missionné par Batman pour retrouver les bébés kidnappés par le Joker. Le nouveau duo de justiciers en profite pour découvrir les traditions de Noël.

Batgirl Azrael

► Si les errances de Jean-Paul Valley ont toujours été un peu redondantes voire ennuyeuses, celles-ci, proposées comme les dernières (pour cette saga) sont plutôt plaisantes. On a clairement envie de savoir ce que va donner la relation Cassandra Cain/Jean-Paul Valley. Ce dernier contraste toujours autant avec l’univers « classique » de Batman mais c’est suffisamment bien écrit (dans ce chapitre) pour qu’on soit pris d’empathie pour le presque schizophrénique justicier. Placer cette histoire après les trois chapitres précédents est un peu dommage (elle « dévoile » le plan du Joker mais aurait pu s’insérer avant, quitte à casser la dynamique de Fin de partie au moment où celle-ci se déroule, pour mieux clore l’ensemble avec la conclusion épique et tragique qu’on vient juste de lire avant).

Ce n’est qu’un au revoir
scénario : Greg Rucka | dessin : Pablo Raimondi
Batman : Shadow of the Bat #94

31 décembre, dernier jour de l’année, dernier jour du no man’s land, un enterrement se déroule à Gotham City… Puis Batman et Oracle reprennent le travail, il apparaît que Luthor a mené habilement son jeu puisqu’il a racheté des propriétés de la ville pour 0,4% du prix du marché en trafiquant des documents. Mais Bruce Wayne était sur le coup grâce à Lucius Fox.

Batman VS Lex Luthor

► Conclusion douce-amère de toute la grande saga No Man’s Land. Touchante mais avec quelques éléments pas forcément tout à fait résolus (on ignore si Luthor est réellement à l’origine du cataclysme, ce qui était sous-entendu à une époque). Le reste semble assez « classique » pour une fin et un renouveau mais efficace pour conclure ce dernier tome : on y retrouve chaque héros, quelques choix finaux (Dick se dirigeant vers Helena plutôt que Barbara), des cases sans texte, etc. Et ça fonctionne suffisamment pour avoir eu le sentiment de lire un grand arc maîtrisé.

Conclusion : C’est un peu de cliché de dire que cette fin est avant tout un nouveau départ mais c’est assez vrai (la « suite » se nomme New Gotham et est à découvrir en trois tomes). Nettement plus passionnante que Knightfall, à qui elle est souvent comparée, cette très longue histoire aura eu le mérite d’apporter un statu quo extrêmement original et une plongée dans la survie et l’anarchie pour bon nombre de protagonistes. Un quasi retour à l’ère « primitif » avec une qualité d’écriture plutôt élevée malgré un côté « stagnant » régulier. Certains épisodes se révélant (forcément) moins passionnants que d’autres (Azrael, une partie de ceux de Catwoman et Robin sont parfois de moindre intérêt) mais la majorité se lit avec plaisir. On pense notamment aux évolutions des héros (Huntress et Batgirl), aux doutes des autres (Batman en premier) et aux folies des ennemis plus ou moins connus, avec le point d’orgue de ce volet grâce au Joker. Ce qui est à déplorer relève des dessins : une armée d’artistes différents livrent (forcément bis) un ensemble hétérogène. Si on se prête à nouveau au jeu de la comparaison, on observe que les planches de No Man’s Land vieillissent bien mieux que celles de Knightfall, elles sont plus modernes et même si parfois les styles sont radicalement différents, l’ensemble reste cohérent.

Difficile donc de trouver les « bons mots » pour évoquer six tomes (sept en vrai), même s’ils ont été lus « à la suite » (vivement recommandé), il y a sans doute quelques éléments qui peuvent échapper au lecteur (et au critique) mais le ressenti général est vraiment possible. Bien sûr, comme souvent, tout n’est pas parfait. C’était évoqué plus haut : peu de morts « réelles » parmi les emblématiques personnages de la mythologie de Batman, une année complète en no man’s land qui paraît surréaliste mais paradoxalement fascinante. Il y a un avant et un après cette saga qui est considérée comme culte à juste titre. C’est donc un gros coup de cœur et un conseil de lecture indispensable. Les deux derniers tomes sont sans doute les plus réussis !

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batman conclusion no mans land

No Man’s Land – Tome 03

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

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En dessous de tout
scénario : Chuck Dixon | dessin : Staz Johnson
Robin #67

Dans les égouts de Gotham City, un étrange duo — Tommy Mangles et Mécaborg (un homme musclé et une tête humaine sur un corps androïde sans bras ni jambes attaché dans son dos !) — sème la terreur contre les plus démunis s’aventurant dans cette cachette improbable. Robin et Nightwing s’y engouffrent en amont, dans les endroits les plus éloignées de la surface, afin de rejoindre Gotham City. Les deux justiciers ont été rappelés par Batman. Mais une personne proche des rats semble aussi surveiller ces lieux si particuliers…

Robin Nightwing No Mans Land

► Une entrée en matière portée sur l’action, on se dit que les « hostilités » vont véritablement commencer dans ce tome. Les précédents présentant davantage la situation sous de multiples points de vue avec quelques affrontements divers. Il est donc temps d’accélérer un petit peu l’ensemble. Malheureusement ici, trois problématiques se succèdent : l’impression d’une jonction manquante (on avait quitté Robin peu avant interdit de séjour à Gotham — la simple explication de « Batman nous a rappelé » est un peu faiblarde), deux voire trois ennemis assez ridicules (grosse peur de retomber dans l’effet Knightfall qui voyait se succéder divers antagonistes risibles ou peu connus), des graphismes réussis dans l’ensemble mais avec une coloration trop vive et des cases parfois ratées (cf. illustration ci-dessous). Nightwing est méconnaissable tant son humour est « méchant » envers Robin, il ne génère aucune empathie. Par contre, l’histoire avance, un peu plus vite, et la fin confirme qu’il y a une suite « directe » (moins de petits chapitres éparses que les volumes précédents).

L’Assemblée
scénario : Greg Rucka | dessin : Mike Deodato Jr.
Batman : Legends of the Dark Knight #120

Une bonne partie des alliés de Batman se rassemble chez Oracle à sa demande : Nightwing, Robin et Azrael rejoignent donc les deux justiciers. La fille de Caïn, quasiment muette (découverte à la fin du volume précédent) est également présente. Après de brèves retrouvailles, le Chevalier Noir et Nightwing rendent visitent à Batgirl et découvrent son identité (Batman la connaissait déjà). Entre-temps Gordon et le Chevalier Noir ont échangé quelques mots (et même un poing !) sans déboucher sur une possible alliance.

Batman Batgirl Identity No Mans Land

► Une « assemblée » de courte durée mais qui fait chaud au cœur ! Même si les protagonistes n’ont pas le temps de beaucoup échanger, cela fait « du bien » de les voir réunis. La partie la plus importante du chapitre est bien sûr l’identité de Batgirl (c’est très bien vu et plutôt surprenant !) et son échange avec Batman, insensible comme jamais. Il faudra faire à sa manière sinon on ne collabore pas avec lui, point.

« Je pensais pouvoir… Je pensais avoir besoin de travailler seul.
Un ‘retour aux sources’. J’avais tort. Personne ne peut y arriver seul.
Le No Man’s Land est trop grand. Trop sombre.
La seule façon de ramener la lumière à Gotham, c’est de travailler ensemble.
»
Batman à ses alliés.

Batman Alliance No Mans Land

Les dessins jouent à fond la carte d’agréables enveloppements et autres flottements provoquées par les capes des super-héros, une façon de faire très esthétique et jolie. Un récapitulatif sur la fille de Caïn est le bienvenue : elle n’a pas de nom, son père est un assassin et l’a élevée pour en faire une tueuse parfaite. Elle s’est rebellée et s’est enfuie, a trouvé Oracle et apprend depuis cinq mois. De quoi s’y retrouver avec la temporalité et lever quelques zones d’ombre sur le chapitre qui fermait le volume précédent. Enfin, cette histoire se termine sur un changement historique et important dans la mythologie du Dark Knight : la fille de Caïn devient officiellement la nouvelle Batgirl !

Scratch-Test
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #56-57

Azrael est avec Leslie Thompkins quand Batgirl ramène une victime qui a pris une balle d’un pistolet. En remontant la piste de l’agresseur, quelques indices mènent à Nicholas Scratch, l’homme responsable de la loi déclarant Gotham no man’s land. Batman missionne le justicier, accompagné de sa nouvelle allié, de lui apporter Scratch.

Azrael Scratch No Mans Land

► Un affrontement clairement attendu : Azrael VS Scratch. On voit enfin Scratch en action, décrit comme un charismatique leader, il apparaît ici comme un (autre) ennemi plutôt ridicule, sorte de punk-leader (rappelant « vaguement » ce que faisait Bane dans The Dark Knight Rises). Si Scratch n’avait été qu’un énième ennemi à la tête d’un clan sur un territoire, alors l’ensemble passerait plutôt bien, mais d’avoir fait de cet antagoniste un personnage si « puissant » (dans ses descriptions en amont et dans sa responsabilité du no man’s land — responsabilité qui n’a jamais été montré en image mais uniquement par résumé éditoriale dans le premier tome) pour finalement qu’il soit traité de façon si simpliste est assez décevant (on est en droit d’avoir certaines attentes et exigences dans ce cas présent).

On retient tout de même quelques qualités : un duo intrigant et atypique (Batgirl & Azrael) et un développement intéressant de la « schizophrénie » d’Azrael, avec une présence plus forte de son alter ego Jean-Paul Valley (accompagné de la voix de la sagesse via Leslie Thompkins). Un bon point (involontaire ?) : l’arc narratif sur Scratch semble être terminé à la fin de cette petit histoire qui, bien que très bien dessinée, souffre de nombreuses cases manquant cruellement de décors ou bénéficiant d’un pauvre fond coloré. Toutefois, cet ensemble, même s’il n’est guère réussi et convaincant, permet de faire avancer les choses efficacement.

Un petit garçon perdu
scénario : Scott Beatty | dessin : Pascal Alixe
The Batman Chronicles #17

Aaron Langstrom est le fils du couple de scientifiques Francine et Kirk Kangstrom, alias « Man-Bat », qui se transforme littéralement en chauve-souris géante. Aaron a, par conséquent, lui aussi l’apparence d’une chauve-souris tout en étant un enfant. Il a été capturé et sa mère demande de l’aide au Pingouin — elle n’a pas vu son mari depuis le séisme et propose ses services de docteur en échange. Le Chevalier Noir s’en mêle…

Man Bat No Mans Land

► Antagoniste aussi emblématique que discret, Man-Bat n’apparaît ici que par l’intermédiaire de sa femme, au centre du récit, et de ses deux enfants. Une originalité supplémentaire que de les mettre en avant dans cette nouvelle histoire toujours un peu en marge de l’ensemble. Cette concentration sur des rôles secondaires au détriment de faire avancer les enjeux cruciaux et principaux est extrêmement intéressante mais un poil « agaçante » car elle donne l’impression de stagner. Néanmoins, sous le prisme de comparaison avec Knightfall, c’est nettement plus réussi et passionnant ici.

Ne zappez pas
scénario : Dafydd Wyn | dessin : Eduardo Barreto
The Batman Chronicles #17

Jenkin Yates a réussi à conserver presque intact son studio de transmission d’information et sa caméra. Il présente et filme l’intérieur de Gotham pour montrer au public externe ce qu’il se déroule au sein du no man’s land.

No Mans Land Yates

► Anecdotique de prime abord, cet aparté « journalistique » prend un sens intéressant lors de sa fin et l’incursion du Chevalier Noir qui voit dans cette transmission vidéo une possible puissante arme. À nouveau si cela procure une sensation un peu « éphémère » (de lire plusieurs petits bouts d’histoires), on comprend la connexion entre chacune d’entre elles et, surtout, on espère, les voir se lier et converger vers un aboutissement plus concret et utile.

Crise d’Identité
scénario : Chris Renaud | dessin : Graham Nolan
The Batman Chronicles #17

Batman se fait arracher son masque par Killer Croc lors d’un affrontement entre les deux. Dans l’ombre, le Dr Kryder reconnaît le visage de Bruce Wayne. Ce médecin travaillait à l’Asile d’Arkham, notamment sur le cas Harvey Dent et son obsessionnelle dualité interne. Qu’il retrouve aussi chez Wayne/Batman, forcément… Mais l’heure n’est plus aux études mais à la survie : l’identité secrète du justicier de Gotham est peut-être la clé de sortie pour Kryder. Il décide donc de retourner voir son ancien patient : Double-Face.

Two Faces No Mans Land

► À nouveau une petite excursion intéressante d’un point de vue d’un « civil » lambda mais pas si commun que cela. Prétexte encore une fois à montrer un des ennemis de Batman avec un petit angle novateur mais très expéditif. Une curiosité qui aurait mérité d’être développé sur plusieurs chapitres (après tout, le secret de l’identité de Batman est un fil rouge narratif qui peut générer beaucoup de tensions et retournements de situations !).

La Grande Évasion
scénario : Chuck Dixon | dessin : Scott McDaniel
Nightwing #35 à #37

Lyle Bolton, alias Double-Tour se réjouit de punir et enfermer « les méchants » dans la prison de Blackgate, véritable forteresse dont on ne s’évade pas et devenue, depuis le séisme et le décret no man’s land, un véritable « enfer sur terre ». Aidé de KGBeast, Double-Tour mène la vie dure aux détenus, qu’il considère comme des déchets. Batman charge Nightwing d’infiltrer la prison, d’en reprendre le contrôle et de mettre un terme aux agissements violents et néfastes du binôme carcéral impitoyable qui emploie également les frères la gâchette.

Nightwing No Mans Land

► Trois chapitres composent cette histoire centrée sur Nightwing : Le ventre de la bêteGagner du temps et La grande évasion. Une fois de plus (à l’instar d’Azraël un peu plus haut), si l’on se réjouit de suivre un point de vue très particulier, on reste dubitatif face à cette profusion d’antagonistes plus ou mois nouveaux, plus ou moins ridicules, plus ou moins crédibles. Le tout dessiné de façon trop « cartoony » pour réellement saisir la menace et le danger ambiant (alors que, clairement, les deux/trois dernières planches nous montrent un Nightwing complètement usé, épuisé et blessé – un côté peu vu auparavant).

Mais il y a tout de même de belles choses dans ce récit. Tout d’abord on comprend vite que venir à Gotham n’est pas si simple et facile que ce que l’on peut penser pour Nightwing. En établissant des petites références à Blüdhaven, on comprend aisément qu’en venant à Gotham, Nightwing délaisse sa ville prise d’assaut par un million de Gothamiens venus camper devant. Les chapitres s’attardent d’ailleurs sur un certain Nite-Wing, un jeune homme qui s’est livré à la police locale en clamant être le justicier masqué éponyme. Un commissaire le prend sous son aile et accepte qu’il travaille indirectement pour lui. Le nom de Roland Desmond est évoqué dans la liste des personnes à surveiller et a l’air d’être un futur ennemi « important ». Cela aura peut-être lieu dans le tome 6 (le dernier de la saga) puisque la dernière case de cette histoire mentionne « à suivre dans le tome 6 ». C’est à dire dans trois tomes, ce qui est assez « loin » !

On retrouve rapidement quelques têtes connus, comme Black Mask, le Dr Crane (l’Épouvantail), Jervis Tetch (Le Chapelier Fou), Firefly et le Ventriloque. D’autres antagonistes sont un peu nazes, comme évoqué plus haut, aussi bien parmi les prisonniers, donc les ennemis habituels du Chevalier Noir, que parmi les gardiens de prison entourant déjà les très spéciaux « Double-Tour » et « KGBeast ». Ainsi on découvre Le Dynamiteur et deux cow-boys, Tom  et Tad, alias « les frangins la gâchette » (qui ne sont pas sans rappeler ceux déjà intervenus dans Knightfall – à vérifier si ce sont bien les mêmes).

Du reste, Nightwing est plus sympathique qu’en début du tome et ce périple se laisse lire tout de même, ne serait-ce que pour statuer où se situent certaines figures emblématiques (la galerie de vilains) et, encore et toujours, la « façon de faire » à Gotham dans cette nouvelle aire sauvage et, presque, abandonnée.

Les Fruits de la Terre
scénario : Greg Rucka | dessin : Dan Jurgens
Batman : Shadow of the Bat #88 | Batman #568 | Detective Comics #735

Au début du no man’s land, Gueule d’Argile rend visite à Poison Ivy dans un parc de Gotham où la nature a repris ses droits. L’empoisonneuse a même pris sous son aile plusieurs enfants abandonnés. Le monstre de boue propose un marché à Ivy pour devenir riche en vendant fruits naturels.
Six mois plus tard, côté GCPD les tensions s’accumulent et les hommes de Gordon se scindent en deux clans : ceux qui le suivent et ceux qui vont faire régner la loi à leur façon (radicale et extrême, quitte à tuer pour survivre). Batman rend visite au Pingouin pour un interrogatoire.

Poision Ivy Gueule d'Argile No Mans Land)

► Une autre aventure en trois chapitres, très plaisante, qui s’attarde sur Poison Ivy, qui était plutôt mentionnée jusqu’ici, et sur Gueule d’Argile. D’un point de vue mythologie, il est fait mention que Bruce a fait construire de nombreuses bat-caves sous la ville lorsque Dick le remplaçait en tant que Batman (mention au très bon tome Le Fils Prodigue). Les Fruits de la Terre est sans aucun doute l’histoire la plus joliment dessinée de toute l’œuvre. Le duo Ivy/Argile fonctionne bien (et n’est pas si complice que ce qu’on pourra croire) et sera plus ou moins repris dans divers comics plus ou moins réussis par la suite, le très récent Dark Knight – The Last Crusade par exemple ou le plus anecdotique et peu convaincant Un Homme à Terre.

Côté scénario la trame narrative globale avance bien, Batman avait un accord avec Le Pingouin, il en a désormais un avec Poison Ivy. Huntress fait son retour et s’allie avec un personnage plutôt inattendu (et c’est, paradoxalement, une entreprise évidente). Un antagoniste à priori méconnu est en Colombie et est sollicité pour venir à Gotham. Gordon avait bel et bien un pacte avec Double-Face et en scelle un nouveau (au détriment de Renée Montoya). Enfin, Batman avait des données collectées sur Gotham et ses habitants et va devoir les récolter de nouveau en faisant appel à Catwoman (un autre récit en trois chapitres lui est consacrée et se déroule juste après ceux-ci).

Bref, on avance plutôt bien, par le prisme d’un lieu et quelques personnages secondaires, comme auparavant, mais cette fois à échelle beaucoup plus vaste grâce à quelques échanges et deux ou trois cases supplémentaires. Simple mais efficace. À presque mi-chemin de la saga, il était temps que cela évolue dans ce sens, pile à temps. Attention à ne pas retomber sur un schéma narratif répétitif (même si plaisant) juste après.

La Mission
scénario : John Ostrander | dessin : Jim Balent
Catwoman #72 à #74

À Manhattan, Catwoman est conviée à voler un bijou. Il s’agit d’un piège tendu par Batman qui l’attire dans la foulée à Gotham et lui demande de dérober d’importantes données informatiques pouvant aider à la reconstruction de la ville. Ces données sont… à New-York, fortement gardées par une équipe spéciale à la solde de Bruce Wayne.

Catwoman Batman No Mans Land

► À nouveau trois chapitres (La Mission, Miss Direction et Un Petit Détour) centrés sur la féline voleuse. La première moitié est clairement excellente, toute la caractérisation de Catwoman (sa relation avec Batman, son rapport à la ville, ses vols et le goût du jeu) sont parfaitement exposés et bien développés. La suite se gâte un petit peu. Catwoman et ses sbires affrontent les gardiens payés par Bruce (les « Durs des durs » — sic) dotée de pouvoirs surnaturels : télépathie, pyrokinésie, etc. Cela donne à l’histoire un petit côté « Mission : Impossible » voire Suicide Squad mais tout s’enchaîne trop vite et chaque membre n’a pas le temps d’être pleinement dévoilé. Ensuite, c’est l’ennemi Maxie Zeus, qui pense être la réincarnation de la divinité, qui fait son entrée. Là encore c’est assez expéditif, ce qui est dommage car ce Zeus est peu connu, souvent « ridicule », c’était l’occasion rêvée de lui apporter plus de consistance. Malgré tout, quelques choix de Catwoman font la part belle aux personnages et cette mini-histoire est clairement « à suivre ».

On retient aussi, entre autres, une réflexion intéressante pensée par Selina  : « Des hélicoptères équipés de projecteurs, des bateaux de patrouille, des soldats le long du périmètre… avec ce qu’ils payent pour tenir tout le monde à l’écart de la ville, ils auraient aussi vite fait de la reconstruire ». Ce genre de propos correspond souvent à ce qu’un lecteur peut se dire quand il cherche une certaine cohérence dans un récit. Dans le cas présent et depuis le début de l’histoire (même les anciens tomes), la bande dessinée en regorge. Parfois cela ne suffit pas comme « explication » mais de voir que les protagonistes s’interrogent sur ce genre d’aspect est clairement un élément bienvenu. On apprend aussi que Wayne est à priori en Europe et injoignable là-bas après s’être fait ridiculiser aux États-Unis (sans doute en tentant, en vain, de sauver Gotham par les voies légales classiques).

Il est fait plusieurs fois mentions du meurtre de Selina Kyle par Catwoman quand celle-ci se présentait aux élections locales (elle aurait jetée un cadavre de quelques jours du haut d’un immeuble en faisant croire que le cadavre était celui de Selina) ! Une note éditoriale aurait été la bienvenue sur ce sujet, à priori tiré d’une histoire inédite en France. De même, les nombreuses allusions à la période Knightfall pourraient être mentionnés d’un simple « Voir tel livre de notre collection » comme le fait pourtant habituellement l’éditeur. En somme, ces chapitres sont un régal pour les fans de Catwoman mais le faible développement des nombreux personnages secondaires ou antagonistes empêchent d’être une réussite totale. Sortir un peu de Gotham est aussi agréable et permet d’avoir une certaine « aération » nécessaire. À l’instar de l’histoire précédente, celle-ci fait aussi avancer « à grand pas » la trame générale, ce qui n’est pas déplaisant.

Conclusion : Encore une fois, ce nouveau volet de No Man’s Land est une réussite qui se concentre toujours sur des petites histoires différentes liées à l’avancement de chaque personnages ou groupe de protagonistes. Si l’effet, arrivé à la moitié de la saga, commence à atteindre une certaine saturation, la dernière ligne droite du tome (trois fois trois chapitres, soit plus de la moitié de l’œuvre), dévoile une certaine accélération, aussi bien pour chaque héros que pour la trame narrative générale.

Comme toujours, les graphismes souffrent légèrement d’une non-homogénéité mais ce n’est pas problématique. La situation inédite à Gotham continue d’être passionnante et les questions morales, un peu en retrait ici, aboutissent à de sincères réflexions. On regrette par contre, la vaste galerie de seconds couteaux peu charismatiques voire franchement ridicules, avec une première place pour Scratch, qui était pourtant prometteur et qui jouit d’un « pouvoir » pourtant féroce (c’est en partie à cause de lui que le décret no man’s land a été adopté — sans que l’on sache bien pourquoi et comment puisque cette jonction, se déroulent entre Cataclysme et le premier tome de No Man’s Land, est manquante dans la saga). De nombreux chapitres promettent une suite directe dans les prochains volets (notamment sur Nightwing et Catwoman), en route donc pour le tome 4 !

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