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Batman – Le Culte

Volume unique sorti en août 2016 chez Urban Comics, Le Culte avait déjà été publié en France en 1989 en quatre tomes sous le titre Enfer Blanc. Que vaut ce récit écrit par l’auteur Jim Starlin ?

[Histoire]
Batman est prisonnier. Le diacre Joseph Blackfire, alias le Shaman Blackfire, l’a capturé et veut le convertir à sa secte de fanatiques religieux. Blackfire a rendu Gotham City plus sûre. Il a enrôlé les plus démunis : clochards, prostituées… leur a fourni un abri et les contrôle avec son homme de main Jake. Tous ensemble, ils débarrassent la ville des criminels, des macs, des violeurs et des tueurs en les assassinant et en faisant disparaître leurs corps.

La police est doublement dépassée. La nuit les rues sont désertes, les disparitions sont nombreuses et remarquées mais Gordon et ses équipes n’arrivent pas à mettre la main sur le(s) responsable(s). Le jour, les citoyens de Gotham jubilent : la métropole jouit enfin d’une sécurité inédite.

L’absence de l’homme chauve-souris dans la ville laisse à penser que le justicier s’est allié au diacre… Ce dernier, inconnu au bataillon, semble avoir un lourd passif malgré tout. Robin (Jason Todd) par à la recherche de son mentor dans les égouts…

[Critique]
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut contextualiser la sortie de The Cult (son titre originel). Publié au second semestre 1988, le Chevalier Noir poursuit son virage über violent amorcé deux ans plus tôt avec le célèbre The Dark Knight Returns de Frank Miller, dont Le Culte s’inspire grandement par plusieurs aspects (voir plus loin). La prostitution et la violence (par exemple) étaient aussi au cœur d’Année Un, lui aussi sorti peu avant Le Culte, en 1987 (et à nouveau signé Miller). Début 1988, c’est également la publication d’un autre récit radical qui a marqué les fans et changé la mythologie de Batman à tout jamais : le très sombre Killing Joke.

Dans cet enchaînement remarquable, Le Culte semblait être idéal pour devenir tout aussi emblématique que ses aînés mais il ne se hissera jamais véritablement au même niveau que ces autres récits « cultes » (un comble vu son titre ! — sauf pour quelques Batfans bien sûr). Ce sera l’histoire suivante écrite par Jim Starlin qui passera plus aisément l’épreuve de la postérité (malgré ses nombreux défauts) avec l’inoubliable mort de Jason Todd dans Un deuil dans la famille, entamée fin 1988 et achevé début 1989 (donc publiée juste après Le Culte dans la foulée). Citons aussi un ultime titre incontournable de cette période propice, lui aussi en vente en 1989 : Arkham Asylum.

Outre ce rappel indispensable, il est évident que la bande dessinée doit se suffire à elle-même pour être appréciée. C’est indéniablement le cas ici, tant la singularité du récit permet une immersion violente et glauque avec un antagoniste inédit, créé pour l’occasion (mais pas vraiment réussi, on le verra plus loin). En revanche, comme évoqué peu avant, on ressent beaucoup d’emprunts à The Dark Knight Returns. D’abord dans les graphismes : certains dessins très soignés et réalistes de Berni Wrightson ressemblant étrangement à ceux de Miller par bien des aspects (notamment ceux des visages de civils et inconnus). Son découpage et sa mise en avant de citoyens lambdas rappellent aussi forcément TDKR. Pire : les nombreux ajouts de témoignages via des journaux télévisés semblent être calqués sur l’œuvre de Miller. La Batmobile gigantesque évoque aussi le modèle plus ou moins similaire de TDKR

Par son approche brutale et politique, Le Culte suit également certaines lignes narratives de son aînée… Mais le livre tranche radicalement avec cette inspiration plus ou moins assumée dès qu’elle s’engouffre dans ses flash-backs de la découverte des États-Unis aux pratiques de rituels indiens et autres cultes shamaniques. Malheureusement, toute cette partie, assez prononcée dans la première moitié du livre, apporte une certaine lourdeur à l’ensemble. Starlin aurait aisément pu s’en passer, même si elle permet de voir quelques scènes visuellement abouties et assez psychédéliques (rappelant, cette fois, Killing Joke à plusieurs reprises avec sa mythique première colorisation). L’usage de drogues et d’hallucinations de Batman sont aussi au cœur de la narration sous formes effrayantes, spectrales ou horrifiques, brillamment renforcées grâce à ses couleurs vives et flashy, pour un résultat surprenant et réussi.

Le Culte a peut-être inspiré (à son tour) deux futures sagas qui suivront : Knightfall et No Man’s Land. Batman est en effet vaincu (très rapidement) psychologiquement et physiquement, à l’instar de l’interminable aventure face à Bane (mais ici en quelques planches à peine) et Gotham se retrouve dans une situation similaire à un no man’s land, comme dans la saga éponyme. La chute de Batman est trop rapide, peu plausible, c’est dommage. La mini-série (quatre chapitres) aurait gagnée à être une maxi (douze chapitres). Cette sorte de « fourre-tout » aux multiples échos d’anciennes et futures (rétroactivement) aventures du Caped Crusader tient la route mais rencontre un autre problème de taille avec son nouvel ennemi, le traitement de la religion et du lavage de cerveau. Le souci avec le personnage du diacre est qu’il n’avait jamais été introduit auparavant. Il rappelle Ra’s al Ghul par son immortalité (grâce à des bains de… sang) et seul son attrait à la religion permet de l’en dissocier.

La religion est justement au cœur du Culte, elle permet de justifier un embrigadement de personnes psychologiquement fragiles. Cet aspect est toujours très très difficile à retranscrire de façon plausible dans une bande dessinée. Ici, on alterne entre des textes incisifs, compréhensifs et un survol rapide de l’ensemble. On se demande aussi comment des SDF lobotomisés peuvent aisément tuer des criminels de la mafia armés jusqu’aux dents… C’est toute la problématique du comic-book, une crédibilité en demi-teinte à cause des actions du diacre.

Malgré les défauts de cet ennemi et ceux globaux du livre, on trouve un autre écho mais très moderne cette fois et fort intéressant avec un certain populisme et une défiance envers les élites politiques et policières (rappelant ainsi le film Joker). On note aussi que Le Culte est très certainement l’un des rares comics sur Batman montrant des scènes particulièrement gores voire insoutenables : têtes décapitées, corps tués empilés, etc. Que ce soit en scènes fantasmées sous l’effet de drogue ou bien réelles, l’ensemble est extrêmement glauque et malsain à un niveau peu atteint sur le marché (voir quelques illustrations en fin d’article). On pourrait reprocher une certaine gratuité non justifiée à cette déferlante de cases parfois sans réel intérêt pour l’histoire et un final précipité et, in fine, assez classique ne chamboulant pas le statu quo du héros et de la ville (étonnamment !).

Autre singularité exceptionnelle à signaler : il s’agit d’un récit de Batman avec Jason Todd en Robin (comme dit plus haut, ce dernier mourra peu après, toujours sous la plume de Starlin dans Un deuil dans la famille). Un des rares disponibles en France. En effet, on connaît davantage de bandes dessinées avec Dick Grayson, Tim Drake ou Damian Wayne en équipier du Chevalier Noir plutôt que Jason Todd. En complément dans l’édition d’Urban, on trouve une introduction de Jim Starlin, intitulée « Brûlez ce livre » datée de novembre 1990 — où l’auteur évoque un parrallèle pertinent entre l’imposition de la censure des comics aux États-Unis ainsi que les puissantes influences de la religion et bien évidemment ce qu’il a injecté dans Le Culte à travers Blackfire en plus extrême dans sa démarche bien sûr — et une petite galerie de couvertures, celles-ci correspondantes à celles de l’ancienne édition française de Comics USA, distribué par Glénat à l’époque (cf. ci-dessous).

 

Le Culte reste une curiosité à découvrir grâce à ses multiples qualités et son faible prix (19€ l’histoire complète) : un héros déchu, une ambiance oppressante, un contenu particulièrement macabre, une subtile navigation entre les genres (hard boiled, donc bien violent et psychédélique assumé) et un aspect graphique extrêmement soigné… Difficile en revanche de ne pas pointer son défaut majeur en la personne d’un ennemi inconnu, bavard et peu crédible. Les nombreux rappels et références à The Dark Knight Returns (et quelques autres œuvres) sont discutables. Certains les verront comme un hommage et une inspiration bienvenue pour un résultat passionnant. D’autres y trouveront une pâle copie (voire un plagiat) qui condense trop rapidement une grosse partie du travail de Miller pour accoucher d’une aventure certes marquante pour le lecteur (surtout visuellement) mais paradoxalement oubliable à échelle de la vaste chronologie et mythologie fournie de l’homme chauve-souris…

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 19 août 2016.
Précédemment publié en quatre tomes chez Comics USA en 1989.

Scénario : Jim Starlin
Dessin : Berni Wrightson
Couleur : Bill Wray
Traduction : Jean-Marc Laîné
Lettrage : Calix-Ltée, Île Maurice

Pour l’anecdote, Robin peut enfin prendre sa revanche et gifler son mentor mais, hélas, cette image ne deviendra pas un mème… 😉

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Justice (également titré « Justice League – La Promesse »)

Récit hors continuité sur la Justice League, le one-shot Justice a été proposé en juillet 2017 sous forme d’intégrale par Urban Comics. Auparavant, il avait fait l’objet d’une publication en quatre volumes (contenant chacun trois chapitres) chez Panini Comics, étalés de juillet 2006 à février 2008. Critique.

 

[Histoire]
Les ennemis des membres de la Ligue de Justice s’associent pour… rendre le monde meilleur ! Captain Cold conçoit de l’eau dans les déserts par exemple, Cheetah contribue grandement aux associations de défense des animaux, Toyman propose des prothèses pour enfants amputés, le Sphinx résout l’énigme de la famine dans le monde pour l’éradiquer, et ainsi de suite…

Mais Edward Nygma vole aussi des données extrêmement sensibles à Batman, contenant notamment l’identité civile de tous les super-héros sur Terre. En parrallèle, Aquaman est kidnappé par Brainiac et ni le Limier Martien, ni Red Tornado n’arrivent à le retrouver.

Dans l’ombre, Lex Luthor avance ses pions pour arriver à son but secret tandis que l’opinion public commence à se détacher de la Ligue de Justice et favoriser la Légion de Doom. Pour cause, Luthor pointe du doigt les inactions des super-héros qui, certes préservent le monde de ses dangers mais ne tentent pas de le changer pour l’améliorer, chose que les habituels ennemis et terroristes vont faire…

[Critique]
Pavé d’un peu plus de  500 pages, Justice est une œuvre très accessible malgré sa profusion de personnages et se situe « hors continuité », facilitant encore plus sa lecture pour les néophytes. Les fans de DC Comics ne sont pas en reste tant quasiment tous les super-héros, vilains, anti-héros et antagonistes apparaissent.

En douze chapitres, on assiste à un schéma narratif très classique (qu’on pourrait découper en plusieurs actes) : son introduction qui donne envie de connaître la suite, la mise en place des enjeux narratifs, la défaite des héros puis leur contre-attaque et la conclusion de l’ensemble, avec quelques mises en avant bien placées de certains justiciers.

On pense entre autres à Aquaman et son rôle singulier dans cette aventure et à Hal Jordan/Green Lantern, lui aussi isolé de ses compagnons mais d’une manière inédite. Sont aussi de la partie : des « membres de la réserve » (de la Justice League) comme les appelle Shazam, qui s’inclut dedans. On y ajoute volontiers Atom, Plastic Man et le couple Hawkman et Hawkgirl.

D’autres outsiders sont présents, comme Phantom Stranger ou Zatanna. Enfin, deux équipes atypiques se joignent à cette grande galerie : les Metal Men et la Doom Patrol. Outre ces personnages, la Trinité classique (Superman, Batman et Wonder Woman) est évidemment au premier plan mais parfaitement équilibrée et, surtout, tout aussi dominante que leurs ennemis Luthor et Brainiac.

Côté histoire, rien de révolutionnaire passé le concept de départ (amorçant une dimension géo-politique un peu simpliste) si ce n’est l’utilisation de « vers nanotechnologiques » pour justifier des contrôles mentaux. C’est l’un des rares points négatifs car cela peut apparaître comme une facilité scénaristique (à l’appréciation de chacun donc et sa prédominance ou non de suspension consentie de l’incrédibilité).

Le récit se loupe (un peu) sur la fin en conservant en vie deux figures iconiques, qui auraient eu une conclusion homérique — dont un départ particulièrement épique pour l’une d’elle mais il n’en est rien (dommage). Le reste est assez « basique » mais il est bien exécuté, écrit par Jim Krueger principalement. On prend donc plaisir à lire cette (longue) histoire. Bien sûr il faut compter sur la partie graphique pour apprécier davantage l’ensemble !

Côté illustrations en effet, les mises en pages et dessins de Doug Braithwaite accompagnés par la colorisation d’Alex Ross (qui a aussi contribué à l’écriture de l’histoire avec Krueger) leur confèrent ce style unique de réalisme mi-lyrique mi-rétro, éclipsant presque le travail de Braithwaite au profit de celui de Ross.

De superbes planches qui rappellent justement les autres travaux emblématiques de ce dernier comme l’excellent Kingdom Come (ainsi que Justice League Icônes (1)). Ce sont avant tout ces dessins « parfaits » qui donnent à Justice son intérêt.

Tour à tour hommage à un certain passé, dont l’Âge d’Argent de DC Comics (costumes kitchs de certains super-héros, postures iconiques parfois dépassées…) tout en restant intemporel et d’une modernité sans faille (seul l’usage d’un CD-Rom de données peut cristalliser cet aspect), le comic-book jouit de la peinture quasi photographique de Ross couplé aux dialogues rythmés des auteurs et à une exposition très juste de ses protagonistes.

Pour l’anecdote, on peut assimiler les inspirations des Batman Metal (de Snyder et Capullo) puisées dans les looks des armures nées d’une sorte de fusion entre les costumes classiques des justiciers et des Metal Men (cf. illustration ci-dessous).

Une cinquantaine de pages bonus revient sur les caractéristiques de chaque personnage, de quoi aider les plus débutants (aussi bien dans l’édition d’Urban Comics que celle de Panini Comics), incluant bien sûr les couvertures alternatives.

(1) – On peut même qualifier de triptyque le travail d’Alex Ross à travers ces trois œuvres DC Comics formant chacune un segment « chronologique » propre à son univers. La « jeunesse », comprendre origines et débuts des super-héros, est ainsi à découvrir dans Justice League Icônes. Ils sont tous « adultes » dans cette colossale aventure qu’est Justice. Enfin, les mêmes personnages sont particulièrement âgés dans Kingdom Come. Accessibles et agréables, ces comics sont un pan inédit et intéressant pour quiconque s’intéresse à l’univers de l’éditeur. Les deux derniers étant d’ailleurs des coups de cœur du site.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 7 juillet 2017.
Précédemment publié chez Panini Comics en quatre volumes de juillet 2006 à février 2008.

Histoire : Jim Krueger et Alex Ross
Scénario : Jim Krueger
Dessins : Doug Braithwaite
Couleur : Alex Ross
Lettrage : Christophe Semal
Traduction : Jean-Marc Lainé

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Justice League vs. Suicide Squad

Volume unique « blockbuster », Justice League vs. Suicide Squad a été publié en one-shot en librairie en février 2018 (un mois plus tôt, le tome fut proposé en édition limitée à 200 exemplaires avec une couverture alternative pour le festival d’Angoulême) et auparavant (novembre et décembre 2017) dans trois numéros de magazines : Suicide Squad Rebirth #5 et #6 et Justice League Rebirth #7 (deux d’entre eux formaient d’ailleurs une magnifique couverture éclatée horizontalement et tous trois ont également eu une couverture variante à l’époque). Histoire indépendante en six chapitres connectée à deux chapitres des deux séries précitées éponymes aux magazines (donc dix chapitres en tout, l’un étant un back-up), que vaut cette aventure XXL ?

Ci-dessus, la couverture alternative proposée à 200 exemplaires (pas trouvé en meilleure qualité)
et les deux des magazines formant une illustration complète horizontale.
Ci-dessous les trois variantes des mêmes magazines en édition limitée.

   

[Résumé de l’éditeur]
La Ligue de Justice défend depuis des années la Terre des menaces cosmiques les plus redoutables ! La Suicide Squad, elle, remplit les missions les plus dangereuses pour le compte du gouvernement et, surtout, de leur chef, Amanda Waller. Bien que Batman voie d’un mauvais œil ce groupe, un nouvel adversaire surpuissant va forcer les deux équipes à s’allier… si elles ne s’entredéchirent pas avant !

[Histoire]
Killer Frost rejoint le pénitencier de Belle Reve. La prisonnière devient membre de la Force Spéciale X, alias la Suicide Squad, dirigée par Rick Flag, qui est secondé par Katana (et le tout sous l’égide d’Amanda Waller bien entendu). Cette équipe particulière qui agit dans l’ombre pour le gouvernement compte également Deadshot, Harley Quinn, Killer Croc, L’Enchanteresse (June Moon), Captain Boomerang et El Diablo dans ses rangs. Tous peuvent bénéficier de remises de peine en échange de missions suicide…

De son côté, la Ligue de Justice a vent de cette organisation grâce à une enquête de Batman. Le Chevalier Noir, Wonder Woman, Aquaman, Flash, Cyborg, le « nouveau » Superman et les deux récents Green Lantern (Jessica Cruz et Simon Baz — cf. la nouvelle composition de cette équipe à découvrir dans Justice League Rebirth) souhaitent arrêter les agissements de la Suicide Squad.

Un affrontement épique a lieu entre les deux équipes, mais le seul vainqueur est… Amanda Waller. Qui a besoin d’une association entre les deux !

En parrallèle, une mystérieuse personne libère les cinq détenus de la prison secrète Les Catacombes, cachée sous terre dans la Vallée de la Mort en Californie. Elle abrite les plus dangereux criminels qui ont un but commun : tuer Amanda Waller. Docteur Polaris, L’impératrice Émeraude, Lobo, Johnny Sorrow et Rustam font donc équipe, menés par… Maxwell Lord (ancien dirigeant de l’organisation Checkmate), un puissant télépathe qui peut donc contrôler les pensées des humains. Pourquoi en veulent-ils à Waller ? Que cache cette alliance soudaine ? Pour la combattre, la Justice League et la Suicide Squad vont devoir s’associer !

[Critique]
Voilà un comic-book dans la pure veine « mainstream » (donc commercial) réussie. L’histoire est simple sans être non plus trop creuse, l’ensemble est accessible aux nouveaux lecteurs (on mentionne très brièvement Batman Rebirth 1 et 2 ainsi qu’OMAC, l’arme ultime (pour Maxwell Lord — le tout en version modernisée de la création de Jack Kirby)) comme aux fans de longue date, la plupart des dessins sont beaux (surtout au début), il y a plein de couleurs, c’est à la fois palpitant, plutôt drôle et rempli d’action sans être expéditif. En synthèse, c’est un divertissement fort sympathique. Imparfait bien sûr, mais ne boudons pas notre plaisir.

La narration se scinde clairement en trois actes, le premier est rapide et efficace, il présente les protagonistes et pose ses enjeux (le meilleur du livre). Le second est moins prévisible, bien rythmé et palpitant (mais moins bien dessiné — voir plus loin). Le troisième en dessous des deux autres, plus convenu, exécuté rapidement et maladroitement pour une conclusion un peu trop soudaine…

Cinq personnages se détachent de toute cette orgie super-héroïque colorée. Batman en premier, tête pensante de la Ligue jouant un rôle un peu plus important, une aubaine donc pour ceux qui préfèrent suivre le Chevalier Noir. Amanda Waller, peut-être la figure centrale de cette œuvre : machiavélique, insupportable, géniale. Killer Frost, qui bénéficie d’une introduction puis d’une évolution soignée, elle aussi au cœur de l’intrigue. Maxwell Lord, grand antagoniste de l’ombre, à qui un chapitre entier est dédié. Lobo, mercenaire immortel en roue libre, qui apporte une dose d’humour et d’action très brutale. Toutes les autres figures iconiques, « gentilles ou méchantes », ne sont pas en reste (à commencer par Harley Quinn) mais clairement l’accent est mis sur ces cinq là.

Si l’évènement est appréciable et sans prétention (à l’inverse d’autres chez le même éditeur), il ne marquera pas pour autant la mythologie DC Comics, on est loin d’une crisis ou d’un énième chamboulement temporel. L’ensemble demeure sans réelles conséquences mais sera tout de même à suivre (sans obligation évidemment) dans la série Suicide Squad Rebirth (principalement pour Amanda Waller).

L’écriture de Joshua Williamson est bien équilibrée, l’auteur ne s’encombre pas d’éléments inutilement complexe (comme aime le faire Scott Snyder avec qui il collabore parfois, sur Batman Metal par exemple) et les dialogues fonctionnent bien, entre punchlines ou échanges nerveux, c’est plaisant. Si l’émotion ou l’interrogation intellectuelle ne sont pas au cœur du comic-book, les plus exigeants devraient tout de même apprécier le spectacle. Visuellement, entre les affrontements dantesques et quelques trouvailles inspirées de la pop-culture (Batman en Hannibal Lecter tout en rappelant le jeu vidéo Arkham Asylum), on en prend plein les yeux.

Les interludes explicatifs situés entre les chapitres de l’histoire principale cassent une certaine immersion et un bon rythme, mais il aurait été difficile de ne pas les inclure (les placer en tête ou en fin du livre n’aurait pas forcément été une bonne idée non plus).

Un des défauts majeurs de ce JL vs SS est l’armée de dessinateurs différents officiant sur tous les titres. Certains sont en grande forme, à commencer par Jason Fabok puis Tony S. Daniel. D’autres peinent à s’imposer au niveau de leurs confrères. Inégal graphiquement donc… C’est dommage, l’arc entier par un ou deux artistes seulement aurait assurément élever le niveau et contrebalancer le scénario, qui ne brille pas par son originalité et reste, in fine, très « classique/mainstream ».

De l’action, de l’aventure, des retournements de situation, quelques héros et antagonistes soignés, de beaux dessins (mais pas partout), un bon rythme, un récit complet… voilà de quoi passer un bon moment sans avoir besoin de connaissances poussées en amont ou réclamer une suite. De l’entertainment pur, simple et efficace.

En plus d’avoir publié plusieurs éditions (principalement kiosque), Urban Comics propose une tonne de couvertures variantes en bonus, de quoi se régaler les yeux.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 février 2018.
Contient : Justice League vs Suicide Squad #1-6, Suicide Squad #8-10, Justice League #12-13

Scénario : Josh Williamson + collectif
Dessins : Collectif
Encrage : Collectif
Couleur : Collectif

Traduction : Mathieu Auverdin, Benjamin Rivière et Edmond Tourriol (studio MAKMA)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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