L’information est principalement passée sur les réseaux sociaux et YouTube (par exemple les vidéos de Max Faraday et Guillaume du comptoir du rêve comics) : l’éditeur Urban Comics a retiré de son catalogue plus de 300 titres ! Dont certains qui ont moins de deux ans… Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? Quels ouvrages – et notamment ceux autour de Batman – sont concernés ? On explique.
(Une mise à jour avec quelques couvertures sera faîte prochainement – la lisibilité de cet article sur ordinateur est plutôt agréable mais via smartphone ce n’est peut-être pas l’idéal on en convient !)
MàJ 29 août 2025 : Urban Comics a également partagé une très (trèèèèès) longue foire aux questions sur son site, on en parle en bas de cet article avec les informations essentielles à retenir.
1. Un parcours malheureusement « normal » dans la chaîne du livre
Quand un livre sort en librairie, il a un coût multiple : la licence tout d’abord (donc celle de DC Comics), un « package d’adaptation » (qu’on pourrait regrouper sous ces trois tâches : traduction, lettrage, adaptation graphique – maquette, découpage des chapitres, choix de couverture, mise en page…), impression, distribution, diffusion (commerciaux) et évidemment des « coûts indirects » (salaires et charges).
Le « package d’adaptation » est un coût unique car une fois effectué, il n’y a plus besoin de le repayer pour les rééditions/impressions – il est important de le préciser.
Il existe un autre coût « invisible » (aux yeux du lecteur/acheteur) : le stockage ! En effet, les livres invendus ne restent pas ad vitam eternam en librairies et grandes surfaces (ils sont renvoyés à l’éditeur au bout de plusieurs mois s’ils ne sont pas venus), ils doivent donc être stockés quelque part (à la charge de l’éditeur donc).
Lorsqu’un ouvrage est imprimé, il l’est en plusieurs milliers d’exemplaires (en moyenne 5.000 pour les comics – davantage pour du Batman bien entendu mais restons sur une moyenne). Trois scénarios ensuite peuvent se dérouler. Dans le meilleur des cas, le comic se vend (énormément) et doit être réimprimé (car il y a de la demande) et reste tout le temps disponible (le cas de la majorité des titres Batman du Black Label ou la série de Scott Snyder par exemple). Dans le pire des cas, le comic ne se vend pas ou très peu et l’éditeur se voit dans l’obligation de le stocker (et – à terme – le brader ou l’envoyer au pilon (en destruction)). Quand ça arrive dès le premier tome d’une nouvelle série, cela cause son « annulation » ; deux exemples concrets (le plus ancien célèbre et un récent) : la série Supergirl des New 52/Renaissance [juin 2013], souvent évoquée dans les commentaires des réseaux sociaux d’Urban, et la série Batman & Robin – Dynamic Duo [mars 2024] – qui n’a pas du tout fonctionné selon François Hercouët (et qui reconnaît à demi-mot ne pas savoir si la suite va être publiée…). Enfin, il reste un cas entre les deux : le comic s’est vendu intégralement (son premier tirage – et son éventuelle réimpression – est épuisé) mais la demande n’est pas assez conséquente pour générer un nouveau coût d’impression, distribution, etc. Au bout de quelques années, les deux derniers cas évoqués débouchent sur une conclusion triste de la chaîne du livre : ils sont « officiellement » retirés des ventes (même si certains ne se trouvaient déjà plus en rayon ou en ligne depuis un bon moment).
En synthèse : il est tout à fait normal qu’au bout de plusieurs années, un livre ne soit plus disponible chez un éditeur… Encore plus dans un secteur de niche (les comics représentent environ 4% des ventes de bandes dessinées en France – même si c’est à nuancer car des comics se vendent très bien mais ne sont pas catégorisés comme tel (jeunesse – comme les Picsou de Don Rosa –, romans graphiques, etc.), mais c’est un autre et vaste débat ; on parle de 8% environ sinon).
2. Une absence de communication ? Oui car aucune obligation légale…
L’éditeur Urban Comics n’a pas du tout communiqué sur cet arrêt de commercialisation. Tout à fait, car rien ne l’y oblige… Partager ce genre d’informations est toujours délicat. D’un côté on peut saluer la transparence et réactivité de ceux qui le font, d’un autre cela peut générer une colère et frustration (bien légitime !) de la part des lecteurs (principalement ceux qui ont acheté/commencé des séries qu’ils ne peuvent plus trouver). Cela peut aussi déclencher des ventes d’occasion onéreuses, accentuer la spéculation, etc. Par ailleurs, la majorité des titres n’étant plus disponibles depuis des années, cela est presque une « non actualité » car banalement une confirmation.
3. Quel avenir pour les titres concernés ?
Plusieurs options tristement simples :
- Il est désormais (à mi-août 2025) impossible de les commander en librairie – ce qui était déjà le cas pour la majorité des comics
- On peut encore en commander une poignée sur les sites de la Fnac et amazon (probablement durant encore quelques semaines)
- Si vous trouvez un titre en librairie, vous pouvez tout à fait l’acheter à son prix indiqué
- Le libraire peut renvoyer le livre à son fournisseur (afin de se faire « rembourser ») jusqu’au 31 octobre (date à confirmer)
- Si un titre retiré du catalogue reste en rayon les prochains mois (et années) dans les librairies et enseignes culturelles, vous pourrez toujours l’acheter (au prix indiqué)
- Il faudra se tourner vers le marché de l’occasion pour se procurer (probablement à prix d’or) les titres retirés…
- … ou espérer qu’Urban les réédite dans un autre format (Paperback notamment, possiblement Nomad ou encore dans les Chronicles)
4. Quels sont les titres retirés du catalogue ?!
La liste est accessible sur le site d’Urban Comics sous forme de PDF de 8 pages. On fait le point sur ce qui concerne Batman.
I – Des titres retirés MAIS toujours disponibles car réédités dans le Black Label ou sous forme d’intégrale donc dans un format très similaire (pas de problèmes pour se le procurer donc) :
- Batman – Amère Victoire
- Joker Infinite [3 tomes] (réédité en intégrale)
II – Des titres retirés MAIS toujours disponibles dans la collection Nomad (petit format souple) :
III – Des titres retirés MAIS réédités (intégralement ou partiellement) dans le format Paperback (et/ou dans les Batman Chronicles – ou à terme dedans)
- Batman – No Man’s Land [6 tomes] : réédité dans Paperback (et, à terme, dans les Batman Chronicles)
- Batman – Detective Comics [7 tomes] : les deux premiers tomes sont réédités sous le titre L’envol des Batmen, sortie le 3 octobre prochain (les cinq suivants ne sont pas annoncés pour l’instant mais Urban confirme dans sa FàQ – cf. bas de cette page – que tout le run de l’auteur, James Tynion IV, sur cette série sera publiée)
- Batman – Année Deux : déjà dans Batman Chronicles 19
IV – Des titres retirés mais qui ont de grandes chance d’être réédités (Nomad, Paperback, Chronicles…) (attention, il n’y a aucune confirmation ici, il s’agit uniquement « d’intuition » basée sur la qualité et popularité des récits).
- Batgirl Année Un
- All-Star Batman [3 tomes] (peut-être rééditée dans Scott Snyder présente Batman à terme)
- Infinite Crisis [5 tomes] (confirmée en format Paperback en 2027 au plus tôt dans la FàQ de l’éditeur – cf. bas de cette page)
- 52 [4 tomes] (idem)
- Justice League vs. Suicide Squad
V – Des titres retirés qu’on ne retrouvera sans doute jamais…
(liste qui sera évidemment mise à jour en cas de changement de la part d’Urban)
- Batman – The World
- Batman – Les Patients d’Arkham
- Batman Mythology [6 tomes] – pas encore chroniqué sur ce site
- Batman – Dark Knight III | Les couvertures
- Batman & Robin Eternal [2 tomes]
- Batgirl [3 tomes]
- Batman – New Gotham [3 tomes]
- Batman – Meurtrier & Fugitif [3 tomes]
- Paul Dini présente Batman [3 tomes]
- Batman – Gotham Knights [6 tomes]
- Robin Infinite [3 tomes]
- Catwoman [5 tomes]
- Selina Kyle : Catwoman [3 tomes] – pas encore chroniqué sur ce site
- Catwoman Eternal [2 tomes]
- Grayson [3 tomes]
- Future State – Batman [2 tomes] – pas encore chroniqué sur ce site
- Batman Huntress
- Batman & les Monstres
- La saga de Ra’s al Ghul
- La résurrection de Ra’s al Ghul
- La proie d’Hugo Strange
- Bill Finger – Dans l’ombre du mythe
VI – D’autres titres qu’on ne retrouvera sans doute jamais : la collection Urban Link (petit format souple pour jeune public – cf. les 5 premiers titres de la liste ci-dessous), les titres Justice League, Harley Quinn et Suicide Squad mais aussi quelques crises DC sont également retirés
- Harley Quinn – Breaking Glass
- Catwoman – Under the Moon
- Batman – Nightwalker
- Victor & Nora – A Gotham Love Story
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- Justice League – Faute d’un clou
- Justice League – Dark Infinite
- Crisis on Infinite Earth – Le Compagnon [édité sous le titre Crisis Compagnon]
- DC Univers Rebirth
- Justice League of America [7 tomes]
- Justice League Rebirth [6 tomes]
- Future State : Justice League [2 tomes]
- Justice League International [2 tomes]
- Joe Kelly présente Justice League [3 tomes]
- Justice Society of America – Le Nouvel Âge [2 tomes]
- Injustice – Ground Zero [2 tomes]
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- Harley Quinn Rebirth [10 tomes] (disponibles en intégrale)
- Harley Quinn Infinite [4 tomes]
- Harley Quinn – Little Black Book
- Birds of Prey – Harley Quinn
- Suicide Squad Rebirth [7 tomes]
- Suicide Squad – Blaze
- Suicide Squad – Get Joker !
- Deadshot & les Secret Six [4 tomes]
- Les archives de la Suicide Squad [4 tomes même si seulement les trois premiers sont dans la liste]
- La cible de Deadshot
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- Earth 2 [6 tomes]
- Future’s End [4 tomes]
- Le Monde de Flashpoint [4 tomes]
5 – Conclusion
Une certaine page se tourne… Une ère se termine… C’est triste mais c’est ainsi. L’inaccessibilité à de la culture est toujours terrible mais la réalité économique revient inéluctablement en pleine face. Ceux qui voient le verre à moitié vide rageront tout en conspuant (à tort) l’éditeur, là où ceux qui voient le verre à moitié plein s’estimeront heureux d’avoir vécu une grosse décennie avec des comics inédits accessibles. Dans quel camp vous situez-vous ? Un entre-deux ?
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Bonus : Urban Comics a mis en ligne une très longue foire aux questions de leurs lecteurs le vendredi 29 août. Un exercice de « transparence » appréciable mais qui génère autant de satisfaction que de frustration (les premiers retours sur les réseaux sociaux – Facebook et X/Twitter par exemple – vont également dans ce sens, même si ce n’est évidemment pas forcément représentatif de l’ensemble).
En effet, plusieurs points peuvent crisper. Tout d’abord l’éditeur partage cette masse d’informations clivantes un vendredi soir à 17h, ce qui minimise fortement sa visibilité, noyée dans d’autres publications (qu’on peut juger « moins importantes ») qui ont été mises en ligne dans les heures suivantes. Ensuite, les plus pointilleux pourraient évoquer la mise en page très sommaire de l’ensemble qui débouche sur un côté peu lisible/aéré malgré une démarcation par catégorie (mais c’est vraiment pour chipoter). Enfin, et surtout, certaines réponses ne vont pas dans le sens de ce que les lecteurs aimeraient – ne pas publier la fin d’une série notamment – on en reparlera plus loin, et restent parfois nébuleuses : le succès d’une série dépend des ventes mais aussi de trop de facteurs divers, parfois logiques mais agaçant (une lecture n’a pas convaincu en interne donc il n’y aura pas de prise de risque de publication), parfois improbables (l’échec du film Justice League en 2017 aurait freiné l’éditeur à publier du Justice League !), parfois culpabilisantes pour le lecteur (à lui de faire un travail de commercial/représentant auprès de son libraire et son entourage !) et ainsi de suite. De même, l’éditeur évoque bon nombre de séries qui ne sont pas prévues (Green Lantern, Flash, Wonder Woman…), ce qui n’est pas très rassurant pour l’avenir (l’industrie des comics est très très fragile depuis la période post-Covid). Urban Comics utilise beaucoup de « réponses de Normands » à diverses sollicitations, donc des retours évasifs (« ce n’est pas prévu mais peut-être plus tard / pourquoi pas on verra / probablement non mais on ne sait jamais ») etc. En somme, un ensemble mi-figue mi-raisin. L’éditeur reconnait aussi ses failles dans leur communication (soit inexistante, soit volontairement floue – idem, on y revient aussi plus loin).
Mais voyons déjà ce qui nous attend et qui relève de bonnes nouvelles ! Côté Batman, on apprend – sans surprise – que :
- La saga Knightfall sera bien présente dans les Batman Chronicles de l’année 1993 (actuellement nous en sommes à 1990). Dans un second temps, elle arrivera dans la collection DC Paperback. Au rythme de deux Batman Chronicles par an, cela amène très probablement la version Paperback en… 2030/2031 au plus tôt (même année que les Chronicles) – gasp !
- (On peut d’ailleurs comprendre en lisant entre les lignes que la gamme Chronicles, justement, semble se vendre correctement mais pas non plus de façon flamboyante. Toutefois elle n’est pas abandonnée au profit de la collection Paperback (certains le pensaient visiblement !). Urban se fait même un devoir de la poursuivre et elle n’aura pas d’autres super-héros que Batman, Superman, Flash et JSA (donc pas de Wonder Woman, Green Lantern…))
- Toujours en Batman Chronicles : 2 tomes sont prévus pour 2026 – et ce rythme de deux publications par an semble désormais être « la norme » –, le second de l’année 1990 est annoncé « tôt en 2026 » donc probablement durant le premier trimestre
- Batman Cataclysme (introduction de No Man’s Land) sera aussi réédité en Paperback mais pas en 2026. Idem pour Batman – Un Deuil dans la Famille
- The Dark Knight Returns est bien prévu parmi les trois titres annuels de la collection Urban Limited (décembre 2026)
- La série Batman & Robin – Dynamic Duo n’aura probablement pas sa suite publiée (déjà évoqué en début de cet article), de même que la seconde intégrale de Batwoman Renaissance (ou alors en format Paperback)
- Batman Contagion et Batman Legacy, tous deux inédits en France, devraient sortir à terme en Paperback mais pas en 2026
Enfin, citons deux réponses tranchées de l’éditeur qu’on a jugé pertinent de relayer ici (les passages en gras proviennent directement de la FàQ). Sur un sujet qui revient souvent (parfois corrélée à celle d’une « promesse non tenue » [1]) suite à cette question : « Pouvez-vous être l’éditeur qui commence une parution et certifie que tout sera publié en entier ? Par exemple, j’aimerais commencer les JSA Chronicles mais sans savoir s’il y aura une fin réelle de la collection, je n’ose pas me lancer dans l’achat des premiers tomes. » La Team Urban Comics (TUC) est entièrement transparente : « Au risque de vous décevoir, non, nous ne serons pas l’éditeur capable d’assurer que chacune de ses séries ira au bout. L’éditeur propose et le lecteur dispose. Si le nombre de lecteurs n’est plus suffisant pour assurer l’équilibre financier d’un titre, l’éditeur n’a pas d’autres choix que de ralentir le rythme de publication (mais au-delà de 2 ans, vous pouvez comprendre que la série est abandonnée) ou de simplement la stopper. » Le second point en gras est particulièrement intéressant, confirmant implicitement l’arrêt, par exemple, des Batman – The Dailies, dont le deuxième tome (sur trois prévus initialement) remonte à janvier 2021, soit 4 ans et demi…
Plus loin, une interrogation similaire : « De façon générale, pouvez-vous communiquer lorsque vous ne terminez pas une série ? ». L’éditeur reconnaît la difficulté de ce sujet touchy tout en assumant laisser volontairement « un flou » (!). Réponse : « Vous soulevez la problématique de communiquer sur les séries que nous ne poursuivons pas. C’est un sujet délicat car en ces temps un peu difficiles pour le secteur comics, nous préférons axer notre communication sur ce qui fonctionne. Or, comme la plupart des médias ou relais de communication ont tendance à se focaliser sur le négatif, cela ne ferait que nourrir une spirale entropique. Et nous comprenons également parfaitement que vous laisser dans le flou n’a rien d’idéal. Bref, il n’y a pas de réponse simple à cette question. En tout cas, on ne l’a pas encore trouvée. Maintenant, si l’on raisonne de manière pratique : si le prochain tome de votre série met plusieurs années à paraître (surtout si la suite est déjà disponible en VO), il y a fort à parier pour que la série soit à l’arrêt en VF. » Même message martelé un peu plus tard à une question équivalente : « Dans le doute, gardez en tête cette règle générale : si cela fait plus d’un an que vous attendez la suite d’une série dont la suite est disponible en VO, c’est qu’elle a peu de chance d’avoir trouvé son public en France et que sa suite est grandement compromise. C’est injuste lorsqu’il s’agit d’une série que vous suivez mais on ne peut malheureusement pas publier un titre à perte. On essaie simplement de viser juste 51 fois sur 100. » (51 fois sur 100 ?!)
[1] Nettement plus loin dans la FàQ, Urban utilise ce mot promesse, qui faisait probablement écho à des citations de l’éditeur en début d’activité il y a une petite quinzaine d’années : « la promesse de conserver l’ensemble de nos titres disponibles (des milliers de références à date) n’est plus possible en raison d’un marché qui a beaucoup évolué sur cette période. »
Par ces quelques exemples, on revient à deux points, in fine : on communique effectivement dans ce long article sur du négatif (exactement ce qu’évoque Urban juste au-dessus) et… on retombe sur la vision du verre à moitié plein ou vide. Malgré l’inquiétude de l’avenir du secteur, ici on préfère saluer et remercier Urban Comics qui rendu ses lettres de noblesse au Chevalier Noir après des années d’errements éditoriaux avec enfin des titres cultes, accessibles et un soin tout particulier apporté aux livres <3