Publié sous le titre originel Jekill & Hyde dans le magazine Batman de Panini Comics en 2006 (numéros #13 à #18), cette histoire sur le célèbre ennemi du Dark Knight a été rééditée en juin 2014 avec une appellation plus accrocheuse : Les Tourments de Double-Face.
[Histoire]
Des meurtres extrêmement violents ont lieu dans Gotham : actes de cannibalisme, tueries familiales par des personnes douces et sans histoires. Du jamais-vu en si peu de jours pour Gordon, dépassé par les évènements.
Batman enquête et pense que Double-Face est dans le coup. Ce dernier est enfermé à Arkham mais ne tardera pas à s’échapper, plus en proie avec ses démons intérieurs que jamais. Se remémorant son enfance avec son frère et son incessant combat cérébral schizophrénique.
Bruce Wayne, de son côté, rencontre un médecin persuadé que l’Homme se bat avec son moi intérieur sans arrêt, au lieu de le laisser s’exprimer pleinement.
[Critique]
Noir. C’est le premier qualificatif auquel on pense quand on lit ce récit. Noir par son ambiance tout d’abord : des scènes de crimes assez insoutenables et une folie extrême de Double-Face. Noir par son ambiance graphique ensuite : des planches très sombres, magnifiées par Jae Lee dans les trois premiers chapitres (l’artiste au style épuré s’est nettement amélioré depuis, sur Before Watchmen – Ozymandias notamment, et œuvre actuellement sur la série Batman/Superman, publiée dans Superman Saga) puis beaucoup moins jolies ensuite. C’est en effet Sean Phillips qui termine l’ouvrage, les traits sont moins alléchants que ceux de Lee, mais la colorisation de June Chung, sombre elle aussi, permet de garder une petite cohérence graphique.
C’est donc Double-Face et Batman qui sont au cœur de cette étrange histoire. Elle rappelle indéniablement Killing Joke. La dualité entre les deux protagonistes, l’envie de restreindre l’homme chauve-souris à succomber aux ténèbres pour se laisser aller définitivement dans la violence voire la mort, la question récurrente du moi intérieur, etc.
Le côté psychologique du récit permet d’avoir un aspect plus contemplatif (surtout avec les dessins de Jae Lee) que basé sur l’action (qui reviendra sur la fin). La conclusion offre d’ailleurs de nouvelles origines très intéressantes pour Harvey Dent. La mini-série tend à penser que l’homme était déjà schizophrène avant sa transformation physique (une théorie déjà mise en scène, plus ou moins, subtilement dans le film The Dark Knight). Ce sujet est passionnant et cette interrogation fait écho à celle de Bruce Wayne/Batman.
Une atmosphère très pesante, aussi bien esthétiquement que scénaristiquement, qui offre un bel « hommage » part à Harvey Dent/Double Face et qui peut même s’intercaler dans ses origines officielles. On aurait aimé que Jae Lee dessine tous les chapitres, cela aurait sans doute donné un statut de culte aux Tourments de Double-Face, assurément la représentation la plus efficace du Dr Jekyll and Mr Hyde moderne.