Après l’excellent DCEASED, récit original et prenant, on pouvait découvrir une petite extension de cet univers en lisant Unkillables, un segment se déroulant durant les évènements de DCEASED. Rebelote avec Hope at World’s End, nouvelle mini-série prenant également place pendant l’histoire principale de DCEASED. De quoi se préparer à la suite, DCEASED 2, en vente en septembre prochain en France (cf. index).
[Résumé de l’éditeur]
L’équation anti-vie a infecté plus d’un milliard de personnes sur Terre. De chaque côté de l’échiquier, héros comme vilains, nombreux sont ceux qui lui ont succombé. Immédiatement après la destruction de Metropolis, Superman et Wonder Woman mènent un effort pour endiguer la vague d’infection, préserver et protéger les survivants et essayer d’entrevoir la lumière au bout du tunnel. À l’heure la plus sombre de la Terre, l’humanité fait face à son plus grand défi, ne pas perdre espoir, quand tout semble déjà perdu.
[Histoire]
Au moment où le virus techno-organique a été lâché, circulant sur tous les écrans connectés du monde entier (voir DCEASED), Jimmy Olsen a réussi à lui échapper et comprendre ce qui se tramait. Il tente d’immortaliser les évènements avec son appareil photo, afin de rendre hommage aux héros d’aujourd’hui qui pourraient bien disparaître demain…
Black Adam opte pour une solution radicale dans son pays, le Khandak. Afin de sauver sa population, il décime tous les infectés (ce que n’osent pas faire les autres super-héros) et déconnecte l’intégralité des écrans rapidement. Tristement, la région devient la plus sécuritaire. Superman, Wonder Woman et le Limier Martien veulent s’allier avec Black Adam pour protéger les rescapés.
De son côté, Wally West parcourt sa ville le plus vite possible afin de casser un maximum d’écran pour limiter les dégâts. Aerie et Wink, deux jeunes (et récents) super-héros se réfugient à Jotunheim, immense forteresse du Kurak. Enfin, Damian Wayne doit reprendre le costume de Batman afin d’honorer le symbole de son père…
[Critique]
Si Unkillables était un complément sympathique mais dispensable, Hope at World’s End est davantage important voire essentiel pour (mieux) savourer DCEASED (ce dernier est à lire obligatoirement avant). C’est peut-être même la pièce de puzzle absente au premier album, qui allait beaucoup trop vite et enchaînait les séquences intéressantes mais sans s’attarder sur certains protagonistes.
Ici, on prend le temps de mettre en avant des personnages secondaires (Jimmy Olsen entre autres) ou des super-héros moins connus, comme le trio juvénile composé de Batman/Damian Wayne, Superboy/Jon Kent (fils de Clark et Lois) et Wonder Girl/Cassandra « Cassie » Sandsmark. Ces enfants apportent une légèreté et un humour bienvenus dans la fresque épique et tragique qu’est DCEASED. Un numéro d’équilibriste complexe mais réussi, au sein duquel les délicieuses remarques de Talia al Ghul font mouche, nourrissant le récit d’une dimension drôle et décalée et… parfois touchante.
Les chapitres se suivent avec un excellent rythme (un des points forts de l’entièreté de la saga même si, comme déjà dit, elle devrait parfois lever un peu le pied), permettant de multiplier les points de vue, avec quelques clés de compréhension à des scènes « déjà connues » de DCEASED. Son même scénariste Tom Taylor (déjà architecte d’une autre saga culte : Injustice) s’offre le luxe d’étoffer la continuité de façon rétroactive en plaçant deux nouveaux personnages, Aerie et Wink — qui ne manqueront pas de diviser les lecteurs pour diverses raisons [1] — qu’il a lui-même créé dans son excellente série en deux tomes Suicide Squad Rénégats.
Aerie et Wink souffrent justement d’une certaine introduction, débarquant de nulle part comme si l’on était familier du duo, par ailleurs particulièrement attachant. Si l’on sait à l’avance comment se termine la série (elle s’achève avant le sixième chapitre de DCEASED), elle parvient quand même à surprendre, que ce soit dans la narration (évolutions, retournements de situation…) ou bien dans sa proposition singulière de temps à autre (un focus le temps de plusieurs planches sur… des animaux, héroïques ou non !).
Pour résumer la chronologie de DCEASED, Urban propose une fresque très sommaire à la fin du livre ; avec pour le premier DCEASED trois points : « Départ de l’épidémie » puis « Mort de Superman » et enfin « L’humanité s’enfuit vers Terre 2 ». Entre les deux premiers points se déroulent Unkillables (« Poison Ivy et les vilains créent un refuge à Gotham ») et Hope at World’s End (« La Justice League organise aussi la résistance ! ») puis cela converge vers DCEASED 2, attendu pour septembre 2021. Notons juste que la couverture de Hope… proposant Swamp Thing en mort-vivant ne reflète pas du tout le comic-book car la créature du marais n’y apparaît pas. Ce magnifique dessin de Francesco Mattina fait partie d’une galerie de portraits pour des couvertures alternatives issue des quatre titres gravitant autour de DCEASED, incluant sa suite, Dead Planet (simplement renommé DCEASED 2 chez nous). Urban Comics les utilise d’ailleurs pour ses versions françaises des séries.
Dans cette troisième aventure de cet univers alternatif, on (re)ferme les yeux sur l’improbabilité du fameux virus, équation de « l’anti-vie », qui transforme tout le monde en zombie. Inutile de s’attarder sur cette bizarrerie rocambolesque, si l’on replonge dans DCEASED, c’est qu’on a accepté cet état de fait. Hope at World’s End apparaît alors comme un enrichissement quasiment indispensable au premier comic-book ! Les dessins et l’encrage sont assurés par une myriade d’artistes : Marco Failla et Renato Guedes (les deux principaux — leurs noms apparaissent d’ailleurs sur la couverture) mais aussi Dustin Nguyen, Camine Di Giandomenico, Karl Mostert, Daniele Di Nicuolo et Jon Sommariva. Les couleurs sont le travail d’une seule personne : Rex Lokus, permettant à minima une homogénéité sur l’aspect chromatique. La série alterne divers styles, sans qu’aucun ne soit réellement déplaisant, l’ensemble forme une production somme toute assez « mainstream », avec son lot d’action, violence et beauté graphique de temps à autre, le tout vivement coloré. Bref, les fans DCEASED vous pouvez vous ruer sur Hope at World’s End !
[1] Aerie est non-binaire, c’est quelqu’un qui ne se retrouve pas dans la « norme binaire » de la société, c’est-à-dire qui ne se sent ni homme ni femme mais soit entre les deux, soit aucun des deux (cf. définition sur Wikipédia). Pour les qualifier en France, le pronom « iel » a été crée (contraction de il et elle donc — correspondant à l’équivalent they en anglais). Urban Comics a décidé de l’utiliser dans la bande dessinée (et ce dès la description des personnages en ouverture du livre) ainsi que l’écriture inclusive pour les participes passés et adjectifs (« Tu es épuisé⸱e »).
Une approche éditoriale à saluer mais qui risque d’être clivante chez le lectorat entre les conservateurs de la langue Française ou d’une manière générale et les progressistes (ou se qualifiant comme tel). Le plus ironique étant que le traducteur de DCEASED – Hope at World’s End est le même que celui qui s’était permis un encart « humoristique » sur l’écriture inclusive (avec une traduction factuellement incorrecte, dénaturant les propos du personnage (Batgirl) et des auteurs derrière) à propos d’un autre titre, déclenchant une polémique disproportionnée et sans réponse de l’intéressé ou de l’éditeur…
[A propos]
Publié chez Urban Comics le 9 avril 2021.
Contient DCEASED : Hope at world’s end #1-15
Scénario : Tom Taylor
Dessin et encrage : Collectif (voir article)
Couleur : Rex Lokus
Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Cromatik Ltée, Île Maurice
Acheter sur amazon.fr : DCEASED – Hope at World’s End