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Dark Knight III – Tome 02

Dark Knight III (en quatre tomes) est le troisième volet du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns et poursuivi avec The Dark Knight Strikes Again.
Page récapitulative | Critique de Dark Knight III – Tome 01

MàJ : suite à la publication en format intégrale de Dark Knight III en 2020, l’entièreté de la série a bénéficié d’une critique mise à jour sous un prisme de lecture « à la suite ». C’est à découvrir sur cet article.

Dark Knight III Tome 2

[Histoire]
Les kryptoniens de Kantor ont retrouvé leur taille humaine grâce à Atom, qui fut rétréci à l’infini par Quar, leur terrible leader despotique. Celui-ci s’en prend désormais aux Terriens et exige leur soumission. Ses « enfants » l’adulent et sont même kamikazes pour le bien commun de Quar et leur peuple.

De son côté, Carrie Kelley, après son évasion lors de son extraction vers la prison Blackgate, retrouve Bruce Wayne. Suite aux menaces de Quar, le binôme décide d’aller « réveiller » Superman (dans sa forteresse de glace), seule force restante pouvant les aider.

Lara, la fille de Wonder Woman et l’Homme d’Acier, n’est pas spécialement enclin à défendre les Terriens, elle se sent plus proche des… kryptoniens.

Dark Knight III Superman

[Critique]
Après un premier tome mitigé, l’histoire est cette fois bien lancée et davantage prenante. On ne peut pas vraiment blâmer les auteurs (pour une fois), mais plutôt (et là aussi c’est rare) l’éditeur. En effet, si Dark Knight III avait été publié en France en deux tomes seulement (deux fois quatre chapitres), l’on aurait eu une première salve nettement plus efficace que le volume précédent, plutôt faible et introductif. Mais peu importe.

Dark Knight III Quar

Ici donc, la menace Kantorienne (la fameuse Master Race du titre originel, la « race maîtresse ») est enfin concrète. Le retour de Superman est l’un des points forts de l’ouvrage ; même si sa défaite face à sa fille peut laisser dubitatif. On s’étonnera de la non participation au conflit de Wonder Woman (tout du moins pour cette première bataille).

Du reste, l’accent est cette fois mis en avant sur Batman, plus remonté que jamais mais conscient d’être devenu « un boulet » (de son propre aveu) dans sa croisade. Mais le Chevalier Noir ne perd pas de sa superbe pour autant, bien au contraire, les planches finales du premier chapitre sont, à ce titre, excellentes et rappellent les meilleures heures du Caped Crusader sous la houlette de Frank Miller.

Dark Knight III Bruce Wayne Carrie Kelly

Frank Miller, toujours scénariste/consultant/conseiller (on ne sait pas vraiment, même si, à nouveau, son « univers » est toujours très présent, narrativement bien sûr mais aussi graphiquement) officie comme dessinateur des deux backs-up. Ces mini-chapitres sont consacrés à un héros spécifique, se situant légèrement en marge de l’histoire principale tout en y restant ancrés (logiquement pour préparer la suite, quand tout va conjecturer).

Après Atom et Wonder Woman/Lara dans le tome précédent, ce sont Green Lantern puis Batgirl — nouvelle « identité » de Carrie Kelley (et brièvement Aquaman) qui y ont droit cette fois. Deux courts récits peu exceptionnels, aussi bien sur la forme que le fond, surtout celui sur le Justicier d’Émeraude, irrespectueux du personnage. Il est agréable de retrouver Miller aux dessins sauf que l’artiste est toujours sur sa lancée type The Dark Knight Strikes Again, autrement dit : très brouillon et assez hideux.

Dark Knight III Green Lantern Miller

Dark Knight III Batgirl

Sur les deux chapitres principaux, qui forment donc le cœur du livre, le dessinateur Andy Kubert s’émancipe peu à peu de son illustre modèle (tout en lui restant vaguement fidèle, mais d’une façon moins prononcée, ce qui n’est pas plus mal) et livre de très belles versions et découpages, notamment sur les retours de Superman et Batman (le « Go to Hell / Va au diable » est puissant et survient brillamment, cela aurait pu conclure le chapitre d’ailleurs).

Dark Knight III Lara

Au scénario, on retrouve les sujets favoris de Miller : fondamentalisme religieux (le gourou kryptonien a plusieurs femmes, ses fidèles sont des kamikazes), anti-conservatisme (Trump apparaît brièvement, au même titre que Obama et Hollande à priori), critique aussi (de façon primaire certes), du langage SMS des « jeunes », de Twitter et YouTube (donc des réseaux sociaux)… Difficile de dissocier désormais l’artiste de l’homme, aussi bien à travers ses œuvres (si on les connaît) que ses déclarations « hors bande dessinée ».

Quand bien même, l’ensemble se lit « bien », à défaut d’être réellement surprenant ou original. Une suite plus efficace donc, qui retrouve (en moins subtil) ce qui faisait le sel de la première œuvre d’il y a trente ans (à la demande/pression de l’éditeur ?). La sensation de remake déguisé se fait sentir, mais ça fonctionne tout de même, en tout cas pour l’instant et, surtout, si on enlève les backs-up plutôt ratés. On aimerait bien savoir dans quelle mesure Miller épaule Brian Azzarello, à moins que ce ne soit l’inverse ? Tant rien ne semble réellement de la patte du second cette fois.

          Dark Knight III Yindel Batman

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 2 septembre 2016.
Titre original : The Dark Knight III – The Master Race & Dark Knight Universe Presents : Green Lantern / Batgirl
Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessin : Andy Kubert, Frank Miller (DKUP : Green Lantern #1 (« Finitions ») et Batgirl #1) et John Romita Jr. (« Découpage » sur DKUP : Green Lantern #1)
Encrage additionnel : Klaus Janson
Couleur : Brad Anderson et Alex Sinclair (DKUP : Green Lantern #1 et Batgirl #1)
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky
Première publication originale en novembre et décembre 2015.

Dark Knight III Wonder Woman

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Dark Knight III – Tome 01

Dark Knight III Go to Hell

 

 

 

Joker Anthologie

Tout comme Batman, son plus célèbre ennemi a le droit à son recueil anthologique. Nettement plus intéressant et passionnant que celui du Chevalier Noir (qui, malgré son côté incontournable faisait fi, justement, de ses antagonistes emblématiques), cet ouvrage est essentiel pour comprendre et juger l’évolution du Joker. L’histoire L’Homme qui rit vaut à elle-seule l’achat de cette pépite.
Certaines images d’illustrations ont été mises bout à bout afin de garder une présentation homogène mais ne sont pas forcément « à la suite » dans le livre.
Pour en savoir (encore) plus sur le Joker, une étude de cas de huit pages, rédigée par l’auteur de ce site, est à découvrir dans un magazine. Plus d’informations sur cet article.

— Les plus grands méfaits du Clown Prince du Crime en 20 récits —

Joker Anthologie

PREMIÈRE PARTIE : DUEL D’ÉGOS

Batman contre le Joker & Le Retour du Joker — Batman #1 (1940)
Un nouveau criminel sévit dans Gotham City : le Joker. Il annonce à la radio la mort de certaines personnalités, pour une heure précise. Chacune se réalise. Batman et Robin enquêtent…

Batman contre le Joker

La première apparition du célèbre Clown du Crime ! À l’époque, l’éditeur et les auteurs cherchaient une nouvelle figure menaçante —qui devait mourir à la fin, comme la plupart des ennemis à ce moment là— et la création du Joker est à attribuer conjointement aux trois artistes (Finger, Kane et Robinson). L’emblématique fou furieux est alors caractérisé par son « look » (qui ne changera guère durant les 75 ans suivants) et sa cruauté (il tue sans remords). Dans un premier temps, il cherche juste à voler des bijoux (donc de l’argent), un but assez classique et sans réel envergure ; il n’y avait pas la dualité et le côté miroir déformé de Batman qui sied aujourd’hui à ravir au binôme iconique. Chacune de ses ruses est expliquée, il faut reconnaître une certaine originalité dans la plupart d’entre elles.
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Bob Kane & Jerry Robinson]

La Doublure du Joker — Detective Comics #85 (1944)
Un homme se fait passer pour le Joker et signe ses méfaits sous son alias. Le vrai Joker, fou de rage, entreprend alors de « prouver son innocence » et sauvera même la vie de Batman lorsque celui-ci et Robin traqueront les deux Clowns dans une imprimerie !

La Doublure du Joker

Une histoire qui bénéficie à nouveau d’une certaine ingéniosité. La thématique de « l’innocence » du Joker sera par ailleurs reprise dans l’excellent L’Avocat du Diable des années plus tard ; dans lequel Batman enquête pour prouver la non-culpabilité de son pire ennemi ! (C’était d’ailleurs un comic-book suggéré au YouTubeur Lex Tutor pour sa vidéo de vulgarisation de Droit à laquelle j’ai participé en tant que conseiller.)
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Dick Sprang]

Plagié par le Joker —Batman #37 (1946)
Afin de gagner davantage d’argent, le Joker propose ses services d’aide et de conseils à d’autres criminels. Il pousse même le vice en créant un « Joker Signal » et d’autres véhicules et gadgets copiés sur ceux de Batman pour parfaire ses interventions en urgence. Batman et Robin tentent évidemment de l’arrêter.

Plagie par le joker

Encore une fois, l’on prime sur l’originalité d’un petit scénario qui se lit encore très bien. La Joker est nommé « le Saltimbanque Sardonique du Crime », une appellation qui ne perdurera guère en revanche. L’ensemble est plaisant, avec cet éternel petit côté « old-school » des dessins.
[Scénario : non crédité / Dessin : Jerry Robinson]

L’Homme au Masque Rouge — Detective Comics #168 (1951)
Batman donne des cours à des étudiants (!), il leur explique les bases pour enquêter. Afin de les tester, il leur propose de découvrir l’identité de Red Hood, un ancien ennemi mystérieux disparu depuis plusieurs années. Celui-ci fera d’ailleurs sa réapparition sur le campus !

L'homme au masque rouge

Bill Finger apporte ici des origines au Joker (qui n’en avait jamais eu !) en expliquant la tombée dans la cuve d’acide, le costume, le masque, etc. Une idée qui sera reprise des années après dans Killing Joke (1989) et modernisé en 2014 par Scott Snyder dans Batman #0 puis L’An Zéro). À travers le fameux heaume rouge, brillant et lisse, le mythe de l’Homme au Masque de Fer n’est pas loin…
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Lew Sayre Schwartz / Encrage : George Roussos]

La Ceinture à Gadgets du Joker — Batman #73 (1952)
Le Clown du Crime réalise qu’il échoue face à Batman à cause des nombreux gadgets de celui-ci. Le Joker décide alors de créer sa propre ceinture…

La ceinture à gadgets du joker

En pleine période de comics « censurés » (à cause du Comics Code Authority), les aventures de Batman et Robin se veulent plus légères et « amusantes ». C’est le cas ici, loin d’être inoubliable, cela montre surtout le reflet d’une époque révolue. Cette période contraindra une disparition du Joker (au lieu de le changer en un ennemi fade et aseptisé).
[Scénario : David Vern Reed / Dessin : Dick Sprang / Encrage : Charles Paris]

Les Exploits Burlesques du Joker — Detective Comics #341 (1965)
Le « virulent virtuose de la névrose, le sublime sadique sardonique, le maladrin aux mille mascarades, le féroce forcené facétieux » (le Joker donc) devient producteur de films comiques dans lequel il opère divers braquages en se faisant passer pour des comédiens muets ou burlesques. Certains de ses complices portent même les costumes de Batman et Robin ! Les deux vrais justiciers vont évidemment se mettre en travers de sa route.

exploits burlesques du joker

Dernier chapitre de l’époque révolue, dans laquelle les histoires étaient devenues bon enfant (à l’inverse des débuts où les morts sévissaient constamment) avec en petite évolution, un aspect graphique beaucoup plus réaliste (un choix du moment).
[Scénario : John Broome / Dessin : Carmine Infantino / Encrage : Joe Giella]

DEUXIÈME PARTIE : GUERRE DES NERFS

Les Cinq Vengeances du Joker — Batman #251 (1973)
Un cadavre est retrouvé, assassiné par le Joker. Batman rend visite à d’anciens complices du Clown, mais chacun d’entre eux meurt des mains du Joker… Le Chevalier Noir se retrouve même enfermé dans un bassin d’eau avec… un requin.

cinq vengeances du joker

Retour à un Joker « violent » qui n’hésite pas à tuer (comme à sa création). Le tandem O’Neil/Adams aspire de toute façon à un Batman résolument plus sombre et adulte, aussi bien dans son récit que dans son graphisme (un constat déjà présent dans l’Anthologie Batman, par les mêmes auteurs).
[Scénario : Dennis O’Neil / Dessin : Neal Adams / Encrage : Dick Giordano]

Le Poisson qui Rit — Detective Comics #475 (1978)
Des milliers de poissons arborent le sourire fatidique du Joker… Le Clown du Crime ordonne de recevoir une part sur les poissons vendus, puisqu’il est à l’origine de leur transformation. Il annonce en direct à la télévision de futurs morts s’il n’obtient pas son dû. Batman est sur ses traces mais il est perturbé par autre chose : il s’interroge sur sa relation avec Silver St. Cloud.

le poisson qui rit

Si le résumé prête à sourire (!), il n’en est rien, l’ensemble est très « sérieux » et l’amorce vers un Joker anarchiste et fou est définitivement entamé. Le machiavélique ira même à refuser de connaître l’identité réelle du Chevalier Noir, clamant qu’il n’y aurait plus aucun enjeu sinon. Cela « ôterait tout le sel, tout le piquant du duel avec le parfait adversaire […] le Joker a besoin de Batman ! […] Il mérite Batman […] Il serait indigne de moi que qui ce soit d’autre détruise Batman ! ». Place donc aux prémices de la dualité extrême entre les deux êtres, du miroir diabolique, de la représentation radicale de deux mêmes faces (idée qui sera prolongée notamment dans Killing Joke, et dans une moindre mesure dans Secrets).
Léger problème tout de même sur ce chapitre : même s’il fonctionne bien, il nécessite la connaissance d’histoires produites en amont et s’arrête sur une fin d’épisode et non définitive. Logique : c’est le même soucis rencontré sur le chapitre précédent de la même histoire (Detective Comics #474 donc) qui était publié dans Batman Anthologie ! C’est en effet le début des sagas à multiples épisodes qui se suivent. Heureusement pour les lecteurs (et comme annoncé dans l’introduction éditoriale), tout le run va être compilé dans un ouvrage. Celui-ci est publié depuis octobre 2014 (soit sept mois après la sortie de Joker Anthologie), il s’agit de Dark Detective. À noter également : ce chapitre ainsi que le précédent ont inspiré un épisode du dessin animé de la série de Bruce Timm.
[Scénario : Steve Englehart / Dessin : Marshall Rogers / Encrage : Terry Austin]

Odieux Anniversaire, Joker —Batman #321 (1980)
Le Joker se rend au commissariat de Gotham et kidnappe Gordon. Il propose ensuite une fête où plusieurs personnes sont ligotés, dont Robin. Batman va essayer de sauver tout le monde.

odieux anniversaire joker

Un chapitre qui peut paraître anecdotique mais qui livre une fois de plus le côté fou du Joker, notamment quand il tue un de ses hommes de main. À nouveau, cette histoire a été adapté dans le dessin animé de 1992.
[Scénario : Len Wein / Dessin : Walter Simonson / Encrage : Dick Giordano]

À mourir de rire — Batman #353 (1982)
Le Joker vole les explosifs destinés à détruire un immeuble ainsi que l’ordinateur qui le contrôle. Il parvient à kidnapper et attacher Batman à une falaise qu’il compte faire sauter et remodeler à son image.

a mourir de rire

Comme les précédents chapitres, celui-ci s’intercale clairement dans « un arc plus grand », en témoignent les personnages de Rupert Thorne, Vicki Vale, etc. Gordon était déchu de ses fonctions, cela rappelle un peu le début de Batman Eternal, d’autant plus que Jason Bard est mentionné et Batman plus ou moins déclaré hors-la-loi. Mais ça se lit bien, sans être très folichon non plus.
[Scénario : Gardner Fox / Dessin : Mike Sekowsky / Encrage : Bernard Sachs]

Mort de Rire — Detective Comics #570 (1987)
Le Joker inflige des tortures mentales à Catwoman qui faisait partie (à l’époque) du trio emblématique avec Batman et Robin (Jason Todd, second du nom). Le tandem cherche à la délivrer.

Mort de rire joker

Si le Clown du Crime est désormais redevenu « violent et fou » depuis quelques temps, il y a les prémices d’un Batman très cynique, qui prend même plaisir dans la violence et le chantage. A ses côtés, le nouveau venu Jason Todd/Robin, très jeune, qui enchaîne les jeux de mots pourris (il sera tué par le Joker moins de deux ans plus tard). Si les dessins prônent un côté plus réaliste et adulte, en adéquation avec les thèmes plus sociaux (SDF, drogues…), l’ensemble est paradoxalement très coloré et flashy, sans doute pour correspondre aux délires du Joker.
[Scénario : Mike W. Barr / Dessin : Alan Davis / Encrage : Paul Neary]

Le Choc des Symboles— Detective Comics #341 (1990)
Batman assomme un voleur qui était chez une voyante. Celle-ci lui propose ses services en échange. Le Dark Knight tire la carte d’un joker et se remémore une intrusion de sa Némésis dans un musée trois ans auparavant, où il était un simple visiteur en tant que Bruce Wayne.

le choc des symboles joker

À nouveau, on sent la veine plus réaliste et « marquante » du chapitre (Robin ayant été tué quelques mois avant) ; on assiste également à une narration non-stop de Batman, ses pensées sont clairement dévoilées au lecteur. Une habitude qui perdurera encore longtemps mais qui à l’époque était assez original. Rien d’extraordinaire dans cette histoire non plus.
[Scénario : Alan Grant / Dessin : Norm Breyfogle / Encrage : Steve Mitchell]

TROISIÈME PARTIE : RONDE MACABRE

Rires dans la Nuit — The Batman Adventures Annual #1 (1994)
Le Joker déambule dans Gotham, tuant des citoyens au hasard et arpentant les ruelles en faisant exploser sa folie notoire.

Rires dans la nuit

Les dessins calqués sur le dessin animé de l’époque, alors en pleine effervescence (par le même scénariste Paul Dini — qui a créé Harley Queen, faisant une brève apparition ici) permettent de connoter l’aspect graphique « simpliste et enfantin » avec des évènements violents et « dérangeants ». Clairement une réussite, au même titre que Mad Love.
[Scénario : Paul Dini / Dessin : John Byrne / Encrage : Rick Burchett]

Folle Trajectoire — Robin #85 (2001)
À l’asile d’Arkham, le Joker explique à ses docteurs son obsession pour Robin et comment il a compris qu’il y en avait plusieurs, dont celui qu’il a tué.

Folle trajectoire joker

À nouveau un style cartoony qui contraste avec les histoires violentes dont se rappelle le Clown, changeant au passage constamment ses propres souvenirs personnels (idée reprise dans Killing Joke et appliqué au cinéma dans The Dark Knight). La véritable folie du Joker se matérialise précisément dans les dernières planches. Un excellent court chapitre totalement concentré sur le Joker en guise de personnage principal.
[Scénario : Chuck Dixon / Dessin : Pete Woods / Encrage : Jesse Delperdang]

L’Homme qui Rit — Batman : The Man Who Laughs (2005)
Un mystérieux « bouffon » apparaît à la télévision et annonce les futures morts à venir de certaines personnes : toutes faisant partie de l’élite de Gotham. C’est la première fois que le Joker (son surnom donné par la presse) apparaît à Gotham, trois mois après la chute de Red Hood dans une cuve d’acide causée par Batman.

Joker l'homme qui rit

Sans aucun doute l’un des meilleurs récits de l’anthologie, si ce n’est LE meilleur. Calqué sur Année Un, à qui il rend hommage, en reprenant le même système de narration croisée entre Gordon (alors simple capitaine de police) et Batman (qui n’est encore qu’une rumeur urbaine). Le titre, quant à lui, s’inspire évidemment du film éponyme, lui-même adaptation d’un roman du Victor Hugo. C’est la photo de l’acteur interprétant un saltimbanque défiguré qui donnera la matière première à Bill Finger pour la conception du personnage (dont la paternité s’attribue également à Bob Kane et Jerry Robinson). Au scénario, l’on retrouve Greg Rucka (Gotham Central) et Doug Menhke aux dessins (L’énigme du Red Hood). Seule la colorisation sera le point noir de ce long chapitre. Soixante-trois pages le compose (plus que Killing Joke (!) et l’équivalent de deux tiers de Année Un). Entre les monologues alternés, le côté glauque de l’œuvre, les parties énigmatiques et clairement la réapparition moderne de l’excentrique et manipulateur Joker, on pourrait presque regretter une non publication en librairie de L’Homme qui Rit ! La dernière case, avec le Bat-Signal conclut à merveille cette histoire, qu’on pourrait légitimement appelée  » Joker : Année Un ».
[Scénario : Ed Brubaker / Dessin : Doug Mahnke]

Les Origines du Joker — Coutdown #31 (2007)
Le Joker narre ses (différentes) origines très succinctement (en deux pages !).

origine du joker

Brian Bolland évoque en deux pages les sources originelles récurrentes du Clown du Crime : le comique raté, le mafieux Napier (surtout évoqué dans le film de Tim Burton) et bien entendu Red Hood. Rien d’exceptionnel donc, si ce n’est un court rappel.
MàJ : Toutefois, cette mini-histoire sonne curieusement comme prémonitoire lorsque l’on découvre « un secret » entourant le Joker dans la fin des NEW52 et le Relaunch Rebirth…
[Scénario : Mark Waid / Dessin : Brian Bolland]

L’Heure des Singeries — Batman #23.1 (2013)
Le Joker adopte un bébé singe et l’élève comme son propre fils, tout en se rappelant son enfance, assez similaire où il se faisait battre par sa tante.

heures des singeries

Seuls les flash-backs (sont-ils « vrais » ?) sont intéressants et bien dessinés (avec un style un peu « indépendant ») mais l’ensemble sonne « faux », on a du mal à trouver cette histoire très crédible. Dommage, les auteurs avaient carte blanche pour ce one-shot consacré au Joker, qui intervenait dans le cadre du Vilain’s Month, où douze autres ennemis du Dark Knight avaient leur propre chapitre.
[Scénario : Andy Kubert / Dessin : Andy Clarke]

Conclusion & remarques

Faut-il acheter Joker Anthologie ? Indéniablement oui ! Surprise : le recueil s’avère beaucoup plus passionnant que celui sur Batman, qui était déjà très bon. Outre les nombreuses histoires proposées, la majorité de grande qualité (mais aussi de constats d’époques successives), le travail éditorial d’Urban Comics fourmille de détails et de notes louables.

On découvre un Joker tueur sans pitié, puis un bouffon tourné vers les farces et attrapes, et enfin un psychopathe véritable entité vouée à Batman, pendant maléfique du Chevalier Noir. Ces inspirations évolutives, témoins nécessaires de la portée du Joker au cinéma, dans des dessins animés ou des jeux vidéo, promettent d’agréables moments de lecture (et comprendre son essor populaire).

Avec du recul, et depuis un récent évènement chez DC Comics, l’on comprend d’ailleurs aisément (grâce à une parfaite coïncidence) la probable identité derrière le Clown du Crime. À nouveau, se référer à cet article pour mieux saisir ces trouvailles et enjeux (au risque de révélations attentions).

Image 02

(Novembre 1942 : une des rares couvertures mettant en scène le Joker, et une des rares le montrant avec des armes à feu.
Toute la portée menaçante, dangereuse et la puissance symbolique du personnage en somme.)

  Joker anthologie conclusion

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DC Universe & Batman Rebirth / Batman #1 / Detective Comics #934

Comme expliqué dans l’article consacré au Relaunch Rebirth, plusieurs nouvelles séries voient le jour dans cette « relance » de l’univers DC Comics. Il y a tout d’abord le numéro unique DC Universe Rebirth, puis ensuite un numéro Rebirth #1 one-shot de plusieurs super-héros (Batman, Superman, Aquaman…) avant que chacun d’entre eux ne retrouve un rythme normal et une appellation classique.

Ici, ce sont DC Universe Rebirth, Batman Rebirth #1 puis Batman #01 et Detective Comics #934 qui sont brièvement chroniqués.

DC Rebirth

Attention ! Même si les résumés ci-dessous sont sommaires et les critiques courtes, il y a des révélations majeures. De plus, l’ensemble de ces séries se déroulent après La Guerre de Darkseid mais également après la fin de la série Superman des NEW52 (le chapitre #50 pour être plus précis).

Si vous voulez conserver les éléments de surprises intacts, il est fortement déconseillé de lire la suite (aussi bien les résumés que les critiques) !

NB : il est fort probable qu’Urban Comics publiera en français chacun des chapitres évoqués ci-après, mais très certainement pas avant début 2017.

DC Universe Rebirth

DC Universe Rebirth
Wally West, ancien Kid Flash puis Flash (après les évènements survenus à la fin de Crisis on Infinite Earth) qui avait « disparu » il y a quelques années (à la fin de Infinite Crisis) voyage plus ou moins dans le temps et requiert l’aide de Batman (pour l’avertir d’un danger imminent), sans succès car il est « aspiré » par la force véloce. Il fait de même avec d’autres personnes, en vain. De son côté, Ray Palmer, alias Captain Atom, est lui aussi « perdu » dans une dimension nanotechnologique dont il ne peut sortir.
Après avoir rendu de brèves visites et s’être remémoré des souvenirs avec d’anciens justiciers, Wally West réussit à revenir définitivement « dans le présent » grâce à Barry Allen, l’actuel Flash. Superman est porté disparu et un Clark Kent d’un autre monde mène une vie rangée avec sa femme et sa fille mais fait une rencontre inattendue. Au fond de la Batcave, le Chevalier Noir découvre un étrange badge. Ils sont observés depuis longtemps…

Après Flashpoint il y a cinq ans, ce Rebirth s’annonce beaucoup plus épique (et réfléchi) car il propose —pour l’instant en tout cas— une continuité claire et nette (aussi bien après le chronologie classique que celle des New 52), mais également une possibilité de jonction de quelques années perdues. L’ensemble est parfaitement compréhensible et a le culot monstre d’ajouter définitivement Watchmen comme œuvre incorporée dans l’univers des super-héros DC. Un gage à la fois salvateur puisque cela permet(rait) une cohérence plausible grâce au statut de « Dieu » et créateur de monde du Dr Manhattan. Mais cette surprenante raccroche en irritera plus d’un (à commencer par le créateur de l’œuvre mère, Alan Moore — qui n’a sans doute pas été consulté) : le comic culte, même si publié chez DC et usant de vieux personnages, prévalait par son statut « d’indépendant » et non rattaché à quoique ce soit (déjà polémique à l’époque de la sortie des préquelles — auxquelles le site Before Watchmen est consacré, créé par l’auteur de ces lignes) ; il n’y avait pas non plus d’obligation de le lire pour suivre la suite de DCVerse. Bref c’est à la fois ingénieux, osé et risqué. L’ensemble est donc très intrigant, réussi et bien écrit, à nouveau par Geoff Johns (déjà scénariste de Flashpoint puis de la série Justice League entre autres). Les dessins sont assurés par des artistes de valeur sûre : Gary Frank et Ivan Reis en tête, ainsi qu’Ethan Van Sciver et Phil Jimenez. Quatre chapitres (Lost, Legacy, Love, Life) et un épilogue composent le tout, pour près de soixante-dix pages de bandes dessinées.

BATMAN_REBIRTH

Batman Rebirth #1
Julian Day, alias Calendar Man, menace de déverser des spores dans la ville qui chamboulent le cycle des saisons et de la nature. Duke, nouvel allié de Batman mais pas un nouveau Robin (rencontré dans la série Batman puis mis en avant dans l’event We are Robin) est convié par Bruce Wayne à vivre au Manoir, afin justement d’être entraîné pour être « quelque-chose de nouveau »…
Un chapitre unique écrit par Scott Snyder, qui a opéré la précédente « renaissance » du Chevalier Noir avec sa longue série et Tom King, qui était sur la série Grayson, en compagnie du dessinateur Mikel Janin qui officie justement ici. C’est beau, très beau, mais clairement moyen sur l’histoire, très expéditive. Pas de réels enjeux dramatique ni le temps de s’attarder réellement sur un personnage en particulier. L’ennemi, rarement utilisé, n’est pas mis en avant sous un beau jour, même si on découvre qu’il « mue » et vieillit, telles la faune et la flore. Une belle réinvention esthétique du personnage toutefois, mais qu’on espère voir davantage. On nous promet d’ailleurs une suite, toujours par Tom King, dans Batman #1 (voir ci-après) et une autre dans All-Star Batman #1, par Scott Snyder (prévue en août 2016). Ce Batman Rebirth sonne volontairement comme une métaphore du renouveau, plus ou moins accentué par ce qu’on voit et qu’on lit, mais c’est clairement pas très pertinent et trop redondant pour donner un one-shot de qualité, au contraire c’est surtout une introduction à un nouvel univers, dont on attend la suite. En ce sens, le lecteur peut se sentir lésé, à raison.

Detective Comics 934

Detective Comics #934
Batman combat Azrael (Jean-Paul Valley) dans une église et découvre qu’un mini-drône, en forme de chauve-souris qui plus est, le surveille. Il rend visite à Batwoman (Kathy Kane) car elle était aussi espionnée par les mêmes gadgets. Le Chevalier Noir fait d’elle sa partenaire et tous deux sont chargés d’entraîner chaque justicier de Gotham qui était suivi par un drône : Red Robin (Tim Drake), Spoiler (Stephanie Brown), Orphelin (Cassandra Cain) et… Gueule d’Argile, à qui Batman souhaite donner une seconde chance.
Excellent début pour une série emblématique de l’éditeur. Joliment dessinée par Eddy Barrow (qui officiait sur les trois premiers tomes de Nightwing) et écrite par James Tynion IV, on sent l’influence de Batman Eternal, avec un fort concept d’entrée, plusieurs héros ou antagonistes et un gros potentiel derrière. Attention donc à la suite, mais cette entrée en matière est fortement agréable, élégante et convaincante !

batman-1

Batman #01
Batman tente de sauver le crash d’un avion en se posant carrément dessus !
Tom King qui avait co-écrit Batman Rebirth (et scénarisé Grayson) empile pour cette suite, plus aboutie, avec David Finch aux dessins (qui s’occupait de la série très mitigée Le Chevalier Noir et La Nouvelle Aube). Les planches sont sublimes, la scène principale fonctionne bien : beaucoup de tension, de suspense, une belle émotion sur la fin également (même si un peu surprenante et peu crédible, ça fonctionne quand même) et une surprise de taille. En effet, deux nouveaux personnages font leur apparition, chacun doué de force surhumaine pour l’instant, mais qui ne sont pas forcément dans le camp des ennemis : Gotham et Gotham Girl. Des noms certes risibles mais du changement, à suivre donc ! Une seule case sonne comme un léger rappel à DC Universe Rebirth, à chacun d’y faire sa petite théorie.

Si le DC Universe Rebirth chamboule « un peu » l’univers déjà connu de DC (au moins dans les dernières planches avec des révélations), les séries suivantes consacrées à Batman restent globalement dans la continuité de ce qu’il s’est fait durant la période New52 (excepté Alfred, qui n’est plus manchot, dommage, mais elles reprennent le personnage de Duke Thomas par exemple). Bref, même si ce Relaunch ne fait pas vraiment office de pétard mouillé (trop tôt pour juger par rapport aux autres séries et à la suite de la trame principale), pour Batman rien ne change vraiment, comme il y a cinq ans, ce fut quasiment la même chose, seul le Dark Knight n’avait pas vraiment été impacté par Flashpoint, les séries suivaient alors le travail de Morrison de l’époque et de la chronologie « classique » avec les mêmes alliés et ennemis. Ce n’est peut-être pas plus mal. Les deux nouvelles séries régulières sont de bons points d’entrée, même si forcément pas extrêmement limpides pour le pur débutant, et donnent envie de lire la suite, en plus d’être extrêmement bien dessiné. C’est là le principal.