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Batman – Les derniers jours du Chevalier Noir

Se déroulant à la fois après Final Crisis (dans lequel Batman trouve une supposée mort, tué par Darkseid) et en parallèle du run de Grant Morrison (juste après le premier opus de l’intégrale et au début de la deuxième), ce récit complet s’étale uniquement sur deux chapitres : Batman#686 et Detective Comics #853 – publiés en avril 2009. C’est le grand Neil Gaiman (Sandman, American Gods…) qui écrit cette étrange épopée onirique et Andy Kubert (à l’œuvre sur le début de la saga de Morrison justement) qui la dessine. C’est aussi de cette histoire qu’est tirée la superbe couverture variante d’Alex Ross avec Alfred et le costume de Batman dans ses mains.

Réédité en librairie en mai 2019 par Urban Comics, Les derniers jour du Chevalier Noir contient la version crayonnée pour gonfler le nombre de pages… Quelques années plus tôt, Panini Comics avait proposé ces deux chapitres dans le premier numéro kiosque de Batman Universe (juin 2010) puis dans une version librairie l’année suivante sous le titre Qu’est-il arrivé au Chevalier Noir ?, accompagné de quatre courts récits de Gaiman. Découverte.

 

[Résumé de l’éditeur]
Batman est mort. Darkseid l’a tué. Et pour sa veillée funèbre, amis comme ennemis sont invités. En sa mémoire, tous se prêtent au jeu et se remémorent l’immense Chevalier Noir. Mais Batman est-il vraiment mort ?

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Attention, proposition clivante ! Le célèbre Neil Gaiman (Sandman, Good Omens, Coraline, American Gods, Stardust…) offre sa vision un peu spirituelle autour du Chevalier Noir en seulement deux chapitres (Batman #686 + Detective Comics #853), dessinés par Andy Kubert (Flashpoint, Grant Morrison présente Batman, Dark Knight III…) – on y reviendra. Sans aucune contextualisation (ni de l’auteur britannique, ni de l’éditeur), on apprend que Batman est mort et qu’une veillée funèbre a lieu en sa mémoire, ses anciens alliés et adversaires sont conviés…

Cette absence de conjoncture permet d’ancrer le récit dans une certaine dimension intemporelle, ce qui fonctionne plutôt bien, puisque les épisodes datent de 2009 et passent admirablement bien l’épreuve du temps. En réalité (éditoriale), Bruce/Batman a été tué par Darkseid dans Final Crisis, écrit par Grant Morrison qui ajoutait ce funeste sort à son run en parallèle : évidemment, le justicier n’est pas décédé mais a été propulsé dans le temps, amnésique. Ce qui explique (possiblement) cette situation de départ des Derniers jours du Chevalier Noir.

Gaiman déroule sa fiction onirique sur deux axes, l’un se déroulant devant le cercueil de Batman où se recueillent différents protagonistes phares de l’univers Batman, l’autre évoquant les souvenirs de certains d’entre eux (notamment Selina Kyle et Alfred – on en parle plus loin). C’est là où le récit s’affaiblit : les différents personnages (amis et vilains) sont relégués à de la figuration à de rares exceptions. C’est donc sympathique à voir mais on aurait aimé avec les témoignages davantage développés de plusieurs d’entre eux (chacun a droit a une ou deux cases néanmoins, connectés à l’historique patrimoine de DC sur Batman donc réservés aux fins connaisseurs pour une meilleure appréciation) plutôt que celui de Catwoman, un peu faible et convenu, et du célèbre majordome – remarquable au demeurant, très original et surprenant (mais pouvant offusquer des puristes malgré l’évidence onirique), on ne le dévoilera pas ici.

Si la bande dessinée s’était étalée sur cinq à six épisodes, entretenant un flou volontaire sur le passif de Batman et ses relations historiques, le titre aurait été bien plus marquant et, probablement, qualitatif. Ici, tout va très vite (forcément) et n’avoir mis en avant que deux personnages est dommage. Heureusement, la voix interne et les pensées de Bruce découvrant cette situation tel un narrateur omniscient un peu fantôme apporte un côté plus palpitant – promettant aussi une sorte de conclusion « épique » ou avec un retournement de situation qui… n’arrivera pas vraiment. Ne pas s’attendre d’ailleurs à un récit d’action, ou autre, c’est avant tout une sorte d’ambiance cotonneuse, sensible, une atmosphère atypique.

Difficile d’en dire davantage sans gâcher le plaisir de découverte et de lecture. Par ailleurs, Les derniers jours du Chevalier Noir peut se savourer ou se lire sans aucun plaisir ou bien… les deux. L’auteur de ces lignes le confesse : la première lecture en 2010 n’était pas terrible, la seconde en 2023 nettement meilleure. Cela n’est pas lié au bagage culturel Batman considérablement augmenté durant ces années mais peut-être une évolution ou maturité plus en adéquation avec le propos. Attention, cela ne veut pas dire que cette création de Neil Gaiman est un chef-d’œuvre ou même un coup de cœur, c’est une curiosité à découvrir (certes, c’est un peu « facile » de dire ça mais c’est très « vrai »). On peut aussi le voir comme le pendant de l’homme chauve-souris du traitement similaire instauré en 1986 par Alan Moore sur l’homme d’acier dans… Les derniers jours de Superman (à quand une édition qui rassemblerait les deux pour un prix plus abordable ?).

Problème justement : à quel prix découvrir Les derniers jours du Chevalier Noir ? 17 € (15,50 € en 2019 à sa sortie)… C’est beaucoup trop cher pour 64 pages d’une histoire aussi singulière, peu accessible (un nouveau venu risque d’être perdu et ne pas accrocher) et vite lue. On l’a déjà évoqué plusieurs fois sur ce site (récemment à propos de la collection One Bad Day ou des Batman/Spawn par exemple) : le nombre de pages n’a aucun impact sur le côté qualitatif d’une œuvre – et ce n’est pas Killing Joke qui viendra prouver le contraire (même si – déjà à l’époque – on critiquait le prix pour y accéder) MAIS quand on a un budget limité où l’on peut avoir à des titres de 200 pages vs. 60 pour un prix presque similaire, cela fait réfléchir.

Pour justifier cela, Urban Comics ajoute les crayonnés noir et blanc et, chose assez rare, avec la traduction en français. Une aubaine pour les fans des traits d’Andy Kubert, dont l’art perd un peu de sa superbe parfois en fonction de la colorisation. Il est vrai que cela ajoute un cachet non négligeable puisque la version en couleur (d’Alex Sinclair) est parfois inégale, conférant un aspect artificiel sur certains visages, gommant l’ambiance « film noir » (volontaire ou non) de la version en… noir et blanc. Autres compléments, une postface de Gaiman (où il clame son amour pour le super-héros et la conception du comic book), des couvertures alternatifs et un carnet de croquis de Kubert.

L’illustrateur se livre à un exercice habile et élégant (finement encré par Scott Williams) reprenant différents styles de Batman (Kane, Sprang, Mazzucchelli, Adams, Bolland…) et, donc, d’artistes qui ont traversé les âges et les pans mythiques du super-héros iconique (la planche qui ouvre le deuxième épisode avec Batman dans le cercueil qui est revêtu d’un costume mythique différent à chaque case est un régal). Néanmoins, pour 17 €, à part les aficionados de Gaiman ou de Kubert, on aurait tendance à déconseiller Les derniers jours du Chevalier Noir. Empruntez le plutôt en médiathèque ou feuilletez-le en librairies/grandes surfaces (possiblement entièrement vu la durée) afin de voir si ça vous branche.

On peut aussi se tourner vers le marché de l’occasion pour retrouver le premier numéro du magazine Batman Universe de Panini Comics, sorti en juin 2010, qui compilait, entre autres, les deux épisodes. Vendu à l’époque 4,60 €, ce format souple peut suffire… La version librairie de Panini Comics de 2011 coûtait 19 € (déjà hors de prix pour l’époque, comme souvent avec cet éditeur) mais incluait quatre récits de Neil Gaiman pour compenser : Pavane (Secret Origins #36, 14 pages), Péchés originels (8 pages) et Quand une porte (13 pages, ces deux segments proviennent de Secret Origins Special #1) – et ces trois épisodes datent 1989 – et Un monde en noir et blanc (Black and White #2, 7 pages) en 1996. Dommage qu’Urban n’ait pas repris cela (d’autant que Gaiman les cite tous dans sa postface).

Pavane se concentre sur les origines de Poison Ivy et a été republié dans le tome de Batman Arkham dédié à l’empoisonneuse. Presque pareil pour Quand une porte, centré sur le Sphinx et également proposé dans le Batman Arkham sur l’homme-mystère. Un monde en noir et blanc est évidemment dans Batman Black & White d’Urban Comics (dans le premier opus — pas encore chroniqué sur le site). Seul Péchés originels reste encore « inédit » en réédition, il s’agit simplement de l’introduction de Quand une porte, centrée sur l’équipe de journalistes qui va interviewer le Sphinx. Le segment en noir et blanc montre le Joker et Batman en tant qu’acteurs de cinéma jouer les rôles que l’on connaît de façon méta !

En somme, Les derniers jours du Chevalier Noir est une proposition élégante (dans son traitement, dans ses dialogues – la participation de Joe Chill en tenancier et ses quelques mots sont parfaits –, dans sa cohérence visuelle – un brin moins dans sa colorisation des visages et expressions faciales parfois), un peu inégale (la caractérisation de Selina Kyle semble bizarre), beaucoup trop courte mais qui redonne un souffle évidemment poétique, un hommage sur une légende « qui ne meurt jamais » (où chacun a sa propre vision et image de la mort de Batman mais aussi de son mythe).

Une écriture intelligente de Neil Gaiman et un exercice de style pour l’auteur britannique globalement réussi (frustrant par sa durée), qui livre un chant du cygne autour de Batman envoûtant et mélancolique. Pour tout cela, évidemment on aurait tendance à dire qu’il faut passer à l’achat MAIS, comme on l’a martelé, entre cette approche très singulière et, de facto, clivante, et le prix, il faut absolument connaître l’œuvre avant de passer à la caisse…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 31 mai 2019.
Contient : Batman #686 + Detective Comics #853 + version crayonnée tirée de Batman Unwrapped by Andy Kubert
Nombre de pages : 152

Scénario : Neil Gaiman
Dessin : Andy Kubert
Encrage : Scott Williams
Couleur : Alex Sinclair

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Cyril Bousquet (studio MAKMA)

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Grant Morrison présente Batman • Intégrale – Tome 1/4

La longue saga de Grant Morrison a d’abord été publiée en France en kiosque chez Panini Comics (fin des années 2000) puis Urban Comics (début des années 2010) avant de bénéficier d’une édition en librairie remise dans un ordre idéal en neuf tomes de 2012 à 2014 – cf. index dédié. Urban a ensuite proposé en 2018 et 2019 une réédition en quatre intégrales conséquentes (chacune compte entre 500 et 600 pages) avec un réajustement de certains chapitres. Ce sont ces intégrales qui sont chroniquées sur le site. Les couvertures de chaque article sont celles de l’intégrale et des anciens tomes simples qu’elle compile (ainsi qu’une ancienne version de Panini pour ce premier opus et une réédition petit prix du premier arc à part). Retour sur cette épopée inégale, passionnante mais exigeante, signée par un auteur qui a révolutionné une partie de la mythologie de Batman !

 

[Résumé de l’éditeur]
Batman a déjà affronté Talia al Ghul et son empire du crime à plusieurs reprises, mais leur lutte prend un tour bien plus personnel lorsqu’elle présente au héros le fils issu de leur union : Damian ! Malgré son jeune âge, il est déjà un assassin de renom et Tim Drake, alias Robin, ne tarde pas à en faire les frais ! Pour Batman, c’est le début d’une épopée qui va l’amener à revisiter toute son histoire et redécouvrir des alliés comme des ennemis passés.

[Début de l’histoire]
Le Joker a empoisonné Gordon mais Batman parvient à arrêter le criminel et sauver le policier. C’est l’un des derniers malfrats que le Chevalier Noir arrête après une période où tous ses ennemis ont été mis sous les verrous.

En parallèle, la femme de Kirk Langstrom est kidnappée… Tandis que Bruce Wayne est à une soirée publique avec sa nouvelle idylle, Jézabel Jet, les convives sont attaqués par une armée de Man-Bat.

Dans l’ombre, Talia al Ghul semble derrière cette attaque et présente à Bruce Wayne, Damian, son… fils !

[Critique]
Cette première intégrale compile les tomes 1 et 2 de la précédente édition (L’héritage maudit et Batman R.I.P.). Elle est donc segmentée en huit histoire : Le fils de Batman, Les trois fantômes, Bethlehem, Le club des héros, Au clown de minuit, Il y a un an (une courte introduction au titre suivant), Batman meurt à l’aube et enfin Batman R.I.P.. En VO, cela englobe majoritairement des épisodes de la série Batman (en gros du #655 au #681 mais certains ne sont pas inclus car scénarisés par d’autres personnes). Les trois premiers récits avaient bénéficié d’une courte critique il y a une dizaine d’années sur ce site mais autant tout regrouper ici et repartir sur de bonnes bases.

Dans Le fils de Batman (quatre épisodes), on découvre évidemment Damian Wayne pour la première fois, introduit par Talia al Ghul de façon abrupt et laissé à son père pour qu’il l’entraîne ! En parallèle, un mystérieux usurpateur du Chevalier Noir règle les comptes radicalement des criminels dans Gotham. Kirk Langstorm (Man-Bat) est contraint de donner son sérum pour libérer sa femme kidnappé par… Talia, justement, qui en profite pour se constituer une armée de Men-Bats conséquente pour ses projets !

Autant dire que cette entrée en matière démarre sur les chapeaux de roue avec autant de figures familières (Tim Drake, Alfred, Langstorm…) que de nouveaux (Jezebel Jet, nouvelle compagne de Bruce, l’énigmatique autre Batman, Damian…). L’action est aussi présente que les rebondissements et l’humour mais aussi un côté assez sanglant (Damian décapite une de ses cibles). De quoi découvrir un gamin insupportable, colérique, impulsif et condescendant. Difficile dans l’immédiat de s’attacher à lui ! Par ailleurs, Talia évoque la relation (sexuelle) à l’origine de Damian là où Batman lui (re)précise qu’il avait été drogué et non consentant.

D’un point de vue historique, Grant Morrison s’inspire (probablement) d’un récit de 1987, Le fils du Démon (inclut dans La saga de Ra’s al Ghul – pas encore chroniqué sur le site). Dans ce récit complet de Mike W. Barr et Jerry Bingham, Talia accouche d’un garçon après son union avec Bruce mais le fait adopter par un couple anonyme car elle préfère faire croire au Chevalier Noir à une fausse couche. Citons aussi Kingdom Come (Mark Waid et Alex Ross, 1997) où ce fils se renomme Ibn al Xu’ffasch (le Fils de la Chauve-Souris) et est à la tête de l’empire du crime de Ra’s al Ghul.

Urban Comics explique d’autres éléments qu’on vient de lire après cette (longue) introduction autour de Damian. Grant Morrison pioche dans l’Âge de Bronze et les années 1970 et la mythologie liée à Ra’s al Ghul (créé par Dennis O’Neil et Neil Adams en 1971) avec en point d’orgue le voyage de noces entre Talia et Bruce (DC Special Series #15, par Michael Golden, en 1978). Le scénariste écossais convoque aussi Man-Bat dans un rôle secondaire et de « gentil », lui aussi date de 1970 (co-crée par Frank Robbins et Neal Adams – dans Detective Comics #400). Plus anecdotiquement (mais annonciateur de tout ce que va entreprendre Morrison dans son run), l’auteur reprend aussi un autre ennemi des 70’s mais totalement méconnu, Le Suaire (The Spook en VO), arnaqueur aux gadgets surnaturels, également créé par Franck Robbins, avec Irv Nocick cette fois, dans Detective Comics #434 en 1973.

Les trois fantômes (deux chapitres) mettent en avant trois nouveaux Batman ! Le premier étant l’usurpateur croisé en tout début du livre, le second une grosse brute proche de Bane et le troisième est à peine évoqué et pas encore rencontré. On n’en saura pas davantage sur ces trois êtres dans l’immédiat mais l’intérêt est de poursuivre le « quotidien » de Bruce et Tim, tous deux vivant un changement drastique de leur croisade mais formant toujours un tandem agréable. Bethléhem est une courte histoire (un épisode) projetant Damian dans le futur, à l’occasion du chapitre #666 de la série Batman. C’est un peu anecdotique mais plaisant de voir un nouveau look pour un futur Batman plus violent et inédit (son chat s’appelle Alfred). Ces trois récits (donc sept chapitres) ont été publiés par Urban Comics dans leur collection estivale à petit prix en 2022 sous le sobre titre Le fils de Batman.

A ce stade (les deux tiers de l’équivalent du premier tome simple de l’ancienne édition), tous les dessins sont assurés par Andy Kubert (fils de Joe) qui soigne particulièrement ses planches. Les traits sont fins et détaillés, l’action bien emmenée et aérée, le découpage classique mais efficace. Seule la colorisation de Dave Stewart et Guy Major détonne parfois, ajoutant un côté artificiel et trop propre à l’ensemble mais ça reste convainquant et, surtout, cohérent dans l’ensemble de la fiction. Si le côté lisse des visages est à déplorer, le reste tient la route et offre un divertissement tout à fait correct, plutôt original et sympathique à lire.

Le club des héros (trois chapitres) est un récit plus singulier. Il fait voyager Batman et Robin (Tim) sur l’île de monsieur Mayhew (soit le titre de l’édition 2009 de Panini Comics qui avait sorti cette histoire de façon indépendante, ce qu’elle est plus ou moins – cf. couverture en haut de cette critique). Sur celle-ci, les deux justiciers retrouvent de très vieux héros de seconde zone, apparus il y a des décennies dans Detective Comics et Batman. Grant Morrison récupère (encore) dans l’existant oublié pour le moderniser.

On croise donc les membres originaux aperçus dans Detective Comics #215 (Ed Hamilton et Sheldon Moldoff, 1955) – El Gaucho (Argentine), Le Légionnaire (Italie), le Ranger (Australie), Le Mousquetaire (France), etc. – ainsi que Wingman (remplaçant éphémère de Robin vu dans Batman #65 en 1951, par Bill Finger et Lew Schwartz), Frère Chiroptère et Petit Corbeau (Batman #86 en 1954, par France Herron et Sheldon Moldoff). Morrisson ajoute aussi les nouvelles version du Chevalier et de l’Écuyer qu’il avait inventées en 1999 (dans JLA #26). Certaines de ces informations sont, une fois de plus et heureusement, précisées par Urban Comics entre des épisodes.

Ledit Mayhew, financeur avant-gardiste du fameux club des héros a été tué et les hôtes sur l’île sont retrouvés morts les uns après les autres. Une sorte de whodunit où Batman et Robin enquêtent dans le présent et où se mêlent des flash-backs de contextualisation sur leurs collègues peu connus. L’histoire est à la fois simpliste et paradoxalement peu intelligible. Tout va très vite et on a à peine le temps de se familiariser avec toutes ces nouvelles têtes plus ou moins empathiques (à terme ils deviendront membres de Batman Inc. et réapparaîtront dans le run de Morrison mais aussi dans d’autres séries liées à Batman comme récemment dans Abyss).

En VO, ce récit s’appelle The Black Glove, soit Le Gant Noir, une organisation (créée par Morrison) mentionnée quelques fois dans l’ouvrage et qui reviendra par la suite. Ce segment est dessinée par J. H. Williams (la série Batwoman) qui croque élégamment chaque séquences du passé en adoptant un style différent. L’éditeur cite Howard Chaykin (El Gaucho), Ed McGuiness (le Chevalier et l’Écuyer), Chris Sprouse (le Ranger), Steve Rude (Frère Chiroptère) et même Dave Gibbons (Wingman).

Au Clown de minuit est carrément un texte avec quelques illustrations, pas vraiment un roman graphique (appellation de toute façon un peu idiote qui désigne au sens noble la bande dessinée pour rendre ce support plus élitiste et moins populaire alors que c’est la même chose). La narration est interminable, pleine de descriptions inutiles venant d’un narrateur omniscient contant le retour du Joker depuis Arkham. La poignée de dessins qui accompagne ce titre a affreusement mal vieilli : il s’agit de conceptions en 3D par ordinateur, on dirait des cinématiques de PlayStation 1 ou 2…

On les doit à John Van Fleet (Shadows Fall) – illustrateur qui a majoritairement travaillé pour des projets liés à des franchises cultes (Star Wars, Matrix, Hellraiser…). On a aussi du mal à savoir si cet épisode si atypique s’insère réellement dans le reste de l’histoire, il semblerait que oui mais c’est pénible à lire et pas très intéressant. On peut clairement s’en passer en (re)lecture intégrale du run de Morrison.

À ce stade, nous sommes à la moitié de l’intégrale (donc fin du premier tome de la précédente édition) ; l’ensemble est globalement satisfaisant, bien emmené dans sa première moitié, un peu moins convaincant dans la seconde. Le nouveau personnage, Damian, est à la fois intéressant mais aussi paradoxalement survolé (on sait qu’il a été éduqué par des assassins, qu’il a dix ans, qu’il tue sans sourciller et ainsi de suite). Il manque tout un pan (qui viendra peut-être plus tard ?) pour savoir s’il a passé dix années réellement écoulées à ce rythme ou s’il a bénéficié d’une sorte d’accélération médicale pour grandir (on le voit un peu en flash-back dans des laboratoires médicaux). Le gamin vantard et insupportable ajoute un élément complètement inédit et qui change drastiquement le statu quo, en soi rien que pour ça c’est pertinent. La suite de l’intégrale se concentre que sur deux longs récits : Batman meurt à l’aube et Batman R.I.P. (équivalent du second tome de la précédente édition évidemment).

Batman meurt à l’aube est introduit par une dizaine de planches issues de la série 52, se déroulant après Infinite Crisis. On y découvre brièvement ce que Bruce/Batman faisait durant cette période, notamment une retraite méditative dans un endroit reculé. Place ensuite à quatre épisodes dont les trois premiers lèvent le voile sur les fameux trois fantômes usurpateurs de Batman, l’on apprend qu’il s’agit en fait de policiers. Le dernier chapitre est davantage une transition vers la suite et remet Jezabel un peu plus au centre du récit. Ça se lit bien dans l’ensemble mais c’est un peu moins passionnant que le début.

Batman R.I.P. est nettement plus long, s’étale sur six épisodes (introduits par trois planches de DC Universe #0) et… c’est un beau bordel. Grant Morrison reprend son organisation Le Gant Noir (qu’il a conçue), dirigée par Dr. Hurt (inspiré par un très vieux personnage – on en reparlera dans la critique de la troisième intégrale), menant le club… des vilains – avec plein d’ennemis ridicules improbables. On ne comprend pas très bien mais ils arrivent à envahir le manoir Wayne et nouer une alliance avec… le Joker ! Poussé à bout, Batman libère sa personnalité machiavalique, le Batman Zur en Arh, plus radical que le « vrai » Bruce/Batman (repris récemment dans Batman Dark City – Failsafe).

Place, cette fois, à l’Âge d’Argent car Zur en Arrh (habilement teasé en tout début du volume) est historiquement issu d’une autre planète et créé dans Batman #118 en 1958. Le Bat-Mite, créature qui survient dans les rêves du justicier, provient lui aussi de cette même période (la « psychédélique ») : mai 1959 dans Detective Comics #267. Morrison continue donc de plonger dans le patrimoine de DC Comics pour le remettre étrangement au goût du jour – le travail habituel de Morrison certes, mais globalement clivant car peu accessible, pas forcément passionnant et risqué, donc à saluer dans tous les cas ! L’idée de regrouper tous les aspects de la mythologie et chronologie (dont l’éditoriale) de Batman est, forcément, casse-gueule car elles brassent tous les genres : aventure, comédie (kitch), science-fiction, fantastique, horreur, thriller, action… et ainsi de suite.

Bref, dans Batman R.I.P., ça part un peu dans tous les sens, la lecture est compliquée (non pas complexe dans le sens exigeante voire soumise à de la réflexion, de l’analyse intellectuelle – ce qui aurait été chouette) mais difficile car manquant d’une certaine fluidité, compréhension et intelligibilité. On se moque un peu de cette vaste nouvelle galerie de personnages loufoques, d’un ennemi visiblement puissant mais dont on ne perçoit pas comment ni pourquoi. Quant aux connexions avec le début du run, elles sont assez faibles voire inexistantes : Damian est complètement délaissé durant toute cette partie (et la précédente), perdant le dynamisme et l’originalité du début du titre qui en faisait son point fort.

Heureusement, dans cette seconde moitié d’intégrale tous les dessins de Tony Daniel (Flash, Teen Titans, Detective Comics période Renaissance…) permettent malgré tout d’apprécier cette étrange épopée. Il y a une cohérence graphique globale, ce n’est pas désagréable à regarder, quelques pleines pages sont efficaces, la colorisation tout à fait correcte (Guy Major à nouveau nettement mieux que durant la première moitié même si les visages souffrent toujours de ce côté lisse). Seul un épisode est signé par un autre artiste (Ryan Benjamin).

Au global, Tony Daniel et Andy Kubert signent une bonne partie de cette intégrale à l’exception du Club des Héros (par J.H. Williams), Au Clown de Minuit (John Van Fleet) et un chapitre du run (Ryan Benjamin). C’est donc une bonne chose car ajoute un certain cachet graphique non négligeable, d’autant plus que Daniel et Kubert ont des styles assez similaires et donc une proposition visuellement cohérente sur la durée (de cet opus).

En revanche, on peut déplorer la volonté de Morrison de rassembler soixante-quinze années du Chevalier Noir dans un fourre-tout parfois indigeste. L’auteur ne s’en est jamais caché et théorise qu’il ne s’est écoulé dans la vie de Bruce/Batman qu’une dizaine d’années durant les presque huit décennies d’édition. Âge d’or, d’Argent, de Bronze, âge moderne… le scénariste puise à droite à gauche des concepts et personnages oubliés par tout le monde pour les remettre en avant, parfois ça fonctionne (le Batman de Zur en Arh…) parfois c’est moyennement palpitant (le club des héros…). Morrison ne se contente pas de recycler des éléments, il en créé des nouveaux et, une fois de plus, parfois ça fonctionne (Damian Wayne, Jezabel, les trois Batman fantômes/policiers…) parfois c’est moyennement palpitant (Hurt, le club des héros, le club des vilains…).

L’auteur écossais ne peut s’empêcher de perdre le lecteur dans sa seconde moitié dans une confusion qu’on espère volontaire, cela plaît ou non… Il n’y a pas forcément une prétention dans la narration, à se vouloir accessible ou non, mais c’est un parti pris bizarre et clivant, qui dénote sévèrement avant la première moitié, bien plus agréable en lecture. Néanmoins, l’évolution de Batman/Bruce est plaisante à suivre – complètement inédite – ainsi que celles, corrélées, d’Alfred et Tim Drake. Deux alliés de longue date qui sont, forcément, impactées par l’arrivée d’un fils et ce qui semble être la disparation annoncée et prochaine du célèbre milliardaire…

Alors, cette première intégrale est-elle un indispensable ? Une histoire culte ? C’est extrêmement difficile d’apporter une réponse tranchée sur ce (début) de run mythique. Sur ce site, on pense que non. Attention, cela ne veut pas dire que la fiction est surestimée ou inintéressante mais – comme évoqué au tout début de la critique –, elle est profondément inégale et clivante, s’adressant à la fois à des experts (qui apprécieront le pot pourri Batmanesque) et des novices (une gigantesque aventure avec de nouveaux personnages et des situations originales).

Il est donc conseillé de la lire une fois un certain bagage « culturelle » autour de Batman accumulée et – peut-être –, ne pas s’attendre à un chef-d’œuvre où tout serait exceptionnel (les critiques du run de Morrison ont tendance à manquer de nuances). Néanmoins, et sans trop en dévoiler, la suite sera meilleure (cf. index dédié) et, en ce sens, il ne faut pas la manquer !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 06 avril 2018.
Contient : Batman #655-658 + #663-669 + #672-681 + pages from 52 #30 & #47 & DCU #0
Nombre de pages : 552

Scénario : Grant Morrison
Dessin : Andy Kubert, J.H. Williams III, Tony Daniel, John Van Fleet, Ryan Benjamin
Encrage : collectif
Couleur : Dave Stewart, Guy Major, Alex Sinclair

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray

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Batman – La Dernière Sentinelle

La mini-série en six chapitres Batman : The Detective arrive en France dans un récit complet curieusement renommé Batman – La Dernière Sentinelle. Scénarisé par le talentueux Tom Taylor (Injustice, DCEASED, Nightwing Infinite, Suicide Squad – Rénégats, Superman – Son of Kal-El…) et dessiné par l’incontournable Andy Kubert (Dark Knight III, Le fils de Batman, Grant Morrison présente Batman, Flashpoint…), ce titre vaut-il le détour ? Critique

[Résumé de l’éditeur]
Après une vie passée à combattre le crime, Bruce Wayne n’est plus le même homme, ses nombreuses cicatrices en sont le douloureux rappel. Malgré la perte de ses amis les plus chers, son serment est toujours marqué au fer rouge dans son esprit. Mais aujourd’hui, le manoir est vide, et Batman est plus seul que jamais. Qu’est-ce qui peut encore retenir le Chevalier Noir à Gotham ? D’autant qu’à l’autre bout du monde, un avion vient de se crasher, des centaines d’innocents à son bord. En Angleterre, une mystérieuse organisation qui opère sous le nom d’Equilibrium réclame en effet toute son attention. Peut-être est-il temps pour la chauve-souris de quitter la Batcave… pour toujours ?

[Début de l’histoire]
Dans un futur proche, dans un avion survolant l’Angleterre, une femme agissant pour Equilibrium organise le crash de l’appareil afin de… « préserver l’équilibre ». La justicière Chevalier, elle aussi à bord de l’engin, essaie d’arrêter l’attentat, en vain…

Bruce Wayne décide de quitter Gotham définitivement et d’aller investiguer cette scène de crime qui « porte son nom » – puisque les adeptes d’Equilibrium revêtissent des costumes de Batman. Bruce y retrouve le binôme du Chevalier, le nouvel Écuyer, une jeune femme qui va assister au combat entre Batman et… un fantôme.

À l’hôpital où Chevalier guérit de ses blessures, un assaut d’Equilibrium contraint Bruce Wayne a passé à l’offensive et comprend que les victimes de la mystérieuse organisation sont des personnes que Batman avait sauvées dans le passé.

En se rendant à Paris pour poursuivre son enquête, Bruce Wayne tombe sur le chasseur de primes Henri Ducard, son ancien mentor qui l’a entraîné à se perfectionner et devenir le justicier de Gotham. Mais Ducard utilise des méthodes radicales que n’approuve pas Batman…

[Critique]
Entre les prestigieux noms de l’équipe artistique et le pitch plutôt alléchant, les attentes étaient plutôt élevées et le résultat est… mitigé. Sur le fond, l’histoire n’est pas exceptionnelle malgré la carte blanche possible avec ce séduisant « futur hypothétique ». Bruce Wayne quitte donc Gotham pour un petit tour en Europe, dont un passage à Paris et Lyon notamment. La capitale est malheureusement dépeinte avec les clichés habituelles : le Louvre, la Tour Eiffel, les croissants, pas trop de monde dans les rues… Forcément, il n’y a que « nous », les lecteurs Français voire parisiens qui peuvent s’agacer de ce genre de détails. Ce n’est clairement pas le plus grave ni le plus important mais tout c’est un peu dommage.

Tom Taylor, habitué des récits se déroulant dans des univers parallèles, dystopiques ou utopiques (DCEASED et Injustice précédemment citées) pioche dans la saga de Grant Morrison et renoue, entre autres, avec Le Chevalier (Beryl Hutchinson) et L’Écuyer (Amina Eluko), deux femmes alliées (Hutchsinon était la première Écuyer) présentées dans Le club des Héros (La Ligue Internationale des Batmen) – créé à l’époque en 1955 par Edmond Hamilton et Sheldon Moldoff – mais surtout remis au goût du jour par Grant Morrison dans les années 2000 dans son run et dans Batman Inc.. Le lecteur n’est pas perdu s’il ne connaissait pas ces personnages (complètement interchangeables au demeurant) puisqu’on peut les considérer comme des membres de la Bat-Famille avec ou sans relation avec Batman Inc.

Deux autres protagonistes sortent du lot. Henri Ducard, l’ancien mentor de Bruce Wayne. Il a droit à de nombreux flash-back quand il a rencontré et entraîné le futur Chevalier Noir puis lorsqu’il rejoint l’intrigue générale du présent (qui se déroule donc dans le futur). Face à eux, la mystérieuse Equilibrium, qui régie une équipe du même nom composée de mercenaires revêtant des costumes blancs de… Batman ! Le pourquoi du comment (de reprendre l’emblème de l’homme chauve-souris) ne sera pas très bien expliqué mais les motivations de la femme antagoniste sont en revanche relativement simplistes (voire stupides) et sa conclusion très abrupte et trop facile.

En synthèse, le scénario n’est guère passionnant (passons les détails sur un combat contre un fantôme (!) au début) ni très original. Seul l’univers européen et lointain du Chevalier Noir apporte quelques éléments inédits. On pense à la Bat-Cave mobile par exemple, dirigée par Oracle. Si toute la fiction laisse d’ailleurs penser que Bruce/Batman est isolé (à l’exception de ses co-équipières sur place), on est surpris de constater que Nightwing et Oracle sont toujours en activité et l’aident à distance (le temps d’une case). Il manque donc un segment plus construit sur ce qu’il s’est déroulé durant les décennies où le milliardaire s’est reclus.

Qu’il soit âgé ou non, son alter ego justicier est toujours aussi puissant (il dégomme une milice armée sans sourciller – sic) et ne faillit pas beaucoup. On pense bien sûr à l’œuvre de Frank Miller, The Dark Knight Returns, tant par le postulat de départ similaire (un Batman âgé) que la carrure de ce Bruce qui a de la bouteille mais reste un roc un brin aigri. Ajoutons des alliées féminines plus jeunes et il n’y a qu’un pas pour y voir un hommage à Carrie Kelley. Cela semble assumé et était peut-être même plus poussé dans un premier temps, comme le laissait suggérer le titre initial de cette aventure.

Le comic book fut en effet un temps appelé Batman : The Dark Knight avant d’être renommé Batman : The Detective. La notion The Dark Knight provoquait une double ambiguïté entre le film de Christopher Nolan du même nom mais, surtout, une confusion avec la saga de Miller et son cultissime The Dark Knight Returns et sa seconde suite sobrement intitulée en France Dark Knight III, dessiné par Andy Kubert également (en plus d’être colorisé par le même artiste, Brad Anderson, décidément !). Vu l’histoire de La Dernière Sentinelle, on pouvait légitimement croire avec cette ancienne appellation à une poursuite de l’univers instauré par Miller, qui se serait déroulée quelques années avant mais ce n’est donc pas le cas.

Graphiquement, Andy Kubert est plutôt inspiré. Il livre des planches aux cases sanglantes et aux découpages efficaces mais pas tout le long, lorsque des détails, visages ou les Batmen complexifient la lecture (de l’action en particulier). L’illustrateur se fait plaisir avec des poses iconiques et de belles propositions léchées et épiques. Kubert appose à son Chevalier Noir un look très similaire (pour ne pas dire identique) à celui de Damian qu’il avait déjà créé dans les débuts du run de Morrison, donc dans Bethléem puis repris dans le récit complet Le fils de Batman – tout en rappelant aussi le Chevalier Noir dépeint par Mike Mignola dans Gotham by Gaslight voire celui du Knightmare du film Batman v Superman, avec un long manteau en guise de cape et des lunettes de protection ou d’aviation.

La colorisation est effectuée par Brad Anderson, habitué aux grosses productions de l’industrie (Justice League, Justice League Rebirth…), à différentes séries sur Batman (Detective Comics, Terre-Un…) ou quelques récits cultes (Trois Jokers, Doomsday Clock – et son préquel Le Badge) mais aussi… Dark Knight III (et Le fils de Batman) ! Difficile de nier l’homogénéité graphique entre DKIII et La Dernière Sentinelle et donc de ne pas y voir une connexion autant visuelle que narrative. Par ailleurs, les nombreux jeux de lumière, silhouettes dans l’ombre et autres faisceaux chromatiques artificiels ou naturels sont très élégants et réussis. Clairement, la forme l’emporte sans trop de difficultés sur le fond pour cette aventure inédite. Mais c’est loin d’être suffisant pour conseiller de passer à l’achat…

Batman : La Dernière Sentinelle est donc loin d’être incontournable, une aventure vite lue et (probablement) vite oubliée. Tout était si prometteur et s’avère assez plat – décevant en fonction des attentes. Heureusement, le voyage graphique est assez « divertissant ». Les compositions soignées offrent une vision agréable (cf. les images illustrant cette critique), un brin inédite, qui permet d’oublier l’écriture qui survole ses protagonistes à l’exception d’un Bruce Wayne/Batman inchangé, in fine, malgré son âge et son éloignement de Gotham. Si les morceaux de bravoure sont présents, il manque une dimension épique ou tragique qui aurait apporter une consistance narrative bien plus palpitante malgré le dépaysement proposé.

Si cet univers gentiment futuriste se développe avec d’autres récits annexes, narrés différemment et sur ses multiples figures iconiques possibles, avec une trame plus palpitante, un parti-pris assumé (et non cette nage entre deux eaux, singeant ou rendant hommage, au choix, à Miller et Morrison – trop de similitudes ici pour être réellement original), alors peut-être qu’on aura des comics plus intéressants et qu’on reliera La Dernière Sentinelle avec un nouveau regard. Mais dans l’immédiat, c’est trop moyen pour valoir le détour… On conseille davantage le récit complet Batman – Europa si l’on souhaite voir l’homme chauve-souris en Europe !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 septembre 2022.
Contient : Batman : The Detective #1-6

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Andy Kubert
Encrage : Andy Kubert (chapitre 1), Sandra Hope
Couleur : Brad Anderson

Traduction : Xavier Hanard
Lettrage : Makma (Gaël Legard)

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