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Batman Univers Hors-Série #5 – Batman et Manhunter (scénario de Archie Goodwin)

Au printemps 2017, Urban Comics publie le cinquième et dernier hors-série de son magazine Batman Univers. Celui-ci est entièrement consacré à un auteur, Archie Goodwin, qui signe tous les épisodes (parus dans les années 1970) dont certains mettent en avant Paul Kirk, alias le héros Manhunter (avec ou sans Batman).

Le numéro se compose en deux parties. La première, très oubliable et sans rapport avec Manhunter, montre trois aventures issues de Detective Comics dessinées par Jim Aparo (#437-438) puis Alex Toth (#442). La seconde, nettement meilleure, est tout simplement « la saga complète de Manhunter pour la première fois publiée en France dans son intégralité », c’est-à-dire six courts chapitres (back-up) puis un complet de Detective Comics (#443) et un épisode spécial final inédit ; toute cette saga est dessinée par Walter Simonson. Découverte et critique.

[Résumé de l’éditeur – correspondant uniquement à la seconde partie du magazine in fine]
Lorsque Paul Kirk, alias le Manhunter, ancien chasseur de gros gibiers et officier de renseignement, réussit à s’extirper des griffes d’une organisation fanatique appelée le Conseil, il voue sa vie à la démanteler. Avec Archie Goodwin au scénario de ce récit complet, le Manhunter, aidée dans sa tâche par une agente d’Interpôl, réussira-t-il à défaire cette organisation ?

[Histoire et critique | Première partie du magazine]
Dans Masque de la mort ! (Detective Comics #437), Batman enquête et poursuit un mystérieux assassin doté d’un masque issu d’une civilisation (fictive) d’Amérique du Sud et lui conférant une force surhumaine. Un monstre hante le manoir Wayne ! (Detective Comics #438) évoque, comme son titre l’indique, un certain « monstre » qui a agressé Alfred. Bruce doit donc laisser la police enquêter chez lui… Y aurait-il un lien avec Ra’s al Ghul dans tout ça ? Enfin, La mort rôde dans les cieux (Detective Comics #442 – déjà publié dans Batman Anthologie) emmène Batman à combattre des ennemis via… des avions !

Sans connexion entre eux, ces trois récits ne sont guère mémorables. On apprécie les deux premiers pour (re)voir le talent de Jim Aparo aux dessins mais c’est à peu près tout… Seuls les amateurs de l’artiste ou les complétistes (entres autres, de cette période du début de l’Âge de bronze des comics – avis aux nostalgiques également) peuvent y trouver un intérêt. Les titres induisent volontairement en erreur en imaginant des monstres, zombies ou autres créatures mystiques alors qu’il n’en est rien : cela est vite deviné et les effets tombent à l’eau direct… Publiés en 1973 et 1974, il y avait la contrainte de l’époque qui était de concevoir des histoires avec un début et une fin en quelques pages. C’est ce dont souffrent ces petites aventures, couplées à des ennemis éphémères, complètement anecdotiques et créés pour l’occasion. Ici, pas de traditionnels vilains de la prestigieuse galerie de la mythologie du Chevalier Noir, ce qui n’aide pas non plus à réellement apprécier ces courtes bandes dessinées… Si elles sont proposées dans ce numéro, c’est tout simplement car leurs back-ups (le petit complément de quelques pages à lire après), eux, se suivaient et formaient un arc narratif complet. On parle bien sûr de ceux sur Manhunter, à découvrir… tout de suite !

[Histoire et critique | Deuxième partie du magazine]
Christine Saint-Clair
, agent d’Interpol se rend au Népal à la recherche de Paul Kirk qui sévit dans les parages sous le nom de Manhunter. Ce dernier était mort il y a trente ans mais a ressurgi, tantôt comme un criminel, tantôt comme un sauveur… Comment expliquer ceci ? L’espionne le traque puis s’allie à lui en passant par la Tunisie et le Japon… L’organisation mystérieuse le Conseil tire les ficelles de cette machination implacable, basée sur des expériences scientifiques dangereuse de… clonage ! Complots, trahisons… Qui est réellement Manhunter ? Qui le poursuit et quel est le but du Conseil ?

Publiée en feuilleton dans les pages de Detective Comics entre 1973 et 1974, multi-récompensée et rééditée à plusieurs reprises, la saga Manhunter bénéficie enfin d’une édition française ! Entièrement écrite par Archie Goodwin et dessinée par Walter Simonson, elle comprend six courts chapitres (les back-ups de Detective Comics #437 à #442) intitulés L’affaire de l’Himalaya, Le dossier Manhunter, La résurrection de Paul Kirk, Rébellion, Cathédrale du péril, Duel avec le maître puis le chapitre complet Gotterdämmerung (Detective Comics #443) et enfin Le Chapitre Final, épisode inédit réalisé en 1999 par Simonson en solo peu après le décès de Goodwin, qui livre un récit muet « en hommage à son parolier disparu ».

S’étalant sur un peu plus de 90 pages au total, la saga Manhunter dévoile rapidement ce qui se trame : Kirk a été cryogénisé et cloné ! Un sujet rarissime pour l’époque, porté avec rigueur et sérieux tout le long de la fiction. Dans la première moitié de l’histoire (les six petits chapitres – durant lesquels Batman est absent) Il y a clairement un côté James Bond (armes, voyages à travers différents pays, organisations secrètes…) voire Black Widow (la tenue d’agent de Christine) et même – pour rester proche de Marvel – un aspect Wolverine avec son (anti)héros quasiment immortel et adepte de techniques de combat liées au Japon par exemple (les ninjas sont présents on va dire, tout comme ils le furent dans l’histoire de Batman).

Dans sa seconde moitié du récit, on retourne à Gotham City pour une nouvelle alliance, avec le Chevalier Noir bien sûr ainsi que quelques personnages secondaires rencontrés en amont. Il s’agit simplement de la conclusion de tout ce qu’on a vu avant. Bavarde, passionnante mais un brin confuse (cette narration toujours un peu lourde typiques des 1970’s), un peu épique, bref l’ensemble est inégal mais globalement positif. Les méthodes radicales de Kirk/Manhunter (il n’hésite pas à tuer) ne plaisent évidemment pas à Batman – tous deux vont devoir réviser leurs convictions. L’épisode s’arrête avec une fin soudaine et plutôt satisfaisante même si on aimerait savoir ce qu’il se déroule pour certains protagonistes ensuite…

… chose réparée plus de vingt-cinq après dans l’ultime chapitre L’épisode final, entièrement muet comme évoqué plus haut (ce qui n’est pas plus mal vu toute la masse de texte avalé avant, ça fait du bien). Efficace, davantage grandiloquent en terme d’action, plutôt solide et apportant une conclusion plus honorable bien que dispensable. Le style de Walter Simonson s’est par ailleurs modernisé (cf. image à la toute fin de la critique), rendant l’ensemble plus digeste.

En synthèse, cette saga de Manhunter est assez séduisante, elle est peut-être trop « vantée » en introduction, au risque de créer des attentes et donc générer des déceptions (Manhunter n’est pas le type le plus charismatique qui soit ni le plus original niveau look…) mais elle a le mérite de sortir des sentiers battus, aussi bien chez DC Comics que chez Batman – surtout pour l’époque ! Pour le prix du magazine, les curieux devraient s’y pencher ; saluons aussi l’effort de l’éditeur d’oser publier un titre comme celui-ci en France (d’où la version kiosque pour minimiser les risques).

[A propos]
Publié le 28 avril 2017 par Urban Comics.

Scénario : Archie Goodwin
Dessin : Jim Aparo, Alex Toth, Walter Simonson
Lettrage : Jim Aparo, Alex Toth,
Couleur : Non précisé, Klaus Janson

Traduction : Jean-Marc Laîné, Philippe Touboul
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray (Studio Myrtille), Stephan Boschat (Studio Makma)

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Batman – Des cris dans la nuit

[Histoire]
Une nouvelle drogue circule dans Gotham : Boost. Les overdoses s’accumulent… Batman enquête pour découvrir qui en est à l’origine. En parallèle, des meurtres particulièrement atroces sont commis. S’agit-il d’un tueur en série ?

Quelques enfants sont épargnés et l’un d’entre eux désigne un coupable : Batman.

Gordon travaille dur pour comprendre ce qu’il se passe et qui est derrière tout cela. Malheureusement pour lui, son couple bat de l’aile et son fils James Jr. semble avoir quelques problèmes…

[Critique]
Maltraitance infantile, pédophilie, enfants tabassés (les fameux « cris dans la nuit » — Night Cries en VO, aussi corrélés à ceux de la chauve-souris)… tout est bien noir dans cette courte histoire (moins de 100 pages) du Chevalier Noir. Si l’ambiance glauque est merveilleusement servie par les peintures de Scott Hampton, on peine tout de même à rentrer dans la narration. Faute à un Batman trop en retrait, des personnages inconnus plus ou moins mis en avant (on devine rapidement le coupable, jamais vu auparavant dans des comics sur le Chevalier Noir donc tout de suite « louche ») et paradoxalement les jolis dessins. En effet, côté visage, on peine parfois à savoir qui est qui (à l’exception notable de Batman et Gordon bien sûr). On s’y perd un peu… surtout que la plupart des planches sont très assombris (malgré des jeux de lumière pertinents qui parcourent l’ensemble).

Seul Gordon trouve un intérêt plus prononcé (le livre le suit clairement lui et non Batman) : c’est ici que se sépare son couple et qu’on découvre une facette peu empathique ni soupçonnée du protagoniste — une trahison pour certains, tant le modèle de droiture habituel est égratigné ici… Des cris dans la nuit, réalisé en 1992, trouve une certaine cohérence en se situant peu après Année Un qui voyait déjà le couple formé par Gordon et Barbara en proie à plusieurs difficultés. L’œuvre écrite par Archie Goodwin est tout à fait indépendante et abordable pour autant.

Résultat mitigé donc, entre la rapidité de lecture et le style si particulier des dessins (et le faible prix, 14,50€) on conseillerait bien de jeter un œil sur cette curiosité qui tranche radicalement avec la plupart des autres aventures de Batman (il y a un petit côté Arkham Asylum mais en moins réussi). On apprécie aussi ici le côté « anti-spectaculaire » : pas d’action démesurée ni de gadgets ou Batmobile. Pas d’alliés non plus, la figure super-héroïque est relayée au profit de l’investigation policière pure.

Néanmoins, la lecture de l’ensemble n’est pas limpide et peu intrigante, in fine. A découvrir davantage pour sa partie graphique donc et son esthétique atypique (si les quelques extraits ici ou le feuilletage en réel vous séduisent alors foncez), beaucoup moins pour l’histoire, qui ressemble davantage à un essai qu’un récit abouti.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 1er avril 2016.

Précédemment publié en 1994 chez Comics USA sous le titre Cris dans la nuit.

Scénario : Archie Goodwin
Dessin : Scott Hampton
Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Laurence Hingray et Christophe Semal (Studio Myrtille)

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