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Grayson – Tome 01 : Agent de Spyral

Après les cinq tomes de la série Nightwing, d’une qualité très hétérogène, pour ne pas dire assez pauvre, et d’une conclusion ratée, Dick continue ses aventures dans Grayson. L’identité civile de l’ancien Robin ayant été dévoilée au monde entier durant Le Règne du Mal, il ne pouvait plus agir sous le costume de Nightwing.
Critique du premier tome, contenant les huit premiers chapitres, l’annual et un secret origin, tous déjà publiés dans les magazines Batman Saga d’avril à décembre 2015.

grayson-tome-1-agent-spyral

[Histoire]
À bord d’un train, Grayson, alias l’Agent 37 cherche à « récupérer » un homme, qui serait un « méta-humain » (qui possèderait donc de potentiels pouvoirs). Il est aidé par sa coéquipière Helena Bertinelli (aka la Matrone) ; tous deux travaillent pour Spyral, dont la base est le pensionnat St Hadrian, fausse école pour jeunes filles masquant en réalité l’entraînement de nouvelles recrues. Spyral est une organisation discrète qui œuvre en secret pour éradiquer les hommes dangereux. L’homme à sa tête, Monsieur Minos (dont le visage est justement une spirale — en tout cas aux yeux de tous), ne jure que par la transparence lorsqu’il l’estime nécessaire. Il peut d’ailleurs dévoiler les identités secrètes de tous les super-héros puisqu’il possède déjà un dossier très fourni et quasiment exact pour chaque justicier (Flash, Cyborg, Batman…).

C’est afin de lutter contre cette menace que Dick Grayson a infiltré Spyral, à la demande de Batman — auprès duquel il dresse un rapport régulièrement. Le jeune homme a en effet vu son identité civile révélée au monde entier et est censé être mort (voir Le Règne du Mal), une couverture idéale pour mener a bien sa mission secrète. Seul Batman est au courant que l’ex jeune prodige est en vie, même Alfred ne le sait pas !

En attendant de découvrir qui se cache derrière Monsieur Minos, ainsi que les sombres desseins de Spyral, Grayson et Bertinelli, accompagnés parfois d’autres agents, sont chargés de récupérer les organes de Parangon, conférant à ceux sur qui ils sont greffés des propriétés surhumaines. Leur route croisera à plusieurs reprises celle du violent Midnighter.

Grayson & Helena

[Critique]
Le dernier chapitre de Nightwing (le trentième) servait de transition, voire d’introduction à cette nouvelle série. On nous y présentait vaguement l’organisation terroriste Le Poing de Caïn (qui reviendra dans ce tome) ainsi que Spyral, et un ultime affrontement, un poil primitif et illogique, entre Batman et l’ex premier Robin. Il aurait été judicieux de le placer en début d’ouvrage pour rappeler ces éléments pour les lecteurs, nouveaux ou non.

« Fils. Acrobate. Le Grayson volant. Dick.
Acolyte. Phénomène. Le Jeune Prodige. Robin.
Héros. Protecteur. L’héritier noir. Nightwing.
Prisonnier. Victime. Le martyr démasqué.
Agent. Taupe. L’espion ressuscité. Grayson. »

Peu importe, on prend plaisir à suivre ce nouveau Dick, dans un savant mélange de thriller et de science-fiction. Un croisement entre James Bond/Jason Bourne/Mission : Impossible et un improbable jeu vidéo où la quête principale serait de récupérer des objets à chaque niveau (ici des organes). À côté de cela, la psychologie des héros n’est pas forcément très fouillée : peu ou prou d’interrogations sur la psyché et l’évolution de Dick. Son rapport à « sa mort », ses proches. Le tome se focalise sur ses missions, entraînant donc pas mal de scènes d’actions, plutôt réussies, et des dialogues inspirés, avec une bonne dose d’humour, comme dans les meilleurs moment de Nightwing (et qui rappelaient déjà plus ou moins l’ADN de Spider-Man). Le pensionnat St Hadrian n’est pas en reste avec pas mal de moments sympathiques voire franchement drôles avec les élèves (et surtout groupies) de Dick. Ces dernières, petits seconds rôles, mériteraient un développement plus abouti, peut-être par la suite, il y a du potentiel.

Grayson Midnighter

Malgré tout, ce premier tome contient quelques failles : un côté prévisible dans le déroulement des chapitres et principalement dans sa fin, expéditive et guère surprenante, une facilité scénariste avec l’hypnos, outil de manipulation greffé dans l’œil des agents *, des incompréhensions assez loufoques (le visage de Minos *, le rôle du « Jardinier » ?), une romance entamée (avec l’Agent 8) puis radicalement terminée sans revenir dessus, etc. Nonobstant, l’ensemble reste original et « frais », il est conseillé.

L’occasion aussi de (re)voir Midnighter, un anti-héros issu de Stormwatch, un univers de comics créé par Jim Lee en 1993 via son label Image Comics/WildStorm. Midnighter est plus connu, en France, pour ses apparitions dans les séries The Authority (signées par Warren Ellis à l’aube des années 2000 — qu’Urban rééditera à terme). Plus qu’une simple copie homosexuelle de Batman (costume similaire, violence excessive), Midnighter fait office ici d’antagoniste, tour à tour ennemi puis allié forcé. Impossible évidemment de ne pas y voir une alternative à l’ancienne relation (professionnelle et amicale) de Robin envers son mentor. On découvre également la version New52 de Helena Bertinelli, plus connue sous son alias de Huntress. Fille d’un mafieux et super-héroïne violente et radicale dans la continuité et la chronologie « classique », Huntress apparaît surtout dans la saga No Man’s Land et plus anecdotiquement dans Silence. Ici elle est une « simple » agent et co-équipière de Dick, plutôt sympathique.

En plus des qualités d’écritures (même s’il y a les imperfections évoquées plus haut) de Tim Seeley et Tom King, la partie graphique est extrêmement réussie. Mikel Janin a un style très fin et réaliste, la colorisation de Jeromy Cox donne ainsi un aspect se rapprochant d’un jeu vidéo en 2D (un peu comme du cell-shading) en beaucoup plus élégant. L’ensemble confère une légère fausse impression de relief, parfaitement léchée. Le quatrième chapitre, se déroulant quasi intégralement dans le désert est somptueux, sans nul doute le passage le plus abouti visuellement parlant. L’annual est assuré par Stephen Mooney, pas déplaisant non plus mais dans un style sensiblement différent, valant le détour pour ses paysages irlandais (d’où provient le dessinateur justement). Si cet annual n’est finalement pas très « original » car il reste dans le ton des autres chapitres (ce n’est pas un reproche en soi), le secret origin, à nouveau dessiné par Mooney, est moins convenu : le passé du héros étant narré par Helena lorsqu’elle conseillait Mr Minos de recruter Dick. Un joli écho à un passif super-héroïque qu’on aurait presque tendance à oublier en lisant les aventures de ses « agents très spéciaux ». Mooney rempilera pour un autre chapitre (le septième) avant que Janin ne termine l’arc en reprenant la main. La cohérence reste de mise entre les deux, même si clairement les traits de Mooney, plus gras, et l’absence de détails dans certaines cases sont à relever.

Grayson Desert

Reste que, légitimement parlant, nous ne sommes pas vraiment dans une histoire de super-héros mais plutôt d’espionnage. Loin d’être un défaut, cela va dérouter les lecteurs s’attendant à trouver des justiciers costumés et des références à Batman. Celles-ci sont éparses, entre une communication entre l’ancien élève et son mentor (noms de code des deux : Ornithologue et Monsieur Malone) sur une courte planche par chapitre, et quelques références à Batman Eternal (qui se déroulait en même temps). Beaucoup de changements donc, et pas de Robin ni de Nightwing.

Une lecture soignée, imparfaite mais rafraîchissante, drôle et qui change de l’univers « classique » de Batman, voire de DC Comics. La part belle aux illustrations et aux couvertures compensent les faiblesses d’écriture. Chaudement recommandé.

Grayson Dick Sex

« Oh, oui, vous, les nobles super-héros, vous tirez des rayons laser, des flèches, des batatrucs, mais un flingue, non, non, jamais.
Seigneur Dieu ! Pas un flingue !
Vous êtes tous comme Batman. Des petits garçons cachés sous leur masque, qui pleurent leur maman décédée. […]
Tu n’es pas un super-héros. Tu es un espion avec un flingue. Tu n’es pas Wing-Knight, Night-Wing ou quoi que ce soit. »

NB : Le chapitre one-shot de Grayson « Futures End » (se déroulent dans le futur) a été publié entre les chapitres 2 et 3 de la série. Intitulé Un lieu unique pour mourir, ce dernier était plutôt audacieux (se déroulant dans le désordre chronologique) et mérite sa place dans un ouvrage en librairie (peut-être dans les tomes suivants ?) car même si l’histoire décrite dans ce dernier (dans un possible futur cinq ans après « le présent ») ne se réalise pas, il vaut le détour.

Grayson Hypnos

* en détail : la « technologie hypnos de distorsion visuelle et de manipulation mémorielle » permet d’hypnotiser les personnes regardant les visages de ceux qui portent l’hypnos ; ainsi ceux qui croisent les agents sont incapables de se souvenir de la face de leur agresseur, ils ne voient qu’une spirale à la place d’un visage. C’est ce même principe qui est appliqué à Monsieur Minos, rendant son visage méconnaissable également pour ses propres agents. Le tome 2 viendra davantage éclairer ce concept.

La critique du tome 2 (la suite directe) est en ligne.

Grayson Mr Minos

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 6 novembre 2015.

Scénario : Tim Seeley & Tom King
Dessin : Mikel Janin et Stephen Mooney (Grayson #7 + Secret Origins #8 + Annual #1)
Couleur : Jeromy Cox
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Thomas Davier
Publié dans Batman Saga #35 à #43 (avril à décembre 2015)

(Contient : Grayson #1-8, Annual 1 + Secret Origins #8)

Grayson Action

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