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The Riddler – Année Un

Écrit par l’acteur Paul Dano, qui interprétait le célèbre Riddler (Sphinx) dans l’excellent film The Batman sorti en 2022, cette Année Un (Year One) dévoile donc le passé de l’antagoniste au sein du « ReevesUniverse » (qui comprend le long-métrage de Matt Reeves, sa future suite prévue en 2026, la série dérivée The Penguin – qui sera diffusée à l’automne 2024 –, un roman jeunesse prequel et, donc, ce comic book) ! Stevan Subic s’occupe (magistralement) de la partie graphique. Découverte d’un titre singulier de la collection Black Label.

La couverture classique et une spéciale limitée à 500 exemplaires au Festival d’Angoulême de fin janvier 2024 où Subic fut invité.

[Résumé de l’éditeur]
Dans le film à succès de Matt Reeves, The Batman, le Riddler n’est pas simplement un joyeux excentrique ayant un goût prononcé pour les jeux de mots et les indices déconcertants, mais un véritable psychopathe aussi énigmatique qu’impitoyable. Comment Edward Nashton, expert-comptable fragile et invisible, a t-il pu devenir l’un des pires criminels de Gotham ? Plongez dans l’histoire sombre et glauque d’un homme en marge de la société, refusant de passer inaperçu plus longtemps.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[En attendant certaines cases ou planches en version françaises, celles en VO sont proposées dans cette critique – les images sont volontairement lourdes, vous pouvez les ouvrir dans un nouvel onglet pour mieux les admirer !]

[Critique]
Si vous avez aimé le long-métrage de Matt Reeves et apprécié sa « vision » du Riddler, aucun doute que ce préquel en comic book centré sur Edward Nashton vous satisfera. Si ce n’est pas le cas, il n’est peut-être pas utile de se ruer dessus, sauf si la curiosité du côté « roman graphique » vous attire (on en reparlera). The Riddler – Année Un narre la transformation d’un comptable timide et peu sûr de lui, à l’enfance malheureuse, en futur terroriste qui se voit tel un justicier dans une ville dans laquelle il admire secrètement le Chevalier Noir. Le parcours est peu surprenant (ce n’est pas un défaut), très introspectif et prévaut surtout par la mue visuelle qui opère au fil des six épisodes, en même temps que celle de la psyché d’Edward.

C’est là le point fort de la bande dessinée, Stevan Subic, dessinateur serbe (connu chez nous pour certains tomes des chouettes séries M.O.R.I.A.R.T.Y et Conan le Cimmérien – mais dont c’est ici le premier travail en comics), livre des planches totalement déconstruites, très loin des conventions habituelles, en mélangeant les styles (aussi bien des traits que de la colorisation – l’artiste assure à lui seul toutes les tâches d’illustration), peignant un univers sombre et plongeant dans la folie de Gotham et, surtout, d’Edward, accentué par les nombreuses échos narratifs du fragile jeune homme. On passe de quelques cases en peinture à des dessins en pleine page ou mélangés à d’autres, noyés dans de la documentation, des textes, de la colorisation numérique, une absence d’encrage, du flou volontaire et ainsi de suite.

Ainsi, le lecteur « voit » (et lit) toutes les pensées de Nashton, permettant de comprendre ce qui le pousse à devenir, petit à petit, l’effroyable Riddler. On a droit à quelques évènements classiques : tout un chapitre sur son enfance dans un orphelinat (rappelant ce qui avait été décrit dans le roman jeunesse préquel du film également), son obsession pour les énigmes (même si, ici, il n’en déposera aucune), sa volonté de « bien faire », d’être « quelqu’un », de simplement avoir un peu de reconnaissance, etc. L’injustice face à Edward (il travaille dur et demeure invisible pour les têtes pensantes), l’injustice grandissante dans Gotham (une cité qu’il aime mais dont la corruption et les manigances lui arrachent le cœur). L’ensemble est doublement noir, au sens littéral et figuré. La solitude amplifiée chez le comptable déjà fragile mentalement ne pouvait que converger vers l’esprit radical et la voie d’une « autre » justice (vue dans le film).

Le double fantomatique de l’antagoniste, la voix off constante, la presque schizophrénie de Nashton et son statut de pleutre et victime ajoutent juste ce qu’il faut d’empathie envers un ennemi moins redoutable dans ce qui nous est présenté dans le comic que dans The Batman (et c’est tout à fait normal). Pas d’incohérences entre les deux, au contraire, Paul Dano, son interprète au cinéma qui fait ses premiers pas en tant qu’auteur ici, a particulièrement fait attention à rester fidèle à l’univers de Reeves (la bande dessinée est à l’initiative de Dano sur les encouragements de Reeves). On s’étonne uniquement que le véritable premier meurtre du Riddler soit celui qui ouvre le film, visiblement Nashton ne s’est pas  « exercé » auparavant, alors que dans The Batman il semble parfaitement maîtriser l’assassinat. Il faut dire que cette Année Un débute un an avant le le long-métrage, donc encore aux balbutiements de Batman dans les rues (on le voit à peine dans le comic) et suit donc le parcours d’Edward sur une douzaine de mois.

Dano mêle plutôt bien le sens du rythme (la fiction se lit très bien) et la compréhension de l’ensemble (blanchiment d’argent, magouilles politiques…) – malgré tout un épisode quasiment textuel, proche du journal intime, qui part, littéralement, dans tous les sens – une dimension chaotique à l’image de son anti-héros et du système qui gangrène la ville –, mais il manque ce petit quelque chose peu définissable qui hisserait le titre comme un coup de cœur ou un indispensable. On apprécie voir un complément (non négligeable) à The Batman, une histoire globalement auto-contenue mais on peine à se passionner pour l’ensemble, qui manque peut-être d’une dimension plus large. Ce qui, paradoxalement, est un parti pris plutôt efficace car il se concentre uniquement sur Riddler, sa fonction première évidemment. L’homme mystère n’en aura plus vraiment après lecture, ce qui peut gâcher un peu l’authenticité de la version en chair et en os de Dano.

L’intérêt se situe donc davantage sur le cheminement visuel, très hétérogène tout en restant harmonieux avec l’ensemble, original et prenant. Subic pourrait être un élève de McKean ou Sienkiewicz. Esthétiquement, The Riddler – Année Un est aussi innovant que captivant, nappé de visions cauchemardesques et d’habiles échos graphiques à la folie de son protagoniste. Toutefois, côté scénario, le passé de Nashton n’apporte pas nécessairement une plus-value très originale, si on a (déjà) vu la version de Reeves mais permet tout de même de mieux comprendre l’évolution du (futur) ennemi.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 février 2024.
Contient : The Riddler: Year One #1-6
Nombre de pages : 240

Scénario : Paul Dano
Artiste (dessin, encrage et couleur) : Stevan Subic

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Christophe Semal

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Batman – Année Un

 Batman Année Un

(A gauche : la nouvelle couverture du Black Label sortie en février 2020,
à droite la première édition d’Urban Comics remontant à 2012.)

[Histoire]
4 janvier : Bruce Wayne, milliardaire de vingt-cinq ans, revient à Gotham City après treize années d’absence. Le même jour, c’est le lieutenant Gordon qui débarque dans cette ville austère. Durant une année, les deux hommes vont combattre, à leur façon, l’injustice et la criminalité qui gangrènent les ruelles, ainsi que la corruption au sein même de la police et de la mairie.

Pour Gordon, ce sera avant tout en restant droit et honnête face à ses « collègues » et en n’hésitant pas à intimider les plus dangereux d’entre eux. L’homme n’a peur de rien mais sa vie personnelle en pâti : sa relation avec sa femme, Barbara, enceinte du petit James Jr. devient compliquée.

Pour Bruce Wayne, ce sera l’occasion de tester son entraînement intensif et de voir s’il est apte à affronter quelques malfrats, uniquement en se battant à mains nus. Mais il commet de nombreuses erreurs et comprend qu’il devra inspirer la peur à ses ennemis pour mieux les surprendre et les combattre. Le nom de Batman commence alors à se répandre chez les criminels et la police.

Le duo sera indirectement épauler par le procureur Harvey Dent, qui souhaite aussi la chute du maire, mais aussi du commissaire Loeb et de Carmine « Le Romain » Falcone. Ce dernier recevra la visite d’une certaine Selina Kyle, secondée par Holly Robinson, toutes deux prostituées.

Batman Year One Année Un

[Critique]
Connu sous le titre de Year One mais aussi Vengeance Oblige (curieuse appelation puisqu’il n’est nullement question de vengeance mais de justice), le récit culte de Frank Miller et David Mazzucchelli n’a pas perdu de sa superbe presque trente ans après sa première publication. C’est un œuvre fondatrice dont s’inspireront la plupart des auteurs qui se relaieront dans les aventures de l’homme chauve-souris mais aussi certains cinéastes, comme Christopher Nolan pour Batman Begins. S’il y a un comic par lequel il faut commencer pour découvrir l’univers du Dark Knight c’est celui-ci !

Frank Miller ne change pas les origines, déjà connues, de Batman mais il les enrichit avec davantage de noirceur : Gotham City est dangereuse « partout », la ville est crasseuse, la corruption règne en maître, Selina Kyle est une prostituée dominatrice, sa protégée Holly Robinson est très certainement mineure et prostituée également, pas une place pour l’humour ou la légèreté. Véritable polar relativement court (un de ses rares « défauts »), Année Un s’étale sur quatre chapitres (les #404 à #407 de la série originelle, publiée en 1986). L’histoire s’attarde autant sur Gordon que sur Wayne/Batman. Le lieutenant occupe quasiment la première place du récit tant l’on suit sa vie professionnelle et personnelle. Du côté du milliardaire, on trouve un homme hésitant, et c’est bien normal, essayant de faire du mieux qu’il peut sous son nouvel alter-ego. Gordon et Wayne sont les narrateurs ; on lit et découvre leur point de vue tour à tour, avec un habile jonglage montrant les différences notoires entre les deux êtres (l’arrivée en train pour l’un, en avion pour l’autre) ou bien les points communs. Ce style offre presque un dialogue, d’une curiosité et efficacité sans faille.

Batman Year One Gordon Barbara

La force de l’œuvre réside dans plusieurs éléments, à commencer par son scénario donc, extrêmement sombre, soigné, crédible et riche en personnages : en plus du duo cité, les prémices de Catwoman sont à découvrir, la présence indirecte d’Harvey Dent (et même de Vicky Vale et Superman !) confère une volonté de proposer plusieurs protagonistes « connus » de la mythologie de Batman ; on peut y ajouter Holly Robinson, le commissaire Loeb et, surtout, Carmine Falcone.

L’autre fragment essentiel d’Année Un est évidemment son aspect graphique : les planches de David Mazzucchelli, sublimées par la coloriste Richmond Lewis (sa femme), sont particulièrement travaillées. La mise en scène joue constamment avec le noir, au sens littéral du terme, en proposant des segments où l’ombre a un grand rôle ; la plupart de l’ouvrage se déroulant la nuit, cette sensation d’univers sombre se décuple. Les traits en eux-mêmes tendent vers un réalisme proche de la BD Franco-Belge, rien d’extravagant ou de situations pouvant être estampillées dans un cliché « comic-book ». Les teintes, tour à tour froides ou chaudes, ne sont jamais clinquantes ou criardes. Les pages étaient à l’époque, de toute façon, imprimées sur du papier journal qui avait une gamme limitée à soixante couleurs, dont a brillamment tiré profit Lewis. Elle a ensuite peint à la main toutes les planches pour l’édition en un seul volume. Ce petit côté « old-school » est un délice visuel ; mais attention, si le scénario n’a pas pris une ride, cet aspect visuel peut tout de même ne pas convenir à tous.

Batman Year One Fight

Avec le recul (et pour titiller) les rares défauts d’Année Un sont peut-être à trouver dans la quasi-absence d’Alfred, pourtant d’un grand secours pour Bruce/Batman, ainsi que l’étrange évolution de ce dernier : il parle sans cesse d’une caverne sous le manoir, d’un costume à porter, de nouveaux gadgets, quid de leur création ? Mais ceci n’est vraiment pas bien grave.

L’édition d’Urban Comics (dont le choix de couverture est loin d’être le meilleur, à la fois artistiquement et commercialement parlant) propose une préface de Dennis O’Neil, signée en 1988 pour la première édition reliée. On y apprend que Frank Miller, qui avait auparavant écrit et dessiné un futur hypothétique du Chevalier Noir avec The Dark Knight Returns, n’a pas cherché à modifier les origines, les trouvant parfaites, il a juste préféré les exploiter en profondeur et, pour l’occasion, ne pas dessiner Année Un. On trouvera aussi une postface de Mazzucchelli, de 2005, sous forme de bande dessinée et très agréable à lire. Enfin, une autre postface, rédigée par Frank Miller en 1988, clôt le livre. Il explique pourquoi, selon lui, Batman n’a jamais été quelque-chose de drôle mais bel et bien de ténébreux.

Batman Year One Gordon

Deux suites ont été publiées, Year Two : L’Héritage du faucheur, en 1987 aussi, puis La boucle est bouclée (Year Three : Full Circle), en 1991. Ces deux séries furent disponibles en France, chez Semic, il y a quelques années. Urban Comics n’a pas communiqué une éventuelle réédition. Il faudra attendre 2014 pour que Scott Snyder tente, lui aussi, d’écrire de nouvelles origines pour l’homme chauve-souris, avec L’An Zéro. Ne voulant pas trahir l’œuvre de Miller, qu’il adore, il avait promis de rester dans la continuité d’Année Un avant de se raviser, face à la complexité de la tâche. Le scénariste garda donc le fameux meurtre des Wayne et la création « classique » de Batman (impossible de modifier cela de toute façon) mais dans une ville beaucoup plus moderne et actuelle. Il proposera aussi une triple confrontation à des ennemis (dont le futur Joker et le Sphinx/Riddler) ainsi qu’une Gotham City sauvage dans laquelle le Dark Knigt s’alliera avec Gordon. Tous ces évènements et cette situation, exceptionnelle, seront conservéd dans la mémoire collective des citoyens sous l’appellation de L’An Zéro.

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 6 juillet 2012.
Titre original : Year One
Scénario : Frank Miller
Dessin : David Mazzucchelli
Encrage : Todd Klein
Couleur : Richmond Lewis
Lettrage : Christophe Semal et Laurence Hingray
Traduction : Doug Headline

Titres des chapitres :
01 – Qui je suis, comment je suis né
02 – La guerre est déclarée
03 – L’aube noire
04 – Un ami dans le besoin

Première publication originale dans Batman #404 à #407, de février à juin 1987.
Également publié en France en 1988 sous le titre Vengeance Oblige (en deux tomes) chez Comics USA puis chez France Loisirs l’année suivante (un tome). En 2000 chez Delcourt sous le titre Année 1 (avec très certainement la plus belle des couverture toutes éditions confondues). Enfin, Panini Comics republie l’ouvrage en 2010 en l’intitulant Year One.
Urban Comics a sorti une première édition, Année Un donc, contenant le DVD et Blu-Ray du film éponyme, une seconde sans ces supports et une troisième en noir et blanc, agrandie et en limitée (4.000 exemplaires) pour les 75 ans de Batman en 2014.

Batman Year OneDe g. à d. : la couverture anglaise originale, que reprendra Panini Comics,
celle de Comics USA (tome 1) et France Loisirs puis celle de Delcourt.

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Batman – Vengeance Oblige 1 – L’Aube Noire (édition Comics USA)
Batman – Vengeance Oblige 2 – Nuit Blanche (édition Comics USA)
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Batman Year One Selina

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