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Batman Dark City – Tome 3 : Gotham War

Après un premier volume porté sur l’action et bénéficiant d’une partie graphique séduisante puis un second tome poussif et complètement dispensable, la série Batman Dark City revient dans un troisième opus qui poursuit la série principale, contient l’event de son titre (avec des chapitres de la série Catwoman) mais aussi un complément de Knight Terrors (cf. critique des compléments) ! Un sacré bazar qu’on décortique.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis qu’il est devenu Batman, Bruce Wayne n’est plus seulement un homme, mais un symbole à l’origine des pires tourments des criminels de Gotham. Désormais piégé dans le Royaume des Cauchemars par Insomnia, Bruce est traqué par l’horreur qu’il a lui-même créée ! Pourra-t-il s’échapper avant que ses peurs les plus viscérales ne l’entraînent plus profondément dans les ténèbres ?

Le résumé de l’éditeur est stricto senso le début du comic mais la longue histoire qui le compose est totalement différente et est abordée dans la critique.

[Critique]
Le résumé en quatrième de couverture (celui-ci dessus) ne couvre que les deux premiers épisodes du tome, c’est-à-dire ceux connectés à l’évènement Knight Terrors. Ces deux chapitres sont sympathiques (courte critique sur la page de toutes les Terreurs Nocturnes) mais sont totalement à part du reste de la fiction, qui se concentre donc sur la fameuse Gotham War (oui comme Joker War il n’y a pas si longtemps).

En quoi consiste cette nouvelle « guerre » dans la pire ville des États-Unis ? Et bien… Catwoman décide de prendre sous son aile tous les anciens sous-fifres des différents vilains emblématiques de Gotham pour les former à devenir des voleurs hors-pairs. Jusqu’ici pourquoi pas. Objectif : dérober uniquement les fortunés de la ville et, mécaniquement, faire baisser les autres crimes (plus violents et « dangereux ») car les hommes de main habituels ne seront plus disponibles pour d’autres ennemis.

Selina Kyle a la décence d’expliquer son plan à Batman et ses alliés, espérant que les justiciers de Gotham ferment les yeux sur ses actions, constatant la diminution générale de criminalité que cela engendre. Pour Batman, évidemment, hors de question de hiérarchiser les crimes (sans compter que voler les personnes riches – comme le furent ses parents – est évidemment inenvisageable). Chez ses acolytes en revanche, la question est étonnamment tranchée assez rapidement sans nuances : et si Catwoman avait raison ?

Aussi surréaliste que cela puisse paraître, une seule personne (!) se range d’emblée du côté du Chevalier Noir et, étonnamment, il s’agit de Damian/Robin ! Vu le caractère et le passif du fiston, c’est, au choix, soit une belle évolution mature et un soutien envers son père, soit un contresens total avec l’ADN du jeune homme. Si Red Hood (qui sera au centre de Gotham War ensuite) rejoint, sans surprise, Catwoman, tous les autres alliés semblent plutôt enclin à accepter la proposition de la femme féline également ! Les deux seuls qui auront droit à quelques lignes de dialogues sont Nightwing et Red Robin (donc Dick et Tim), pourtant les deux qui devraient être farouchement opposés à cette façon de faire ! Les autres (Spoiler, Orphan/Batgirl, Duke…) reste(ro)nt cantonnés à de la figuration.

Cette idée de départ n’est pas mauvaise en soi, cela soulève même une réflexion d’ordre morale pertinente mais, comme souvent dans les comics Batman, un concept inédit se transforme en aventure maladroitement développée et, in fine, peu intéressante, marquante ou (rêvons un peu) révolutionnaire. Gotham War n’y échappe pas : cet étrange mouvement criminel n’est pas vraiment remis en cause, le véritable problème pour tout le monde est… Batman ! Depuis ses précédents exploits avec sa personnalité de Zur-en-Arrh, l’entourage du détective le juge devenu trop dangereux, trop instable. C’est ce segment qui sera particulièrement mis en avant dans ce troisième volet écrit majoritairement par Chip Zdarsky (décidément pas très bon sur son run de Batman).

En neuf chapitres, on assiste donc à trois grands axes narratifs. Comment Batman arrive à manipuler mentalement Red Hood pour le rendre inoffensif en… lui octroyant un sentiment permanent de peur (!), comment l’idée de Catwoman se voit court-circuitée par Vandal Savage (et un groupe d’ennemis normalement forts mais vite expédiés sur la fin) et comment Bruce Wayne évolue et tire des conclusions de cette mésaventure.

Le constat est sans appel : l’ensemble se lit à peu près bien (le rythme est correct même si ça met du temps à démarrer), on a du mal à comprendre les choix de tous les personnages (sauf Batman, Catwoman et éventuellement Red Hood) et on apprécie surtout la fin (non pas parce qu’elle termine une histoire très moyenne (encore que…) mais parce qu’elle ouvre sur une belle promesse – qu’on dévoile juste ici, passez au paragraphe si jamais : Bruce comprend que ce n’est pas à lui de guider ses alliés mais à Dick et Barbara, plus solaires et fédérateurs, et leur laisse le champ libre).

Gotham War est donc, malheureusement, une nouvelle fois, un opus passable, pas forcément convenu (au contraire) mais mal écrit et peu plaisant. La fiction ne s’attarde jamais réellement sur la perte de la main de Bruce qui est pourtant quelque chose d’impactant (surtout dans cette série de la continuité). Elle balaie rapidement l’enjeu initial pour dériver sur Savage et sa quête d’immortalité, pas inintéressante de prime abord mais, encore une fois, trop rapidement exécutée. Curieusement, Catwoman n’est pas tant présente que cela alors que Red Hood a droit a une véritable histoire presque auto-contenue. De quoi être, une fois de plus, surpris par les choix proposés par Zdarsky.

Ni vraiment audacieux, ni vraiment palpitant, Gotham War se lit sans déplaisir mais sans réel plaisir non plus, ajoutant un énième titre « vaguement sympa sans plus » à la longue liste des comics Batman. Les orientations morales des protagonistes peuvent déstabiliser. On pourrait accepter que Dick et Tim aillent dans le sens de Selina mais il faudrait l’expliciter, l’écrire, consacrer tout un chapitre à un échange ciselant qui tendrait à comprendre leurs perceptions, leurs choix. Il n’en est rien ici, laissons donc toute latitude au lecteur pour subir passivement ces étrangetés (il ne s’agit pas non plus d’une déconstruction, cela aurait d’ailleurs été plus habile, mais banalement d’une paresse d’écriture). Reste un Batman impérial qui sauve (un peu) l’ensemble.

Côté dessin, heureusement, il y a de chouettes moments malgré le trop grand nombre d’artistes présents dans cet opus. Belén Ortega, Jorge Corona, David Lafuente, Nikola Cizmesija, Mike Hawthorne, Nico Leon, Adriano Di Benedetto et Jorge Jimenez (sur les chapitres Batman bien entendu) – et Guillem March pour les Knight Terrors. Un pot pourri parfois agréable (quelques planches éclatées, quelques costumes élégants…), parfois franchement moyens, dans tous les cas une non homogénéisation visuelle (qui ne gêne pas à la compréhension mais reste un peu dommageable). Gotham War est donc, à l’instar du second volume, plutôt déconseillé (surtout vu le prix !) et il est grand temps que Zdarsky passe la main.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 23 février 2024.
Contient (dans l’ordre) : Knight Terrors: Batman #1-2 + Batman #136 + Batman/Catwoman: The Gotham War: Red Hood #1 + Batman/Catwoman: The Gotham War – Battle Lines #1 + Batman #137 + Catwoman #57 +  Batman #138 + Catwoman #58 + Batman/Catwoman: The Gotham War: Red Hood #2 + Batman/Catwoman: The Gotham War – Scorched Earth #1
Nombre de pages : 360

Scénario : Chip Zdarsky, Joshua Williamson, Matthew Rosenberg, Tini Howard
Dessin & Encrage : Belén Ortega, Jorge Corona, Guillem March, David Lafuente, Nikola Cizmesija, Mike Hawthorne, Jorge Jimenez, Nico Leon, Adriano Di Benedetto
Couleur : Tomeu Morey, Ivan Pascencia, Rex Lokus, Romulo Fajardo Jr., Veronica Gandini, Arif Prianto

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.fr : Batman Dark City – Tome 3 : Gotham War (30 €)





Batman Dark City – Tome 2 : L’homme chauve-souris de Gotham

Après un premier opus orienté action, superbement dessiné mais au scénario un peu simpliste et improbable (cf. critique de Failsafe), que vaut le second tome de la série de Chip Zdarsky ?

[Résumé de l’éditeur]
Depuis la disparition de Batman, les rues malfamées de Gotham sont aux mains des pires criminels, et des individus tels que Killer Croc ou Harvey Dent brutalisent la population en toute impunité. Qu’est-il arrivé au Chevalier Noir ? Comment peut-il rester sourd aux appels de ceux qu’il s’était pourtant juré de protéger ? Traqué par un certain « Red Mask », reste-t-il même à Bruce Wayne une infime possibilité de sauver sa peau avant de voir sa ville s’écrouler ?

[Début de l’histoire]
Après avoir été touché par Failsafe (cf. tome un) et disparu, Batman se réveille dans une ruelle de Gotham, blessé. Un étrange commissaire Gordon « fantôme » lui parle.

Bruce Wayne découvre qu’il a atterri dans une dimension où son alter ego justicier n’existe pas (pire : le milliardaire est même mort !). Les habitants ont peur et sont sous le joug de plusieurs ennemis dont « le juge », alias Harvey Dent, lui-même obéissant au « Red Mask ».

Heureusement, Bruce peut compter sur l’aide de Jewel, une adolescente qui le recueille et le soigne. La Selina Kyle de ce monde sera-t-elle une alliée ou une ennemie ?

En parallèle, Tim Drake/Red Robin refuse de croire que son mentor est décédé et va tout faire pour le localiser dans les autres univers et aller le chercher.

[Critique]
Contrairement à ce que suggère le résumé d’Urban Comics (et très étonnamment), le postulat de départ est simple : Batman a atterri dans une autre dimension. C’est martelé d’entrée de jeu en avant-propos (avec un très bon résumé du premier volet – évitant de devoir le relire ou à la rigueur les deux ou trois dernières pages si besoin) et dès les premières planches de la bande dessinée qui s’inscrivent comme la suite direct de Failsafe. C’est dans cette Gotham inédite qu’évolue un Bruce Wayne (plus ou moins) affaibli après tous ses combats de l’opus précédent. Mais – comme à son habitude, au point que ça en est parfois risible –, ce Chevalier Noir est quasiment immortel et imbattable ; il se donne à nouveau comme objectif de combattre l’injustice et restaurer un semblant de paix dans la ville.

En effet, dans cette Gotham City, les citoyens semblent avoir peur et être étrangement passifs. Il faut dire qu’il n’y a pas de Batman dans cette dimension. Par contre il y a les actions du Juge (Harvey Dent), violent et radical au possible, gonflé au Venin (de Bane). Il agit sous les ordres du mystérieux « Red Mask ». De quoi découvrir quelques versions alternatives de figures familières : Selina Kyle, Punchline, le Sphinx, Killer Croc, etc. C’est surtout Selina qui est mise en avant avec Darwin Halliday, l’homme derrière « Red Mask » (ersatz d’un équivalent de Joker, annoncé d’entrée de jeu…).

La fiction, extrêmement bien rythmée et beaucoup portée sur l’action (comme dans Failsafe), s’étale sur cinq chapitres (la série Batman #131-135) et leurs quatre premiers backs-up dédiés et centrés sur Tim Drake/Red Robin, dans le « monde habituel » de Batman, à la recherche de son ancien mentor, aidé par Mr Terrific. Le scénariste Chip Zdarsky continue un travail à la fois intéressant, ponctué de quelques beaux moments mais aussi de certains loupées (on y reviendra) et à la fois improbables (idem).

Parmi les réussites, il y a bien sûr cette épopée singulière où l’on sent que l’auteur se fait plaisir. Il créé une nouvelle alliée à Batman (Jewel) et dresse une réflexion pas inintéressante, non pas sur le multivers, mais sur l’ADN du Joker et ses variants (est-il mauvais quoiqu’il arrive ou sombre-t-il dans la folie suite à des évènements traumatisants ou à cause de Batman ?). De quoi converger lors de sa dernière ligne droite pour un voyage dans les différentes dimensions assez sympathique à défaut d’être réellement épique. Ne lisez pas le paragraphe suivant pour ne pas avoir trop de révélations et passez à celui d’après si jamais (et ne descendez pas tout en bas de cette critique car les trois dernières illustrations après l’image de Tim Drake/Red Robin spoilent aussi un peu).

Dans la dernière ligne droite de ce second tome (le chapitre #135, en réalité le 900ème de la série Batman si l’on ignore la nouvelle numérotation, rallongé de quelques pages pour l’occasion), on croise donc différents Batman iconiques : celui des films de Tim Burton campé par Michael Keaton, celui de la série des années 1960 interprété par Adam West, ceux de The Dark Knight Returns et Batman Beyond (La Relève) – les deux qu’on voit le plus –, ceux de différents autres comics (Kingdom Come, Batman Vampire, etc.). Cette fournée de caméos plus ou moins forcés est – comme on l’a souligné – agréable à voir et à lire mais aurait pu aboutir une réunion incroyable qui n’a malheureusement pas lieu. C’est un peu dommage…

Chip Zdarsky propose donc un peu de « fan-service » appréciable mais réussit davantage à toucher le lecteur quand il soigne le personnage de… Tim Drake. En effet, quand ce dernier retrouve éphémèrement sa mère et, in fine, Batman, l’émotion pointe le bout de son nez grâce à l’énergique bienveillance de Drake et la puissance de ses différentes retrouvailles. Malheureusement, l’auteur n’arrive pas à insuffler la même chose lorsque Batman rencontre… Alfred. Il y a bien un ou deux moments « forts » mais il manquait quelques cases de plus, couplées à un texte davantage percutant et peut-être une meilleure mise en scène visuelle. Ce n’est pas très grave au demeurant mais on ressent un déséquilibre sur ce sujet. On aurait aussi voir le couple Alfred/Leslie plus approfondi.

Attention également, sujet clivant (passez à nouveau ce paragraphe mais aussi le suivant si jamais) : Timothy Drake est désormais bisexuel (en couple avec un certain Bernard) ! Pas l’éventuel Tim existant dans cette autre dimension mais le Tim de la continuité habituelle (donc celui resté dans « le monde classique » et la chronologie officielle de Batman). Cela peut paraître surprenant de prime abord car (si l’on n’a pas suivi des titres en VO) on peut légitimement s’étonner qu’il n’y ait jamais eu de mention de cette orientation sexuelle chez ce célèbre protagoniste depuis des années. Cette évolution a bel et bien été abordée (de façon cohérente en plus) mais dans un titre qui n’a pas été publié en France. Urban Comics manque donc à son devoir en ne contextualisant pas ici cette « nouvelle » orientation sexuelle (via une astérisque et mention en bas de case ou en s’y attardant plus longuement en avant-propos ou postface éditoriale) : le coming-out et les explications sont à lire dans la série de 2021 Batman : Urban Legends, dans le segment sur Tim Drake (seul celui sur Red Hood est sorti chez nous, cf. Souriez !).

C’est l’autrice Meghan Fitzmartin qui l’évoque dans Tim Drake in Sum of our parts – en trois épisodes où Tim sauvait justement Bernard –, inclus dans Batman : Urban Legends #4-6 et se poursuivant dans le #10 (Tim Drake in A carol of Bats) et… désormais dans la continuité officielle à travers cette série Dark City par exemple. Ces chapitres rendent donc plausibles ce changement d’orientation sexuelle qui peut apparaître soudain aux yeux des lecteurs ne suivant pas la VO (et pour qui il aurait pu, légitimement, manquer un dialogue pour l’expliquer tout en conservant une cohérence dans l’évolution du personnage). Cet aspect sera un élément critique chez certains (qui crieront au « wokisme », terme galvaudé devenu bien éloigné de sa définition initiale), là où d’autres apprécieront au contraire cette sorte de « progressisme ». Comme toujours, on laisse le lecteur arbitrer sur ce point. Cela pourrait être l’occasion pour Urban Comics de sortir une anthologie sur Tim Drake, tant ses nombreuses séries où il occupe une place centrale manquent en France !

Chip Zdarsky ajoute quelques éléments qui font tâche : un commissaire Gordon imaginaire sous forme de squelette amusant, une main coupée de Batman sans grandes conséquences pour lui (il s’en remet aisément), elle sera même « réparée » de façon invraisemblable, un combat contre un requin qu’on ne détaillera pas et qui s’étale trop longuement, un Ghost-Maker surpuissant… Finalement, le scénariste reproduit un peu « le même travail » que ses prédécesseurs. Les guillemets sont de mise car il ne s’agit évidemment pas de calquer les mêmes histoires mais plutôt de constater une application d’une recette plus ou moins similaire avec des ingrédients plus ou moins identiques.

En résulte chaque fois de très bonnes choses mais d’autres moins palpitantes. En somme : une offre inégale, comme c’était le cas pour les séries longues de Batman opérées par Grant Morrison, Scott Snyder, Tom King et James Tynion IV. Certes, nous n’en sommes qu’au second volume du run de Zdarsky et il y a encore probablement beaucoup à découvrir mais l’on peut déjà dresser ce petit constat. La série n’est pas mauvaise mais elle n’est pas exceptionnelle non plus, elle reste un (énième) « divertissement efficace », à nuancer évidemment en fonction de ses attentes et exigences (et compte en banque).

Visuellement, c’est Mike Hawthorne (Deadpool, G.I. JOE: Origins, Conan: Road of Kings, Daredevil…) qui remplace Jorge Jiménez. Le résultat est tout à fait correct sans faire d’éclat, hélas. L’artiste n’a pas vraiment un style graphique propre à lui qui rendrait son travail plus alléchant. C’est assez convenu, les traits sont trop gras et les expressions faciales parfois proches de la caricature. La colorisation de Tomeu Morey relève un peu l’ensemble ; de toute façon on reconnaît les personnages (ou plutôt leurs variants) et les scènes d’action sont lisibles. C’est donc suffisant pour ce Batman Dark City, même si passer après Jiménez fait (forcément) un peu tâche mais permet de se justifier un peu en se disant que Hawthorne a « sa » dimension là où Jorge Jiménez à la sienne. Ce dernier revient justement à la fin, pour illustrer les voyages rapides entre les dimensions (et donc les différents Batman), c’est évidemment du grand art ! Le dessinateur réussit même à calquer chaque patte des univers dépeints (cf. liste plus haut – et trois des images tout en bas).

Miguel Mendonça s’occupe des dessins des backs-up (toujours écrits par Zdarsky) avec une certaine finesse et élégance bienvenue. Mikel Janin signe aussi quatre planches à la place d’Hawhtorne dans le cinquième épisode sans que l’on sache vraiment pourquoi, cassant l’homogénéité visuelle qui régnait à peu près. Une fois de plus : ce n’est pas très grave et ne gâche en rien l’immersion de la fiction. Comme souvent, l’ouvrage se referme sur une riche galerie de couvertures alternatives, la plupart très réussies. L’homme chauve-souris de Gotham est donc un peu plus original (dans son écriture) que Failsafe mais moins marquant dans sa partie graphique. Inégal mais toujours aussi bien rythmé (la grande force de Zdarsky), le comic book se lit sans déplaisir (malgré ses quelques défauts relevés) et, à l’instar du précédent, donne envie de découvrir la suite, qui sortira le 23 février 2024 (et mêlera les évènements Knight Terrors et Gotham War – un sacré bazar) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 octobre 2023.
Contient : Batman #131-135
Nombre de pages : 208

Scénario : Chip Zdarsky
Dessin : Mike Hawthorne, Jorge Jiménez, Mikel Janin, Miguel Mendonça
Encrage : Adriano Di Benedetto, Jorge Jiménez, Mikel Janin
Couleur : Tomeu Morey, Romulo Fajardo Jr., Roman Stevens

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.frBatman Dark City – Tome 2 : L’homme chauve-souris de Gotham (21 €)



Red Hood – Souriez !

[Résumé de l’éditeur]
Jason Todd est de retour à Gotham City et les problèmes de la ville le poussent à porter le masque à nouveau. La menace numéro un : une nouvelle drogue envahit la ville et son influence grandissante devient extrêmement problématique. Alors qu’il enquête sur l’origine de ce nouveau fléau, l’ancien Robin croisera inévitablement la route du Chevaler Noir. Red Hood et Batman arriveront-ils à unir leurs forces pour arrêter ce nouveau fléau ?

[Critique]
Voilà un excellent récit complet à mettre entre toutes les mains des passionnés de Jason Todd ou Red Hood ! Il aura fallu attendre autant d’années avant d’avoir un titre qui couvre très « justement » la relation conflictuelle entre Bruce/Jason (et mécaniquement Batman/Red Hood). C’est clairement la force de ce Souriez !, traduction de Cheer, le segment de la série Batman : Urban Legends dont est tiré le comic, probablement en « hommage » à l’un des premiers titres français de Killing Joke qui était également Souriez. Il faut dire que le Joker hante évidemment la fiction mais de façon sporadique ; on revoit des évènements d’Un Deuil dans la Famille, dessinés plus ou moins à l’identique ou sous un nouveau jour.

La bande dessinée alterne l’enquête du présent (qui est responsable de la circulation de la nouvelle drogue ?), les conflits intérieurs de Jason (a-t-il bien fait de tuer le père criminel d’un gosse qu’il va probablement rendre orphelin ?), ceux de Batman (son poids de la culpabilité et son échec avec le second Robin) et multiplie les flash-backs. On retrouve donc des scènes « déjà connues » (celles d’Un Deuil dans la Famille comme déjà évoqué) et d’autres inédites (les premiers pas de Jason, un conflit avec le Sphinx, etc.). Tout s’enchaîne remarquablement avec un rythme très prenant.

Red Hood – Souriez ! ne montre pas non plus un Jason Todd assagi et trop « gentil », il n’hésite pas à tuer, il se remet en question, il a toujours un côté impulsif, etc. Chip Zdarsky livre un travail de haute qualité qui manquait étonnamment depuis longtemps sur le célèbre antagoniste. Zdarsky (après son excellent run sur Daredevil) s’est emparé de Batman avec trois séries distincts. Batman : Urban Legends (cette critique donc), The Knight, contant les premières années de Batman (une semi réussite) et la nouvelle série Batman, intitulée Dark City en France (cf. le premier tome, Failsafe). En soignant l’écriture des personnages torturés mais aussi d’une intrigue globale plutôt satisfaisante, il hisse ce one-shot dans la catégorie coup de cœur du site !

L’aventure déçoit peut-être dans le choix de son ennemi principal, inconnu au bataillon se cachant derrière Mr. Freeze – il aurait été plus efficace de reprendre quelqu’un de la célèbre galerie de vilains ou alors de créer un « nouveau » méchant plus charismatique, dommage. Côté dessins, on retrouve Eddy Barrows qui avait signé les aventures de Nightwing (période Renaissance / New 52, cf. les critiques des volumes un à cinq). L’artiste a toujours du mal avec les visages non masqués en gros plan, souvent disgracieux… (cf. ci-dessous) mais le reste fonctionne du tonnerre ! Il y a des postures iconiques, un sentiment de vitesse lors des scènes de poursuite ou d’action, particulièrement dynamiques, une lisibilité générale dans la gestion de l’espace et ainsi de suite.

Quatre autres dessinateurs officient sur le titre (Marcus To, Jesus Merino, Diogenes Neves et Scott Eaton) mais la plupart se contentent des flash-backs, gardant ainsi une certaine homogénéité visuelle globale durant les six épisodes. Par ailleurs, un seul coloriste (Adriano Lucas) s’affaire à l’entièreté du titre, conservant là aussi une empreinte graphique et chromatique efficace donnant l’impression d’un « tout » commun et réussi. Attention, la couverture est une variante de la série Red Hood & the Outlaws (#27), de Yasmine Putri et ne reflète donc pas vraiment l’ouvrage (encore que…) mais attire évidemment l’œil. Ce n’est pas très important mais toujours bon à préciser.

En synthèse, Red Hood – Souriez ! est une proposition scénaristique (et graphique) intéressante, qui change un peu des histoires de l’univers de Batman tout en soulignant la relation conflictuelle mais passionnante entre Bruce/Batman et Jason/Red Hood. La promesse est tenue et l’ensemble tient bien la route à de micro-détails près. Même un lecteur non familier de Todd peut apprécier la fiction, probablement s’ouvrir aux autres récits sur lui ou, à minima, suivre une aventure auto-contenue et assez mature. On recommande donc chaudement !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 23 juin 2023.
Contient : Batman : Urban Legends #01-06 – Red Hood & Batman : Cheer

Scénario : Chip Zdarsky
Dessin : Eddy Barrows et Marcus To, Jesus Merino, Diogenes Neves, Scott Eaton
Encrage : Eber Ferreira, Marcus To, Jesus Merino, Diogenes Neves, Scot Eaton, Julio Ferreira, Oclair Albert
Couleur : Adriano Lucas

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Cyril Bouquet

Acheter sur amazon.fr : Red Hood – Souriez ! (17 €)