Batman Detective Infinite – Tome 03 : La Tour d’Arkham | 1ère partie

Après un premier tome sympathique mais inégal et un second étrangement découpé, la série Batman Detective Infinite entame sa dernière ligne droite en mettant la fameuse Tour d’Arkham au centre de son histoire et qui donne son titre aux deux derniers tomes.

[Résumé de l’éditeur]
L’asile d’Arkham est tombé et, avec lui, son histoire sombre et tordue. Mais pour le remplacer, une nouvelle institution – la tour d’Arkham – est érigée en plein cœur de Gotham sous l’impulsion du Dr. Wear. Celui-ci promet que ses méthodes et ses traitements pourront en finir une bonne fois pour toutes avec les comportements psychotiques et criminels qui rongent la cité maudite – des promesses accueillies avec la plus grande méfiance par la Bat-famille. Et avec Batman loin de la cité, ce sera à ses co-équipiers de démêler le vrai du faux, et d’agir avant que la situation ne devienne… explosive.

[Début de l’histoire]
Le Dr. Wear est proche d’obtenir des fonds financiers pour consolider son programme à la Tour d’Arkham. Il convoque le maire Nakano et l’élite de Gotham afin de prouver ses dires : le criminel Nero XIX (qui avait attaqué Nakano) semble guéri et montré à l’assemblée.

Wear travaille avec le Dr. Ocean et tous deux ont donc conçu un traitement qui stabilise voire guéri les problèmes mentaux de leurs patients. Le Dr. Meridian Chase, envoyée par Bruce Wayne a des doutes, ainsi que les alliés du Chevalier Noir qui s’infiltrent à l’intérieur de la Tour.

Dans un flash-forward, un peu plus de trois semaines après l’inauguration de la Tour, Wear est lancé à travers la fenêtre… Que s’est-il passé pour que tout dégénère ?

[Critique]
Les fondations de la Tour d’Arkham furent brièvement décrites dans le tome précédent et c’est son « exploitation » qui est conté ici. Le début est (comme souvent) réjouissant : le fameux Dr. Wear et son mystérieux acolyte le Dr. Ocean semblent avoir trouvé un remède miracle pérenne pour guérir les nombreux patients (on retrouve d’ailleurs quelques têtes connues comme Mr. Freeze parmi eux). Bien sûr il y aura une révélation (voir paragraphe suivant, passez à celui d’après (sous l’image) pour ne pas la connaître) qui gâchera un peu l’ensemble… Le lecteur n’est pas dupe mais apprécie le jeu temporel (la narration n’est pas linéaire) et les multiples protagonistes de la Bat-famille qui opèrent tour à tour à l’intérieur ou extérieur de la Tour : Nightwing, Batwoman, les « Batgirls » Orphan et Spoiler, Oracle, Huntress…

L’on se doute assez rapidement que Wear cache quelque chose de « mauvais » et la solution scénaristique trouvée est un peu facile (voire paresseuse). Il s’agit tout simplement du Psycho-Pirate qui manipule les esprits de tout ce beau monde mais qui – évidemment – ne peut les contenir éternellement. On retombe donc dans les travers éculés et aisées de l’hypnose mentale (quand ce n’est pas la magie) pour justifier l’injustifiable… C’est relativement cohérent au sein de l’univers DC bien sûr et même dans celui de Batman mais c’est dommage d’aboutir à cela. D’autant plus que cet antagoniste a effectué des choses bien plus « graves » et fut au cœur (par exemple) de Crisis on Infinite Earths, on a du mal à l’imaginer s’empêtrer dans le stratagème de Wear uniquement pour… gagner de l’argent !

Le but de Wear est (en effet) banalement de soutirer de l’argent à Nakano (vite en retrait après une interaction au début) avec cette manigance surréaliste. Pourquoi pas… à voir comment cela est exploité dans le quatrième et dernier tome, peut-être qu’il y a d’autres raisons plus intéressantes (spoiler/mise à jour : non). Toute cette partie est donc à la fois déceptive mais fait aussi sens, même si on pouvait s’attendre à quelque chose de plus stimulant et original. Néanmoins, la fiction se lit aisément et même avec un certain entrain, l’écriture est solide (dans le sens où on a envie de tourner les pages et voir ce qu’il se passe) et les dessins d’Ivan Reis très agréables (on y reviendra).

Attention, si Batman est présent sur la couverture (c’est d’ailleurs une image du second tome reprise et non une « vraie » couverture), il n’apparaît pas beaucoup dans ce tome. Ses alliés nous font comprendre qu’il s’est éclipsé (sans raisons réellement concrètes ou évoquées) – il faut se tourner vers le quatrième et dernier tome de Batman Infinite pour savoir pourquoi (en gros, Batman quitte Gotham pour prouver l’innocence de ses autres alliés (de Batman Inc.)). Il y a une brève mention de l’éditeur mais ce n’est pas forcément compréhensible pour les non connaisseurs.

C’est donc la Bat-famille qu’on suit, comme évoqué plus haut, est force est de constater que leur travail d’équipe et parfois complicité fonctionne très bien. Huntress est toujours présente, internée (plus ou moins) volontairement et toujours en proie à ses visions cauchemardesques. Cela permet de conserver une certaine homogénéité depuis sa première apparition dans le premier volume (et le fameux parasite toujours un peu évoqué). Il est plaisant également de (re)trouver Meridian Chase en comics, il s’agit évidemment de la transposition du célèbre rôle portée par Nicole Kidman dans Batman Forever. Ici, la médecin est bien plus intéressante et ne sert pas de faire-valoir romantique et sexuelle à Bruce (elle était déjà apparue dans quelques autres bandes dessinées mais de façon marginale).

Mariko Tamaki poursuit son run avec une proposition un brin original, met en avant davantage de seconds rôles que Batman (et c’est une bonne chose), beaucoup de figures féminines (c’est également un bon point) mais se loupe un peu dans l’intrigue globale et le côté, in fine, plutôt convenu par cet aspect. Elle peine à proposer des antagonistes forts malgré la menace réelle de la folie de l’ensemble. Ce n’est pas mauvais, ce n’est pas non plus follement passionnant. Ça fait complètement le travail pour un « divertissement » et une lecture à peu près plaisante (bien aidé par la patte graphique impressionnante de l’ouvrage).

Le talentueux Ivan Reis (Aquaman, Green Lantern, Justice League…) tire la titre vers le haut grâce à son trait remarquable, fin et aéré. L’artiste propose autant de séquences d’action (parfois très brutales) que d’autres plus posées, très bien aidés par des jeux d’ombre et lumière qui collent bien au thème. Le célèbre Brad Anderson opère à la colorisation avec brio, donnant autant un aspect « comic book » que – parfois – des pleines planches ou poses iconiques dignes quasiment indépendantes. Le binôme (ou plutôt trinôme car Danny Miki gérait l’encrage) est remplacé par Max Raynor aux dessins et Luis Gerrero aux couleurs sur les deux derniers épisodes. Si l’ensemble est relativement correct, il confère une patte plus artificielle dans ses palettes chromatiques (cf. image ci-dessus et ci-après) et moins épique dans des séquences qui se veulent flamboyantes et dynamiques mais restent un peu statique. Un peu dommage…

En substance avoir un manoir d’Arkham (explosé dans le Jour-A – cf. Batman Infinite – Tome 1) ou une tour ne change pas grand chose à ce qu’on voit à l’intérieur : des cellules, des bureaux, des infirmiers, des patients/prisonniers, etc. Il y avait l’inédite verticalité à utiliser dans ce récit et ce n’est pas le cas, dommage… D’une manière générale (sur l’ère Infinite), à force d’enlever des éléments, personnages et lieux notables à la mythologie du Chevalier Noir, on se demande comment il va être réinventé ou revenir à quelque chose de plus « familier ». Alfred n’est plus, le manoir Wayne et l’asile d’Arkham non plus, la fortune de Bruce dilapidée, la plupart de ses ennemis se sont adoucis, les nouveaux personnages conçus (GhostMaker, ClownHunter, Punchline…) manquent de consistance, bref, c’est une étrange période pour le Chevalier Noir !

« Heureusement », la fin de l’ouvrage renferme des fragments d’un passé lointain sous forme d’une histoire (proposée en backs-up initialement), House of Gotham, qui suit un jeune garçon (son nom n’est jamais mentionné) dont les parents sont tués par le Joker avant que Batman n’intervienne. L’enfant vadrouille ensuite entre Arkham où il croise Gueule d’Argile, des orphelinats et devient même employé par Le Pingouin ! Tout en grandissant il cotoie plusieurs Robin (Dick puis Jason) et son récit (de 60 pages malgré tout !) se terminera lui aussi dans le prochain tome.

Ce segment (écrit par Matthew Rosenberg, dessiné par Fernando Blanco – au style détonnant avec le reste, bien plus sombre et proche d’une bande dessinée européenne) est limite meilleur que les six chapitres de l’histoire principale qui l’ont précédé ! On renoue avec la mythologie habituelle de Batman, avec ses célèbres vilains vraiment cruels et meurtriers, sa Gotham poisseuse et la trajectoire d’un innocent visé à être brisé. En attendant sa suite et fin, c’est peut-être quelque chose qui aurait mérité une publication « à part » (elle n’a rien à voir avec La Tour d’Arkham) à moins qu’elle soit choisie pour être le recueil en noir et blanc du mois Batman (septembre) tant ce titre semble acclamé. À suivre…

Un point important : les sublimes couvertures des chapitres d’Irvin Rodriguez valent le coup d’œil par leur impression de photo-réalisme. Sans oublier les habituelles et tout aussi magnifiques dans son style, de Lee Bermejo en fin d’ouvrage (ainsi que d’autres, Jorge Molina notamment – à l’occasion du chapitre #1050), cf. sélection ci-dessous – cliquez pour agrandir et sauvegarder si vous le souhaitez 😉

 

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 04 novembre 2022.
Contient : Detective Comics #1047-1052 + backs-up

Scénario : Mariko Tamaki, Matthew Rosenberg
Dessin : & encrage : Ivan Reis, Max Raynor, Fernando Blanco
Encrage additionnel : Danny Miki
Couleur : Brad Anderson, Luis Gerrero, Jordie Bellaire

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Michaël et Stephan Boschat)

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