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Batman Dark City – Tome 2 : L’homme chauve-souris de Gotham

Après un premier opus orienté action, superbement dessiné mais au scénario un peu simpliste et improbable (cf. critique de Failsafe), que vaut le second tome de la série de Chip Zdarsky ?

[Résumé de l’éditeur]
Depuis la disparition de Batman, les rues malfamées de Gotham sont aux mains des pires criminels, et des individus tels que Killer Croc ou Harvey Dent brutalisent la population en toute impunité. Qu’est-il arrivé au Chevalier Noir ? Comment peut-il rester sourd aux appels de ceux qu’il s’était pourtant juré de protéger ? Traqué par un certain « Red Mask », reste-t-il même à Bruce Wayne une infime possibilité de sauver sa peau avant de voir sa ville s’écrouler ?

[Début de l’histoire]
Après avoir été touché par Failsafe (cf. tome un) et disparu, Batman se réveille dans une ruelle de Gotham, blessé. Un étrange commissaire Gordon « fantôme » lui parle.

Bruce Wayne découvre qu’il a atterri dans une dimension où son alter ego justicier n’existe pas (pire : le milliardaire est même mort !). Les habitants ont peur et sont sous le joug de plusieurs ennemis dont « le juge », alias Harvey Dent, lui-même obéissant au « Red Mask ».

Heureusement, Bruce peut compter sur l’aide de Jewel, une adolescente qui le recueille et le soigne. La Selina Kyle de ce monde sera-t-elle une alliée ou une ennemie ?

En parallèle, Tim Drake/Red Robin refuse de croire que son mentor est décédé et va tout faire pour le localiser dans les autres univers et aller le chercher.

[Critique]
Contrairement à ce que suggère le résumé d’Urban Comics (et très étonnamment), le postulat de départ est simple : Batman a atterri dans une autre dimension. C’est martelé d’entrée de jeu en avant-propos (avec un très bon résumé du premier volet – évitant de devoir le relire ou à la rigueur les deux ou trois dernières pages si besoin) et dès les premières planches de la bande dessinée qui s’inscrivent comme la suite direct de Failsafe. C’est dans cette Gotham inédite qu’évolue un Bruce Wayne (plus ou moins) affaibli après tous ses combats de l’opus précédent. Mais – comme à son habitude, au point que ça en est parfois risible –, ce Chevalier Noir est quasiment immortel et imbattable ; il se donne à nouveau comme objectif de combattre l’injustice et restaurer un semblant de paix dans la ville.

En effet, dans cette Gotham City, les citoyens semblent avoir peur et être étrangement passifs. Il faut dire qu’il n’y a pas de Batman dans cette dimension. Par contre il y a les actions du Juge (Harvey Dent), violent et radical au possible, gonflé au Venin (de Bane). Il agit sous les ordres du mystérieux « Red Mask ». De quoi découvrir quelques versions alternatives de figures familières : Selina Kyle, Punchline, le Sphinx, Killer Croc, etc. C’est surtout Selina qui est mise en avant avec Darwin Halliday, l’homme derrière « Red Mask » (ersatz d’un équivalent de Joker, annoncé d’entrée de jeu…).

La fiction, extrêmement bien rythmée et beaucoup portée sur l’action (comme dans Failsafe), s’étale sur cinq chapitres (la série Batman #131-135) et leurs quatre premiers backs-up dédiés et centrés sur Tim Drake/Red Robin, dans le « monde habituel » de Batman, à la recherche de son ancien mentor, aidé par Mr Terrific. Le scénariste Chip Zdarsky continue un travail à la fois intéressant, ponctué de quelques beaux moments mais aussi de certains loupées (on y reviendra) et à la fois improbables (idem).

Parmi les réussites, il y a bien sûr cette épopée singulière où l’on sent que l’auteur se fait plaisir. Il créé une nouvelle alliée à Batman (Jewel) et dresse une réflexion pas inintéressante, non pas sur le multivers, mais sur l’ADN du Joker et ses variants (est-il mauvais quoiqu’il arrive ou sombre-t-il dans la folie suite à des évènements traumatisants ou à cause de Batman ?). De quoi converger lors de sa dernière ligne droite pour un voyage dans les différentes dimensions assez sympathique à défaut d’être réellement épique. Ne lisez pas le paragraphe suivant pour ne pas avoir trop de révélations et passez à celui d’après si jamais (et ne descendez pas tout en bas de cette critique car les trois dernières illustrations après l’image de Tim Drake/Red Robin spoilent aussi un peu).

Dans la dernière ligne droite de ce second tome (le chapitre #135, en réalité le 900ème de la série Batman si l’on ignore la nouvelle numérotation, rallongé de quelques pages pour l’occasion), on croise donc différents Batman iconiques : celui des films de Tim Burton campé par Michael Keaton, celui de la série des années 1960 interprété par Adam West, ceux de The Dark Knight Returns et Batman Beyond (La Relève) – les deux qu’on voit le plus –, ceux de différents autres comics (Kingdom Come, Batman Vampire, etc.). Cette fournée de caméos plus ou moins forcés est – comme on l’a souligné – agréable à voir et à lire mais aurait pu aboutir une réunion incroyable qui n’a malheureusement pas lieu. C’est un peu dommage…

Chip Zdarsky propose donc un peu de « fan-service » appréciable mais réussit davantage à toucher le lecteur quand il soigne le personnage de… Tim Drake. En effet, quand ce dernier retrouve éphémèrement sa mère et, in fine, Batman, l’émotion pointe le bout de son nez grâce à l’énergique bienveillance de Drake et la puissance de ses différentes retrouvailles. Malheureusement, l’auteur n’arrive pas à insuffler la même chose lorsque Batman rencontre… Alfred. Il y a bien un ou deux moments « forts » mais il manquait quelques cases de plus, couplées à un texte davantage percutant et peut-être une meilleure mise en scène visuelle. Ce n’est pas très grave au demeurant mais on ressent un déséquilibre sur ce sujet. On aurait aussi voir le couple Alfred/Leslie plus approfondi.

Attention également, sujet clivant (passez à nouveau ce paragraphe mais aussi le suivant si jamais) : Timothy Drake est désormais bisexuel (en couple avec un certain Bernard) ! Pas l’éventuel Tim existant dans cette autre dimension mais le Tim de la continuité habituelle (donc celui resté dans « le monde classique » et la chronologie officielle de Batman). Cela peut paraître surprenant de prime abord car (si l’on n’a pas suivi des titres en VO) on peut légitimement s’étonner qu’il n’y ait jamais eu de mention de cette orientation sexuelle chez ce célèbre protagoniste depuis des années. Cette évolution a bel et bien été abordée (de façon cohérente en plus) mais dans un titre qui n’a pas été publié en France. Urban Comics manque donc à son devoir en ne contextualisant pas ici cette « nouvelle » orientation sexuelle (via une astérisque et mention en bas de case ou en s’y attardant plus longuement en avant-propos ou postface éditoriale) : le coming-out et les explications sont à lire dans la série de 2021 Batman : Urban Legends, dans le segment sur Tim Drake (seul celui sur Red Hood est sorti chez nous, cf. Souriez !).

C’est l’autrice Meghan Fitzmartin qui l’évoque dans Tim Drake in Sum of our parts – en trois épisodes où Tim sauvait justement Bernard –, inclus dans Batman : Urban Legends #4-6 et se poursuivant dans le #10 (Tim Drake in A carol of Bats) et… désormais dans la continuité officielle à travers cette série Dark City par exemple. Ces chapitres rendent donc plausibles ce changement d’orientation sexuelle qui peut apparaître soudain aux yeux des lecteurs ne suivant pas la VO (et pour qui il aurait pu, légitimement, manquer un dialogue pour l’expliquer tout en conservant une cohérence dans l’évolution du personnage). Cet aspect sera un élément critique chez certains (qui crieront au « wokisme », terme galvaudé devenu bien éloigné de sa définition initiale), là où d’autres apprécieront au contraire cette sorte de « progressisme ». Comme toujours, on laisse le lecteur arbitrer sur ce point. Cela pourrait être l’occasion pour Urban Comics de sortir une anthologie sur Tim Drake, tant ses nombreuses séries où il occupe une place centrale manquent en France !

Chip Zdarsky ajoute quelques éléments qui font tâche : un commissaire Gordon imaginaire sous forme de squelette amusant, une main coupée de Batman sans grandes conséquences pour lui (il s’en remet aisément), elle sera même « réparée » de façon invraisemblable, un combat contre un requin qu’on ne détaillera pas et qui s’étale trop longuement, un Ghost-Maker surpuissant… Finalement, le scénariste reproduit un peu « le même travail » que ses prédécesseurs. Les guillemets sont de mise car il ne s’agit évidemment pas de calquer les mêmes histoires mais plutôt de constater une application d’une recette plus ou moins similaire avec des ingrédients plus ou moins identiques.

En résulte chaque fois de très bonnes choses mais d’autres moins palpitantes. En somme : une offre inégale, comme c’était le cas pour les séries longues de Batman opérées par Grant Morrison, Scott Snyder, Tom King et James Tynion IV. Certes, nous n’en sommes qu’au second volume du run de Zdarsky et il y a encore probablement beaucoup à découvrir mais l’on peut déjà dresser ce petit constat. La série n’est pas mauvaise mais elle n’est pas exceptionnelle non plus, elle reste un (énième) « divertissement efficace », à nuancer évidemment en fonction de ses attentes et exigences (et compte en banque).

Visuellement, c’est Mike Hawthorne (Deadpool, G.I. JOE: Origins, Conan: Road of Kings, Daredevil…) qui remplace Jorge Jiménez. Le résultat est tout à fait correct sans faire d’éclat, hélas. L’artiste n’a pas vraiment un style graphique propre à lui qui rendrait son travail plus alléchant. C’est assez convenu, les traits sont trop gras et les expressions faciales parfois proches de la caricature. La colorisation de Tomeu Morey relève un peu l’ensemble ; de toute façon on reconnaît les personnages (ou plutôt leurs variants) et les scènes d’action sont lisibles. C’est donc suffisant pour ce Batman Dark City, même si passer après Jiménez fait (forcément) un peu tâche mais permet de se justifier un peu en se disant que Hawthorne a « sa » dimension là où Jorge Jiménez à la sienne. Ce dernier revient justement à la fin, pour illustrer les voyages rapides entre les dimensions (et donc les différents Batman), c’est évidemment du grand art ! Le dessinateur réussit même à calquer chaque patte des univers dépeints (cf. liste plus haut – et trois des images tout en bas).

Miguel Mendonça s’occupe des dessins des backs-up (toujours écrits par Zdarsky) avec une certaine finesse et élégance bienvenue. Mikel Janin signe aussi quatre planches à la place d’Hawhtorne dans le cinquième épisode sans que l’on sache vraiment pourquoi, cassant l’homogénéité visuelle qui régnait à peu près. Une fois de plus : ce n’est pas très grave et ne gâche en rien l’immersion de la fiction. Comme souvent, l’ouvrage se referme sur une riche galerie de couvertures alternatives, la plupart très réussies. L’homme chauve-souris de Gotham est donc un peu plus original (dans son écriture) que Failsafe mais moins marquant dans sa partie graphique. Inégal mais toujours aussi bien rythmé (la grande force de Zdarsky), le comic book se lit sans déplaisir (malgré ses quelques défauts relevés) et, à l’instar du précédent, donne envie de découvrir la suite, qui sortira le 23 février 2024 (et mêlera les évènements Knight Terrors et Gotham War – un sacré bazar) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 octobre 2023.
Contient : Batman #131-135
Nombre de pages : 208

Scénario : Chip Zdarsky
Dessin : Mike Hawthorne, Jorge Jiménez, Mikel Janin, Miguel Mendonça
Encrage : Adriano Di Benedetto, Jorge Jiménez, Mikel Janin
Couleur : Tomeu Morey, Romulo Fajardo Jr., Roman Stevens

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

Acheter sur amazon.frBatman Dark City – Tome 2 : L’homme chauve-souris de Gotham (21 €)



Trois histoires de « Batman Detective Comics » publiés dans « Batman Bimestriel » en 2019

La série Batman Detective Comics compte (en France) sept tomes. La suite – indirecte – de la série du même titre a été publiée dans les magazines Batman Bimestriel à partir de juillet 2019 (avec bien évidemment d’autres séries comme Batman ou des récits complets, cf. l’Index de A à Z). Les trois premiers numéros ont accueillis trois histoires différentes de Detective Comics qui n’ont pas été rééditées dans des tomes en librairie.

Il s’agit de La malédiction de Gotham City ! en un chapitre (Detective Comics #982), À l’extérieur en cinq épisodes (DC #983-987) puis Perdre la face en six chapitres (DC #988-993). La suite de la série a été compilée en cinq volumes en librairie dans Batman Detective (en plus d’être également proposée dans les numéros suivants de Batman Bimestriel bien sûr).

Pour les anglophones, les deux premiers récits – bien que déconnectés entre eux – ont bénéficié d’une sortie aux États-Unis dans le volume 8 de Batman Detective Comics (On the outside) et la troisième histoire est dans le volume 9 (Defate the face). Découverte et critique de ces trois histoires !

 

La malédiction de Gotham City !Detective Comics #982
Scénario : Michael Moreci / Dessin et encrage : Sebastian Fiumara / Couleur : Dave Stewart
Publié dans Batman Bimestriel #1 en juillet 2019

[Histoire]
Batman recherche un enfant kidnappé dans les égouts de Gotham. Il tombe sur plusieurs créatures mystérieuses et des êtres humains en piteux états. Tous semblent obéir au diacre Blackfire.

[Critique]
Trop court pour être inoubliable, cet épisode offre une sorte d’épilogue au célèbre titre Batman – Le Culte. En effet, l’antagoniste de ce récit, le célèbre homme religieux Blackfire – qui avait constitué une véritable secte dans les souterrains de la ville – réapparaît ici (après être revenu dans Batman Eternal). Le Chevalier Noir s’interroge comme le lecteur : qu’est-ce qui est réel et ne l’est pas ? Sont-ce des fantômes ou des hommes ?

Les questions n’ont pas réellement de réponse (et ce n’est pas grave) puisque c’est avant tout le voyage onirique/cauchemardesque et, surtout, graphique qui séduit ici. On retrouve, comme dans Le Culte, « des formes effrayantes, spectrales ou horrifiques » mais un ensemble moins gore et sanglant qu’à l’époque (1988), la colorisation n’est pas non plus aussi psychédélique que la série mère, allant surtout dans des tonalités brunes.

En somme, La malédiction de Gotham City ! n’a d’intérêt que pour prolonger très éphémèrement le diacre Blackfire et montre un Batman perdu et tourmenté. Si Batman – Le Culte est réédité un jour dans la collection Black Label, nul doute que ce chapitre unique sera ajouté en segment pour fermer le comic.

À l’extérieurDetective Comics #983-987
Scénario : Bryan Hill / Dessin : Miguel Mendonça, Philippe Briones / Encrage : Diana Egea, Philippe Briones / Couleur : Adriano Lucas
Publié dans Batman Bimestriel #1 et #2 en juillet et septembre 2019

[Histoire]
Dans Gotham, un mystérieux nouvel ennemi, Karma, piège Le Signal (Duke Thomas) et le blesse sévèrement, arguant qu’il rend faible Batman.

Bruce Wayne reçoit la visite du Limier Martien car Superman n’est pas disponible. Le milliardaire lance une nouvelle équipe et souhaite que Jefferson Pierce, alias Éclair Noir (Black Lightning) le rejoigne.

Batman lui rend visite (ils s’étaient croisés dans le premier tome de Batman Metal) et lui propose de venir à Gotham. Un temps circonspect, Jefferson accepte et ses talents de professeur devraient permettre d’insuffler une pédagogie aux jeunes alliés de Batman, dont ce dernier manque probablement.

Karma continue de s’en prendre à la Bat-Family en s’attaquant à Orphan (Cassandra Cain).

[Critique]
Un ennemi inédit et original mais dont on n’arrive jamais à avoir peur, une équipe novatrice mais qui ne fonctionne qu’à moitié, un allié singulier et rare mais qui ne sert pas à grand chose… Beaucoup de paradoxes parsèment À l’extérieur, qui a tout de même le mérite de mettre en avant Éclair Noir (Black Lightning) dans une aventure du Chevalier Noir. Mieux : ce segment sonne comme une introduction à la création d’une nouvelle équipe, Batman et les Outsiders. Pour lire la suite de leurs aventures, il faudra se tourner vers deux récits proposés dans Batman Bimestriel #7 et #11, toujours écrits par Bryan Hill et contenant l’équivalent de deux tomes (sur trois) de cette série du même titre (Batman & the Outsiders).

Dans les cinq chapitres que nous avons ici, l’antagoniste Karma estime que les alliés de Batman sont ce qui l’affaiblit, ce qui n’est pas foncièrement faux – le détective de la nuit partage même ce constat. Qui se cache derrière le masque du mercenaire au sabre ? Une ancienne « victime » du Chevalier Noir (on le sait rapidement), qui veut banalement se venger (le karma donc…). C’est un peu maigre et vite oublié malgré un look alléchant et une opportunité narrative intéressante. De la même manière, propulser Éclair Noir en mentor d’Orphan (Cassandra Cain), Le Signal (Duke Thomas) et Oracle (Barbara Gordon) n’a aucun sens, surtout pour la dernière, déjà chevronnée à la vie de justicière nocturne. Ils n’ont pas besoin de conseils d’un professeur adoubé par Batman.

L’alchimie entre eux ne passe pas vraiment, on préfère celle entre Jefferson Pierce (le vrai nom d’Éclair Noir/Black Lightning) et… Bruce Wayne. En effet, le milliardaire apparaît beaucoup en civil, un aspect devenu rare en comics qui permet de renouer avec une certaine aisance plus « naturelle ». Il faut dire que Jefferson vient de Metropolis, connaît et épaule davantage Superman que Batman, donnant ainsi quelques échanges de visions et d’approches différentes pour l’encadrement des recrues. Néanmoins, si le capital sympathie de Jefferson fait mouche, il aurait pu être absent de la fiction que ça n’aurait pas changé grand chose, il évolue à la fois en retrait et se met en première ligne quand il y a besoin de ses pouvoirs (électriques, forcément).

Un ensemble graphiquement sympathique mais qui n’emporte jamais réellement le lecteur par ses frasques visuelles (alterné par Miguel Mendonça et Philippe Briones). La mort d’une journaliste ou la prise d’otages d’enfants ne font ni chaud ni froid ni plus. Bien que la lecture ne soit pas désagréable en soi, un brin dépaysante, on favorise plutôt l’idée d’une entrée en matière – celle des Outsiders donc – à prendre comme un tome zéro en attendant de lire la suite, qu’on espère plus palpitante.

Perdre la faceDetective Comics #988-993
Scénario : James Robinson / Dessin : Stephen Segovia, Carmine Di Giandomenico / Encrage : Stephen Segovia / Couleur : Ivan Plascencia
Publié dans Batman Bimestriel #2 et #3 en septembre et novembre 2019

[Histoire]
Batman revient aux fondamentaux. Plus apaisé, il renoue avec Gordon et enquête sur le meurtre de Karl Twist.

Sa piste l’amène face à Firefly – une nouvelle, Bridgit Pike – associé au Firefly initial (Ted Carson) puis aux jumeaux Tweed. Cette fréquence du chiffre « deux » le conduit à croiser le chemin de Double-Face.

L’ancien procureur Harvey Dent est toujours tiraillé entre ses personnalités. Étonnamment, Dent sauve même Gordon d’un assaut du GCPD par l’organisation Kobra.

Cette dernière semble cachée derrière les différentes attaques se déroulant à Gotham. Quel est leur but ?

[Critique]
En six épisodes plutôt bien rythmés et dessinés, l’auteur James Robinson surfe sur une certaine nostalgie. On retrouve l’ADN des premières enquêtes du Chevalier Noir : juste lui et Alfred d’un côté (très en forme sur l’humour pince-sans-rire) puis avec Gordon et… Harvey Dent/Double-Face ! Tout un chapitre se déroule d’ailleurs sur un toit entre les trois hommes, rappelant d’anciennes aventures (ou, évidemment, le film The Dark Knight).

Si les fausses pistes initiales permettent tout de même une réflexion pertinente sur la « hiérarchie » des ennemis (via Firefly, forcément), le discours global puis classique n’est pas très intéressant, à l’exception de ce qui tourne autour de Double-Face. Malheureusement la conclusion abrupte et peu claire gâche totalement ce qui était montré avant… Passons sur la fausse mort de Dent à laquelle on ne croit absolument pas.

C’est bien dommage car ce « retour en force » de Double-Face était particulièrement convaincant mais, in fine, n’apporte rien et reste une parenthèse anecdotique dans le parcours du Chevalier Noir et de son ennemi. Il subsiste bien sûr une certaine complicité entre Bruce/Batman et Harvey/Double-Face, plaisante à suivre, mais ça s’arrête là. À part pour les amoureux de Dent, on a donc tendance à déconseiller ce récit (privilégiez plutôt – parmi les titres les moins connus – Les tourments de Double-Face voire le premier tome d’All Star Batman, qui n’était déjà pas exceptionnel mais assumé dans son délire road trip).

Heureusement, les dessins sauvent plutôt l’ensemble, assurés par Stephen Segovia et Carmine Di Giandomenico à tour de rôle, colorisés par Ivan Plascencia. On retient quelques plans inspirés, entre les envolées nocturnes dans Gotham ou les scènes d’action épiques. C’est ce qui permet de passer une lecture plaisante et agréable, à défaut d’être mémorable et incontournable…

Conclusion de l’ensemble : On comprend aisément pourquoi ces trois titres n’ont pas bénéficié d’une autre édition en librairie. Le premier est évidemment trop court mais pourrait, comme déjà dit, être inclut dans une réédition de Batman – Le Culte. Le second sert plutôt d’introduction à une autre série (Batman & les Outsiders), publiée dans d’autres numéros – à voir une fois chroniqués si cela s’inscrit dans un run de l’auteur (Bryan Hill) qui vaudrait le détour, on en reparlera sur ce site. Le troisième et dernier est réservé aux inconditionnels d’Harvey Dent sans pour autant être un récit réellement marquant. En synthèse, aucun problème pour faire l’impasse sur ces trois histoires… La suite de la série Detective Comics (période Rebirth donc) a également été publiée dans les numéros suivants de Batman Bimestriel puis rééditée en cinq tomes — critiques bientôt en ligne (le quatrième étant connecté à Joker War).

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Batman Bimestriel #1 – juillet 2019 (12,90€)
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Nightwing Rebirth – Tome 05 : La revanche de Raptor

Cinquième et dernier tome de Nightwing Rebirth, une série inégale, gentiment divertissante mais pas des plus passionnantes ou incontournables… Cette conclusion sauve-t-elle l’ensemble ?

[Résumé de l’éditeur]
Assassin. Justicier. Mentor. Et à présent Némésis. Raptor a toujours été un combattant impitoyable, et maintenant que Nightwing a rejeté son offre, il va devenir le pire ennemi que Dick Grayson a jamais connu. Mais en s’en prenant à la ville même de Blüdhaven et à ses habitants, Raptor doit affronter bien plus d’adversaires que prévu, y compris les anciens opposants de Nightwing, qui le rejoignent dans son combat, car le résultat de cet affrontement décidera de l’avenir de la ville… leur ville.

[Début de l’histoire]
Pas besoin d’autre résumé, celui de l’éditeur convient bien.

[Critique]
Conclusion plus ou moins satisfaisante (dans le sens où la plupart des arcs narratifs ont été résolus), ce cinquième tome rassemble habilement plusieurs éléments des précédents. Ainsi, Raptor, apparu dans le premier volet, retrouve sa place d’adversaire coriace. Les Échappés, issus du second opus, deviennent de précieux alliés. La Pigeonne, plus ou moins aperçue en flash-back puis dans le quatrième volume est davantage présente. Enfin, Blockbuster, au centre du quatrième tome également, occupe une place de choix – oscillant entre la protection de la ville à sa manière, l’alliance avec Nightwing mais aussi le conflit avec le justicier de Blüdhaven. En somme, quasiment tous les protagonistes croisés depuis le début de l’aventure (y compris la femme Orque) sont rassemblés ici pour un final explosif. Manque Deathwing (en ennemi avec Pyg pourquoi pas) et Damian (en allié) du troisième tome – le plus réussi et abouti des cinq.

Côté romance, Shawn fait quasiment de la figuration, le couple est à peine évoquée et on ne comprend pas bien s’ils se remettent ensemble ou se séparent, c’est dommage… Idem côté Helena/Huntress qui disparaît rapidement. La lieutenant Elise Svoboda apparaît brièvement également. Bref, côté personnages féminins et évolution « intime » de Dick c’est pour une fois plutôt raté, dommage… Le rôle de croupier dans un casino pour surveiller un antagoniste et les liens avec ce dernier sont malheureusement pas si bien exploités que ça alors que le concept était plutôt chouette.

Reste les affrontements assez nombreux, plus ou moins bien réussis (comme toujours, impossible d’y trouver de réels moments épiques ou tragiques malgré la fin pas trop mal gérée) et les discours de Dick sur la valeur de la rédemption, la vision protectrice de Blüdhaven, les fragments d’un passé « retcon » (modifier la chronologie en ajoutant des éléments en flash-back pour qu’ils impactent le présent comme s’ils étaient toujours là depuis le début). Ainsi, la mère de Dick a eu un amant au nom de… Richard. Ce qui change quand même pas mal de choses… De même, La Pigeonne et La Vandale ont « toujours » étaient présentes à Gotham City par le passé avant d’être arrêtées par Batman et Robin. À force de créer trop d’éléments narratifs de ce genre, la sauce a du mal à prendre (pas spécialement pour ce volume mais l’entièreté de la fiction).

On retrouve à peu près la même équipe artistique, plus ou moins inspirée mais sans réels coups d’éclats, à l’inverse de quelques planches ou cases issus des volumes précédents. Tim Seeley au scénario, qui n’aura donc pas trop brillé sur l’ensemble. Javier Fernandez excelle toujours sur les chapitres qui lui sont consacrés là où Miguel Mendonça et Scot Eaton propose des traits manquants de reliefs, peu aidés par les multiples encreurs (cf. À propos). On peut compter sur la colorisation du fidèle Chris Sotomayor pour une proposition visuelle et graphique efficace. Le volume se ferme sur plusieurs bonus (illustrations, couvertures…) à l’instar de tous les autres mais c’est une habitude chez l’éditeur.

En synthèse, si La revanche de Raptor est intrinsèquement à peu près correct (et encore, il manque une certaine originalité et un travail d’écriture plus abouti…), il ferme une épopée inégale et peu passionnante au global. On apprécie que tout soit « terminé » même s’il reste un sentiment d’accélération voire de facilité narrative (ou paresse intellectuelle, c’est selon). Heureusement, le sympathique Dick remporte l’adhésion, ses fans devraient y trouver leur compte s’ils ne sont pas trop exigeants. Comme dit et répété, on aura apprécié tout au long de la série la justesse de sa relation avec Shawn – dans les tomes deux, trois et quatre notamment puisqu’elle était absente du premier et à peine présente dans ce dernier. C’était le point fort Nigtwing Rebirth, avec son étonnant troisième tome, quasiment « à part » et offrant un agréable prolongement éphémère à la série Batman & Robin de Grant Morrison présente Batman. De la même manière, l’enrichissement de trois épisodes de la série Grayson (seconde partie du quatrième tome) offrait une parenthèse inédite. Bref, pas de quoi se ruer sur Nightwing Rebirth si vous n’adorez pas au plus profond de vous le personnage de Dick.

La suite de ses aventures (en VO) conserve Svoboda mais exit les Échappés et même Shawn (Seeley ayant terminé son run). Tout ceci est inédit en France (les épisodes #35 à #77 donc) – la série s’appelant Nightwing aux US et non Nightwing Rebirth. Il faut attendre le chapitre #78 de Nightwing pour le retrouver dans le premier tome de Nightwing Infinite, nouvelle porte d’entrée pour les lecteurs néophyte. Une fiction saluée par la critique jusqu’à présent et qui sera prochainement chroniquée sur le site.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 8 février 2019
Contient : Nightwing (Rebirth) #30-34

Scénario : Tim Seeley
Dessin : Javier Fernandez, Miguel Mendonça, Scot Eaton
Encrage : Javier Fernandez, Diana Egea, Wayne Faucher
Couleur : Chris Sotomayor

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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