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Batman – One Bad Day : Gueule d’argile

Basil Karlo, alias Gueule d’argile est au cœur du dernier tome de la collection One Bad Day et c’est (enfin) une réussite qu’on recommande ! Explications et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Basil Karlo a toujours rêvé d’être acteur… ou plutôt d’être le plus grand acteur de tous les temps. Mais lorsqu’il est devenu Gueule d’Argile, sa vie a pris un tournant inattendu. Aujourd’hui, après bien des années de lutte face à Batman, il a décidé de changer d’air. Arrivé dans la capitale mondiale du cinéma, loin de l’atmosphère viciée de Gotham, il s’y forge une nouvelle identité et reprend son rêve où il l’avait laissé. Mais pour arriver à être la star qu’il souhaite devenir, il va devoir façonner Los Angeles à son image…

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
On le martèle depuis le début de la collection, le concept d’une mauvaise journée qui ferait basculer une personne « lambda » dans la criminalité n’a jamais vraiment été respecté dans les opus consacrés aux antagonistes de Batman. Ce n’est pas ici pour Gueule d’argile que ça change mais, néanmoins, il s’agit tout de même d’une « mauvaise journée » que passe Basil Karlo. Le célèbre comédien impulsif (déjà connu en tant que Gueule d’argile) enchaîne les auditions sous le nom de Clay (en VO, son surnom est Clayface) loin de Gotham. Quand un de ses amis est pris suite à un casting que Clay/Basil désirait ardemment, Gueule d’argile le tue et revêt ses traits. Ensuite, il n’hésite pas à dire ce qu’il pense au metteur en scène, donner ses leçons de cinéma et imposer sa vision…

De quoi basculer dans une journée où Basil d’argile (non il n’est jamais appelé comme ça, c’est uniquement dans l’objet de cette critique) enchaîne les méfaits et le contrôle de ses manipulations et créations lui échappe petit à petit, au détour d’une amitié brisée, comme sa carrière. L’œuvre est finement écrite à quatre main par Collin Kelly et Jackson Lanzing (on leur doit plusieurs segments, déjà co-scénarisés ensemble des deux volumes de Batman & Robin Eternal et du dernier opus de Grayson). Un peu déroutant au début (beaucoup de figurants parlent à tout va de plusieurs sujets sans corrélation), le titre happe assez rapidement pour ne plus quitter son lecteur.

Il faut dire qu’il y a peu de comics pleinement consacrés à Gueule d’argile (on se rappelle de son rôle secondaire plutôt chouette dans la série Batman Detective Comics). Sans tomber dans trop de sympathie pour le criminel, les auteurs parviennent à susciter une empathie et une forme de « justesse » (surtout quand il est en monstre de boue) assez touchante. Le One Bad Day s’inscrit d’ailleurs comme un récit complet amusement méta, rendant hommage au Fantôme Gris (de la célèbre série d’animation Batman, déjà évoqué dans l’univers White Knight de Sean Murphy, plus particulièrement dans le tome consacré à Harley Quinn) et… à Killing Joke.

En effet, si initialement la gamme One Bad Day devait singer le récit culte d’Alan Moore et Brian Bolland, on a vu plusieurs fois qu’il n’en fut rien (exception pour Le Sphinx – contenant lui aussi une conclusion ouverte quant au sort des protagonistes). Dans ce livre sur Gueule d’argile, l’acteur joue le rôle du… comédien raté qu’était le Joker, allant jusqu’à reprendre son heaume rouge et son look ! Une approche assez osée et qui fonctionne étonnamment bien, probablement car elle occupe peu de places (cf. images ci-dessous qui ne se suivent pas normalement et sont séparées de quelques planches et rassemblées l’une en dessous de l’autre uniquement dans le cadre de cette critique). Le duo d’auteur se permet aussi une petite pique (facile) envers l’industrie cinématographique.

Côté dessins, Xermanico (Flashpoint Beyond notamment) est en pleine forme. Il croque avec élégance dans un style aéré et fluide, presque européen (l’artiste est espagnol et parle un peu français d’ailleurs), la mésaventure quotidienne de Basil, bien aidé par une exposition lumineuse assez prononcée, changeant un peu de la noirceur habituelle de Gotham (à laquelle on n’échappe pas en fin du livre). L’encrage (de Xermanico également) et la colorisation (signée Romulo Fajardo Jr.) ajoutent ce qu’il faut pour conférer au titre une ambiance et une unité graphique singulière. Son découpage équilibré, ses morceaux de scénario incrustés dans les planches et son approche parfois franco-européenne ajoutent une dimension sincèrement atypique et plaisante.

Ce dernier volume « boucle la boucle » efficacement (même s’il n’était pas sorti dans cet ordre aux États-Unis) et se hisse dans les meilleurs One Bad Day de la série ! Si Le Sphinx reste indétrônable, se suivent de près Mr. Freeze, Bane et ce Gueule d’Argile, tous trois de même qualité et appréciable à différents niveaux (cf. le classement de la page récapitulative). Les quatre autres comics restent déconseillés (Le Pingouin et Double-Face en tête, Catwoman et Ra’s al Ghul possèdent des qualités davantage visuelles que scénaristiques mais ne justifient pas de débourser une quinzaine d’euros pour ça) mais ils ressortiront peut-être pour un prix plus abordable en intégralité dans les prochaines années… (Rappel « d’actualité » : mon tour d’horizon de l’entièreté des One Bad Day est en ligne sur le site de Bruce Lit.)

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 octobre 2023.
Contient : Batman – One Bad Day : Clayface #1
Nombre de pages : 72

Scénario : Collin Kelly, Jackson Lanzing
Dessin & encrage : Xermanico
Couleur : Romulo Fajardo Jr.

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

Acheter sur amazon.frBatman – One Bad Day : Gueule d’argile (15 €)


Injustice 2 – Intégrale 3

Dernier tome d’Injustice 2 qui poursuit le très bon travail des deux intégrales précédentes (volume 1 et volume 2) et achève la grande saga Injustice (à l’exception de la suite de l’histoire dans le jeu vidéo bien sûr et deux volumes un peu à part – cf. index).

[Résumé de l’éditeur]
Condamné sur une planète prison par les Gardiens d’Oa, Hal Jordan finit par accepter sa part de responsabilité dans le régime du tyran Superman. Alors qu’il est hanté par des visions du passé et malmené par sa gardienne, Soranik, l’ancien Green Lantern se voit assigné son éternel ennemi – Sinestro – comme compagnon de cellule. Mais la prison est la cible d’Atrocitus et de son redouté Corps des Red Lantern

[Début de l’histoire]
Supergirl et Blue Beetle se retrouvent sur la Lune tandis que le camp de Batman et celui (partiel) de Wonder Woman et Black Adam sont en Inde suite à l’attaque d’Amazo (cf. tome précédent). Les deux groupes mettent leur différends de côté afin de sauver le plus de monde possible.

Du côté de Ra’s al Ghul, sa fille Talia vient à la rescousse de ses deux enfants : Athanasia et Damian, ce dernier emprisonné pour trahison.

Au Manoir Wayne, Alfred et Selina reçoivent une visite inattendue…

[Critique]
Dernier volume pour Injustice 2 qui, comme pour la dernière intégrale de la première série d’Injustice laisse un peu sur sa faim… Forcément, ce qu’il se déroule ensuite est à découvrir dans le jeu vidéo éponyme et non en bandes dessinées. De quoi être frustré de ne pas avoir la suite et conclusion de cet univers. C’est aussi le tome le plus paradoxal : il offre d’excellents moments d’intimité et de justesse (les dialogues entre Blue Beetle et Booster Gold, Clark et Bruce, Alfred et Athanasia – on y reviendra – ainsi qu’avec Bruce, les parents de Clark Kent à plusieurs reprises avec différents personnages : Jon, Clark, Bruce…) mais aussi des pans cosmiques, démesurés voire ubuesques qui font perdre un temps précieux.

L’opus se divise en trois parties. La première se déroule surtout au Manoir Wayne avec différents évènements qu’on ne dévoilera pas et qui auront une suite en fin de tome (avec une nouvelle frustration : quid d’Alfred ? Où peut-on lire ce qu’il va faire ensuite ? On ne le saura probablement jamais…). On en apprend en revanche davantage sur Athanasia, l’autre fille de Bruce (et donc la sœur de Damian) ! Apparue de façon soudaine (voire inexpliquée), elle prend un peu plus d’importance ici. L’on perçoit que c’est Ghul qui l’a prise sous son aile mais sans trop savoir pourquoi ni comment (et malheureusement elle sera absente du jeu vidéo, cela fait donc un second « pétard mouillé », pourquoi ne pas sortir une série sur Alfred et Athanasia vu leur destin commun dans l’ouvrage ?!).

La deuxième partie du livre (la plus grande, environ huit chapitres sur douze, hors annual) se concentre presque exclusivement au parcours d’Hal Jordan. Un chemin de rédemption très intéressant pour un des grands absents de cette seconde saga (le précédent volume ramenait Wonder Woman, au tour de Green Lantern et Sinestro) ! L’occasion pour Tom Taylor de convoquer quelques têtes inédites dont Starro le conquérant, Brainiac (le grand ennemi du jeu vidéo Injustice 2, parfaitement amené ici) et quelques retours amusants (Lobo notamment) ainsi que les Teen Titans. L’auteur continue d’explorer les filiations, après les Ghul, c’est Soranik, fille de Sinestro, qui a aussi une part importante du récit. Si l’ensemble est passionnant bien qu’un peu balisé, il s’étale malheureusement inutilement au détriment des actions et de l’évolution sur la Terre (Unie).

Justement, la troisième et dernière partie se recentre sur cette Terre et montre la dominance croissante de Gorilla Grood à la cité des singes en parallèle des évènements divers liés à Ra’s al Ghul. De quoi être préparé pile pour le jeu vidéo. C’est à la fois le point fort et le point faible de l’œuvre, elle introduit merveilleusement bien le jeu (et accentue le plaisir quand on y joue après avoir lu tout ceci) mais peine à s’auto-contenir, au risque de frustrer et décevoir. Par ailleurs, Injustice 2 en comics est une lecture presque indispensable tant l’histoire du jeu n’expliquait pas plusieurs éléments cruciaux (l’ascension de Grood notamment, le retour de Black Canary et Green Arrow – pourtant décédés –, Wonder Woman, Hal Jordan, Supergirl avec Black Adam, etc.).

Pour information/rappel : le jeu s’ouvre sur la destruction de Krypton et le sauvetage de Kara (comme dans le premier tome) mais ensuite on ne sait pas pourquoi elle se retrouve avec Black Adam et Wonder Woman (ce qui était montré et expliqué dans la seconde intégrale), faisant donc d’Injustice 2 (la série de comics), un complément majeur du jeu. Il s’avère évidemment très plaisant d’y jouer après après avoir tout lu. Le jeu vidéo se poursuit avec un autre flash-back, inédit cette fois, se déroulant dans les débuts d’Injustice du point de vue de Batman et Damian avant de « réellement » revenir à la transition entre fin de cette troisième intégrale et sa suite directe (inédite en comics et uniquement dans le jeu donc – à découvrir dans cet article si jamais).

Mais revenons à ce dernier opus. Autre point dommageable : quelques personnages cultes sont absents de toute la série. Pas une seule fois Cyborg n’est mentionné ! On ne sait pas du tout où il est (en prison en toute logique) ni ce qui lui arrive. Idem pour Batwoman. Les deux furent pourtant très présents lors de la première saga. Aquaman survient juste à la fin dans un rôle très mineur alors que sa perception des choses aurait probablement été intéressante, dans sa gestion géopolitique et marine. De la même manière, Firestorm n’apparaît pas du tout alors qu’il occupera tout un chapitre dans le jeu.

Si Injustice et Injustice 2 ont toujours su savamment doser l’humour, l’étonnante relation entre Killer Croc et Orca (Grace Belin), une femme orque, prend un peu trop de place également (carrément un épisode dédié à leur mariage !). Si cela détonne et amuse, c’est étrangement touchant. Hélas, là aussi on peut déplorer une précieuse utilisation des planches au détriment d’autres protagonistes : Cyborg ou Batwoman comme déjà cités, ou encore Flash et sa culpabilité (évoquée rapidement mais si brillamment dans le volet précédent).

On aurait aussi aimé voir davantage Jefferson Pierce (Black Lightning) en Président des États-Unis (absent du jeu en civil (dans les cinématiques) ou en héros (jouable au combat) – sauf en skin optionnel d’un personnage lui-même optionnel/payant, Raiden de Mortal Kombatsic !). La dimension politique états-unienne ou à échelle terrestre aurait été palpitante après ses prémices en début d’Injustice 2 (on ne revoit d’ailleurs pas du tout Aqualad, un comble !). Idem, le point de vue de quelques antagonistes venant d’Arkham, par exemple, aurait probablement été pertinente. On pense à Poison Ivy, Bane et L’Épouvantail notamment, car tous trois sont jouables dans le jeu. Pour Ivy, son arc est cohérent car il poursuit ce qu’on voit s’instaurer dans les comics d’Injustice 2. En revanche, les deux autres étaient quasiment inexistants dans la bande dessinée mais s’intègrent efficacement dans l’histoire du jeu complet.

En somme, cette troisième et dernière intégrale n’est pas inintéressante ni déplaisante mais un peu décevante. Faute de s’attarder sur des éléments moins importants que d’autres qu’on jugé plus pertinents dans le cadre de l’entièreté de la saga et, donc, du jeu vidéo qui poursuit et conclut (moyennement bien – cf. le résumé complet) cette seconde histoire. Cadenassée à cet autre médium, il est peut-être délicat pour les gamers non connaisseurs des comics de mieux comprendre ce qui se déroule durant le jeu (mais ceci n’est pas une critique négative de la bande dessinée pour autant, au contraire). La conclusion, même ouverte, est un très beau moment d’écriture et de « justesse », émouvant et parfait.

Côté dessins, tout l’album est plutôt solide, bien aidé par « seulement » trois artistes (et non une dizaine comme le volet précédent), à savoir Daniel Sempere, Bruno Redondo et Xermanico. S’il y a toujours quelques fonds de case assez pauvre et une colorisation certes éclatante mais parfois un peu lisse, la presque homogénéité graphique (de ce tome mais aussi des deux d’avant) nourrit la saga en lui apportant cette identité reconnaissable, pas forcément épique ou élégante, mais correcte et suffisante. On rappelle qu’avec une publication originelle en support numérique, les planches étaient divisées de moitié, formant presque des carrés (remis l’un en dessous de l’autre pour les versions librairies), empêchant des illustrations pleines pages.

Tom Taylor a su conserver tout au long d’Injustice 2 un équilibre entre personnages secondaires mis en avant, notamment un bestiaire plus jeune (Supergirl, Damian, les Teen Titans, Blue Beetle…) et protagonistes iconiques mis de côté (Batman, Superman…) ou inédits (Ra’s al Ghul, la Suicide Squad…) sans les dénaturer ou se faire voler la vedette par les premiers. Si l’auteur maîtrise sa narration (la richesse de son récit, ses rebondissements, son travail de caractérisation et son rythme haletant restent les qualités du titre), il fait l’impasse sur quelques têtes familières et se voit obliger de conclure presque abruptement son titre, à suivre dans le jeu vidéo éponyme ou bien… nulle part (Alfred, Jefferson, Athanasia, Aqualad, etc.).

Sans bouder son plaisir tout au long de cette incroyable saga (cf. index), Injustice aura réussi l’étrange pari d’être autant si ce n’est plus passionnant que les séries habituelles de DC Comics publiées en parallèle et se déroulant dans la chronologie dite « officielle ». Une aubaine pour le scénariste Tom Taylor qui s’est rapidement imposé chez l’éditeur et a signé d’autres comics inégalement qualitatifs : la saga DCEASED, Suicide Squad Renégats, Batman – La Dernière Sentinelle, Earth 2

À noter que cette intégrale regroupe donc les deux derniers tomes simples de la précédente édition (cinq et six). En plus du jeu vidéo Injustice 2, un ultime ouvrage un peu à part existe : Injustice vs. Les maîtres de l’univers ainsi qu’un film d’animation assez moyen. Année Zéro peut aussi se lire avant toute la saga, après la première série ou cette seconde (mais il est complètement dispensable). Retrouvez l’index de toute la saga Injustice sur cette page.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 27 octobre 2023.
Contient : Injustice 2 #25 à 36 + Annual #2
Nombre de pages : 320

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Daniel Sempere, Bruno Redondo, Xermanico
Encrage : Bruno Redondo, Xermanico, Juan Alabarran
Couleur : Rex Lokus, J. Nanjan, Gabe Eltaeb, John Kalisz

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Calix Ltd – Île Maurice

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Injustice – Intégrale : Année quatre

Injustice attaque sa dernière ligne droite avec son avant-dernier volume (de la première série de comics – cf. index) qui convoque les Dieux de l’Olympe ! Après les forces occultes (Année trois), c’est une nouvelle puissance démesurée que vont affronter les deux camps d’Injustice.

[Résumé de l’éditeur]
Les membres du groupe d’insurgés mené par Batman contre Superman entament leur quatrième année de résistance. Une rébellion à laquelle se rallient Zeus et son armée d’Amazones. Prise entre deux feux, Wonder Woman choisira-t-elle de s’opposer aux siens ? Comment le Chevalier Noir parviendra-t-il à tirer profit de cette intrusion divine ?

[Début de l’histoire]
Tandis que le monde entre dans sa quatrième année de règne de Superman, les insurgés menés par Batman ne perdent pas espoir. Le Chevalier Noir propose une alliance au Dieu de la Guerre, Arès.

De son côté Harley Quinn kidnappe Billy Batson ; Barbara Gordon demande l’aide de Lex Luthor pour recouvrir l’usage de ses jambes.

Enfin, Montoya, très affectée par le décès d’Huntress, avale plusieurs pilules vertes (celles qui confèrent des pouvoirs surpuissants), affronte Robin (Damian Wayne) et provoque Superman en duel !

[Critique]
Après la parenthèse consacrée à la magie (Année trois), Injustice va plus loin et ajoute les « vrais » Dieux au centre de son récit. Si Arès (Dieu de la Guerre) était apparu durant le premier volume, il revient aider… Batman ! Mais, encore une fois, entre les retournements de situation et les manipulations diverses, c’est un chantier dantesque qui attend tous les protagonistes de DC Comics. Wonder Woman occupe une place de premier choix dans cette intégrale vu son affiliation (familiale) avec toute cette mythologie gréco-romaine.

Entre le puissant Hercule qui veut en découdre, Zeus qui s’énerve, Poséidon qui intervient court-circuité par Aquaman (qui signe là son grand retour) et un séjour dans les Enfers, aucun doute que les passionnés de cet étrange monde mythique seront ravis. Pour les autres… l’incursion divine risque de dénoter sévèrement avec les simples et banals humains. Pourtant, l’auteur Brian Buccellato, réussit à rendre le tout relativement plausible (toutes proportions gardées bien sûr), en ajoutant même une menace nucléaire provenant des politiciens.

Au milieu de tout ça, Superman est toujours à cheval entre son autoritarisme mais aussi quelques doutes sur sa légitimité. Batman, quant à lui, profite de la situation pour renverser l’échiquier du mieux qu’il le peut. Sa poignée d’alliées restantes (Batwoman, Catwoman, Harley Quinn et… Batgirl – qui revient comme telle mais n’est malheureusement pas du tout exploitée) a bien conscience d’être sur la touche tant ceci dépasse l’entendement classique. Aparté : ajoutons Zatanna et Montoya mais rapidement absentes pour des raisons justifiées et on se plaît à constater qu’à part Batman, il n’y a que des femmes dans sa team ! Harley revient justement un peu plus dans la partie, toujours aussi bien écrite et touchante. Elle forme un drôle de binôme avec Billy Batson/Shazam – forcément, ce dernier ayant les pouvoirs de six Dieux, il ne sera pas de trop dans cette bataille.

Que ce soit au niveau de la Terre ou des divinités, les choses avancent avec davantage d’exposition qui montrent les bénéfices de la radicalité du régime de Superman mais aussi ses limites. Si quelques protagonistes absents avaient pointé une tête dans l’épisode annual du tome précédent (notamment Superboy et les Teen Titans), c’est cette fois Plastic Man et les prisonniers (les habituels – comprendre la galerie de vilains de Gotham – et les « gentils », les anciens Green Lantern) qui sont mis en avant de façon intelligente. On sait pourquoi certains interviennent, d’autres non, où ils étaient et ainsi de suite. C’est Tom Taylor qui signe ce chapitre inédit.

À ce stade, on aimerait (ou aurait aimé) un ou deux chapitres consacrés à Barry Allen/Flash (pourquoi pas avec Cyborg). Le bolide écarlate est le seul justicier dans le camp de Superman qui a dès le début remis en cause sa façon d’agir tout en restant dans son camp. Il est temps de proposer ses pensées subjectives et à quel point il est (normalement) partagé entre les actions à mener pour le bien commun et la limite morale franchie depuis longtemps.

Injustice – Année Quatre bénéficie d’un rythme toujours aussi haletant et est, peut-être, l’un des opus les plus réussi (il semblerait que beaucoup ne partagent pas cet avis mais quand on lit tout à la suite c’est ce qui ressort – d’ailleurs la lecteur sous forme d’intégrales et en continue est nettement plus savoureuse qu’en rythme de publication initiale). Néanmoins, on est loin d’avoir une série inégale, dans l’ensemble chaque tome/année/intégrale est une pépite ! Si on a déjà joué au jeu vidéo, on sait comment tout cela va se terminer mais ça ne gâche pas le plaisir de découvrir un monde si singulier où les rôles sont inversés.

Les rebondissements multiples baignent dans la fiction et, si on ne dévoilera pas les plus importants, soulignons l’agréable rencontre (de prime abord improbable) entre les anciens Dieux (de l’Olympe – Zeus et compagnie) et les « nouveaux » de Jack Kirby et son fameux Quatrième Monde. Une fois de plus : pas besoin de connaissances poussées pour apprécier ces échanges. In fine, tout est même très cohérent, après les adversaires habituels des justiciers, la dimension cosmique (Année deux) puis la menace occulte et magique (Année trois), il était obligé de passer un cran au-dessus avec les divinités.

Certes il peut y avoir une impression de redondance : une année écoulée correspond à une nouvelle menace qui est balayée à la fin et reprend un statu quo plus ou moins commun – en gros l’équipe de Superman contre celle de Batman (avec quelques pertes de temps à autre). Mais ce serait oublier les évolutions de chaque protagoniste par petites touches. Ici, Yellow Lantern qui n’apprécie pas le ton sur lequel lui parle l’Homme d’Acier qui ne se remet pas en question malgré les conseils de Wonder Woman. Là, les parents de Clark Kent qui ont peut de leur propre fils et ce dernier ne sait comment les rassurer.

Ces « micro évènements » intercalés au sein de nombreux combats et scènes d’action (toujours aussi violentes et percutantes) font le sel de la série. C’est typiquement pour cela qu’elle est encore plus appréciable derrière son vernis blockbuster. Même si cette Année quatre fait moins dans la finesse (incluant sa conclusion abrupte et facile), on apprécie aussi les connexions avec des bouts d’intrigues mises en place en amont (Arès dès le premier volume par exemple).

Il ne reste plus grand chose à explorer de l’univers DC qui pourrait stopper Superman à part une évidence que le lecteur de longue date pourrait probablement anticipé et que le joueur sait déjà (et qui est même évoqué en toute fin d’ouvrage).

À l’instar du volume précédent, les dessinateurs sont moins nombreux et leur style davantage communs. Visuellement on a donc de jolies choses malgré quelques visages parfois limite… On y retrouve les principaux de l’Année trois : Bruno Redondo, Mike S. Miller, Xermanico et Tom Derenick. En ce sens, le tome est donc graphiquement l’un des plus beaux grâce aux styles assez communs ou en tout cas efficaces dans le genre. On conseille donc cette Année quatre, au même titre que les autres opus de la série de toute façon. La cinquième intégrale sera la dernière de cette première série de comics, elle est allongée de huit chapitres, portant le total à vingt chapitres (ainsi que l’annual).

À noter que cette première intégrale regroupe donc les tomes simples 7 et 8 de la précédente édition (quelques couvertures alternatives ne sont pas reprises dans l’intégrale). Retrouvez l’index de toute la saga Injustice sur cette page.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 4 juin 2021
Contient : Injustice: Gods Among Us Year Four #1-12 + Annual #1
Nombre de pages : 320

Scénario : Brian Buccellato, Tom Taylor
Dessin : Bruno Redondo, Mike S. Miller, Xermanico, Tom Derenick
Encrage : Juan Albarran, Sergio Sandoval
Couleur : J. Nanjan, Rex Lokus

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Cromatik Ltée – Île Maurice

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Intégrale Tome 1/5 (35 €)
Intégrale Tome 2/5 (30 €)
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Intégrale Tome 5/5 (35 €)