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Batman Dark Patterns – Affaire #2 : La Tour aux Mille Voix

Après un premier opus plutôt séduisant (mais un peu onéreux – on y reviendra), la série Dark Patterns revient avec un Chevalier Noir infiltré le temps d’une nuit dans un étrange immeuble, une tour aux mille voix. Découverte.

[Résumé de l’éditeur]
Il existe à Gotham City une étrange tour, d’où résonnent les voix des vivants et des morts. La police est en alerte et encercle l’immeuble, et la tension n’en finit de monter : un officier a déjà perdu la vie, et un autre est retenu en otage à l’intérieur. Une émeute semble inévitable… à moins que Batman ne parvienne à s’infiltrer dans le bâtiment pour sauver l’officier de police disparu. Mais le Chevalier Noir découvre vite que les habitants de la tour suivent les ordres d’une voix unique et étrangement familière qui parcourt les étages… et cette voix ne s’arrêtera pas avant d’avoir eu du sang.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Quand Batman s’infiltre dans un immeuble pour sauver une otage, il ne s’attendait certainement pas à tomber sur une foule majoritairement hostile et qui semble vouer un culte à… Scarface et, de facto, le Ventriloque ? On dirait bien… C’est la force du récit de (second) Dark Patterns, renouveler le mythe de cet antagoniste souvent très secondaire (visiblement déjà croisé par Batman dans cette version de l’histoire – où il est pourtant à ses prémices, cf. le tome précédent). Cela se traduit de différentes façons qu’on ne dévoilera pas pour préserver la surprise.

Ce qui séduit dans cette seconde affaire est que le dessinateur Hayden Sherman met au service de la narration l’architecture labyrinthique du fameux immeuble pour l’insuffler dans ses planches, qui n’ont jamais un découpage « classique » mais plutôt déstructuré. On s’y perd un petit peu (au début) et une fois habitué on apprécie franchement cette immersion singulière (voir illustrations en bas de cette critique). Bien entendu, il faut (à nouveau) accepter une forme d’improbabilité et fermer les yeux sur des facilités d’écriture pour suspendre un peu trop son incrédulité et conserver un plaisir globalement intact tout au long des trois chapitres.

Le côté anxiogène du lieu, la course contre la montre lors d’une courte nuit (un otage à sauver, un incendie à maîtriser, un ennemi à la fois invisible et partout…) contribuent au rythme endiablé ultra efficace. Dommage de ne pas s’étendre sur de nouveaux personnages et d’être trop explicite dans un flash-back en fin de récit mais ce sont des détails. Pour l’anecdote, on retrouve dans un petit rôle le médecin légiste rencontré dans le premier opus (confirmant l’hypothèse qu’il sera plus ou moins récurrent tout au long de la série – rappelons qu’en VO elle contiendra douze chapitres qui sortiront compilés le 31 mars 2026 là où en France deux autres tomes de trois épisodes sont attendus).

En somme, La Tour aux Mille Voix continue de donner la part belle à un Batman dépourvu de gadgets et de moyens disproportionnés. Le retour à ce Chevalier Noir épuré est toujours appréciable ; ici il y a moins la dimension enquête/détective mais davantage un titre porté sur l’action et la survie. Cela n’en reste pas moins palpitant et, toute proportion gardée, plutôt original. Une écriture qui fonctionne bien, des illustrations parfaitement équilibrées et fluides, mises en page différemment… bref c’est une bande dessinée plutôt appréciable. Reste le même sujet/problème : 63 pages de BD pour 16 €… ça pique. Surtout quand on sait, comme évoqué plus haut, qu’aux États-Unis l’intégrale sortira pour 27 $ – de là à ce qu’Urban Comics sorte aussi une intégrale dans deux ou trois ans…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 12 septembre 2025.
Contient : Batman: Dark Patterns #4-6
Nombre de pages : 80

Scénario : Dan Watterns
Dessin & encrage : Hayden Sherman
Couleur : Triona Farrell

Traduction : Basile Béguerie
Lettrage : Cromatik Ltd (Île Maurice)

Acheter sur amazon.fr : Batman Dark Patterns – Affaire #2 : La Tour aux Mille Voix (16 €)


Batman & Robin Année Un – Tome 1

Nouvelle série qui – comme son titre l’indique – suit la première année de Batman quand il intègre Robin (Dick Grayson) dans sa croisade, sous la plume du célèbre Mark Waid. Ouvrage soigné au dos toilé rouge qui bénéficie aussi d’une édition spéciale avec une couverture alternative pour les enseignes Momie, Batman & Robin Année Un est particulièrement accessible et devrait réjouir l’ensemble des fans du célèbre duo. Découverte d’un récit inédit.

[Résumé de l’éditeur]
Alors que Bruce Wayne vient officiellement d’adopter l’orphelin Dick Grayson qu’il forme comme son acolyte, un mystérieux nouveau patron du crime appelé le Général tente de s’approprier les rues de Gotham en annihilant la mafia locale… À la recherche de réponses, Batman et Robin vont devoir mener l’enquête mais aussi gérer les deux aspects de leur relation en tant que père et fils et duo dynamique !

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Une revisitation des premiers pas du tout jeune Dick Grayson dans les collants, ou plutôt le slip, du jeune prodige : voilà une ambition à la fois originale et qui a, forcément, un côté déjà-vu. Impossible de ne pas penser au chouette Robin – Année Un par exmple – de là à y voir une sorte d’extension ? Pourquoi pas… Dans ce premier tome, Dick est déjà entraîné et connaît la double identité de son nouveau père adoptif. Il a déjà déambulé dans Gotham la nuit drapé de son costume de Robin mais il n’est pas encore très « connu/identifié » par les malfrats et même par Gordon, qui va donc découvrir Robin pour la première fois. Cela permet de situer à peu près chronologiquement le récit.

Alors, qu’est-ce que ça raconte de « nouveau » ? Le scénariste historique de DC Mark Waid (à l’œuvre à peu près en même temps ou récemment sur Absolute Power et Justice League Unlimited) propose une fiction assez convenue mais très plaisante. Ici, à l’exception de Double-Face et d’un célèbre autre antagoniste (tous deux étant assez en retrait néanmoins), c’est davantage la pègre qui fera office d’ennemi, avec le Général Grimaldi un nouveau venu plutôt malin qui va faire s’entretuer les différents clans. Il y a une petite veine polar, un côté urbain très prononcé (d’où la seconde couverture inédite et superbe) ponctuant les aventures du dynamique duo. D’un côté, un mentor paternel parfois dépassé, d’un autre côté une jeunesse pleine d’énergie, solaire et légère.

Et… si ces caractéristiques font partie de l’ADN de Grayson, on déplore tout de même le manque de séquences de « tristesse/deuil » dont il est à peine question dans l’ouvrage. Théoriquement la mort des parents de Dick reste assez récente (preuve en est : les services sociaux rendent des visites surprises au Manoir Wayne pour s’assurer de la bonne éducation de l’orphelin !). Ce n’est pas très grave mais c’est un petit peu étonnant – peut-être que cela viendra plus tard car toute l’intrigue se déroule sur une poignée de jours, quelques semaines tout au plus. Il faut dire que la bande dessinée bénéficie d’un rythme haletant et se dévore aisément.

Entre ses protagonistes charismatiques, ses quelques mystères ici et là, ses dialogues ciselés (les joutes verbales entre Alfred et Bruce sont un délice – « wayniser ! »), Batman & Robin – Année Un est une sorte de retour aux sources très agréable, bien loin de toutes les aventures récentes où l’on voyait un homme chauve-souris désabusé et/ou un Robin colérique voire insupportable (Damian). Ici on retrouve une sorte de « virginité artistique » dressant un tableau paradoxalement familier et novateur, qui offre une narration maîtrisée (visiblement, Waid sait là où il va), tout en caractérisant efficacement ses personnages qu’il s’amuse à faire vadrouiller un peu partout. En somme, l’ensemble est extrêmement plaisant bien qu ‘il lui manque, peut-être et en toute modestie, un certain « grain de folie (ou de malice) » qui donnerait à la chose une dimension incontournable.

Il faut se tourner vers l’objet, le livre en lui-même pour y trouver cela. Urban Comics tente une édition prestige à prix raisonnable (pour une fois), avec un bel écrin, dos toilé rouge, absence de texte en quatrième de couverture, deux versions, etc. Un soin qui apparaît salvateur et complémentaire aux planches de Chris Samnee dont la patte couplée à la colorisation de Matheus Lopes rappelleront inéluctablement le style si singulier de Darwyn Cooke (The New Frontier, Batman – Ego…). Cette tendance cartoony adulte, douce et parfois brutale à la fois, touchante (à l’instar de ses héros), presque naïve. Un régal. Cette modernisation pulp du Robin jovial de l’Âge d’or fonctionne admirablement malgré son sentier globalement balisé.

Doit-on lire Batman & Robin – Année Un ? Comme toujours, si vous rechercher un peu de fraîcheur, évidemment ! Si vous voulez quelque chose de foncièrement novateur et inédit, pas spécialement. C’est une élégante porte d’entrée et… elle rappelle indéniablement la série d’animation de 1992, donc autant se procurer ce coup de cœur car, in fine, qui n’aime pas la parfaite itération de Bruce Timm et Paul Dini ?

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 13 juin 2025.
Contient : Batman & Robin Year One #1-6
Nombre de pages : 152

Scénario : Mark Waid
Dessin & encrage : Chris Samnee
Couleur : Matheus Lopes

Traduction : Yann Graf
Lettrage : Eric Montesinos

Acheter sur amazon.frBatman & Robin Année Un – Tome 1 (20 €)

 

Batman Ghosts of Gotham – Tome 01 : Clémence et châtiment

Enfin une nouvelle série sur Batman ! Il s’agit (aux États-Unis) de l’éternelle Detective Comics, qui entame un nouveau cycle, un run écrit par Tom Taylor (qu’on ne présente plus ? Si ? Injustice, Nightwing Rebirth, Dark Knights of Steel, DCEASED…). Que valent ces fantômes de Gotham ? Critique d’un renouveau tant attendu.

[Résumé de l’éditeur]
Il y a de cela des années, les meurtres de Thomas et Martha Wayne ont marqué durablement la ville de Gotham, et bouleversé à jamais le destin de leur fils, Bruce. Mais un mystère demeure autour de cette nuit à Crime Alley et de l’origine tragique du Chevalier Noir, et ce mystère s’apprête aujourd’hui à être révélé. Alors que Batman n’a d’autres choix que de contempler sa propre mortalité après une longue carrière à combattre le crime, et que les cadavres s’empilent suite à l’apparition d’un nouveau psychopathe en ville, les fantômes de Gotham pourraient bien finir par le rattraper.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Et si Batman était un piètre détective ? C’est un peu ce que l’on se demande en lisant Ghosts of Gotham – qui ne manque pas de qualités pour autant, on y reviendra. Tom Taylor tisse son récit sur trois angles qui convergent vers une sorte de conclusion où, forcément, ces axes se rassemblent et ses connectent, plus ou moins à la grande surprise du justicier. Mais pas du lecteur ! Aucune révélation majeure dans les propos qui vont suivre, ils sont montrés très tôt dans la bande dessinée.

Premièrement, une connaissance de Bruce Wayne, Scarlett Martha Scott, détient une sorte de formule chimique qui permet d’obtenir « une jeunesse éternelle ». Le milliardaire devient cobaye volontaire pour tester le produit qui a déjà fait ses preuves dans les sphères secrètes de Gotham. Deuxièmement, un tueur en série s’en prend uniquement à des adolescents tout juste sortis de prisons pour mineurs. La corrélation est déjà faite : de très jeunes adultes tués en même temps qu’un médicament qui permet de conserver sa jeunesse… Impossible de ne pas se douter que les deux évènements ne sont pas liés ! Certes, il peut y avoir un peu de nuances et de détails, voire des doutes sur la réelle identité de la personne derrière tout ça, mais il n’y a clairement pas de surprises tout au long de l’investigation – brillamment rythmée au demeurant – et c’est bien dommage.

Troisièmement, l’auteur ajoute un flashback particulièrement important : Thomas Wayne avait sauvé la vie d’un homme qui battait régulièrement sa femme. Lors d’un accident de voiture, la compagne enceinte s’en sort miraculeusement et le bébé aussi. Martha Wayne décide d’aider la jeune mère et le nouveau né en les éloignant du mari ; ce dernier s’avérant être… Joe Chill ! L’on vient donc à deux points cruciaux de la fiction. Tom Taylor va se servir de cette circonstance pour la relier à l’investigation de Batman dans le présent (cette sombre histoire de jeunesse éternelle) et, encore une fois, il ne faut pas être sorti de St. Cyr pour y déceler « qui est qui » et quel a été/est/sera le cheminement global de tout cela (indice : Bruce connaît [et a une liaison éphémère] avec une femme nommée Sasha MARTHA Scott et on vient de dire que MARTHA Wayne avait impacté l’avenir d’un bébé… on se demande vraiment qui ça peut bien être dis donc !).

Est-ce grave ? Franchement non. Ce n’est pas la première fois qu’une bande dessinée (ou œuvre en général – film, série, roman…) reste efficace malgré son déroulement et dénouement ultra prévisible (bien aidé par ses dessins, on en parle plus loin). Mais… in fine, c’est autre chose qui est très clivant ici (le fameux second point crucial). En réécrivant les origines et le passé de l’homme chauve-souris (la continuité rétroactive – retcon), Tom Taylor chamboule près de neuf décennies de chronologie et d’histoire « officielle ». En effet – vous l’aurez probablement compris – le père de Bruce a donc sauvé la vie de… son futur meurtrier ! Coup de génie ou foutage de gueule ? Difficile de trancher, d’autant que de nouveaux questionnements découlent de cela : et si Chill s’était vengé ? Et si l’assassinat était prémédité ? Le scénariste balaie vite la question, sans oser franchir une certaine ligne rouge. Certains vont trouver ça honteux, d’autres audacieux.

Difficile (à chaud, quelques heures après la lecture), si l’on apprécie ce pari risqué ou non. Peut-être qu’il trouvera un autre écho dans les prochains tomes d’ailleurs ? Pour l’instant, on digère. Cela créé une « boucle » intéressante. Et c’est peut-être ça qui fait le piquant du texte : sortir d’une certaine zone de confort, au risque de trahir modestement un passif théoriquement indéboulonnable. Ce sera donc au fan/lecteur/novice de se faire son propre avis sur la question – non pas qu’on n’ose pas arbitrer sur ce site, mais cela requiert une certaine subjectivité difficilement applicable dans l’exercice critique. L’on pense aussi au très clivant Trois Jokers, qui ramenait également Joe Chill dans l’intrigue tout en réécrivant l’histoire (du et des Jokers donc) mais comme le comic book se situait plus ou moins en marge de la chronologie du Chevalier Noir, cela permettait de le considérer « à part », selon l’envie de son récepteur. Impossible ici vu le contexte (une publication dans la série historique Detective Comics).

Au-delà de ces (vastes) occurrences narratives, que nous montre Clémence et châtiment (un titre qui prend tout son sens rapidement) ? Une omniprésence d’un Bruce Wayne ET d’un Batman particulièrement « assagis » voire « optimistes » ! Après toutes ces années à être « déconstruit », usé, blasé, malmené, ça fait un bien fou de revoir le super-héros en pleine forme. Il protège tout le monde, il accorde la même importance à la vie de chacun, il se veut rassurant envers tous, tour à tour mentor/guide ou simplement aimant (sa relation avec Damian est parfaite). Bien sûr, il a toujours des failles ou des moments de faiblesse (sa romance éphémère – plutôt bien écrite) avec une femme forcément très attirante.

Autre point fort de ce premier opus de Ghosts of Gotham : il est visuellement superbe ! On retrouve Mikel Janín, qui avait majoritairement signé la série Batman Rebirth, très appliqué à la fois aux dessins, à l’encrage et à la colorisation – un sublime art élégant, emmené et imposant. Il croque un Bruce/Batman massif mais humain, obtus mais fragile, un milliardaire expressif, tantôt père de famille, tantôt masqué et secourant la population. Les sept chapitres bénéficient d’une exceptionnelle homogénéité graphique, qui tire le meilleur lors des planches d’action à la fois mainstream mais superbement efficaces. Si l’on reconnaît immédiatement la patte d’un comic book soigné comme l’industrie en vend depuis des années, on apprécie ce cadeau visuel particulièrement travaillé.

En somme, cette nouvelle salve a de bonnes et mauvaises choses, il faut fermer les yeux sur pas mal d’éléments mais on se laisse porter tant l’ensemble est bien dosé, qu’on navigue entre le passé et le présent aisément, qu’on y suit différents morceaux de bravoure, en civil ou en costume de super-héros, avec de multiples protagonistes charismatiques. Reste, en faiblesse, le côté prévisible de la fiction et sa certaine impudence, qui va forcément segmenter son lectorat.

Pour l’anecdote, Urban Comics profite de cette nouvelle collection (DC Prime) pour arborer un doc blanc (idem pour les autres séries, comme Superman Dark Prophecy par exemple) après plus d’une douzaine d’années avec leur célèbre noir uni ! Quelques variations de mise en page et d’adaptations graphiques sont également au programme, comme les chapitrages (cf. images tout en bas). Enfin, réflexion personnelle, la couverture (VO) de Detective Comics 1094 est/aurait été nettement plus représentative du comic book plutôt que celle choisie par l’éditeur, on ne peut s’empêcher de la partager ci-dessous (cliquez pour agrandir).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 27 juin 2025.
Contient : Detective Comics #1090-1096
Nombre de pages : 176

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Mikel Janín
Encrage additionnel : Norm Rapmund
Couleur additionnelle : Alex Guimaraes

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : SCRIBGIT

Acheter sur amazon.frBatman Ghosts of Gotham – Tome 01 : Clémence et châtiment (20 €)