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Batman Superman World’s Finest – Tome 1 : Le diable Nezha

Le grand retour d’une série consacrée à Batman et Superman ! Affublé du titre historique (World’s Finest), ce premier tome place son intrigue à l’époque où Robin est encore Dick Grayson. Découverte.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis une attaque chimique dévastatrice, suite à une confrontation avec Metallo, les pouvoirs de Superman ne sont plus ce qu’ils étaient… Pour retrouver sa force d’antan, l’Homme d’Acier n’a d’autre choix que de se tourner vers le justicier de Gotham : le Chevalier Noir. Ensemble, les deux plus grands super-héros que le monde ait jamais connus vont devoir explorer toutes les pistes possibles pour délivrer l’Homme de Demain de son mal… allant jusqu’à enrôler une nouvelle équipe : la Doom Patrol.

[Début de l’histoire]
Metropolis est attaqué par Poison Ivy et Metallo ! Superman les combat avec l’aide de Batman et Robin (Dick Grayson). Zod ne tarde pas non plus à se montrer face à… la Doom Patrol !

Dans l’ombre, un autre ennemi fait surface : le diable Nezha. Les justiciers vont devoir s’allier et repousser leur limite pour affronter ces multiples menaces.

[Critique]
L’homme d’acier et l’homme chauve-souris en comics, c’est une longue histoire. Elle est résumée dans l’avant-propos du livre mais contentons-nous, sur ce site, de rappeler les quelques sorties existantes en France. Tout d’abord les deux ouvrages de Jeph Loeb, sobrement intitulés Superman Batman (cf. les critiques du tome 1 , pas trop mal au scénario, davantage clivant aux dessins, et du tome 2, moins réussi et plus indigeste). Ensuite, le célèbre récit complet L’étoffe des héros (pas encore chroniqué sur ce site mais assez moyen selon les modestes souvenirs de l’auteur de ces lignes). Enfin, la dernière série en date (avant cette World’s Finest) était tout simplement (en VO) Batman/Superman et s’était répartie en France dans Le Batman Qui Rit – Les Infectés (2020) puis dans les volumes 3 et 4 de Batman Bimestriel Infinite (fin 2022 et début 2023, cf. index – pas encore lu).

Aujourd’hui, la relance d’une aventure commune entre les deux super-héros apporte un vent de fraîcheur où brille notamment une partie graphique haute en couleur, un scénario simpliste mais efficace (contenant une excellente idée mais peu développée – on y reviendra) et une vaste galerie de protagonistes. Supergirl, Robin, la Doom Patrol et quelques autres figures de DC Comics gravitent autour de Batman et Superman. En cinq chapitres, l’équipe va affronter le puissant diable Nezha (titre de ce premier tome) – un sixième épisode un peu déconnecté ferme l’ouvrage. L’intrigue permet surtout à son auteur Mark Waid et au binôme Dan Monra/Tamra Bonvillain (dessinateur/coloriste) de s’éclater. On est dans un pur blockbuster mainstream (comme pouvaient l’être Justice League vs. Suicide Squad dans une moindre mesure).

Mark Waid est un scénariste réputé chez DC qui a signé des titres mémorables. On lui doit un long travail exemplaire (huit ans !) sur Flash par exemple (à découvrir dès juin 2023 dans The Flash Chronicles 1992) mais aussi le chef-d’œuvre Kingdom Come ou encore Superman – Les origines (très conseillé). Il a également travaillé sur l’excellente série 52, se déroulant après Infinite Crisis (cf. index des crises DC) et la série Justice League of America (rééditée en sept volumes après avoir eu droit à des sorties sous forme de récits complets pour La tour de Babel et Ascension).

Un artiste accompli également responsable éditorial chez DC Comics qui a contribué à des créations d’univers comme Gotham by Gaslight par exemple. Après plusieurs années chez Marvel ou ailleurs, Mark Waid a signé son grand retour chez DC et élabore un nouvel univers. Urban Comics le mettra en avant en juin prochain (cf. leur article récapitulatif), en plus de la publication de son début de run sur Flash, le très attendu Planet Lazarus – Tome 1 : Batman vs. Robin sera proposé,  ainsi que le second tome de Batman Superman World’s Finest.

Revenons sur le premier justement. La lecture est limpide, rythmée (on ne s’ennuie pas) et globalement accessible (si vous n’avez pas lu de comics sur la Doom Patrol mais que vous avez vu l’excellente adaptation en série TV ça devrait aller, sinon ce n’est pas très grave). On sent l’amour de Waid pour l’âge d’argent des comics, une époque moins sombre où les super-héros étaient davantage « optimistes ». Succession de combats, stratégies et retournements de situation agrémentées de la fidèle amitié et complicité des deux justiciers et leurs alliés de marque. C’est pile ce qu’on vient chercher dans World’s Finest donc rien à dire de plus à ce niveau-là. Certes le récit n’est pas forcément marquant, il remplit le contrat du fameux « divertissement efficace » (c’est, certes, peu exigeant mais ce n’est pas toujours aussi aisé que ce qu’on pourrait penser pour y arriver – cf. Justice League – Endless Winter qui cumulait poncifs et restait anecdotique, in fine).

Au cours de la fiction (attention aux révélations qui vont suivre – passez au paragraphe suivant et ne descendez pas jusqu’en bas de cette critique pour ne pas voir l’illustration associée), un être improbable fait son apparition : la fusion de Batman et Superman ! Difficile de savoir s’il s’agit d’une sorte de rapprochement mental entre les deux surhommes ou autre chose mais c’est terriblement jouissif ! Malheureusement cela ne dure que quelques planches… On aimerait revoir cet incroyable personnage dans une série entièrement consacrée à « lui ». Les guillemets sont de mise car on lit bien les pensées des deux héros, il y a donc une coexistence simultanée. Une anomalie encore jamais explorée chez DC Comics et qui mériterait un traitement à part.

Du reste, pas grand chose à dire, on apprécie la dynamique globale de l’ensemble et les différentes interactions de groupes, aussi bien celles de Batman et Superman que Batman et Robin, Robin et Supergirl, la Doom Patrol, etc. Il ne faut pas s’attendre à une œuvre « intellectuelle » (ce n’est pas un défaut) ou proposant des réflexions et analyses très poussées (comme beaucoup de comics du genre de toute façon) mais un festival de jolies scènes d’action et figures familières de DC attachantes, au-delà du duo du titre.

Visuellement, l’ensemble du titre est superbe ! Il faut dire qu’il bénéficie du duo de choc évoqué plus haut : Dan Mora et Tamra Bonvillain (déjà en équipe sur la série Once and Future, écrite par Kieron Gillen). L’action est hyper lisible, fluide et dynamique. Les personnages aisément reconnaissables et leurs émotions palpables. Ça fourmille de plein de couleurs vives, c’est soigné, c’est joli, ça fait le taf. Mora gagne en couleurs « vives » grâce à Bonvillain mais perd (peut-être) l’austérité et l’approche plus « réaliste » que lorsqu’il travaille avec Jordie Bellaire pour la colorisation, cf. Batman Detective Comics Infinite. Travis Moore s’occupe de l’épilogue dans un style plus conventionnel (cf. avant-dernière image de cet article). En synthèse, pour 17 € ce premier opus vaut clairement le coup si vous savez ce que vous venez chercher. La suite est alléchante (sortie prévue le 30 juin prochain) car elle verra une personne extraterrestre atterrir sur Terre (comme Superman en son temps) et pris sous l’aile aussi bien par Batman et le kryptonien que… le Joker (et The Key) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 janvier 2023.
Contient : Batman / Superman World’s Finest #1-6

Scénario : Mark Waid
Dessin & encrage : Dan Mora, Travis Moore
Couleur : Tamra Bonvillain

Traduction : Yann Graf
Lettrage : Makma (Gaël Legeard, Maurine Denoual, Lorine Roy et Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.frBatman Superman World’s Finest – Tome 1 : Le diable Nezha (17 €)

 


No Man’s Land – Tome 02

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

Rappel : après un énorme cataclysme, Gotham City est déclaré no man’s land : personne n’y entre et personne n’en sort. Les rues sont aux mains des criminels, divisés par zones spécifiques. La police et quelques justiciers tentent d’en reprendre le contrôle et de sauver les plus démunis qui n’ont pas pu partir.

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À noter que tous les chapitres commencent par cette introduction : « … Au lendemain du cataclysme qui jeta à terre les fiers buildings de Gotham City, la nation américaine abandonna le peuple de la cité réduite en cendres. Seuls survivront les braves, les calculateurs et les fous dans cet enfer sur Terre appelé NO MAN’S LAND »

Équilibre
scénario : Greg Rucka | dessin : Jason Pearson
Batman : Legends of the Dark Knight #118

Alfred raconte l’histoire d’un chevalier et son écuyer à des enfants dans un endroit sécurisé de Gotham géré par lui-même et Leslie Thompkins. Il y explique la disparition du chevalier (Batman donc) et ce qu’a fait son écuyer (Alfred forcément) en attendant le retour de son maître. Alfred a aidé du mieux qu’il le peut les plus démunis et, surtout, observer les factions en place.

alfred no mans land

► Un point de vue intéressant sur Alfred, qui était absent du tome précédent (sans qu’on s’en rende compte réellement). Cela fait donc « du bien » de découvrir ce qu’il était advenu du célèbre majordome. Peu d’éléments sur le départ de Bruce/Batman (à priori, selon les résumés du volet précédent il essayait de convaincre le gouvernement de sauver Gotham City) mais un beau retour, un peu épique et très « visuel » malgré des dessins globalement ratés sur les visages mais réussis sur le reste (décors, découpage, couleurs)…

Harold / Bien chez soi
scénario : Dennis O’Neil / Scott Beatty | dessin : Chris Renaud / Damion Scott
The Batman Chronicles #16

Harold, bricoleur muet, bossu et chassé de chez lui pour sa laideur, travaillait avec Alfred et Batman dans la Bat-Cave (personnage manipulé par Le Pingouin puis recueilli par le Chevalier Noir). Le génie mécanique est sommé par Alfred de retourner en ville après le cataclysme…

harold batman

Un couple de voleurs se retrouve dans l’appartement… du Joker ! Une ombre en forme de chauve-souris les surveille…

no mans land robin dead

► Deux courts chapitres, surtout celui sur Harold. Ce personnage tertiaire est brièvement au centre du récit pour découvrir, à l’instar d’Alfred juste avant, ce qu’il faisait durant le cataclysme. Anecdotique et pas assez long pour vraiment s’attacher à Harold, on espère le revoir plus tard mais nul doute que ce petit segment est nécessaire pour revenir sur tous les protagonistes, même les moins présents.

L’autre chapitre est nettement plus prenant, glauque et réussi. L’omniprésence du Joker est glaçante alors que le célèbre clown n’apparaît absolument pas durant cette histoire. Les éléments décoratifs et divers (attention aux surprises malsaines) suffisent pour laisser planer l’ombre de l’éternel ennemi du Chevalier Noir.

Home Sweet Home
scénario : Lisa Klink | dessin : Guy Davis
Batman : Shadow of the Bat #86

Le sergent retraité William S. Riley a refusé de quitter Gotham City et continue de défendre sa maison corps et âme. Elle est pourtant située dans un bloc conquis par Killer Croc et que le gang de Zsasz souhaite récupérer. Même Batgirl n’a pas la force de les combattre et se voit contrainte de fuir les lieux…

no mans land tome 2

► Un chapitre qui se focalise sur un parfait inconnu pour mieux faire comprendre au lecteur l’état d’esprit des habitants de Gotham. Ils sont sur le qui-vive puisque les différents criminels s’approprient leur territoire voire leur maison, ils doivent payer un tribut (nourriture…) pour rester en vie, etc. En plus de montrer cet aspect (important et nécessaire), les souvenirs du vieil homme, sa propre vie familiale plutôt triste, la Seconde Guerre Mondiale et l’évolution de jeunes de la ville qu’il a vu grandir font de cette histoire, au style graphique proche d’une BD franco-belge, une curiosité élégante et réussite. Peut-être parce que le point de vue est foncièrement humain sous tous rapports…

Attentat au bonbon piégé
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #53

Azraël est toujours à la recherche de Calibax (cf. tome précédent) lorsque Batman lui confie la lourde tâche de retrouver le Joker et de le capturer. Tiraillé entre son désir de justice et agacé par l’autorité paternaliste effectuée par le Chevalier Noir, Azraël accepte cette mission. Ça tombe bien, le Clown du Crime est particulièrement impatient et cherche à tout prix à revoir Batman…

joker no mans land

► Si de prime abord le titre et le mot « dragibus » (les fameux bonbons dudit titre) prêtent à sourire, ce chapitre redore clairement le blason de Jean-Paul Valley et de cet arc narratif qui avait mal débuté. Véritable menace, le Joker est typiquement celui du dessin animé de la série de Bruce Timm et Paul Dini (voire même le Nicholson de Burton) : drôle et effrayant. Le dilemme moral entre la justice et la vengeance dans le rôle des quêtes que se sont données Batman et Azraël vient clore efficacement cette petite histoire. L’homme chauve-souris apparaît brièvement mais déterminé comme jamais pour reprendre le contrôle de sa ville, comprenant que sa présence en plein jour est gage de qualité pour effrayer ses ennemis. Seule ombre au tableau : des bulles narratives expliquant l’action en cours (et peut-être une colorisation trop vive pour des dessins des héros moins réussis que ceux du Joker, stylé au possible).

Le Visiteur
scénario : Kelley Puckett | dessin : Jon Bogdanove
Batman #566

Superman vient (enfin) en aide à Gotham City. Batman y est réticent et lui donne 24 heures pour faire autant « de bien » qu’il le peut. L’Homme d’Acier compte bien en profiter mais les habitants de la ville sont-ils prêt à être solidaire ?

superman no mans land

► L’ouvrage poursuit les points de vue différents (et c’est tant mieux) avec cette fois le surhomme de Metropolis, curieusement absent dans les volumes précédents. Cette entrée en matière ravit mais son côté éphémère et le fatalisme facile imposé (en gros Superman abandonne) gâche un peu l’ensemble — même si le justicier kryptonien n’a pas dit son dernier mot, il revient d’ailleurs dès le chapitre suivant —, servi par des dessins globalement ratés et encrés de façon très grossière et grasse.

Infiltration
scénario : Devin K. Grayson / Mark Waid | dessin : Mark Pajarillo
JLA #32

Huntress communique avec Superman et en veut terriblement à la Ligue de Justice de ne pas être intervenu et de continuer de rester en retrait. De leur côté, les membres affrontent diverses menaces et suivent une piste qui les mène au groupe de scientifiques Locus qui auraient peut-être manipuler le Sénat pour voter le décret no man’s land, interdisant à quiconque d’entrer dans Gotham. C’est l’une des raisons pour laquelle l’Homme d’Acier n’intervient pas, puisque cela est « illégal ».

Huntress No Mans Land

► Ce chapitre arrive pile au bon moment car ça faisait un bout de temps qu’on ne comprenait pas l’absence de la Justice League à Gotham. Si des raisons évoquées ne sont pas forcément les plus pertinentes (cette histoire d’illégalité), l’idée que chaque membre travaille dans l’ombre pour enquêter sur divers groupuscules souhaitant prendre le pouvoir depuis l’extérieur sur la ville est par contre tout à fait « plausible » et intéressante. Du reste, on poursuit le développent de Huntress et l’ensemble est agréable, un peu confus tout de même, avec de jolis dessins qui tranchent avec le chapitre précédent.

Nuances de gris
scénario : Bob Gale | dessin : Phil Winslade
Detective Comics #733

Dans Gotham, Batgirl constate que Gordon ne veut ni d’elle ni de Batman (accusé d’avoir abandonné sa ville). Le Chevalier Noir est lui même pris de doutes sur les bonnes méthodes à adopter pour sécuriser le maximum de personnes. Les choix « justes » sont-ils tous légaux et moraux ? À nouveau le justicier s’interroge et Alfred lui conte un souvenir similaire qui a eu lieu avec Thomas Wayne, à l’époque où Bruce n’était qu’un enfant.

Batman No Mans Land

► Sans nul doute le récit le plus intelligemment écrit jusqu’ici (avec Ni Loi ni Ordre qui ouvrait le tome précédent, déjà scénarisé par le même Bob Gale). La question du dilemme moral est une fois de plus soulevé sans réelle réponse. Tout n’est pas noir ou blanc, il y des nuances de gris, titre du chapitre donc. L’ensemble est passionnant, se recentre (enfin) sur le Chevalier Noir et est d’une rare élégance en terme de dessins particulièrement fins et soignés.

Danse de miséricorde
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael : Agent of the Bat #54-55

Azrael recherche toujours trois personnes : le Joker, Nicholas Scratch et Calibax. Il va voir l’Oracle pour recueillir des informations mais son parcours croise, forcément, celui de quelques démunis, malfrats et d’un mystérieux nouvel ennemi : le danseur de la mort, qui ôte la vie à ceux qui souffrent du no man’s land.

azrael no man land

► On retrouve quelques explications bienvenues, notamment pourquoi des habitants n’ont pas quitté Gotham City : la plupart pensait que le gouvernement ne les abandonnerait pas, ne croyait pas cela possible tellement ça semblait surréaliste. Ça se tient, peut-être pas à si grande échelle mais ça reste plausible (plus que l’inaction de la Justice League). Outre trouvaille, ou plutôt bonne idée, à peine esquissée jusqu’ici : le rechargement par panneau solaire, révolutionnaire pour l’époque (le récit date de l’été 1999). C’est comme cela qu’Oracle utilise des ressources. Une étrange relation entre elle et Azrael , qui se voient pour la première fois après plusieurs journées de conversation téléphonique (dommage qu’on ne les perçoit pas ainsi), se noue.

Le fille de Gordon « flirtait » avec Azrael, Jean Paul Valley de sa véritable identité, qui avait pris tout cela au premier degré (on ne badine pas avec l’amour !). Une certaine complicité nait entre eux deux et c’est clairement… sympathique et original ! En se recentrant sur Azrael durant ces deux chapitres, on s’aperçoit d’ailleurs que ce « justicier » est clairement partagé entre plusieurs éléments : il a pitié des plus pauvres mais une part de lui pense que c’est bien fait pour eux. Il y a toute une ambivalence, cher et coutumière du personnage, qui est ici nettement mieux écrit que d’habitude. Le justicier attire clairement une empathie plus poussée que dans d’autres histoires (plus anciennes comme Knightfall ou plus récentes comme Batman & Robin Eternal).

En bref, ces deux chapitres sont un sans faute si on accepte cette colorisation un peu trop vive qui tranche avec les autres planches de l’ouvrage, plus sombres voire monochromes, ainsi que le costume mi-armure mi-cosplay d’Azrael, un poil too much.

Oracle Azrael No Mans Land

— Tu es avec Batman ?
— Comment avez-vous deviné ? Oh… Le costume bien sûr.
— Non. La violence.

Leslie Thompkins à Azraël.

« Souffrir, c’est le prix que nous payons pour vivre. Et il n’est pas négociable.
Tout ce que nous pouvons faire, c’est l’accepter et aller de l’avant.
La pire chose que nous puissions faire, c’est nous apitoyer sur notre sort. »

Road Trip
scénario : Chuck Dixon / Scott Beatty | dessin : Andy Kuhn
Young Justice : No Man’s Land #1

Batman a viré Robin (Timothy Drake) de Gotham. Le jeune homme a en plus déménagé à Keystone City et ne supporte plus de rester inactif face à la situation actuelle de son ancienne ville. Le fait que son co-équipier ne lui demande pas de l’aide l’enrage et il en discute avec deux membres de la Young Justice : le sexiste (assumé) Superboy et Impulse (Bart Allen). Après un bref débat,  les trois jeunes justiciers partent en croisade à Gotham tandis que Red Tornado reste au QG (ainsi que Wonder Girl et Arrowette). De son côté, un jeune atlante, Lagoon Boy, nage pour la première fois vers Gotham City mais se fait attaquer par Kobra Prime, ennemi de la Young Justice.

Robin No Mans Land

► Petit aparté « fraîcheur et couleur » avec ce chapitre qui montre une jeunesse souriante et dynamique, d’un style graphique très moderne. Robin apparaît enfin, une fois de plus c’est un prisme d’explications qui arrive : le jeune rouge-gorge a été interdit de Gotham par son mentor, d’où son absence, c’est aussi simple que cela. Si le combat final (contre Kobra Prime) est expéditif et très moyen, celui contre la création de Poison Ivy (cette dernière n’apparaît pas mais elle a clairement son territoire et un pacte avec le Chevalier Noir) est très réussi. Il est d’ailleurs étonnant que trois jeunes justiciers n’en arrivent pas à bout, preuve que ce no man’s land n’est pas pour eux. Bon, pourquoi pas… L’ensemble apporte en tout cas ce vent de légèreté qui devient presque nécessaire tant l’ensemble est (un peu) anxiogène (sans que cela soit un défaut, bien entendu).

Titre de propriété
scénario : Greg Rucka | dessin : Mike Deodato Jr.
Batman : Legends of the Dark Knight #119 | Batman : Shadow of the Bat #87

Plus de quatre mois après le début du no man’s land, une carte de territoire montre l’avancée de chaque gangs, certains sont désormais rayés (Black Mask, l’Epouvantail, Scarface…), d’autres sont toujours en place (Double-Face, le Pingouin…) et Batman a presque la moitié de Gotham, une autre partie étant aux mains de la police. Le Pingouin et Double-Face décident de s’associer pour récupérer quelques territoires. Côté GCPD, Gordon prépare un assaut également.

double face no mans land

► Une histoire pleine d’action et particulièrement sombre. Peut-être ce qui « manquait » à l’ouvrage pour nous montrer le « vrai quotidien » du no man’s land en terme d’affrontement et des difficultés rencontrées par Batman pour garantir un semblant de paix. Si graphiquement des passages sont très réussis (notamment Double-Face), d’autres sont clairement ratés (Batman est une montage de muscles bodybuildé). Gordon semble avoir pactisé avec le diable, suffisamment alléchant pour vouloir connaître la suite et Oracle affirme avoir trouvé l’identité secrète de la nouvelle Batgirl. Cette dernière n’est toujours pas acceptée à 100% par Batman qui semble encore sur la réserve pour obtenir une aide plus concrète de sa part. Bref, dans ces deux chapitres, les pièces de l’échiquier avancent lentement mais sûrement, tout le monde a sa propre façon d’agir et trahit ses convictions (alliés comme ennemis). L’image finale est particulièrement réussie.

La marque de Caïn
scénario : Kelley Puckett | dessin : Damion Scott
Batman #567 | Detective Comics #734

Dans un passé proche, une jeune fille ne parlant pas l’anglais s’est liée d’amitié avec Barbara Gordon et a même sauvé la vie de son père. Pour cause, le tueur à gages Caïn est le père de cette jeune fille. Il l’a entraîné pour qu’elle soit une redoutable combattante mais celle-ci ne souhaite pas « tuer des gens ».

Batgirl Batman No Mans Land

Alternant flash-back se situant avant et durant le no man’s land, on ignore un peu les repères chronologiques précis de cette histoire un brin confuse. Son point fort réside dans son mutisme, les trois quarts de l’ensemble n’ont pas de bulle et se « lisent » très bien. On s’attache facilement à la jeune Cain, Cassandra de son prénom (qu’on connaît si on est déjà familier de l’univers Batman), il est difficile de comprendre les tenants et aboutissants de tout le récit tant ces nouveaux personnages ont l’air de sortir de nulle part. Le Chevalier Noir a un look différent de l’histoire précédente mais le début de celle-ci semble se dérouler juste après. Bref c’est un peu le bazar, avec un style cartoonesque étrange et qui ne colle pas à l’ensemble du tome. Sans doute la partie la moins réussie de l’ouvrage mais pas déplaisant totalement non plus grâce à l’introduction « civile » de la jeune fille de Caïn.

Conclusion : La saga poursuit sa très bonne lancée et livre un second tome aussi bon que le(s) précédent(s). Cette fois-ci, l’action est mise sur plusieurs justiciers ou antagonistes bien précis et cette nouvelle salve répond (avec plus ou moins de crédibilité) à bon nombre d’interrogations soulevées légitimement depuis le début de No Man’s Land (inaction de Superman, point de vue de Robin, etc.). Certaines histoires se lisent à travers le prisme d’inconnus ou de personnages très très secondaires, ce qui est une force de ce tome. On peut déplorer des styles graphiques assez différents mais l’ensemble restent très cohérent avec tout de même une qualité plus qu’honorable. Ne pas s’attendre à de gros changements majeurs au sein de l’évènement ni à beaucoup d’actions permettent de mieux savourer ce tome.

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Justice League (JLA) – Ascension

Au début des années 2000 l’éditeur Soleil a publié quelques récits de la licence DC Comics (et de Wildstorm, entre autres). De novembre 2000 à novembre 2001, trois tomes individuels de la Justice League ont ainsi vu le jour. Intitulé JLA (pour Justice League of America), chaque volume pouvait se lire indépendamment de tout le reste : Terre-2, Ascension et Seule contre tous. Le premier, Terre-2, est ressorti chez Urban Comics sous le titre L’Autre Terre. Le second est chroniqué dans cet article (couverture ci-dessous à gauche) et le dernier le sera à l’occasion, car c’est clairement un récit orienté sur Wonder Woman et un chouilla Batman.

Mise à jour (novembre 2017) : Urban Comics a publié Ascension en kiosque dans le deuxième hors-série « récit complet » du magazine Justice League, sorti le 10 novembre 2017 (couverture ci-dessous à droite). L’intégralité de l’histoire y est proposée et deux chapitres, également scénarisés par Bryan Hitch, la complète. Il s’agit de la huitième et neuvième partie (la conclusion) de La Puissance et la Gloire, correspondant aux chapitres #9 et #10 de la série Justice League of America, débutée dans le deuxième numéro du magazine Justice League Univers (avril 2016) et dont le précédent chapitre (le #8) avait été publié dans le dixième numéro en novembre 2016. Il aura donc fallu un an pour connaître la suite et fin de ce arc. La mini-critique de ces deux chapitres est à découvrir tout en bas de cet article.

Mise à jour (février 2019) : Urban Comics a ajouté Ascension dans le sixième et dernier volume de la série Justice League of America rééditée ces derniers mois. Le run de Morrison et Waid est ainsi complet et plus accessible via cette sage en sept tome (elle contient un #0). Un peu compliqué à suivre mais désormais tout est terminé !

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[Histoire]
La Ligue de Justice d’Amérique est composée de Superman, Batman, Wonder Woman, J’onn J’onnz (le Limier Martien), Aquaman, Flash (Wally West, neveu de Barry Allen), Green Lantern (Kyle Rayner, quatrième incarnation terrienne à porter l’anneau ), Atom (le scientifique de la taille d’un atome), Steel (un justicier, John Henry, portant une armure remplie de technologie et maniant un terrible marteau, c’est « un peu » l’équivalent du Cyborg actuel) et Plastic Man (un individu, Eel O’brian, au corps élastique pouvant prendre toute forme et doté d’un fort sens de l’humour *).

Batman est à Gotham City pour enquêter sur un meurtre dont le coupable est tout désigné comme étant le Pingouin. Les autres super-héros, dans la Tour de Guet sur la lune, assistent à une scène sans précédent : un gigantesque « vaisseau spatial » (au premier abord) vole, ou plutôt kidnappe, littéralement la Terre en perforant son axe de rotation avec une immense « pique » ! Pire encore, il semblerait que cet engin s’approprie toutes les planètes alentours.

La Ligue découvre qu’il s’agit là de l’œuvre de la toute première création universelle, celle qui existait avant les atomes. Une race extra-terrestre pour qui un humain est l’équivalent d’une bactérie. Celle-ci n’avait jamais eu conscience de « la mort » et a envoyé des agents dormants sur chaque planète existante pour appréhender l’idée de la fin. Le but était de comprendre, par exemple, la création des religions, de la foi ou la spiritualité.

Les super-héros se dispersent pour rassurer la population Terrienne, affronter ce nouvel ennemi et les autres « habitants » des planètes et sauver l’ensemble de celles-ci d’une annihilation. Le Chevalier Noir reste sur la Terre et prend la tête des Titans et de la Young Justice pour coordonner toutes les équipes.

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* Il n’est pas sans rappeler Luffy, du manga One Piece.

[Critique]
Ascension est sans aucun doute un récit à la fois très simpliste (dans son traitement) et très complexe (dans son analyse et ses détails). Beaucoup de dialogues nécessitent une seconde lecture. De nombreuses références à la physique quantique, mais également à une certaine approche de la spiritualité, parsèment l’ouvrage. Les interlocuteurs différents sont évidemment les membres de la Justice League, sans qu’aucun ne soit mis de côté ou davantage mis en avant. L’équilibre est très bien conservé.

 — Pour la première fois, ces êtres anciens ont été brutalement confrontés à leur mortalité et à leur inévitable non-existence… Leur race est pétrifiée par la peur de l’inconnu.
— Oui… Et dans une telle situation, le réconfort n’est pas facile à trouver. Ont-ils une spiritualité vers laquelle se tourner ? Certains doivent bien croire en la vie Après la mort… ?
— Voilà où se trouve leur originalité Flash. C’est le but des machines… De tout cela. S’ils veulent accéder au paradis… ils devront d’abord le bâtir.

Mark Waid, qui avait déjà signé l’excellent Kingdom Come (et d’autres récits sur la Justice League, dont leur Year One), continue de s’interroger, élégamment, sur les mythes des super-héros. Cette fable cosmique et métaphysique est passionnante, et son faible nombre de pages (soixante-douze) n’est absolument pas un défaut. Chaque lecteur peut interpréter à sa manière la volonté des aliens. Leur but est-il de se construite un paradis ? De prendre exemple sur toutes les planètes pour concevoir le meilleur chemin de « l’après-vie » possible ? Ou seulement de découvrir le plus usité pour le suivre aussi ? Cette quête existentielle, au lieu d’entraîner un affrontement manichéen prévisible, prend un tournant empathique quand la Justice League décide non plus d’affronter, mais d’aider cet étrange « ennemi ».

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L’ensemble aurait mérité des cheminements philosophiques un chouilla plus poussés. Même si Mark Waid ne survole pas son sujet, il aurait pu aller encore plus loin, quitte à dérouter davantage ses lecteurs. Ascension n’est pas non plus sans rappeler Matrix, dont le premier film était sorti à peine deux ans plus tôt. Une certaine idée de la création des machines, à l’origine de notre monde, se nourrissant d’humains, etc.

« Écoutez-moi ! Il n’y a aucune honte à être reliés à nous ! Il s’agit peut-être de votre seule chance ! Nous pensions que l’obstacle à votre transcendance était votre manque de foi… et nous avions tort ! Ce n’est pas ça du tout ! Vous niez la réalité ! Vous êtes plus proches des autres formes de vie que vous ne voulez l’admettre. Mais c’est cette fierté, cet isolationnisme… qui vous a fait perdre tout sens de la spiritualité ! La distance que vous créez entre vous et nous est la même qui vous séparer du divin ! Quand vous êtes isolés… vous êtes seuls ! […] Ne nous niez pas l’honneur de sauver les âmes les plus anciennes de l’univers. Œuvrez avec nous. »

Bryan Hitch (The Authority et plus récemment America’s Got Powers) dessine intégralement l’ouvrage. Son style, fin et précis, est magnifié lors des pleines pages de séquences spatiales. L’infiniment grand et petit sont très justement mis en scène grâce à ses planches, c’est un régal. La colorisation de Laura Depuy propose des jeux d’ombres de toute beauté et, surtout, des ambiances chaudes ou glaciales grâce au rendu parfois quasi-monochrone, ou en tout cas dans la même palette de couleur. Toute la partie graphique est un sans-faute. Seuls les (nombreux) sourires des membres de la Justice League laissent parfois pantois, un côté « boy scout » et trop « gentille équipe ». Cet aspect enlève toute proportion dramatique possible, alors qu’on est à deux doigts de la fin du monde. Heureusement, les scènes épiques ne manquent pas pour autant. D’autant plus que le format de l’éditeur de l’époque, Soleil, est plus proche du franco-belge, donc agrandi.

Une bande dessinée qui mériterait une nouvelle publication chez Urban Comics, avec pourquoi pas des commentaires de scientifiques et de philosophes en guise de compléments. Le titre pourrait d’ailleurs être plus « poétique ». Heaven’s Ladder en version originale, donnerait quelque chose comme « L’échelle du Paradis », ou « L’Ascension vers un Paradis » ? C’est en tout cas un des coups de cœur du site, conseillé pour les fins connaisseurs ou les nouveaux lecteurs. On trouve Ascension assez facilement en occasion sur Internet ou dans des enseignes à un prix plus que correct (entre cinq et quinze euros en général).

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Mise à jour (novembre 2017) : Dans la nouvelle réédition d’Urban, les chapitres #9 et #10 de la série Justice League of America, publiés aux États-Unis fin 2016/début 2017, complètent le magazine. Le chapitre #9 a été écrit et dessiné par Bryan Hitch (Alex Sinclair à la colorisation), le #10 a son intrigue créé par Bryan Hitch également, les dialogues sont signés Tony Bedard et les dessins sont de Tom Derenick (Jeremiah Skipper aux couleurs). Ces deux chapitres sont la fin de l’arc La Puissance et la Gloire (très précisément il s’agit de la huitième partie et de la conclusion). Les précédents ont été publiés dans le magazine Justice League Univers, du numéro 2 au 10 (soit d’avril à novembre 2016). Un an plus tard, la « suite et fin » est donc enfin disponible (principalement à cause du retard de Hitch dans la livraison de ses planches).

[Histoire]
Rappel (via la note éditoriale d’Urban) : les membres de la Justice League luttent contre les fidèles de Rao (un ennemi kryptonien quasi divin) après avoir compris que ce dernier se servait de l’énergie vitale des populations afin de conserver sa longévité. Tandis que certains membres sont perdus dans le temps, Superman semble ne pas avoir survécu à sa dernière confrontation avec ce dieu solaire…

Dans le passé lointain, Green Lantern, déchu de ses pouvoirs et fait prisonnier par « le Rao du futur » sur Krypton. Le Rao de l’époque constate amèrement l’héritage que laissera son « moi » futur. Sur Terre, Wonder Woman tente de ramener Superman à la vie…

[Critique]
Clairement, sans connaître les précédents chapitres (le cas de l’auteur de ces lignes) il est difficile de tout comprendre. La portée métabolique et le questionnement du divin effleurent brièvement le récit (peut-être la poursuite de ce qui était proposé en amont) sans être révolutionnaire. Graphiquement, les dessins de Hitch sont hyper soignés et classes, ceux de Derenick fades au possible. La conclusion n’est pas des masses épiques et a même un arrière-goût de déjà vu si on a lu l’intégrale de Dark Knight III. Totalement dispensable donc, en lecture indépendante en tout cas, peut-être qu’en conclusion du run ça passe mieux mais vu cette fin c’est très moyen.

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(Image issue d’Ascension)

[A propos]
Publié en France chez Soleil en mai/juin 2001. Puis en novembre 2017 chez Urban Comics.
Titre original : Heaven’s Ladder.
Publication originale en octobre 2000.

Scénario : Mark Waid
Dessin : Bryan Hitch
Encrage : Paul Neary
Couleurs : Laura Depuy
Traduction : Ange / Thierry Fraysse
Lettrage : Gris Mouse / Stephan Boschat (Studio Makma)

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Ci-dessous l’intégralité du dessin de couverture, dont le recto est la partie de droite (cf. la première illustration en haut de cet article), le verso celle de gauche.

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