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Justice League – Crise d’identité (Identity Crisis)

Chef-d’œuvre intemporel, Crise d’identité est probablement l’un des titres de DC Comics qui met le plus « l’humain » au cœur de son récit. En explorant le deuil, les relations familiales et, entre autres, les dilemmes moraux derrière le filtre des super-héros, la fiction emporte son lecteur dans une enquête-fleuve palpitante (et peu prévisible) et une révolution dans la mythologie et la chronologie de DC. Explications.

[Résumé de l’éditeur]
Sue Dibny la femme d’Extensiman, l’un des membres de la Ligue de Justice, a été assassinée. Le meurtrier a pu déjouer les systèmes de sécurité installés par les plus grands héros de la Terre. L’enquête menée par les justiciers va mettre à jour un complot au sein même de la Ligue et un terrible secret concernant leur traitement des super-vilains !

[Début de l’histoire]
Opal City. Firehawk et Extensiman, alias Lorraine Reilly et Ralph Dibny surveillent un coffre à l’abandon, lieu de rendez-vous potentiel de malfrats. Le justicier vétéran raconte à la jeune femme sa relation amoureuse avec sa femme Sue.

Quand une agression a lieu entre criminels peu après, Ralph est appelé par Sue, en train de se faire agresser. Le super-héros arrive trop tard à son domicile : sa femme a été tuée, son corps à moitié carbonisé.

En marge de l’enterrement, tous les super-héros enquêtent sur le coupable. Pour une poignée d’entre eux, Green Arrow, Extensiman, Hawkman, Atom, Black Canary et Zatanna, le doute n’est pas permis : le responsable du meurtre est forcément le Dr. Light. Ce dernier avait violé Sue Dibny il y a des années et, pour oublier ce douloureux épisode, une action radicale avait été commise…

[Critique]
S’il y avait une rubrique « les indispensables Justice League » sur ce site, aucun doute que Crise d’identité trônerait fièrement en haut du classement (à défaut il est dans les coups de cœur) ! Ce titre coche (quasiment) toutes les cases d’une excellente bande dessinée : elle est accessible pour tous (même si on ne connaît pas la vaste galerie de personnages en scène), elle tient en haleine (qui est le coupable ?) et arrive à toucher plusieurs fois le lecteur avec des émotions fortes.

Pour cause : plusieurs morts ont lieu, mécaniquement le deuil est au centre du scénario, d’autres drames sont montrés (dont un viol), le discours à répétition sur la proximité et l’amour entre proches et familles fonctionne bien, les émouvantes typologies de relations (amoureuses, père/fils, amicales…) parsèment le titre avec justesse. En ajoutant le danger « réel » d’une menace inéluctable qui échappe à la logique des meilleurs enquêteurs, la fiction se lit d’une traite.

Parmi les nombreux protagonistes de Crise d’identité (seule lecture du premier chapitre peut être un peu déconcertante pour un néophyte), Green Arrow est peut-être celui qui revient le plus. On suit tour à tour son point de vue, celui d’Atom, Batman, etc. mais l’archer d’émeraude joue un rôle important. Car si Extensiman introduit l’ouvrage par sa tragédie (sa femme est tuée et – on l’apprendra plus tard – avait été violée dans le passé), il reste en recul durant la suite. Il faut dire que ce super-héros, Ralph Dibny de son identité civile, n’est pas très connu des fans de DC (surtout en France).

Ses pouvoirs (il peut étendre sa peau) rappellent ceux de Plastic Man. Normal, ce dernier était né en 1941 chez Quality Comics et DC Comics l’a racheté en 1956 avant de l’injecter dans de nouvelles aventures sur papier à partir de 1966. Entre-temps, l’auteur John Broome et le dessinateur Carmine Infantino créent Elongated Man (le nom VO d’Extensiman) dans les aventures de Flash en 1960, sous l’impulsion de l’éditeur Julius Schwarts (à qui on attribue la co-création du héros) – qui ignorait que Plastic Man avait rejoint l’écurie DC. Depuis, entre Red Richards des Quatre Fantastiques (chez Marvel – et dont la compagne se nomme aussi Sue) et le pirate Luffy (en manga), les pouvoirs d’élasticité ne manquent pas !

Malgré tout, impossible de ne pas s’attacher à Ralph et Sue, un couple enjoué, amoureux et sympathique. Une dimension humaine qu’on retrouvera martelée dans de nombreux dialogues entre des parents et leurs enfants, des conjoints séparés ou ensemble, etc. En frappant « là où ça fait mal », comprendre chez les proches des super-héros, le coupable sème un sentiment d’effroi et de terreur chez ces êtres faillibles – car les super-pouvoirs ne permettent pas de protéger tout le monde, tout le temps. Il y a une vague de « vulnérabilité » qui s’abat sur chacun. Clark Kent s’empresse de passer davantage de temps chez ses parents par exemple, Tim Drake (Robin) hésite à laisser son père seul lorsqu’il agit en costume, Atom ne veut plus non plus s’éloigner de son ex-femme, etc.

Et quand Lois Lane reçoit un avertissement, le doute n’est plus permis : le mystérieux responsable des crimes odieux connaît les identités des différents justiciers. De quoi semer le trouble et éliminer un à un tous les suspects (différentes équipes poursuivent des vilains, peu importe leur degré de dangerosité), tous se mobilisent mais toutes les pistes tombent à l’eau. Dans l’ombre, le Calculateur semble tirer quelques ficelles mais tout est plus compliqué qu’il n’y paraît… L’angoisse et la tension sont palpables et ne laissent aucun répit aux protagonistes (et au lecteur).

Au-delà de la « simple » enquête criminelle (palpitante, enchaînant fausses pistes et rebondissements), le récit se permet de questionner les limites d’intervention des super-héros. On l’apprend bien vite (dans le second chapitre), les « réservistes » de la Justice League (les membres secondaires, pas toujours présents ou qui restent en retrait ou sur place une fois une mission terminée) ont franchi une ligne rouge il y a quelques années. Retour en arrière.

Après le viol de Sue par le Dr. Light (ennemi normalement de cinquième zone), une scission s’est produite : Green Arrow, Black Canary et Green Lantern (à l’époque Hal Jordan – avant les évènement liés à Parallax, Emerald Twilight et Zero Hour) ont fait face à Hawkman, Atom et Zatanna. Flash (Barry Allen) apporta son soutien à l’une des deux équipes et… il fut décidé à la fois de rendre amnésique le Dr. Light mais aussi de moduler discrètement son cerveau afin de modifier sa personnalité. Un choix radical et dangereux, assimilé à de la lobotomie, qui met à mal l’éthique du camp du Bien.

Un secret bien gardé qui remet en cause le combat (et l’honneur) des justiciers. Pire : il se pourrait que la manipulation mentale eut lieu d’autres fois, et pas que sur des ennemis mais inutile d’en dévoiler davantage, le titre étant déjà fort en surprises. En synthèse : pas de manichéisme ici mais une réalité crue et insondable. De quoi faire vaciller les héritiers de Flash et Green Lantern, Wally West (sorte de boussole morale de l’équipe) et Kyle Rayner, et peut-être même Superman et Batman… Un point de non retour tabou complètement inédit dans l’évolution de DC Comics et qui aborde une couche de maturité à un titre déjà bien sombre dont il convient de dévoiler une autre victime (révélation au paragraphe suivant, passez à celui d’après sous l’image de Deathstroke sinon).

En plus de la mort de Sue Dibny, Firestorm décède également ainsi que Captain Boomerang (son fils lui succède et reprend son alias, avec des pouvoirs de super-vitesse en complément de son agilité et maniement des boomerangs). Mais on retient surtout Jack Drake, le père de Tim (le troisième Robin), qui succombe durant le récit… Pour Bruce Wayne et Tim Drake, c’est donc une nouvelle tragédie qui surgit, comme un écho (guère original) à ce qui était arrivé à Dick Grayson avant et bien sûr au célèbre milliardaire. Orphelin, Drake sera adopté par la suite par Bruce (comme Dick en son temps). Crise d’identité aura donc un impact très important dans la mythologie de Batman et, d’une manière générale de DC. Ajoutons la disparition d’Atom après l’aventure et quelques autres changements plus ou moins primordiaux.

Initialement romancier de polars (Délit d’innocence, Mortelle défense, Chantage, Les millionnaires, Jeu mortel et Mort avec retour), le scénariste Brad Meltzer avait fait ses armes chez DC Comics juste avant Crise d’identité sur Green Arrow en 2002 (The Archer’s Quest, inédit en France) – ce n’est donc pas anodin qu’il ait repris Oliver Queen ensuite. Le jeune artiste (trente-quatre ans durant la publication du comic book) avait été marqué à l’âge de sept ans par le sauvetage de la Ligue par Extensiman dans Justice League of America #150 (publié en 1978) ! Spécialiste du thriller juridique et politique, il est même consultant pour le FBI et la NSA pour anticiper des attaques contre les États-Unis en 2006, tout en poursuivant l’écriture de quelques chapitres spéciaux chez DC Comics ou plusieurs séries (sur Justice League of America notamment et la huitième saison de Buffy contre les vampires).

En somme, Meltzer est un auteur venant typiquement du « milieu littéraire hors comics » avec une spécialisation dans un genre qu’il maîtrise à la perfection et qu’il injecte à sa manière chez des super-héros populaires en réussissant un coup de maître, noir et captivant (qu’il ne réitérera jamais) ! Même si, étonnamment, Crise d’identité est tout de même clivant chez certains lecteurs, considérant la fiction soit trop triste et sombre (meurtres, viols, lobotomies, tragédies multiples – et pour ajouter un peu de pathos, une des victimes attendait un enfant…), soit trop éloignée de l’ADN de l’éditeur (fini la légèreté et l’angélisme global qui primait durait des décennies) – sans compter la complexité (d’apparence seulement) d’y faire évoluer des personnes parfois peu connues ou oubliées. Malgré tout, le titre possède quelques moments un peu plus légers qui apporte une pause salutaire. Certains comparent l’œuvre à Watchmen, c’est un peu présomptueux même s’il y a des thématiques communes voire des segments graphiques (la fameuse photo de la ligue brisée).

Côté dessin, Ralph « Rags » Morales s’est échauffé sur plusieurs épisodes de la JSA et Hawkman avant d’attaquer Crise d’identité. C’est peut-être là le seul « point faible » du titre (on insiste sur les guillemets). Non pas que les coups de crayon de Morales soient mauvais mais les gros plans sur des visages et l’aspect « figé » de quelques scènes d’action cassent un peu l’ensemble. Bénéficiant d’un encrage de Michael Blair et d’une colorisation inégale d’Alex Sinclair, les planches sont parfois magnifiques mais, hélas, parfois un peu « cheap ».

Si la richesse chromatique est à saluer (pas de doute, nous sommes bien dans un comic book – l’orgie de couleurs dénote d’ailleurs avec la tonalité du propos mais c’est ce résultat hybride qui est si singulier et plaisant, comme pour Mad Love d’une certaine façon), elle est à déplorer sur les faciès et des ombrages de peau un peu étranges… Bien sûr, ces quelques défauts visuels n’entachent pas la qualité de l’ensemble mais évitent peut-être au livre d’être LE chef-d’œuvre ultime universel. On retient quelques moments iconiques : la mort de Sue dans les bras de Ralph, la scène de l’enterrement (cf. bas de la critique), Batman et Robin soudés, etc. De même, aussi bien graphiquement que scénaristiquement, il y a une sorte de déification (assumée) de Superman et Wonder Woman (et même Batman) : on les voit moins, parfois que leurs symboles, pour mieux faire comprendre qu’ils sont presque hors-jeux de tout cela. En résulte de superbes séquences et planches.

L’édition d’Urban Comics est relativement garnie. En plus des sept chapitres de la série principale, un épisode provenant de JSA (le #67) est intercalé entre les chapitres cinq et six. Interlude – L’autopsie est scénarisé par le prolifique Geoff Johns (avant qu’il signe Infinite Crisis et de nombreux titres phare chez DC : Doomsday Clock, Trois Jokers, Batman – Terre Un, Flashpoint, Justice League, Flash, Superman…) et dessiné par l’immense Dave Gibbons (Watchmen…) – malheureusement l’encrage et la couleur ne sont pas à la hauteur du talent de Gibbons mais ce n’est pas très important (cf. image ci-dessous).

Ce complément, comme son titre l’indique, revient sur l’autopsie de Sue et la première « révélation » de l’identité du coupable (dont le nom n’est pas révélé à ce moment-là). Pas forcément indispensable dans l’entièreté de l’histoire, ce chapitre permet d’offrir une sorte de « répit » avant la dernière ligne droite et complémente bien le reste.

Durant Crise d’identité, l’on rappelle au lecteur une ancienne péripétie durant laquelle « la société secrète des super-vilains » (sic) a réussi à se retrouver dans le corps des super-héros de la Justice League (et vice-versa) ! Cette histoire, intitulée Mascarade, avait réellement été publiée, dans trois chapitres de Justice League of America (#166-168), en 1979 ! Écrit par Gerry Conway (très productif chez DC et Marvel – la mort de Gwen Stacy chez Spider-Man, c’est lui) et dessiné par Dick Dillin (décédé peu après, en 1980, après une longue décennie à carburer pour tous les super-héros de DC Comics), cf. image ci-dessous. Clairement, Mascarade s’accorde mal après la lecture d’un récit nettement plus moderne, c’est un bonus sympathique mais qui n’a pas vraiment d’intérêt, peut-être qu’en l’enlevant ça aurait rendu le livre encore plus impactant, débarrassé du superflus peu pertinent en se concentrant sur l’essentiel ?

Enfin, Dans les coulisses de Justice League – Crise d’identité, revient longuement et textuellement sur l’envers du décor. Les deux auteurs derrière l’œuvre dévoilent foule de détails. On apprend quels acteurs ont inspiré Morales pour ses visages et corps (Brad Pitt par exemple !) mais, surtout, le processus de création, les envois de script, les inspirations pour certaines cases, les détails cachés mais cruciaux, et ainsi de suite. Une seconde lecture passionnante en quelques sorte ! La préface du livre a été rédigée par Joss Whedon, à l’époque où il n’était pas encore blacklisté du milieu.

Un point (anecdotique) à propos de la couverture. C’est Michael Turner (le sympathique Fathom, et l’incontournable Witchblade…) qui signe les couvertures des épisodes. Urban a choisi celle qui met en avant des super-héros qu’on peut juger de prime abord « secondaires » (il manque la célèbre trinité) mais qui sont au cœur du récit et, surtout, qui semblent cacher quelque chose – ce qui correspond bien à l’intrigue de Crise d’identité, in fine. C’est la favorite de Meltzer d’ailleurs, où l’on peut voir les yeux fermés de Barry et « les autres qui crèvent le quatrième mur en nous défiant avec leur secret ».

Néanmoins, trois autres couvertures, peut-être davantage plus « commerciales » sortent du lot (et, subjectivement parlant, sont plus soignées et jolies – cf. ci-dessous), sans compter celles reprises avec un filtre écarlate pour les nombreuses réimpressions en 2004 et 2005 face au succès du comic et aux ventes exceptionnelles (près de 300.000 préventes uniquement pour les deux premiers épisodes !). Toutes sont également proposées à la fin du livre.

Crise d’identité est donc un récit complet et accessible, incontournable pour n’importe quel fan de DC Comics. Malgré la grande galerie de protagonistes, la solide histoire – touchante voire bouleversante – peut se savourer qu’on soit néophyte ou passionné de longue date (on l’apprécie forcément davantage dans ce second cas mais ce n’est pas freinant). Haletante course contre la montre et habile crossover inaugurant une nouvelle « crise » mémorable et poignante, la bande dessinée enchaîne les tragédies et marque à jamais aussi bien ses héros de papier que son lecteur. Culte.

Les « suites » (et conséquences) d’Identity Crisis sont à trouver dans Flash mais surtout dans Countdown to Infinite Crisis, JSA et The OMAC Project. Ça tombe bien, tout ça est compilé dans le premier tome d’Infinite Crisis – Le projet O.M.A.C. (cf. le guide des crises DC Comics). Inutile de préciser que les relations seront tendues entre certains…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 25 janvier 2013.
Contient : Identity Crisis #1-7, JSA #67 et Justice League of America #166-168

Scénario : Brad Meltzer, Geoff Johns, Gerry Conway
Dessin : Rags Morales, Dave Gibbons, Dick Dillin
Encrage : Michael Blair, James Hodgkins
Couleur : Alex Sinclair, John Kalisz, Jerry Serpe

Traduction : Edmond Tourriol (Studio MAKMA)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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Illustration de Morales qui recouvrait le coffret de l’édition US Absolute avec Extensiman au centre
et donc au dos du recueil qui fait la jonction entre les « réservistes » et la ligue (en couverture et en quatrième de couverture).

Heure Zéro – Crise temporelle (Zero Hour : Crisis in Time)

Publié en France chez Semic en juillet 2004 (jamais réédité depuis), Heure Zéro – Crise temporelle, alias Zero Hour : Crisis in Time est initialement en vente en 1994 et se veut marquant, renouant avec le grand crossover Crisis on Infinite Earths (1985-86) – et cherchant maladroitement à s’inscrire dans les crises DC Comics (cf. guide). Écrit et dessiné par Dan Jurgens, cette crise temporelle est incompréhensible et peu passionnante. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Hank Hall
était un terrien normal jusqu’au jour où il devint Hawk, le faucon, un héros courageux et aimé de tous qui combattait le crime au sein du duo Hawk & Dove. Fragilisé et déséquilibré depuis la mort du premier Dove lors de la « Crise [en] terres multiples », Hank Hall a basculé du mauvais côté lorsqu’il a découvert que son double venu du futur, Monarch, était l’assassin de la seconde Dove. Fou de rage, il n’abattit Monarch… que pour prendre sa place et devenir un despote temporel dont les exactions menaçaient le continuum espace-temps. Arrêté par les Linear Men et enfermé au « Point de fuite », Monarch parvient à s’évader et à damer le pion de Rip Hunter et Waverider. Nourri des énergies de ce dernier, Monarch devient Extant, et se met en tête de reconstruire le temps, de réécrire l’histoire…

Quand le Time Trapper est abattu et que Darkseid, seigneur d’Apokolips, découvre que la trame de l’espace et du temps eux-mêmes est manipulée, les héros savent qu’il est temps de se liguer pour protéger l’univers. Mais rapidement, une question se pose… Qui est derrière Extant ? Qui manipule le manipulateur ? Qui veut réécrire l’histoire ?

[Critique]
Quelqu’un a compris le résumé de l’éditeur ? Il s’agit pourtant du seul extrait à peu près clair de cet immense foutraque que représente cette Heure Zéro – Crise temporelle… La première partie du résumé est d’ailleurs celle’une autre histoire, Armageddon 2001 (on y reviendra), afin d’avoir un peu de contexte dans cette nouvelle crise. Son concept était pourtant alléchant aussi bien sur la forme que le fond. Cinq épisodes publiés « à l’envers », comprendre du numéro #4 pour se conclure dans le #0 (la fameuse Zero Hour) et une intrigue dotée d’un compte à rebours. Ainsi, l’aventure commence « 32 heures plus tôt » puis « 27 heures plus tôt » et ainsi de suite. Confinant ainsi un resserrage temporelle et un horizon (que se passera-t-il arrivé à zéro ?).

Hélas, tout ce qui est proposé est incompréhensible et veut singer Crisis on Infinite Earths à bien des égards. Entre le charabia complexe (il est question « d’entropie » – dégradation de la matière – rappelant donc les vagues « d’anti-matières »), les multiples personnages (dont la moitié pas très connue) et parfois la même version de certains, les agissement de chacun et le manque flagrant de fluidité dans l’écriture et les dialogues, il est impossible de saisir pleinement les enjeux, de s’attacher aux protagonistes et d’être emmené par la narration (bavarde, lourdingue au possible). Comme dit, Heure Zéro évolue dans l’ombre de Crisis on Infinite Earths, elle-même compliquée et verbeuse, mais ici c’est un autre niveau : absolument rien ne permet de passer un agréable moment. Seul l’ultime chapitre apporte un peu de cohérence et relance plus ou moins bien le tout mais ça s’arrête là.

La plume de Dan Jurgens est donc catastrophique (bien aidé pourtant dans cette édition Semic par une introduction de Gérard Morvan, vulgarisant la continuité DC Comics). On aurait pu penser qu’après une décennie d’évolution de la bande dessinée super-héroïque états-unienne, l’artiste se serait adapté plus efficacement à un travail de lisibilité mais non… Heureusement que ses dessins sauvent un peu l’ensemble, proposant de jolis tableaux remplis de personnages emblématiques, richement colorés. Jerry Ordway est à l’encrage, ajoutant à nouveau cette sensation de « copie mal décalquée » de Crisis on Infinite Earths (que l’artiste avait déjà partiellement encrée).

À noter que Jurgens avait déjà dessiné un event quelques années plus tôt, en 1991 : Armageddon 2001 (cf. le résumé en quatrième de couverture). Ce dernier était écrit par Dennis O’Neil et Archie Goodwin et explorait déjà les crossovers et voyages dans le temps à la recherche de l’identité de Monarch, avec aussi Waverider à l’époque. Monarch étant donc Hank (au lieu de Captain Atom comme initialement prévu mais une fuite avait dévoilé cette identité mystérieuse). On peut imaginer que Zero Hour en est une sorte de suite spirituelle ou réinterprétation du titre avec, cette fois… Hal Jordan en Parallax. S’inscrivant après La mort de Superman et Green Lantern – Emerald Twilight (disponible chez Urban Comics dans leur collection DC Confidential), Zero Hour se « poursuit » (ou plutôt le parcours d’Hal) dans Final Night (trouvable en occasion, chez Semic à nouveau, dans JLA – Extinction) ; le tout formant donc une sorte d’arc autour d’Hal (même s’il est peu présent dans Zero Hour). Notons qu’on retrouve les « gardiens du temps » (Waveryder, Rip Hunter et Matthew Ryder), que Flash meurt à nouveau (dans les mêmes conditions que Crisis on Infinite Earths – quelle originalité !), mais qu’il s’agit cette fois de Wally West. De la même manière, Spectre apparaît dans une séquence assez semblable à celle de l’autre crisis. Metron joue, lui, plutôt le rôle de Monitor.

L’objectif de Time in crisis (renommé par la suite (A) Time in crisis afin de coller aux nomenclatures des crises DC) était une fois de plus de relancer de nombreuses séries (avec un impact aussi bien dans leur continuité et… une remise à zéro – beaucoup de titres ont bénéficié d’un #0, celui sur Green Lantern, Secondes Chances, est dans le tome cité plus haut) mais aussi d’unifier modestement l’univers, toujours bien encombré de plusieurs versions de justiciers (Hawkman en est le parfait exemple – cf. image ci-dessus) ou de leur passé plus ou moins chamboulé depuis Crisis in Infinite Earths.

De quoi modifier quelques éléments des fictions : Catwoman n’est plus une prostituée (à l’inverse de ce qui était montré dans Année Un – même si, paradoxalement, ce titre devient canonique dans la chronologie de Batman), le Chevalier Noir n’a jamais capturé le tueur de ses parents, Dick Grayson est adopté par Bruce Wayne, etc. Malgré tout, ce « nouveau départ » (des autres séries DC) ne rencontra pas le succès escompté et mis de côté une petite décennie l’idée d’un (autre) redémarrage complet – jusqu’à Infinite Crisis bien entendu.

À posteriori, l’intérêt se situe finalement pour les fans de Green Lantern qui auraient besoin d’une petite compréhension sur les desseins d’Hal Jordan, éventuellement ceux de la JSA (et notamment Starman), de Green Arrow (uniquement pour les dernières planches) ou pour les complétistes hardcore qui ont aimé Crisis on Infinite Earths (Heure Zéro doit se lire « juste après » idéalement pour conserver une certaine « cohérence » on va dire, avec l’enchaînement Armageddon 2001 entre les deux si possible…).

In fine, le meilleur résumé se trouve sur DC Fandom : « Hal Hordan, devenu Parallax, tente de restructurer l’univers et de corriger ses erreurs passées. Il est parasité par Extant qui veut profiter de cette situation pour recréer un monde à son image. Tout l’univers redémarre à zéro et le passé de Batman et de ses alliés est aussi remodelé ». Même si ça dévoile l’ensemble, c’est ce qu’il faut retenir.

On comprend mieux pourquoi Urban Comics n’a pas republié ce titre, tant il est rebutant… La faute à une traduction limitée ? Pas forcément, c’est un « tout » qui cause ce rejet (visiblement unanime), néanmoins il semblerait qu’accompagner de quelques chapitres tie-ins, ce soit plus limpide. Une fois de plus : c’est dommage car le pitch de départ était prometteur, l’idée générale pas mauvaise (repartir à zéro en refaçonnant un nouvel univers) et la conclusion un peu épique et surprenante ; pas trop mal.

Hélas, tout ce qui constitue ensuite cette crise temporelle est indigeste à un degré rarement atteint. Même les amoureux des personnages de DC Comics ne devraient pas profiter pleinement du titre tant tout s’enchaîne de façon étrange et peu claire… Si Urban décide à publier l’histoire, il faudrait une sorte d’intégrale Armageddon 2001, Crisis in Time et quelques épisodes annexes apparemment indispensables pour mieux comprendre l’ensemble.

Comme évoqué, aux États-Unis, l’évènement a impacté plusieurs séries dont certaines sur Batman (Detective Comics, Batman, Shadow of the Bat…) et Superman (Man of Steel, Action Comics, Adventures of Superman…), compilées quelques années plus tard dans Batman Zero Hour et Superman Zero Hour. À noter que les épisodes du Chevalier Noir de cette période devraient apparaître dans la collection Batman Chronicles quand elle aura atteint l’année 1994. Côté Superman, on retient un chapitre où l’homme d’acier rencontrait de multiples version de l’homme chauve-souris, incluant celle de la série télé des années 1960, du Detective Comics #27 de Finger et Kane de 1939 ou du Dark Knight Returns de Miller ! Le titre (Zero Hour) a également été repris à l’occasion de Convergence, en 2015. En France, Convergence est dans le dernier volume de la série Earth 2 – cf. index – mais ne contient pas les quelques séries disponible en VO dans Convergence : Zero Hour (Green Arrow, Catwoman, Justice League International…).

En synthèse (vous l’aurez compris), on déconseille fortement Heure Zéro – Crise temporelle, en attendant une éventuelle réédition mieux fournie et plus lisible…

[À propos]
Publié chez Semic le 5 juillet 2004.
Contient : Zero Hour : Crisis in time (#4-3-2-1-0)

Scénario et dessins : Dan Jurgens
Encrage : Jerry Ordway
Couleur : Grégory Wright

Traduction : Dan Fernandes • Edmond Tourriol / MAKMA
Lettrage : Studio Pascale Buffaut

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Crisis on Infinite Earths

Titre emblématique, ambitieux et exigeant, Crisis on Infinite Earths est la première « crise » majeure de DC Comics, publiée en 1985 et 1986. Elle a permis de relancer les multiples séries de l’éditeur mais a aussi ouvert une révolution dans l’industrie. Le récit est proposé par Urban Comics dans une belle édition très complète avec énormément de bonus en juillet 2016, avec en vente au même moment Crisis Compagnon (un « guide » quasiment indispensable – aussi bien pour les néophytes que les fins connaisseurs). Découverte et critique de ce monument du neuvième art qu’est Crisis on Infinite Earths.

[Résumé de l’éditeur]
L’Anti-Monitor mène ses troupes de soldats d’ombre de dimension en dimension afin de détruire les Univers parallèles et de s’alimenter de ses énergies perdues. Son double positif, le Monitor réunit une assemblée de héros de différentes Terres afin de stopper son avancée, mais même les plus puissants des surhommes ne peuvent rien face à la vague d’antimatière qui fond sur eux. Des mondes vont vivre… des mondes vont mourir… et l’Univers DC ne sera plus jamais le même !

[Début de l’histoire]
Le récit étant fortement complexe, ci-après la première partie du synopsis provenant de Wikipédia, permettant à la fois de vulgariser les évènements du début mais aussi de développer suffisamment ce qu’il se produit pour se faire une idée de l’intrigue (pour les non connaisseurs notamment) sans en dévoiler trop.

Sur Terre-III, le Syndicat du Crime tente en vain de lutter contre une vague d’antimatière sous les yeux d’un personnage énigmatique, Paria. Alexander Luthor (le Lex Luthor de cette Terre) qui sait que rien ne peut être fait pour sauver son monde, parvient de justesse à envoyer son fils sur Terre-I où il espère qu’il sera sauf. Puis Terre-III disparaît.

Pendant ce temps, Monitor et Harbringer, qui sont conscients que cette menace pèse sur toutes les Terres, recrutent des super-héros et super-vilains de différentes réalités et époques afin de la contrecarrer. Monitor leur explique la situation et les envoie protéger des tours de très haute technologie, censées protéger les différentes Terres. Pendant ce temps, sur Terre-I, Batman voit une courte apparition de Flash II qui annonce une catastrophe imminente avant de disparaître.

Malgré les tours et l’intervention de nombreux super-héros, des vagues d’antimatière détruisent peu à peu les réalités. Pendant ce temps, Monitor, qui cherche un plan de secours, étudie la physionomie d’Alexander Luthor Jr., le fils d’Alexander Luthor qui, en traversant la barrière séparant les univers alors qu’une vague d’antimatière dévastait son univers, a intégré une part d’antimatière dans son propre organisme. Grâce à ses connaissances technologiques, il crée aussi Doctor Light II et parvient à amener Pariah sur son satellite, lui qui est condamné à assister à la destruction de toutes les Terres.

[Contexte]
Il y a un avant et un après Crisis on Infinite Earths (régulièrement appelée Crisis). Le titre a bouleversé aussi bien DC Comics que l’industrie des bandes dessinées États-uniennes. Avant de le critiquer – presque quarante années après sa sortie – il est impératif de contextualiser sa création et replonger dans l’époque éditoriale. D’un côté, la ténacité de l’auteur Marv Wolfman, de l’autre un marché fragilisé pour l’éditeur historique de Superman, Batman et Wonder Woman.

Wolfman écrit chez DC Comics à la fin des années 1960 (il y signe quelques aventures peu mémorables de diverses séries) puis atterrit chez Marvel au milieu des années 1970. C’est là qu’il gagne en notoriété, scénarisant notamment Spider-Man, Dr Strange et les Quatre Fantastiques. Co-créateur de Black Cat et Nova, il revisite ensuite le mythe de Dracula et la mythologie des vampires dans l’acclamée Tomb of Dracula (pour lequel il conçoit Blade) – une série actuellement rééditée en trois omnibus chez Panini Comics.

Nous sommes à la fin des années 1970 et Marv Wolfman, comme il l’explique en postface de Crisis on Infinite Earth, souhaite réaliser un rêve de gosse : mettre en scène une aventure hors-norme où se croisent de multiples super-héros. Un phénomène jusque là relativement inhabituel et s’étalant rarement au delà de deux chapitres. Il propose à Marvel et à DC Comics ses idées mais tous deux refusent, arguant, entre autres, qu’une série limitée ne passionnerait guère les foules. L’auteur veut aussi utiliser un personnage qu’il fantasme depuis des années : le « Bibliothécaire ». Une sorte d’entité qui observerait l’univers dans l’ombre et compilerait des informations sur les justiciers.

En 1980, Marv Wolfman rejoint à nouveau DC Comics et relance la série Teen Titans avec le dessinateur George Pérez. C’est ainsi que The New Teen Titans voit le jour (disponible en quatre opus chez Urban Comics). Wolfman et Pérez créent de nouveaux protagonistes : Cyborg, Starfire et Raven. La série est couronnée de succès (et permet à DC de se refaire une santé – même si Marvel reste plus populaire et génère davantage de revenus). Le scénariste mue son « Bibliothécaire » en « Monitor » (il apparaît pour la première fois en juillet 1982) afin d’injecter ses idées dans cette série à défaut de pouvoir coucher par écrit son crossover géant. En lisant le courrier des lecteurs [un fan demandait pourquoi Green Lantern n’avait pas reconnu un héros qu’il avait déjà croisé trois ans plus tôt], Wolfman a conscience qu’il y a des incohérences monstres dans les décennies de publications de DC Comics (impliquant les protagonistes de l’éditeur mais aussi ceux qu’il a racheté à d’autres firmes – cf. plus loin – et qu’il faudra tout remettre à plat un jour entre les multiples Terres parallèles et les super-héros qui existent en plusieurs exemplaires… Cela motive à nouveau le scénariste pour reprendre son projet.

Au début des années 1980, DC Comics peine à vendre ses titres – Marvel fonctionne nettement mieux et a une image plus moderne ainsi qu’un univers unifié (sous la houlette de Stan Lee) – à l’exception notable donc de The New Teen Titans qui permet enfin à Wolfman d’être en position de force et de (bientôt) concrétiser son ardent désir de ce qui deviendra Crisis on Infinite Earth. L’auteur pitche une fois encore son sujet à DC qui, cette fois, le valide rapidement. Il est évoqué publiquement en convention en 1981 (!) mais il est encore trop tôt pour publier la série.

Peter Sanderson, jeune trentenaire critique, chercheur et (futur) historien de la bande dessinée, est alors chargé d’indexer religieusement l’entièreté des personnages qui ont été publiés chez l’éditeur. Lecture, annotations, recherches… la longue et complexe histoire de DC prit plusieurs années à être saisie (d’abord deux ans puis puis deux autres supplémentaires). Il est finalement acté que Crisis on Infinite Earths sera publié en 1985 pour les cinquante ans de l’éditeur, évidemment écrit par Wolfman et dessiné par son complice désormais récurrent George Pérez.

Cela laissait donc quelques années de préparation afin de compiler tous les protagonistes devant intervenir (même de façon éphémère le temps d’une case) et réfléchir aux conséquences de l’évènement (auquel DC ne croyait pas spécialement malgré tout – l’éditeur était pourtant pointé du doigt comme étant désuet, dépassé, démodé…). Phénomène rare à l’époque : les artistes se retrouvaient deux heures chaque semaine pour évoquer l’avancement du projet. Au total, près de cent cinquante chapitres issues de différentes séries se greffent autour de l’histoire de Crisis pour l’introduire ou en voir d’autres points de vue (cf. index Wikipédia). Marvel dame le pion de son concurrent en publiant en 1984 Les Guerres Secrètes, considéré comme le premier « crossover » d’envergure des comics mais il restera moins dans les annales que Crisis on Infinite Earths. L’objectif de ce dernier était multiple avec une ampleur inédite à l’époque : « retrouver la simplicité d’autrefois avant que la continuité prime sur la narration […], expliquait Wolfman en 1998 – toujours dans sa postface – et rendre les super-héros DC accessibles non pas aux seuls fans, mais aussi au grand public ».

Le pari est nettement réussi et la série est un succès à tous points de vue ! Pour Dick Giordano, le responsable éditorial de l’époque (et l’un des encreurs de la bande dessinée), Crisis on Infinite Earths « fonctionne en tant qu’histoire indépendante, nettoie un peu l’univers DC et procure une plateforme pour lancer l’avenir de l’éditeur » (cf. postface de l’artiste en 1998, présente dans l’ouvrage également). En effet, la série redéfinit les bases de DC, supprimant les multiples Terres alors connues chez le lecteur, tuant plusieurs personnages dont quelques-uns emblématiques – Supergirl, Flash/Barry Allen… – et cadenasse alors ses survivants sur une seule et même Terre. L’âge d’or, d’argent et de bronze s’achèvent pour passer le flambeau à l’âge moderne, toujours d’actualité (et dont les premières années sont parfois nommées l’âge sombre (Dark Age) au sein de sa propre chronologie (1985-1997)).

De quoi repartir (presque) à zéro sur une « nouvelle » continuité. Batman n’y échappe pas ; nous sommes alors au milieu de l’année 1986 et Frank Miller en profite pour écrire et dessiner son culte The Dark Knight Returns puis, l’année suivante, son célèbre Année Un (avec Mazzucchelli au dessin), permettant au Chevalier Noir d’embarquer un nouveau lectorat avec une approche plus sombre et « réaliste ». John Byrne relancera de son côté avec brio Superman, toujours en 1986, dans The Man of Steel, qu’il écrit et dessine également. George Pérez, quant à lui, reprend Wonder Woman, rejoint par Greg Potter et Len Wein dans Dieux et Mortels. Une triple renaissance historique avec trois titres salués par la critique et le public.

Dans la foulée, Watchmen (1986-87) expose également une approche mature du mythe super-héroïque et provoque un (autre) chamboulement dans l’industrie – les bandes dessinées du genre ne sont plus destinés « au jeune public » mais élèvent les fictions à destination des adultes et entrent définitivement dans « l’Art » (le neuvième). Tous ces titres étant publiés par DC, c’est une (autre) renaissance inespérée qui s’opère et ouvre un champs des possibles quasiment infini. Le label Vertigo est lancé, accueillant de prestigieux auteurs : Alan Moore (V pour Vendetta), Neil Gaiman (Sandman), Jamie Delano (Hellblazer), etc. puis plus tardivement de nouvelles séries désormais cultes : Preacher, Transmetropolitan, 100 Bullets, DMZ, Sleeper, Y Le Dernier Homme

À partir de là et suite au succès de Crisis on Infinite Earths, les crossovers sont devenus légion (aussi bien chez Marvel que DC Comics), mais ces différents évènements éditoriaux étaient d’envergure moindre, parfois mercantiles voire opportunistes avec peu de conséquences… En synthèse, il y avait peu d’histoires durant lesquelles des héros mourraient vraiment et où le statu quo était réellement modifié à jamais – à l’inverse de ce qu’on pouvait lire dans l’œuvre de Wolfman et Pérez (co-auteur du titre à partir du sixième chapitre).

Néanmoins, il est de notoriété d’accorder que Crisis on Infinite Earths fut complété par deux autres segments pour être une trilogie (Crisis Trilogy). Ainsi, Infinite Crisis, publiée vingt ans plus tard (2005-2006), est cette fois scénarisée par Geoff Johns. Peu après, c’est Grant Morrison qui signe Final Crisis (2008-2009). Un guide est en cours d’écriture sur ce site, classé dans l’onglet Index.

Avant ces deux récits majeurs, d’autres séries furent affublées du terme crisis et peuvent y être considérés comme connectées. Zero Hour : Crisis in Time (1994) se déroule par exemple entre Crisis on Infinite Earth et Infinite Crisis et Identity Crisis (2004-2005) fut ajouté a posteriori comme une sorte de prélude à Infinite Crisis – publié en France sous le titre Crise d’identité en récit complet qu’on conseille énormément.

Les « crises » suivantes se sont majoritairement abstenues de ce terme. Flashpoint, Convergence, Metal et Doomsday Clock (qui rassemblait DC et… l’univers de Watchmen !) par exemple. D’autres évènements, plus mineurs, peuvent être associés à ces crises (certains inclut dans les versions françaises pour une meilleure compréhension, comme Countdown to Infinite Crisis/Final Crisis) : Futures End, Multiversity, etc. voire Heroes in Crisis pour les plus complétistes.

En 2022, DC Comics poursuit ce qui a été inauguré dans Infinite Frontier par Joshua Williamson (2021) et publie du même auteur Dark Crisis, renommé ensuite… Dark Crisis on Infinite Earths ! Ce qui était une exception est désormais récurrent. Les crisis devenant un tremplin idéal pour relauncher ses séries, c’est-à-dire redémarrer avec le fameux « Numéro #1 » en couverture de différents titres et ainsi attirer un potentiel nouveau lectorat. Sans Crisis on Infinite Earth, il n’y aurait peut-être pas eu tout cela ou alors sous une autre forme…

Aparté « actualité » : Urban Comics a annoncé le premier tome de Dark Crisis on Infinite Earths pour le 6 janvier 2023 ! Il fera donc suite aux deux précédents récits de Williamson (pas encore chroniqués sur le site), DC Infinite Frontier (janvier 2022) et DC Infinite Frontier – Justice incarnée (juillet 2022). Tous se déroulant après les différents évènements survenus dans la saga Metal et ses conclusions Doom War.

[Critique]
Que vaut Crisis on Infinite Earths de nos jours ? Et bien… l’on est partagé. Un petit peu comme le titre culte Batman – Un deuil dans la famille, on est tenté de dire que Crisis est bien sûr un comic important et intéressant mais peut-être pas « indispensable », même pour sa culture. Le titre n’a pas forcément « mal vieilli » (que ce soit au scénario – bien que digeste et bavard – ou aux dessins) mais il est extrêmement dense, complexe et verbeux. En jonglant entre une foule de personnages sans se focaliser sur quelques-uns en particulier qui génèreraient de l’empathie, on peine à vraiment s’accrocher à l’ensemble, peu aidé par sa construction décousue – mais contenant quelques qualités évidentes, on y reviendra.

Marv Wolfman choisit en effet de mettre en avant Harbinger et Paria – tous deux créés pour la fiction (avec Lady Quark plus présente par la suite) – ainsi que Psycho Pirate et, éventuellement, le Monitor, dans sa première moitié. Dans la seconde, ce sont les mêmes qui sont au premier plan, rejoints par l’Anti-Monitor, deux Superman, le Spectre et un petit peu le duo Lex Luthor et Brainiac. L’ennemi des Green Lantern Krona est aussi de la partie dans un segment assez important. C’est à peu près tout, hélas… Même les super-héros qui succombent dans le titre – Supergirl en tête, puis Flash – ne sont pas vraiment suivis avant de mourir héroïquement. C’est tout le problème de la bande dessinée, forcée de contenir les centaines (milliers ?) de personnages apparus dans DC Comics. Ne pas avoir pris les figures habituelles de la Ligue de Justice décontenance gravement et découle sur un paradoxe : la BD se destine aussi bien aux néophytes (encore que…) qu’aux lecteurs de longue date – néanmoins, il faut un minimum de « culture DC » et ne surtout pas débuter les comics avec, sous peine de fort maux de tête.

Crisis on Infinite Earths ne fait par exemple quasiment pas apparaître Wonder Woman et Aquaman ; Batman est cantonné à quelques cases, Robin (Jason Todd) également. Ce n’est pas forcément grave en soi mais se concentrer sur des têtes extrêmement secondaires (et désormais peu connues) perd en intérêt. Il y a là un manque cruel d’unité voire, presque, d’humanité. Heureusement, la fameuse « vision d’ensemble » rehausse le tout même s’il faut attendre plusieurs chapitres avant d’être davantage pris en haleine. On sent l’amour de Wolfman envers ses personnages (même les furtifs) et le monde fictif dans lequel il les fait évoluer. Assommant parfois et piochant dans un « bestiaire » qui sera – probablement – quasiment inconnu pour une majorité de lecteurs, mélangé à plusieurs versions d’un même personnage. Il y a une fascination pour la bande dessinée tout autant qu’une sorte de repoussoir. Peut-être l’œuvre la plus paradoxale à ce jour sur ce site – donc à nuancer à l’extrême…

Les premiers épisodes montrent tour à tour les destructions des Terres (par la fameuse vague « d’anti-matière », sorte de couches blanches absorbant tout, accompagnés des spectrodémons, entités noires et difformes), avec une distance trop accentuée entre le lecteur et les habitants de la fiction, cassant à nouveau l’éventuelle empathie possible pour ces « disparus ». On suit avec un intérêt plus prononcé le plan du Monitor, chargé de rassembler les multiples justiciers et l’on comprend « concrètement » ce qu’il s’est passé/se passe au septième chapitre, soit le début de la deuxième moitié de l’ouvrage. Une seconde partie où s’enchaînent les épisodes avec une conclusion étirée délectable – l’Anti-Monitor est battu puis non, Luthor et Brainiac œuvrent dans l’ombre, Darkseid apparaît, les héros semblent sauvés mais démunis, et ainsi de suite. En somme, des moments épiques (mais peu touchants) mieux gérés qu’en première partie (peut-être parce que Pérez est intervenu dans le processus d’écriture à partir du sixième chapitre ?).

L’œuvre est très très bavarde, multipliant les lieux et personnages bien sûr mais aussi les concepts et univers, tentant d’expliciter l’irrationnel par du rationnel ou assumant la complexité de ce qui est proposé dans les planches savoureuses de Georges Pérez – lui aussi réalisant un de ses rêves (et permettant de se « venger » face à Marvel qui avait court-circuité son projet de crossover entre la JLA et les Avengers des années plus tôt, dégommant une Terre Marvel discrètement dans la saga) – et brillant par sa minutie accordée à tout le monde et aux nombreux détails, sans avoir cette impression de « trop chargé » (bon parfois un peu quand même mais ça va…). C’est là (l’autre) point fort de Crisis on Infinite Earths – surtout pour l’époque – les douze chapitres d’une trentaine de pages chacun sont parfaitement homogènes visuellement et spectaculaires à bien des égards.

Découpages déstructurés, cases de différentes formes, explosions sur des doubles pages, narration singulière et densité graphique et chromatique sont au rendez-vous ! Si l’ensemble a évidemment un petit côté old-school, il reste extrêmement percutant de nos jours tout en s’encrant de façon intemporel avec son récit. La dimension cosmique de l’œuvre reste immédiatement en mémoire, à l’épreuve de l’ambition autant visuelle que narrative. Le travail est à l’image de ce que le titre évoque : une somme astronomique et un ensemble titanesque. La cohérence est donc double, aussi bien dans son parcours textuel (même s’il est migraineux de temps à autre) qu’optique (les traits nets, les visages jamais figés, l’action lisible, la richesse de chaque case fourmillant de détails – et les couleurs criardes, écho d’un passé désormais révolu, moins austère mais plus kitch, assurées par Anthony Tollin, Tom Ziuko et Carl Gafford).

Plusieurs décennies après, il faut reconnaître que Crisis a réussi sa mission : se débarrasser de l’encombrante continuité et complexité de suivre de multiples séries et héros jusqu’à présent et, surtout, des leurs intrigues éparses. Néanmoins, il est rudement conseiller de lire auparavant Crisis Compagnon, qui compilait et présentait une sélection pertinente de ces protagonistes et planètes. Le concept de multivers est apparu en 1961 dans The Flash #123 (disponible dans DC Comics Anthologie – qu’on recommande aussi) afin de justifier le bordel éditorial dans lequel s’était fourré DC Comics en jonglant entre ses différents héros à plusieurs époques sans cohérence (Jay Garrick, Flash de l’âge d’or rencontrait Barry Allen, Flash de l’âge d’argent).

Dans Crisis Compagnon, on (re)découvre Terre-1, Terre-2, Terre-3, Terre-S, Terre-X, Terre-Prime… et les différentes League ou groupes de héros moins connus (L’Escadron des Étoiles, les Combattants de la Liberté, etc.) ou anti-héros (Le Syndicat du Crime notamment) – tous réapparaissant bien sûr dans Crisis on Infinite Earths (rejoints par d’autres comme la Doom Patrol, les Metal Men… mais toujours de façon sporadique – à l’exception d’Oncle Sam, un brin plus présent dans la dernière ligne droite du titre). En somme un tabula rasa (faire table rase) salutaire, bienvenu et qui semble désormais évident et indispensable. Quel choc ce fut à l’époque pour les lecteurs !

Malgré le nombre exceptionnel de planètes, on gravite seulement autour d’une petite dizaine d’entre elles. Terre-3, la Terre du Syndicat du Crime par laquelle « tout commence » (Crisis s’ouvre sur sa destruction), Terre-1 et Terre-2, soit celles de la Ligue de Justice et de la Justice Society, Terre-Prime, Terre de Superboy-Prime, Terre-6 créée pour la BD (d’où provient Lady Quark). Enfin, les Terres IV, X et S sont respectivement les Terres qui abritent les personnages rachetés (par DC Comics) : Charlton Comics, Quality Comics et Fawcette Comics (voir ci-après).

Crisis marqua aussi la fin de l’âge de bronze des comics (1970-1986) ; la saga rassemblait d’ailleurs toutes les époques avec l’âge d’or (1938-1954) puis d’argent (1956-1970) et concluait ainsi plusieurs décennies de publications avant d’amorcer le virage de l’âge dit « moderne » (en 1986 donc), toujours d’actualité. L’harmonisation des héros de DC au sein d’une grande épopée fonctionne, incluant ceux que l’éditeur avait racheté au fil des décennies (Quality, Fawcette, Charlton…) ; on y retrouve donc ceux de Kirby (Kamandi, les New Gods…), les habituels (Batman, Superman…), les moins connus (Jonah Hex, Shazam – Captain Marvel à l’époque – …), ceux de l’éditeur concurrent Charlton Comics que venait de racheter DC en 1983 (Captain Atom, Blue Beetle…) et ainsi de suite.

La mosaïque d’univers (assez vite réduite par les vagues « d’anti-matière », n’en laissant ainsi qu’une poignée afin de ne pas trop s’éparpiller sur des dizaines de planètes différentes) fusionne pour aboutir sur un fameux « renouveau » (la fin est un nouveau départ) – même si, à terme, des auteurs piocheront ou utiliseront des éléments de Crisis pour bâtir leurs histoires. En effet, il ne subsiste qu’une seule et unique Terre lors de la conclusion ; tous les justiciers provenant d’autres Terres/univers n’existent pas dans la mémoire collective des habitants de cette dernière Terre (un choix clivant, balayant ainsi différents comics – un manque de respect ?). D’ailleurs, toute la galerie d’alliés et de vilains n’aura absolument plus aucun souvenir de cette crise des Terres infinies une fois achevée ! Cela ne suffira pas pour repartir malgré tout sur des bases vierges puisque quelques cohérences continueront d’exister – jusqu’à la prochaine crise.

Un peu plus de trois cent cinquante pages composent Crisis on Infinite Earths (préfacé par Urban Comics), alternant donc démesure graphique et narrative, lourdeur textuelle et renvois à de nombreuses références (non publiées en France ou chez d’anciens éditeurs mais dans les deux cas difficiles d’accès) mais aussi séquences intenses et palpitantes. Le mixe d’univers différents, d’époques inédites (on y croise aussi bien des héros préhistoriques que d’un futur très lointain, en passant par le Far West, des versions « maléfiques » des grands noms de DC, etc.) est donc à la fois improbable, jouissif et pénible. Après l’histoire principale, Urban Comics gratifie l’ouvrage de quatre compléments non négligeables.

D’abord deux postfaces, l’une de Wolfman et l’autre de Giordano, rédigées en 1998 pour la réédition de l’œuvre à l’époque (toutes deux partiellement citées plus haut dans cet article). Ensuite, un épisode spécial d’un peu plus d’une cinquantaine de pages publiée plus tard (en 1999), chronologiquement situé entre les quatrièmes et cinquièmes chapitre – toujours écrit par Wolfman. Crisis – Le chapitre inédit (issu de Legends of the DCUniverse) est dessiné par Paul Ryan, Bob McLeod et Tom McCraw.

Si, côté visuel, l’épisode est tout à fait correct (on retient surtout sa gamme de couleurs très diversifiée – cf. image ci-dessus), c’est côté écriture que l’on est ravi ! L’ensemble est parfaitement fluide, à hauteur d’hommes et de surhommes au cœur des crises sur une des Terres. C’est « pile » ce qu’il manquait à l’œuvre-mère pour être plus agréable à suivre. Presque quinze années d’évolution du médium et d’écriture étant passées par là, on aurait adoré découvrir l’intégralité de Crisis on Infinite Earths avec ce filtre scénaristique un brin plus moderne et surtout tellement plus convaincant et passionnant !

Enfin, l’encyclopédie L’Histoire de l’Univers DC s’étale sur près d’une centaine de pages et remet à plat les conséquences de Crisis on Infinite Earth. À nouveau rédigée par Wolfman (et dessinée par Pérez), cette proposition inédite vaut le détour, davantage proche du « roman graphique » (ou plutôt « roman illustré ») que d’une bande dessinée. Découpée et proposée de façon singulière, cette encyclopédie (cf. image ci-dessus et tout bas de cette critique) était censée être le premier titre de Crisis avant de le muter vers ce qu’il est devenu. Une fois de plus, l’idée est d’être autant accessible que possible malgré – à nouveau hélas – la complexité verbale de l’ensemble. Ici, c’est une semi-réussite (ou semi-échec c’est selon) car la plupart des personnages ne sont pas connus ou seront peu suivis par la suite. C’est Harbinger qui narre ces sortes de « fiches », reprenant l’indexation qu’effectuait le Monitor avant elle.

Pour terminer, une vaste galerie de croquis et travaux préparatoire clôturent le pavé – portant celui-ci à près de 550 pages ! Proposition initiale, mémo interne, recherches de personnages, crayonnés noir et blanc… s’étalent sur une petite quinzaine de pages. Notons également trois superbes illustrations d’Alex Ross et son fameux style « photoréaliste » qui ajoutent un cachet non négligeable (à commencer par la couverture de cette édition bien sûr, réalisée en 2005 pour l’adaptation en roman de Crisis on Infinite Earths – une novélisation plus moderne (il y a des téléphones portables par exemple), avec de nouveaux détails et, surtout, une histoire racontée du point de vue de Barry Allen !).


(Trois éditeurs différents ont publié Crisis en France avant Urban, en 1986-87, 2001-03 et 2007.)

L’édition d’Urban Comics est donc exceptionnelle – n’ayons pas peur des mots – rendant grâce à une œuvre imparfaite, fascinante, déroutante. Crisis on Infinite Earths avait bénéficié d’une première publication en France dans la foulée de celle aux États-Unis. On pouvait en effet lire la série dans Super Star Comics (Arédit) de juin 1986 à juillet 1987 ! Si la qualité (d’impression et traduction) n’était pas forcément au rendez-vous, cela a permis au lectorat français de découvrir Crisis très rapidement. De 2001 à 2003, Semic réédite le titre en quatre tomes avec une nouvelle colorisation cassant tout le travail d’Anthony Tollin, Tom Ziuko et Carl Gafford (et, de facto, des dessins de Pérez). Enfin, en 2007, Panini Comics propose pour la première fois une intégrale dans son format absolute – un bel écrin avec fourreau très grand – avec la couverture du chapitre inédit publié en 1999, moins iconique mais plus moderne. Il faudra attendre une petite décennie avant qu’Urban propose sa version, en juillet 2016.

Crisis on Infinite Earths laissa une trace dans l’industrie des comics (cf. bloc « Contexte ») et DC bien sûr, c’est un récit important et qu’il faut « connaître » de façon résumé (la fin du multivers – en gros) mais il n’est pas forcément nécessaire de le lire, faute de s’attacher à des personnages, de bénéficier d’une lecture limpide et palpitante… C’est un constat peut-être sévère mais factuel. Une tragédie héroïque certes, mais d’une lourdeur indéniable dans de nombreux segments. La bande dessinée reste un jalon historique, c’est évident, mais une lecture pas forcément agréable et pour des conséquences déjà connues et revisitées depuis. Néanmoins, cela n’empêche pas l’œuvre de vous « hanter » une fois achevée, ce qui est toujours bon signe ! Une fois de plus : on repense à Un Deuil dans la Famille ou encore Knightfall, deux titres essentiels chez Batman mais à la lecture digeste et qui ont « mal vieilli ». C’est un peu ce qu’on ressent en (re)découvrant Crisis de nos jours… À réserver plutôt aux collectionneurs et complétistes, ou bien aux curieux fortunés.

En décembre 2019 et janvier 2020, cinq épisodes des séries de l’Arrowverse (devenu The CWverse) adaptent Crisis on Infinite Earths pour la télévision ! Si le budget n’est pas à la hauteur pour rendre indispensable cette version, elle n’a pas à rougir pour autant grâce à sa générosité et reste malgré tout mémorable. Il faut dire que l’univers partagé des séries DC Comics sur le petit écran était habitué à l’exercice des crossovers, démarrant doucement (entre Arrow et Flash notamment, chacun allant dans la série de l’autre) avant d’ajouter de plus en plus d’enjeux. On se rappelle des efficaces Invasion ! (fin 2016) puis Crisis on Earth-X (fin 2017), Elseworlds (fin 2018) pour finir sur cette « apothéose » avec Crisis on Infinite Earths.

Tout débute dans le neuvième épisode de la cinquième saison de Supergirl (principalement sa fin) et se poursuit, respectivement, dans le neuvième de la première saison de Batwoman, le neuvième de la sixième saison de Flash, le huitième de la huitième saison d’Arrow et, enfin, dans un épisode spécialement tourné pour l’occasion de Legends of Tomorrow (avant leur cinquième saison). On peut les retrouver compilés dans un DVD importé des États-Unis, rien d’autre en France si ce n’est les solutions légales de regarder en streaming ou d’acheter les coffrets de chaque série respective, dommage.

Les près de trois heures trente de fiction sur le petit écran sont un régal pour les fans de DC et une belle récompense pour les spectateurs assidus de cet univers partagé. L’occasion de voir rassembler les héros habituels de chaque série bien sûr (Flash, Arrow, Supergirl…) mais aussi d’anciennes itérations de figures iconiques comme le Superman de la série Smallville (Tom Welling), le Robin de la série Batman des années 1960 (Burt Ward), l’incontournable doubleur de Batman Kevin Conroy en Bruce Wayne, Huntress de la série Birds of Prey/Les Anges de la nuit (Ashley Scott), le Flash de la série de 1990 (John Wesley Shipp) et même le Barry Allen de l’univers partagé DC Comics au cinéma (Ezra Miller) ! On aperçoit également brièvement les Titans et la Doom Patrol des séries éponymes, ainsi que Black Lightning ou encore Superman et Lois (avant que leur série débute)

S’il y a un festival de caméos (donc du fan-service), qu’il manque la dimension cosmique et du coup de nombreuses séquences « dans l’espace », les épisodes – tous titrés Crisis on Infinite Earths – respectaient bon gré mal gré leur matérieu d’origine (en fermant les yeux sur le côté fauché bien sûr). Ils marquaient aussi la fin de la série Arrow. Après huit années de production et diffusion, l’archer d’émeraude tirait élégamment sa référence, non sans avoir opéré une petite révolution pour le médium et, d’une certaine façon, réussit là où le cinéma échouait à peu près en même temps : faire cohabiter des héros de papier à l’écran avec une cohérence certaine et une ambition mesurée (et cela malgré les innombrables défauts de tous les shows de CW).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 8 juillet 2016.
Contient : Absolute Crisis on Infinite Earth + History of the DC Universe + Legend of the DC universe Special COIE

Scénario : Marv Wolfman (et Gerorge Pérez)
Dessin : George Pérez
Encrage : Dick Giordano, Mike DeCarlo, Jerry Ordway, Karl Kesel
Couleur : Anthony Tollin, Tom Ziuko, Carl Gafford

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Laurence Hingray et Christophe Semal (Studio Myrtille)

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