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Crisis on Infinite Earths

Titre emblématique, ambitieux et exigeant, Crisis on Infinite Earths est la première « crise » majeure de DC Comics, publiée en 1985 et 1986. Elle a permis de relancer les multiples séries de l’éditeur mais a aussi ouvert une révolution dans l’industrie. Le récit est proposé par Urban Comics dans une belle édition très complète avec énormément de bonus en juillet 2016, avec en vente au même moment Crisis Compagnon (un « guide » quasiment indispensable – aussi bien pour les néophytes que les fins connaisseurs). Découverte et critique de ce monument du neuvième art qu’est Crisis on Infinite Earths.

[Résumé de l’éditeur]
L’Anti-Monitor mène ses troupes de soldats d’ombre de dimension en dimension afin de détruire les Univers parallèles et de s’alimenter de ses énergies perdues. Son double positif, le Monitor réunit une assemblée de héros de différentes Terres afin de stopper son avancée, mais même les plus puissants des surhommes ne peuvent rien face à la vague d’antimatière qui fond sur eux. Des mondes vont vivre… des mondes vont mourir… et l’Univers DC ne sera plus jamais le même !

[Début de l’histoire]
Le récit étant fortement complexe, ci-après la première partie du synopsis provenant de Wikipédia, permettant à la fois de vulgariser les évènements du début mais aussi de développer suffisamment ce qu’il se produit pour se faire une idée de l’intrigue (pour les non connaisseurs notamment) sans en dévoiler trop.

Sur Terre-III, le Syndicat du Crime tente en vain de lutter contre une vague d’antimatière sous les yeux d’un personnage énigmatique, Paria. Alexander Luthor (le Lex Luthor de cette Terre) qui sait que rien ne peut être fait pour sauver son monde, parvient de justesse à envoyer son fils sur Terre-I où il espère qu’il sera sauf. Puis Terre-III disparaît.

Pendant ce temps, Monitor et Harbringer, qui sont conscients que cette menace pèse sur toutes les Terres, recrutent des super-héros et super-vilains de différentes réalités et époques afin de la contrecarrer. Monitor leur explique la situation et les envoie protéger des tours de très haute technologie, censées protéger les différentes Terres. Pendant ce temps, sur Terre-I, Batman voit une courte apparition de Flash II qui annonce une catastrophe imminente avant de disparaître.

Malgré les tours et l’intervention de nombreux super-héros, des vagues d’antimatière détruisent peu à peu les réalités. Pendant ce temps, Monitor, qui cherche un plan de secours, étudie la physionomie d’Alexander Luthor Jr., le fils d’Alexander Luthor qui, en traversant la barrière séparant les univers alors qu’une vague d’antimatière dévastait son univers, a intégré une part d’antimatière dans son propre organisme. Grâce à ses connaissances technologiques, il crée aussi Doctor Light II et parvient à amener Pariah sur son satellite, lui qui est condamné à assister à la destruction de toutes les Terres.

[Contexte]
Il y a un avant et un après Crisis on Infinite Earths (régulièrement appelée Crisis). Le titre a bouleversé aussi bien DC Comics que l’industrie des bandes dessinées États-uniennes. Avant de le critiquer – presque quarante années après sa sortie – il est impératif de contextualiser sa création et replonger dans l’époque éditoriale. D’un côté, la ténacité de l’auteur Marv Wolfman, de l’autre un marché fragilisé pour l’éditeur historique de Superman, Batman et Wonder Woman.

Wolfman écrit chez DC Comics à la fin des années 1960 (il y signe quelques aventures peu mémorables de diverses séries) puis atterrit chez Marvel au milieu des années 1970. C’est là qu’il gagne en notoriété, scénarisant notamment Spider-Man, Dr Strange et les Quatre Fantastiques. Co-créateur de Black Cat et Nova, il revisite ensuite le mythe de Dracula et la mythologie des vampires dans l’acclamée Tomb of Dracula (pour lequel il conçoit Blade) – une série actuellement rééditée en trois omnibus chez Panini Comics.

Nous sommes à la fin des années 1970 et Marv Wolfman, comme il l’explique en postface de Crisis on Infinite Earth, souhaite réaliser un rêve de gosse : mettre en scène une aventure hors-norme où se croisent de multiples super-héros. Un phénomène jusque là relativement inhabituel et s’étalant rarement au delà de deux chapitres. Il propose à Marvel et à DC Comics ses idées mais tous deux refusent, arguant, entre autres, qu’une série limitée ne passionnerait guère les foules. L’auteur veut aussi utiliser un personnage qu’il fantasme depuis des années : le « Bibliothécaire ». Une sorte d’entité qui observerait l’univers dans l’ombre et compilerait des informations sur les justiciers.

En 1980, Marv Wolfman rejoint à nouveau DC Comics et relance la série Teen Titans avec le dessinateur George Pérez. C’est ainsi que The New Teen Titans voit le jour (disponible en quatre opus chez Urban Comics). Wolfman et Pérez créent de nouveaux protagonistes : Cyborg, Starfire et Raven. La série est couronnée de succès (et permet à DC de se refaire une santé – même si Marvel reste plus populaire et génère davantage de revenus). Le scénariste mue son « Bibliothécaire » en « Monitor » (il apparaît pour la première fois en juillet 1982) afin d’injecter ses idées dans cette série à défaut de pouvoir coucher par écrit son crossover géant. En lisant le courrier des lecteurs [un fan demandait pourquoi Green Lantern n’avait pas reconnu un héros qu’il avait déjà croisé trois ans plus tôt], Wolfman a conscience qu’il y a des incohérences monstres dans les décennies de publications de DC Comics (impliquant les protagonistes de l’éditeur mais aussi ceux qu’il a racheté à d’autres firmes – cf. plus loin – et qu’il faudra tout remettre à plat un jour entre les multiples Terres parallèles et les super-héros qui existent en plusieurs exemplaires… Cela motive à nouveau le scénariste pour reprendre son projet.

Au début des années 1980, DC Comics peine à vendre ses titres – Marvel fonctionne nettement mieux et a une image plus moderne ainsi qu’un univers unifié (sous la houlette de Stan Lee) – à l’exception notable donc de The New Teen Titans qui permet enfin à Wolfman d’être en position de force et de (bientôt) concrétiser son ardent désir de ce qui deviendra Crisis on Infinite Earth. L’auteur pitche une fois encore son sujet à DC qui, cette fois, le valide rapidement. Il est évoqué publiquement en convention en 1981 (!) mais il est encore trop tôt pour publier la série.

Peter Sanderson, jeune trentenaire critique, chercheur et (futur) historien de la bande dessinée, est alors chargé d’indexer religieusement l’entièreté des personnages qui ont été publiés chez l’éditeur. Lecture, annotations, recherches… la longue et complexe histoire de DC prit plusieurs années à être saisie (d’abord deux ans puis puis deux autres supplémentaires). Il est finalement acté que Crisis on Infinite Earths sera publié en 1985 pour les cinquante ans de l’éditeur, évidemment écrit par Wolfman et dessiné par son complice désormais récurrent George Pérez.

Cela laissait donc quelques années de préparation afin de compiler tous les protagonistes devant intervenir (même de façon éphémère le temps d’une case) et réfléchir aux conséquences de l’évènement (auquel DC ne croyait pas spécialement malgré tout – l’éditeur était pourtant pointé du doigt comme étant désuet, dépassé, démodé…). Phénomène rare à l’époque : les artistes se retrouvaient deux heures chaque semaine pour évoquer l’avancement du projet. Au total, près de cent cinquante chapitres issues de différentes séries se greffent autour de l’histoire de Crisis pour l’introduire ou en voir d’autres points de vue (cf. index Wikipédia). Marvel dame le pion de son concurrent en publiant en 1984 Les Guerres Secrètes, considéré comme le premier « crossover » d’envergure des comics mais il restera moins dans les annales que Crisis on Infinite Earths. L’objectif de ce dernier était multiple avec une ampleur inédite à l’époque : « retrouver la simplicité d’autrefois avant que la continuité prime sur la narration […], expliquait Wolfman en 1998 – toujours dans sa postface – et rendre les super-héros DC accessibles non pas aux seuls fans, mais aussi au grand public ».

Le pari est nettement réussi et la série est un succès à tous points de vue ! Pour Dick Giordano, le responsable éditorial de l’époque (et l’un des encreurs de la bande dessinée), Crisis on Infinite Earths « fonctionne en tant qu’histoire indépendante, nettoie un peu l’univers DC et procure une plateforme pour lancer l’avenir de l’éditeur » (cf. postface de l’artiste en 1998, présente dans l’ouvrage également). En effet, la série redéfinit les bases de DC, supprimant les multiples Terres alors connues chez le lecteur, tuant plusieurs personnages dont quelques-uns emblématiques – Supergirl, Flash/Barry Allen… – et cadenasse alors ses survivants sur une seule et même Terre. L’âge d’or, d’argent et de bronze s’achèvent pour passer le flambeau à l’âge moderne, toujours d’actualité (et dont les premières années sont parfois nommées l’âge sombre (Dark Age) au sein de sa propre chronologie (1985-1997)).

De quoi repartir (presque) à zéro sur une « nouvelle » continuité. Batman n’y échappe pas ; nous sommes alors au milieu de l’année 1986 et Frank Miller en profite pour écrire et dessiner son culte The Dark Knight Returns puis, l’année suivante, son célèbre Année Un (avec Mazzucchelli au dessin), permettant au Chevalier Noir d’embarquer un nouveau lectorat avec une approche plus sombre et « réaliste ». John Byrne relancera de son côté avec brio Superman, toujours en 1986, dans The Man of Steel, qu’il écrit et dessine également. George Pérez, quant à lui, reprend Wonder Woman, rejoint par Greg Potter et Len Wein dans Dieux et Mortels. Une triple renaissance historique avec trois titres salués par la critique et le public.

Dans la foulée, Watchmen (1986-87) expose également une approche mature du mythe super-héroïque et provoque un (autre) chamboulement dans l’industrie – les bandes dessinées du genre ne sont plus destinés « au jeune public » mais élèvent les fictions à destination des adultes et entrent définitivement dans « l’Art » (le neuvième). Tous ces titres étant publiés par DC, c’est une (autre) renaissance inespérée qui s’opère et ouvre un champs des possibles quasiment infini. Le label Vertigo est lancé, accueillant de prestigieux auteurs : Alan Moore (V pour Vendetta), Neil Gaiman (Sandman), Jamie Delano (Hellblazer), etc. puis plus tardivement de nouvelles séries désormais cultes : Preacher, Transmetropolitan, 100 Bullets, DMZ, Sleeper, Y Le Dernier Homme

À partir de là et suite au succès de Crisis on Infinite Earths, les crossovers sont devenus légion (aussi bien chez Marvel que DC Comics), mais ces différents évènements éditoriaux étaient d’envergure moindre, parfois mercantiles voire opportunistes avec peu de conséquences… En synthèse, il y avait peu d’histoires durant lesquelles des héros mourraient vraiment et où le statu quo était réellement modifié à jamais – à l’inverse de ce qu’on pouvait lire dans l’œuvre de Wolfman et Pérez (co-auteur du titre à partir du sixième chapitre).

Néanmoins, il est de notoriété d’accorder que Crisis on Infinite Earths fut complété par deux autres segments pour être une trilogie (Crisis Trilogy). Ainsi, Infinite Crisis, publiée vingt ans plus tard (2005-2006), est cette fois scénarisée par Geoff Johns. Peu après, c’est Grant Morrison qui signe Final Crisis (2008-2009). Un guide est en cours d’écriture sur ce site, classé dans l’onglet Index.

Avant ces deux récits majeurs, d’autres séries furent affublées du terme crisis et peuvent y être considérés comme connectées. Zero Hour : Crisis in Time (1994) se déroule par exemple entre Crisis on Infinite Earth et Infinite Crisis et Identity Crisis (2004-2005) fut ajouté a posteriori comme une sorte de prélude à Infinite Crisis – publié en France sous le titre Crise d’identité en récit complet qu’on conseille énormément.

Les « crises » suivantes se sont majoritairement abstenues de ce terme. Flashpoint, Convergence, Metal et Doomsday Clock (qui rassemblait DC et… l’univers de Watchmen !) par exemple. D’autres évènements, plus mineurs, peuvent être associés à ces crises (certains inclut dans les versions françaises pour une meilleure compréhension, comme Countdown to Infinite Crisis/Final Crisis) : Futures End, Multiversity, etc. voire Heroes in Crisis pour les plus complétistes.

En 2022, DC Comics poursuit ce qui a été inauguré dans Infinite Frontier par Joshua Williamson (2021) et publie du même auteur Dark Crisis, renommé ensuite… Dark Crisis on Infinite Earths ! Ce qui était une exception est désormais récurrent. Les crisis devenant un tremplin idéal pour relauncher ses séries, c’est-à-dire redémarrer avec le fameux « Numéro #1 » en couverture de différents titres et ainsi attirer un potentiel nouveau lectorat. Sans Crisis on Infinite Earth, il n’y aurait peut-être pas eu tout cela ou alors sous une autre forme…

Aparté « actualité » : Urban Comics a annoncé le premier tome de Dark Crisis on Infinite Earths pour le 6 janvier 2023 ! Il fera donc suite aux deux précédents récits de Williamson (pas encore chroniqués sur le site), DC Infinite Frontier (janvier 2022) et DC Infinite Frontier – Justice incarnée (juillet 2022). Tous se déroulant après les différents évènements survenus dans la saga Metal et ses conclusions Doom War.

[Critique]
Que vaut Crisis on Infinite Earths de nos jours ? Et bien… l’on est partagé. Un petit peu comme le titre culte Batman – Un deuil dans la famille, on est tenté de dire que Crisis est bien sûr un comic important et intéressant mais peut-être pas « indispensable », même pour sa culture. Le titre n’a pas forcément « mal vieilli » (que ce soit au scénario – bien que digeste et bavard – ou aux dessins) mais il est extrêmement dense, complexe et verbeux. En jonglant entre une foule de personnages sans se focaliser sur quelques-uns en particulier qui génèreraient de l’empathie, on peine à vraiment s’accrocher à l’ensemble, peu aidé par sa construction décousue – mais contenant quelques qualités évidentes, on y reviendra.

Marv Wolfman choisit en effet de mettre en avant Harbinger et Paria – tous deux créés pour la fiction (avec Lady Quark plus présente par la suite) – ainsi que Psycho Pirate et, éventuellement, le Monitor, dans sa première moitié. Dans la seconde, ce sont les mêmes qui sont au premier plan, rejoints par l’Anti-Monitor, deux Superman, le Spectre et un petit peu le duo Lex Luthor et Brainiac. L’ennemi des Green Lantern Krona est aussi de la partie dans un segment assez important. C’est à peu près tout, hélas… Même les super-héros qui succombent dans le titre – Supergirl en tête, puis Flash – ne sont pas vraiment suivis avant de mourir héroïquement. C’est tout le problème de la bande dessinée, forcée de contenir les centaines (milliers ?) de personnages apparus dans DC Comics. Ne pas avoir pris les figures habituelles de la Ligue de Justice décontenance gravement et découle sur un paradoxe : la BD se destine aussi bien aux néophytes (encore que…) qu’aux lecteurs de longue date – néanmoins, il faut un minimum de « culture DC » et ne surtout pas débuter les comics avec, sous peine de fort maux de tête.

Crisis on Infinite Earths ne fait par exemple quasiment pas apparaître Wonder Woman et Aquaman ; Batman est cantonné à quelques cases, Robin (Jason Todd) également. Ce n’est pas forcément grave en soi mais se concentrer sur des têtes extrêmement secondaires (et désormais peu connues) perd en intérêt. Il y a là un manque cruel d’unité voire, presque, d’humanité. Heureusement, la fameuse « vision d’ensemble » rehausse le tout même s’il faut attendre plusieurs chapitres avant d’être davantage pris en haleine. On sent l’amour de Wolfman envers ses personnages (même les furtifs) et le monde fictif dans lequel il les fait évoluer. Assommant parfois et piochant dans un « bestiaire » qui sera – probablement – quasiment inconnu pour une majorité de lecteurs, mélangé à plusieurs versions d’un même personnage. Il y a une fascination pour la bande dessinée tout autant qu’une sorte de repoussoir. Peut-être l’œuvre la plus paradoxale à ce jour sur ce site – donc à nuancer à l’extrême…

Les premiers épisodes montrent tour à tour les destructions des Terres (par la fameuse vague « d’anti-matière », sorte de couches blanches absorbant tout, accompagnés des spectrodémons, entités noires et difformes), avec une distance trop accentuée entre le lecteur et les habitants de la fiction, cassant à nouveau l’éventuelle empathie possible pour ces « disparus ». On suit avec un intérêt plus prononcé le plan du Monitor, chargé de rassembler les multiples justiciers et l’on comprend « concrètement » ce qu’il s’est passé/se passe au septième chapitre, soit le début de la deuxième moitié de l’ouvrage. Une seconde partie où s’enchaînent les épisodes avec une conclusion étirée délectable – l’Anti-Monitor est battu puis non, Luthor et Brainiac œuvrent dans l’ombre, Darkseid apparaît, les héros semblent sauvés mais démunis, et ainsi de suite. En somme, des moments épiques (mais peu touchants) mieux gérés qu’en première partie (peut-être parce que Pérez est intervenu dans le processus d’écriture à partir du sixième chapitre ?).

L’œuvre est très très bavarde, multipliant les lieux et personnages bien sûr mais aussi les concepts et univers, tentant d’expliciter l’irrationnel par du rationnel ou assumant la complexité de ce qui est proposé dans les planches savoureuses de Georges Pérez – lui aussi réalisant un de ses rêves (et permettant de se « venger » face à Marvel qui avait court-circuité son projet de crossover entre la JLA et les Avengers des années plus tôt, dégommant une Terre Marvel discrètement dans la saga) – et brillant par sa minutie accordée à tout le monde et aux nombreux détails, sans avoir cette impression de « trop chargé » (bon parfois un peu quand même mais ça va…). C’est là (l’autre) point fort de Crisis on Infinite Earths – surtout pour l’époque – les douze chapitres d’une trentaine de pages chacun sont parfaitement homogènes visuellement et spectaculaires à bien des égards.

Découpages déstructurés, cases de différentes formes, explosions sur des doubles pages, narration singulière et densité graphique et chromatique sont au rendez-vous ! Si l’ensemble a évidemment un petit côté old-school, il reste extrêmement percutant de nos jours tout en s’encrant de façon intemporel avec son récit. La dimension cosmique de l’œuvre reste immédiatement en mémoire, à l’épreuve de l’ambition autant visuelle que narrative. Le travail est à l’image de ce que le titre évoque : une somme astronomique et un ensemble titanesque. La cohérence est donc double, aussi bien dans son parcours textuel (même s’il est migraineux de temps à autre) qu’optique (les traits nets, les visages jamais figés, l’action lisible, la richesse de chaque case fourmillant de détails – et les couleurs criardes, écho d’un passé désormais révolu, moins austère mais plus kitch, assurées par Anthony Tollin, Tom Ziuko et Carl Gafford).

Plusieurs décennies après, il faut reconnaître que Crisis a réussi sa mission : se débarrasser de l’encombrante continuité et complexité de suivre de multiples séries et héros jusqu’à présent et, surtout, des leurs intrigues éparses. Néanmoins, il est rudement conseiller de lire auparavant Crisis Compagnon, qui compilait et présentait une sélection pertinente de ces protagonistes et planètes. Le concept de multivers est apparu en 1961 dans The Flash #123 (disponible dans DC Comics Anthologie – qu’on recommande aussi) afin de justifier le bordel éditorial dans lequel s’était fourré DC Comics en jonglant entre ses différents héros à plusieurs époques sans cohérence (Jay Garrick, Flash de l’âge d’or rencontrait Barry Allen, Flash de l’âge d’argent).

Dans Crisis Compagnon, on (re)découvre Terre-1, Terre-2, Terre-3, Terre-S, Terre-X, Terre-Prime… et les différentes League ou groupes de héros moins connus (L’Escadron des Étoiles, les Combattants de la Liberté, etc.) ou anti-héros (Le Syndicat du Crime notamment) – tous réapparaissant bien sûr dans Crisis on Infinite Earths (rejoints par d’autres comme la Doom Patrol, les Metal Men… mais toujours de façon sporadique – à l’exception d’Oncle Sam, un brin plus présent dans la dernière ligne droite du titre). En somme un tabula rasa (faire table rase) salutaire, bienvenu et qui semble désormais évident et indispensable. Quel choc ce fut à l’époque pour les lecteurs !

Malgré le nombre exceptionnel de planètes, on gravite seulement autour d’une petite dizaine d’entre elles. Terre-3, la Terre du Syndicat du Crime par laquelle « tout commence » (Crisis s’ouvre sur sa destruction), Terre-1 et Terre-2, soit celles de la Ligue de Justice et de la Justice Society, Terre-Prime, Terre de Superboy-Prime, Terre-6 créée pour la BD (d’où provient Lady Quark). Enfin, les Terres IV, X et S sont respectivement les Terres qui abritent les personnages rachetés (par DC Comics) : Charlton Comics, Quality Comics et Fawcette Comics (voir ci-après).

Crisis marqua aussi la fin de l’âge de bronze des comics (1970-1986) ; la saga rassemblait d’ailleurs toutes les époques avec l’âge d’or (1938-1954) puis d’argent (1956-1970) et concluait ainsi plusieurs décennies de publications avant d’amorcer le virage de l’âge dit « moderne » (en 1986 donc), toujours d’actualité. L’harmonisation des héros de DC au sein d’une grande épopée fonctionne, incluant ceux que l’éditeur avait racheté au fil des décennies (Quality, Fawcette, Charlton…) ; on y retrouve donc ceux de Kirby (Kamandi, les New Gods…), les habituels (Batman, Superman…), les moins connus (Jonah Hex, Shazam – Captain Marvel à l’époque – …), ceux de l’éditeur concurrent Charlton Comics que venait de racheter DC en 1983 (Captain Atom, Blue Beetle…) et ainsi de suite.

La mosaïque d’univers (assez vite réduite par les vagues « d’anti-matière », n’en laissant ainsi qu’une poignée afin de ne pas trop s’éparpiller sur des dizaines de planètes différentes) fusionne pour aboutir sur un fameux « renouveau » (la fin est un nouveau départ) – même si, à terme, des auteurs piocheront ou utiliseront des éléments de Crisis pour bâtir leurs histoires. En effet, il ne subsiste qu’une seule et unique Terre lors de la conclusion ; tous les justiciers provenant d’autres Terres/univers n’existent pas dans la mémoire collective des habitants de cette dernière Terre (un choix clivant, balayant ainsi différents comics – un manque de respect ?). D’ailleurs, toute la galerie d’alliés et de vilains n’aura absolument plus aucun souvenir de cette crise des Terres infinies une fois achevée ! Cela ne suffira pas pour repartir malgré tout sur des bases vierges puisque quelques cohérences continueront d’exister – jusqu’à la prochaine crise.

Un peu plus de trois cent cinquante pages composent Crisis on Infinite Earths (préfacé par Urban Comics), alternant donc démesure graphique et narrative, lourdeur textuelle et renvois à de nombreuses références (non publiées en France ou chez d’anciens éditeurs mais dans les deux cas difficiles d’accès) mais aussi séquences intenses et palpitantes. Le mixe d’univers différents, d’époques inédites (on y croise aussi bien des héros préhistoriques que d’un futur très lointain, en passant par le Far West, des versions « maléfiques » des grands noms de DC, etc.) est donc à la fois improbable, jouissif et pénible. Après l’histoire principale, Urban Comics gratifie l’ouvrage de quatre compléments non négligeables.

D’abord deux postfaces, l’une de Wolfman et l’autre de Giordano, rédigées en 1998 pour la réédition de l’œuvre à l’époque (toutes deux partiellement citées plus haut dans cet article). Ensuite, un épisode spécial d’un peu plus d’une cinquantaine de pages publiée plus tard (en 1999), chronologiquement situé entre les quatrièmes et cinquièmes chapitre – toujours écrit par Wolfman. Crisis – Le chapitre inédit (issu de Legends of the DCUniverse) est dessiné par Paul Ryan, Bob McLeod et Tom McCraw.

Si, côté visuel, l’épisode est tout à fait correct (on retient surtout sa gamme de couleurs très diversifiée – cf. image ci-dessus), c’est côté écriture que l’on est ravi ! L’ensemble est parfaitement fluide, à hauteur d’hommes et de surhommes au cœur des crises sur une des Terres. C’est « pile » ce qu’il manquait à l’œuvre-mère pour être plus agréable à suivre. Presque quinze années d’évolution du médium et d’écriture étant passées par là, on aurait adoré découvrir l’intégralité de Crisis on Infinite Earths avec ce filtre scénaristique un brin plus moderne et surtout tellement plus convaincant et passionnant !

Enfin, l’encyclopédie L’Histoire de l’Univers DC s’étale sur près d’une centaine de pages et remet à plat les conséquences de Crisis on Infinite Earth. À nouveau rédigée par Wolfman (et dessinée par Pérez), cette proposition inédite vaut le détour, davantage proche du « roman graphique » (ou plutôt « roman illustré ») que d’une bande dessinée. Découpée et proposée de façon singulière, cette encyclopédie (cf. image ci-dessus et tout bas de cette critique) était censée être le premier titre de Crisis avant de le muter vers ce qu’il est devenu. Une fois de plus, l’idée est d’être autant accessible que possible malgré – à nouveau hélas – la complexité verbale de l’ensemble. Ici, c’est une semi-réussite (ou semi-échec c’est selon) car la plupart des personnages ne sont pas connus ou seront peu suivis par la suite. C’est Harbinger qui narre ces sortes de « fiches », reprenant l’indexation qu’effectuait le Monitor avant elle.

Pour terminer, une vaste galerie de croquis et travaux préparatoire clôturent le pavé – portant celui-ci à près de 550 pages ! Proposition initiale, mémo interne, recherches de personnages, crayonnés noir et blanc… s’étalent sur une petite quinzaine de pages. Notons également trois superbes illustrations d’Alex Ross et son fameux style « photoréaliste » qui ajoutent un cachet non négligeable (à commencer par la couverture de cette édition bien sûr, réalisée en 2005 pour l’adaptation en roman de Crisis on Infinite Earths – une novélisation plus moderne (il y a des téléphones portables par exemple), avec de nouveaux détails et, surtout, une histoire racontée du point de vue de Barry Allen !).


(Trois éditeurs différents ont publié Crisis en France avant Urban, en 1986-87, 2001-03 et 2007.)

L’édition d’Urban Comics est donc exceptionnelle – n’ayons pas peur des mots – rendant grâce à une œuvre imparfaite, fascinante, déroutante. Crisis on Infinite Earths avait bénéficié d’une première publication en France dans la foulée de celle aux États-Unis. On pouvait en effet lire la série dans Super Star Comics (Arédit) de juin 1986 à juillet 1987 ! Si la qualité (d’impression et traduction) n’était pas forcément au rendez-vous, cela a permis au lectorat français de découvrir Crisis très rapidement. De 2001 à 2003, Semic réédite le titre en quatre tomes avec une nouvelle colorisation cassant tout le travail d’Anthony Tollin, Tom Ziuko et Carl Gafford (et, de facto, des dessins de Pérez). Enfin, en 2007, Panini Comics propose pour la première fois une intégrale dans son format absolute – un bel écrin avec fourreau très grand – avec la couverture du chapitre inédit publié en 1999, moins iconique mais plus moderne. Il faudra attendre une petite décennie avant qu’Urban propose sa version, en juillet 2016.

Crisis on Infinite Earths laissa une trace dans l’industrie des comics (cf. bloc « Contexte ») et DC bien sûr, c’est un récit important et qu’il faut « connaître » de façon résumé (la fin du multivers – en gros) mais il n’est pas forcément nécessaire de le lire, faute de s’attacher à des personnages, de bénéficier d’une lecture limpide et palpitante… C’est un constat peut-être sévère mais factuel. Une tragédie héroïque certes, mais d’une lourdeur indéniable dans de nombreux segments. La bande dessinée reste un jalon historique, c’est évident, mais une lecture pas forcément agréable et pour des conséquences déjà connues et revisitées depuis. Néanmoins, cela n’empêche pas l’œuvre de vous « hanter » une fois achevée, ce qui est toujours bon signe ! Une fois de plus : on repense à Un Deuil dans la Famille ou encore Knightfall, deux titres essentiels chez Batman mais à la lecture digeste et qui ont « mal vieilli ». C’est un peu ce qu’on ressent en (re)découvrant Crisis de nos jours… À réserver plutôt aux collectionneurs et complétistes, ou bien aux curieux fortunés.

En décembre 2019 et janvier 2020, cinq épisodes des séries de l’Arrowverse (devenu The CWverse) adaptent Crisis on Infinite Earths pour la télévision ! Si le budget n’est pas à la hauteur pour rendre indispensable cette version, elle n’a pas à rougir pour autant grâce à sa générosité et reste malgré tout mémorable. Il faut dire que l’univers partagé des séries DC Comics sur le petit écran était habitué à l’exercice des crossovers, démarrant doucement (entre Arrow et Flash notamment, chacun allant dans la série de l’autre) avant d’ajouter de plus en plus d’enjeux. On se rappelle des efficaces Invasion ! (fin 2016) puis Crisis on Earth-X (fin 2017), Elseworlds (fin 2018) pour finir sur cette « apothéose » avec Crisis on Infinite Earths.

Tout débute dans le neuvième épisode de la cinquième saison de Supergirl (principalement sa fin) et se poursuit, respectivement, dans le neuvième de la première saison de Batwoman, le neuvième de la sixième saison de Flash, le huitième de la huitième saison d’Arrow et, enfin, dans un épisode spécialement tourné pour l’occasion de Legends of Tomorrow (avant leur cinquième saison). On peut les retrouver compilés dans un DVD importé des États-Unis, rien d’autre en France si ce n’est les solutions légales de regarder en streaming ou d’acheter les coffrets de chaque série respective, dommage.

Les près de trois heures trente de fiction sur le petit écran sont un régal pour les fans de DC et une belle récompense pour les spectateurs assidus de cet univers partagé. L’occasion de voir rassembler les héros habituels de chaque série bien sûr (Flash, Arrow, Supergirl…) mais aussi d’anciennes itérations de figures iconiques comme le Superman de la série Smallville (Tom Welling), le Robin de la série Batman des années 1960 (Burt Ward), l’incontournable doubleur de Batman Kevin Conroy en Bruce Wayne, Huntress de la série Birds of Prey/Les Anges de la nuit (Ashley Scott), le Flash de la série de 1990 (John Wesley Shipp) et même le Barry Allen de l’univers partagé DC Comics au cinéma (Ezra Miller) ! On aperçoit également brièvement les Titans et la Doom Patrol des séries éponymes, ainsi que Black Lightning ou encore Superman et Lois (avant que leur série débute)

S’il y a un festival de caméos (donc du fan-service), qu’il manque la dimension cosmique et du coup de nombreuses séquences « dans l’espace », les épisodes – tous titrés Crisis on Infinite Earths – respectaient bon gré mal gré leur matérieu d’origine (en fermant les yeux sur le côté fauché bien sûr). Ils marquaient aussi la fin de la série Arrow. Après huit années de production et diffusion, l’archer d’émeraude tirait élégamment sa référence, non sans avoir opéré une petite révolution pour le médium et, d’une certaine façon, réussit là où le cinéma échouait à peu près en même temps : faire cohabiter des héros de papier à l’écran avec une cohérence certaine et une ambition mesurée (et cela malgré les innombrables défauts de tous les shows de CW).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 8 juillet 2016.
Contient : Absolute Crisis on Infinite Earth + History of the DC Universe + Legend of the DC universe Special COIE

Scénario : Marv Wolfman (et Gerorge Pérez)
Dessin : George Pérez
Encrage : Dick Giordano, Mike DeCarlo, Jerry Ordway, Karl Kesel
Couleur : Anthony Tollin, Tom Ziuko, Carl Gafford

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Laurence Hingray et Christophe Semal (Studio Myrtille)

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Un Deuil dans la Famille (+ Les Morts et les Vivants)

Récit emblématique de la mythologie du Chevalier Noir publié de 1988 à 1989, Un Deuil dans la Famille est considéré comme culte à bien des égards mais pas forcément de « la bonne manière ». Si le titre, écrit par Jim Starlin et superbement dessiné par Jim Aparo, s’inscrit évidemment comme un pan incontournable dans l’histoire de Batman, de(s) Robin, de Jason Todd et du Joker, il a rapidement « mal vieilli », principalement à cause de son contexte géopolitique (à tel point que son adaptation vidéo le supprime carrément) et tout simplement car il n’est pas de très grande qualité, in fine. Un Deuil dans la Famille, reste néanmoins à lire pour les fans de Batman et témoigne aussi d’un évènement éditorial inédit pour l’époque (les lecteurs ont voté pour le destin funeste de Jason Todd). Critique, contextualisation et explications.

À noter que le comic contient également les premiers pas de Tim Drake dans Les Morts et les Vivants, signés par d’autres pointures : Marv Wolfman (scénario), George Pérez (scénario et dessin), Jim Aparo à nouveau ainsi que Tom Grummett (dessin). C’est cet autre segment, important également dans l’histoire du Chevalier Noir, qui permet à l’ouvrage de faire partie des coups de cœur et justifie l’achat.

À gauche, la réédition 2017 avec la célèbre image iconique tirée de la tragédie de Batman et Robin.
À droite, la première édition d’Urban Comics (avril 2013) qui reprenait la couverture du troisième chapitre (Batman #428), dessinée par Mike Mignola.

[Résumé de l’éditeur]
Jason Todd, le deuxième Robin, retrouve la trace de sa mère, disparue depuis des années. Mais, au tournant, l’attend également le Joker, le pire ennemi de Batman… Le Chevalier Noir va connaître l’une des heures les plus tragiques de sa carrière. Un Batman peut-il poursuivre sa lutte sans un Robin à ses côtés ?

[Début de l’histoire – Un Deuil dans la Famille]
Suite au comportement impulsif de Jason Todd lorsqu’il endosse le costume de Robin, son père adoptif Bruce Wayne le suspend de ses fonctions de co-équipier. Batman opèrera seul le temps que le jeune homme gère mieux ses émotions.

Fou de rage, Jason déambule dans Gotham et repasse devant l’appartement de ses parents, tous deux décédés. Une voisine lui confie alors une boîte contenant quelques effets personnels des Todd. L’adolescent découvre que sa mère était en fait la compagne de son père et non sa « vraie mère biologique » ! Jason Todd enquête et identifie trois femmes susceptibles d’être sa mère biologique : une est en Israël, l’autre au Liban et la dernière en Éthiopie.

De son côté, le Joker a réussi à détourner un missile nucléaire et souhaite se lancer dans… la politique internationale ! Il compte vendre son arme à « des terroristes arabes ». Pour cela, il va au Liban.

Quant à Bruce/Batman, il est tiraillé entre retrouver son pupille qui a disparu et suivre le Clown Prince du Crime détenteur d’une arme atomique. Il choisit d’aller au Liban poursuivre sa némésis, sans se douter qu’il s’agit d’une des destinations où Jason Todd va également se rendre…

[Critique]
Il est presque sûr que chaque lecteur découvrant Un Deuil dans la Famille sait pertinemment qu’il va y lire la mort de Jason Todd, le second Robin. Entre le nom de l’œuvre, sa couverture, la préface de Jim Starlin qui en parle ouvertement et la connaissance de ce triste sort dans la culture « Batmanienne » voire populaire, difficile de partir sur une base vierge. Seuls les lecteurs de l’époque, fin 1988, on réellement vécu cette tragédie « en direct ».

Aujourd’hui, il est donc acté dès le départ que Todd va être tué par le Joker, qu’il n’y a pas d’autre issue possible (malgré son retour des années plus tard en Red Hood – on en reparlera). Aborder le comic book pose donc un problème de narration : on connaît déjà la destination, il faut donc espérer que le voyage soit réussi, soigné et « agréable ». Ce n’est malheureusement pas vraiment le cas…

Le récit se divise en quatre parties (les quatre épisodes de Batman #426 à #429), étalées en six chapitres distincts, couvrant environ 135 pages. La première partie pose les enjeux de l’histoire efficacement et rapidement ; elle élimine ensuite une menace (le Joker et son missile nucléaire) et une des trois femmes potentiellement mère biologique de Todd. La seconde partie poursuit l’enquête autour de l’identité de la mère de Todd et contient la mise à mort « très graphique » de ce Robin (on y reviendra)… La troisième partie est la douloureuse découverte du cadavre par Batman (le chapitre #428, probablement le plus réussi du livre et tristement célèbre). Enfin, la quatrième partie correspond à l’affrontement final entre le Joker, ambassadeur iranien à l’ONU, bénéficiant d’une immunité diplomatique !

L’arc se déroule peu après Killing Joke auquel le titre fait référence plusieurs fois et poursuit, ainsi, l’enchaînement de titres noirs et violents autour du Chevalier Noir publiés à la fin des années 1980, certains s’inscrivant dans sa chronologie, d’autres restant en marge : The Dark Knight Returns (1986), Année Un (1987), Killing Joke donc (1988) et juste avant Arkham Asylum (1989). À noter que les couvertures sont signées Mike Mignola, dessinateur du moyen Gotham by Gaslight dans la même période (1989) puis scénariste du très sympathique La malédiction qui s’abattit sur Gotham (2000).

Le gros souci d’Un Deuil dans la Famille se situe dès son postulat de départ : l’incursion d’une aventure de Batman (qui va, en plus, s’inscrire comme l’une des plus violentes, traumatisantes et importantes dans sa mythologie) dans un cadre géopolitique « réel » de notre propre monde, à savoir le terrorisme islamiste, le peuple chiite et autres conflits complexes au Moyen-Orient. La BD évoque carrément la prise d’otage dans l’ambassade des États-Unis à Téhéran (brillamment mise en scène et vulgarisée dans le film Argo – dont on conseille la version longue) et une alliance entre le Joker et le dictateur Khomeini ! (C’est comme si, une douzaine d’années plus tard, peu après les attentats du 11 septembre, Batman se serait rendu au Pakistan avec Tim Drake. Double Face se serait allié avec Oussama Ben Laden et aurait tué cet autre Robin par exemple.) Était-ce l’idéal de mélanger cet aspect « réel et violent » avec la mort d’un personnage « fictif et populaire » ? Était-ce vraiment nécessaire ? Ce parti pris scénaristique volontaire apporte donc un lot de bizarreries qui tranche radicalement avec ce qu’on connaissait de l’homme chauve-souris jusqu’à présent. C’est clairement casse-gueule, au mieux maladroit, au pire provocateur. Pour plusieurs raisons évidentes.

Tout d’abord, la fiction s’inscrit automatiquement « à un instant T » et, de facto, sera difficilement intemporel. Elle passera moyennement l’épreuve du temps, faute à ce renvoi d’actualité très précis dans laquelle on l’identifie. Ensuite, mêler de véritables crimes et situations tragiques au sein d’une œuvre puisant – normalement – dans l’imaginaire (sans pour autant ne pas être plausible ou réaliste bien sûr), lui enlève toutes ses fonctions « escapistes » visant à ouvrir une parenthèse fictive pour ses héros de papier. Enfin, et c’est un certain paradoxe, le risque de complètement casser « la suspension volontaire de l’incrédibilité » est très élevé. Impossible de mettre de côté les maladresses ou défauts d’une œuvre qui permettent de se plonger dedans en acceptant ces écarts pour une saine lecture ou compréhension. Mélanger un univers fantasmé avec des éléments particuliers du notre est un pari risqué. Comme dit : ici ça ne « prend pas ». Batman n’avait jamais affronté des « vrais » terroristes et le Joker ne s’était jamais immiscé au Moyen-Orient pour flirter avec eux. Le nommer ambassadeur « de la République Islamique d’Iran » est une idée plutôt naze (assez choquante au demeurant mais pas interdite donc pourquoi pas – autant lui accorder une immunité diplomatique (car cet élément est intéressant en revanche) mais venant d’un autre pays, imaginaire). Cela aurait pu fonctionner mais il aurait fallu un filtre nettement plus « réaliste » que ce qui est proposé ici (le loufoque et excentrique Joker à l’ONU, carrément ?! Allons bon…). On dirait presque une blague de mauvais goût… du Joker ?

C’est bien dommage car certaines choses fonctionnent très bien au demeurant, l’idée d’une mère biologique de Jason, un certain retournement de situation peu prévisible, la mise à mort du jeune pupille, l’audace (et le choc) d’acter le décès dans la mythologie du Chevalier Noir, la relation Bruce/Jason pour laquelle l’empathie du lecteur est mise à rude épreuve (impossible de ne pas avoir envie de gifler Jason puis l’instant d’après de le réconforter, impossible aussi de ne pas apprécier les moments d’accalmie entre les deux, voire leur complicité).

Malheureusement, ces bons éléments souffrent d’un rythme en demi-teinte où chaque chapitre ne peut s’empêcher de démarrer par un récapitulatif des précédents… Plombant d’entrée de jeu l’histoire au demeurant haletante mais parfois pénible à suivre. Les pensées subjectives ou narratives répétant ou expliquant l’action – comme beaucoup de titres de l’époque – accentuent également cette certaine « lourdeur ». Et bien sûr, tout ce qui était évoqué en amont vient aussi gâcher cette immersion (le contexte géo-politique, les lieux, etc.). Pire : dans ce qui se doit d’être austère, quelques éléments risibles (le BatPlane et autres dialogues moyennement convaincants) mettent à mal un récit déjà bien « pesant ». Il ne faut/fallait pas s’attendre à une mort programmée et organisée par le Joker, dans le but de rendre fou le Chevalier Noir, non, il s’agit « sommairement » d’une succession de combat dans le cadre qu’on connaît avec un Clown devenu un étrange terroriste… Au-delà de la qualité intrinsèque du titre, force est de constater que la déception est de mise, même si on avait peu d’attente quant à l’exécution de Robin. Faute aussi (en France tout du moins) à une faible propositions de matériel édité gravitant autour de l’époque Jason Todd en Robin ; difficile d’être extrêmement attaché à ce protagoniste – que beaucoup liront/découvriront pour la première fois ici – même si les quatre chapitres arrivent à bien cerner sa personnalité, remaniée depuis quelques temps en coulisse et causant son impopularité croissante (voir explications plus bas).

En piochant dans les quelques bonnes idées distillées, il y avait de quoi rendre l’œuvre davantage « indispensable ». Elle l’est d’une certaine manière bien sûr, on parle tout de même de la mort de Robin/Jason Todd (cela reste un moment charnière dans la mythologie de Batman, aux longues conséquences) mais manque le coche pour être à la fois incontournable ET un bon comic book. Reste tout de même les superbes planches de Jim Aparo, très en forme, instaurant de belles compositions, aux visages expressifs, aux scènes d’anthologie comme presque l’entièreté de l’épisode #428 avec l’homme chauve-souris déambulant dans les décombres de l’explosion tout en se remémorant ses souvenirs avec Jason puis la découverte du cadavre, dans une pleine planche inoubliable (cf. bas de cette page). Un chapitre qui fait partie des meilleurs de toute l’histoire du Chevalier Noir, sans aucun doute, l’un des plus marquants.

L’illustrateur signe de belles séquences qui ont nourri la postérité (on retient aussi davantage la mort hors-champ de Jason avec le pied-de-biche du Joker que ce dernier en tunique iranienne ou le duo dynamique frappant des terroristes). Seule la colorisation, très propre et « fonctionnelle » au demeurant – assurée par Adrienne Roy – est un peu trop « vive » et dénote avec la dramaturgie mise en scène.

La mort de Jason Todd n’est pas « complètement » issue de l’esprit du scénariste Jim Starlin et du responsable éditorial de l’époque Dennis O’Neil – adepte de remanier les figures iconiques de DC « aux bouleversements sociaux de l’époque ». En effet, ce sont les lecteurs eux-mêmes qui ont eu la possibilité de voter pour sceller le sort de Robin, ils sont complices de ce meurtre ! O’Neil revient longuement sur cet évènement inédit dans une passionnante préface rédigée en avril 1990. Il évoque le parcours éditorial de Robin, d’abord avec le personnage du flamboyant Dick Grayson. Arrivé dans Detective Comics #38, en 1940, un an à peine après la création de Batman, le jeune prodige évolue aux côtés de son mentor jusqu’en 1983 avant de s’émanciper et devenir Nightwing. Il est remplacé dans la foulée (Detective Comics #524) par Jason Todd, imaginé par Gerry Conway et Don Newton. Tous deux « ne cherchaient pas à innover [mais] à combler un vide », d’où la biographie assez proche de Grayson… « Leur ordre de mission était simple : trouvez-nous un nouveau Robin, et sans faire de vagues » précise Dennis O’Neil.

Trois ans plus tard, en 1986, l’auteur Max Allan Collins veut améliorer Jason Todd et propose de faire de lui un gosse des rues avec des parents criminels, une opposition à Batman en somme. Malheureusement, ça ne prend pas. De moins en moins populaire, le nouveau Robin – initialement simple décalque du précédent – devenu trop impulsif voire antipathique, n’était plus vraiment « accepté » dès l’instant où il commençait à avoir sa propre personnalité (!). Au lieu de le retirer des comics, il est décidé de possiblement le tuer. C’est là qu’intervient l’expérience « le coup de téléphone ». Simple, efficace. Comme Todd était peu apprécié, le staff éditorial de DC Comics (incluant O’Neil) opte pour une mécanique inédite : le public va décider si Robin va vivre ou mourir. « Nous placions Jason dans une explosion, et donnions deux numéros de téléphone aux lecteurs [en quatrième de couverture de Batman #427]. S’ils appelaient le premier, ils votaient pour la survie de Jason. S’ils appelaient le deuxième, Robin ne s’en sortait pas vivant. » Apparemment, 5.343 personnes ont voté contre et 5.271 pour, soit plus de 10.600 lecteurs qui se sont prêtés au jeu durant 36 heures (du à 20h), récoltant seulement 72 voix d’écart entre les deux choix ! La réception de ce procédé fut clivante, ce système interactif était jugé intéressant et audacieux par certains, cynique et dégueulasse pour d’autres (incluant Frank Miller !) voire… truqué (sans compter les critiques à propos du numéro de téléphone qui était surtaxé – 0,50$ l’appel) ! La légende raconte qu’O’Neil a lui-même appelé pour sauver Jason. Deux versions du chapitre #428 furent établies au cas où. Une des planches – dans laquelle Batman annonce que Robin est vivant – fut même dévoilée/recyclée bien plus tard, en 2006 dans Batman Annual #25, en évoquant le retour de Todd par un échange des lignes temporelles (illustration visible dans l’édition d’Urban Comics).

Une mort dans les comics est rarement « définitive ». Todd n’y fit pas exception mais pour le meilleur cette fois. Il réapparait en 2003, près de quinze ans après sa disparation, dans l’excellent Batman – Silence (Hush). Même s’il s’agit de Gueule d’Argile qui a pris son apparence, le doute plane… On ignore aussi si, à ce moment précis, le retour « définitif » est prévu ou si c’était simplement un clin d’œil à un « vieux » protagoniste un peu oublié. Néanmoins, cette apparition a des allures de prophétie car dans L’Énigme de Red Hood, grande saga publiée dès fin 2004 (entamée dans #Batman 635) et qui s’étalera tout au long de l’année 2005, on scelle pour toujours le retour de Todd, qui officie en costume et sous un heaume écarlate et se fait appelé Red Hood – nom emprunté au premier costume de l’homme qui l’a tué : le Joker.

En 2010, le segment Red Hood : The Lost Days (Jours Perdus, inclut dans L’Énigme de Red Hood) lève le voile sur la résurrection de Jason. Le jeune homme devient un antagoniste, tantôt mercenaire indépendant, tantôt allié à la Batfamille mais aux méthodes radicales. Il a sa propre série, Red Hood and the Outlaws notamment (disponible en deux tomes chez nous) et occupe une place de choix dans le superbe jeu vidéo Arkham Knight (sous le masque du Chevalier d’Arkham) – rôle repris dans la bande dessinée éponyme mais malheureusement annulée après un tome par Urban Comics. Red Hood/Jason Todd apparaît dans divers titres et ses échanges avec Damian Wayne sont souvent jubilatoires – tous deux étant nettement plus radicaux que leurs aînés ! Citons également l’adaptation vidéo d’Un Deuil dans la Famille où l’on peut retrouver le personnage dans un film interactif où plusieurs cheminements narratifs sont possibles, reprenant des extraits d’une autre adaptation : Batman et Red Hood : sous le masque rouge. Une expérience originale qui permet de renouer un peu avec le système de vote mis en place des années plus tôt.

Retour au comic book. Malgré tous les défauts évoqués, Un Deuil dans la Famille est important dans la mythologie de Batman. Il est donc primordial de le connaître, de le lire… mais à quel prix ? Heureusement, un autre récit complète celui-ci, justifiant finalement l’achat (23€) et le nombre de pages (un peu moins de 300 au total) : Les Morts et les Vivants. C’est dans cette histoire qu’apparaît Tim Drake pour la première fois car le staff DC Comics (y compris O’Neil) comprend que Batman sans Robin ne fonctionne pas. Mais pas question de réitérer les erreurs commises avec Todd, il faut soigner l’arrivée de ce nouveau Robin.

« Comment créer Robin 3 sans générer l’hostilité qui avait pourri la vie de Jason ? » interroge le responsable éditorial (toujours dans la préface). Grâce à Dick Grayson. Si Todd était l’usurpateur alors il fallait lier Tim à Dick, « que Robin 3 recevait l’approbation de son prédécesseur ». Pour cela, Marv Wolfman était l’auteur providentiel : depuis dix ans il travaillait sur Dick et avait co-créé New Teen Titans avec George Pérez. Ainsi, Tim Drake fait ses premiers pas dans une saga publiée dès 1989, aussi bien dans The New Titans (#60-61) que la série classique Batman (#440-442), onze numéros après la mort de Todd, soit moins d’un an plus tard. Critique ci-après.

[Début de l’histoire – Les Morts et les Vivants]
Après la mort de Jason Todd, Bruce Wayne sombre de plus en plus… Brisé et anéanti, il enchaîne les envolées nocturnes sous son masque de Batman, plus violent que jamais. Alfred tende de le soigner et essaie de raisonner son maître, en vain.

En parallèle, le milliardaire se fâche avec Dick Grayson. Ce dernier disparaît quelques temps de ses fonctions au sein des Titans. Grayson s’est simplement éclipsé au cirque Haly, implanté en ville et en bien mauvais état.

Dans l’ombre, un mystérieux jeune homme suit discrètement Bruce, Batman, Dick et Nightwing. Il a bien compris la double identité de chacun et, depuis le meurtre de Todd, souhaite que Dick redevienne Robin afin que Batman redevienne plus stable.

En parallèle, Double-Face est de retour à Gotham City, bien décidé à tuer le Chevalier Noir…

[Critique]
Comment « remplacer » Robin sans doublonner avec Dick Grayson et Jason Todd ? En créant un nouveau personnage proche des deux autres tout en étant différent… C’est le pari réussi de Marv Wolfman qui préfère d’entrée de jeu concevoir un Robin qui ne cherche pas à voler la vedette à Batman mais « simplement et banalement » à l’épauler, à le canaliser. Quand il créé Tim Drake (Tim pour… Tim Burton, qui préparait alors sur son film !), le scénariste Wolfman (habitué à travailler sur les Titans et surtout sur Dick – qui signe une introduction rédigée en 2011) ne lui appose pas de traumatismes : ses parents sont en vie (tout du moins pour l’instant…), sa famille et ses amis n’ont pas de problèmes en particulier. En cela, Drake n’a rien d’un écorché (comme Todd) ni de revanche à prendre ou de deuil à surmonter (comme Grayson).

Le jeune adolescent bénéficie immédiatement d’un capital sympathie élevé : c’est un excellent détective, il voue une admiration sans faille au duo de justiciers qu’il a vu évoluer, etc. Seule ombre au tableau : il s’agit encore d’un garçon aux cheveux bruns. Quitte à concevoir un « Robin 3 », pourquoi ne pas le démarquer physiquement ? Pour que les ennemis de Batman ne comprennent pas qu’il s’agit d’un autre acolyte ? On chipote mais c’est un petit peu dommage.

Côté histoire, co-écrite avec George Pérez (qui dessine aussi, on y reviendra), on navigue cette fois entre deux périples : l’un suivant Dick puis Tim, l’autre Batman et Double-Face. Quand tout le monde se rencontre et converge vers les premiers pas de Drake en Robin, c’est… réjouissant ! Assister à cet instant mythique et particulièrement réussi rehausse le niveau qualitatif de l’ensemble de l’ouvrage. Car si Un Deuil dans la Famille souffrait de nombreux défauts, Les Morts et les Vivants, lui, en a peu : le rythme est très bien dosé, la narration haletante, l’intrigue assez surprenante, les personnages sont attachants, on retrouve la « charmante » Gotham et d’autres éléments inhérents à l’ADN de Batman. La sempiternelle interrogation « d’utiliser » un enfant ou un adolescent dans la croisade du justicier trouve une certaine réponse mais continue de hanter l’homme chauve-souris – qui restera terriblement marqué et affecté par la perte de Todd, dont il s’estime responsable.

Les cinq épisodes se dévorent et les quelques incursions côté Titans (la bande dessinée jongle entre deux séries, The New Titans et Batman) sont très accessibles et ne gênent en rien la lecture si on n’est pas familier de cet (autre) univers. Seul le costume de l’époque de Nightwing a mal vieilli, le reste est toujours passionnant. Double-Face est plutôt soigné même si, là aussi, cela fait un peu redite par rapport à Grayson qui affrontait Dent à ses débuts (cf. Robin – Année Un). On apprécie également la présence soutenue d’Alfred, qui vient même prêter main forte au combat !

Côté dessins, on retrouve Jim Aparo pour les trois chapitres de Batman, rien à redire, l’artiste découpe avec maestria ses scènes d’action et offre de belles expressions sur les visages de ses personnages avec une fluidité et lisibilité exemplaires. Seules quelques cases sont assez pauvres en décors (déjà dans le titre précédent) mais c’est compensé par la vivacité de séquences moins contemplatives. George Pérez et Tom Grummett travaillent en binôme sur les deux épisodes de The New Titans (deux et demi si on inclut quelques pages d’un prologue issues de la même série mais croquées par Aparo). Les artistes parviennent à conserver une homogénéité graphique très appréciable, aussi bien au niveau des traits que de l’atmosphère visuelle globale. Ils sont grandement aidés par la colorisation d’Adrienne Roy (qui officiait déjà sur le titre précédent avec Aparo). En ultime bonus : un court chapitre dessiné par Lee Weeks et écrit par James Robins, À marquer d’une pierre blanche (Legends of the Dark Knight #100) qui montre Todd enfiler son costume de Robin pour la première fois puis sa mort… La sublime image de fin (l’avant-dernière de cette critique sur fond blanc) reste dans les mémoires.

En synthèse, le livre Un Deuil dans la Famille EST indispensable dans la chronologie de Batman pour ces deux évènements majeurs (la mort de Jason Todd et l’arrivée de Tim Drake – qui sera le premier Robin a bénéficié d’une série à son propre nom de justicier, avant de devenir Red Robin, cédant sa place à Damian Wayne) MAIS ne peut pas être considéré comme un incontournable à posséder impérativement du fait de la qualité moyenne de sa première histoire. C’est tout le paradoxe de la fiction : elle demeure importante et aura plusieurs conséquences sur l’évolution du Chevalier Noir mais elle n’est pas un chef-d’œuvre… Classons là tout de même dans les coups de cœur du site, principalement pour Les Morts et les Vivants et son statut particulier de son autre titre dans la culture « Batmanienne » !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 26 avril 2013 puis réédité le 31 juillet 2017.
Précédemment publié chez Semic en 2003.

Scénario : Jim Starlin, Marv Wolfman, Georges Pérez
Dessin : Jim Aparo, Geroge Pérez, Tom Grummett
Encrage : Mike DeCarlo, Bob McLeod, Romeo Tanghal
Couleur : Adrienne Roy, Lovern Kindzierski

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Stephan Boschat – Studio Makma

Contient Batman #426-429 (Un Deuil dans la Famille) puis Batman #440-442, The New Titans #55 et #60-61 (Les Morts et les Vivants), Legends of the Dark Knight #100

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