Paul Dini présente Batman – Tome 2 : Le cœur de Silence

Après un premier opus sympathique mais peu mémorable, Paul Dini poursuit sa série Detective Comics mais s’accorde, cette fois, un gros fil rouge narratif avec le retour de Tommy Eliott, alias Silence (créé et apparu dans l’excellent et incontournable titre éponyme Silence/Hush). Ce second tome de Paul Dini présente Batman regroupe donc plusieurs épisodes dont certains (ceux sur Batman et Silence justement) ont été repris dans une édition souple à petit prix en 2022. À noter également l’ancienne édition de Panini Comics qui compilait à peu près les mêmes chapitres ainsi que trois inédits (non scénarisés par Dini). Découverte et critique.

[Résumé de l’éditeur]
De nouvelles enquêtes attendent Batman, qui doit faire face à des adversaires inédits et au retour d’un de ses plus redoutables ennemis, Silence. Cette fois-ci, le criminel au visage dissimulé sous des bandages, s’attaque non seulement au Chevalier Noir mais également à la personne la plus chère à son cœur… Selina Kyle, dite Catwoman !

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Après un premier épisode anecdotique, Le gang des merveilles (DC #841), centré sur Le Chapelier Fou évidemment, la série poursuit et conclut certains segments découverts dans le volume précédent. Tout ceci se déroule dans Soirée d’ouverture, Rideau puis Insoluble (DC #843-845) avec un court bonus sur Zatanna dans Notâb uo nobnob ? (alias Bâton ou bonbon ?, issu de DC Infinite Halloween Special #1), regroupés en VO sous le titre Batman : Private Casebook. On a ainsi droit à la conclusion de l’histoire sur la nouvelle Ventriloque, quelques connexions éparses avec des évènements vus aussi plus tôt (qu’on ne divulguera pas pour ne rien gâcher) et la suite de la relation entre Zatanna et Bruce. On croise à nouveau le Pingouin, le Sphinx et Catwoman fait également son retour.

Tout ceci est fort plaisant et cohérent et on aurait préféré que l’éditeur ne publie que les épisodes du premier tome et de celui-ci qui sont liés pour former un tout davantage feuilletonesque qu’indépendants (à première vue en tout cas). Cette « suite et fin » de ce qu’on avait découvert dans La mort en cette cité est plutôt réjouissante et permet même de rehausser la critique après coup en constatant que Paul Dini avait plutôt bien anticipé ses pièces scénaristiques en formant un puzzle complet sur le long terme. Il en sera de même avec la suite de l’ouvrage – on en (re)parle plus loin.

En effet, après cette première partie, le cœur (pardon pour le jeu de mots) du livre arrive avec Le cœur de Silence (DC #846-850) puis son épilogue en deux épisodes : Déconstruction (DC #852) et Reconstruction (Batman #685) – tout ce qui sera réédité dans l’édition souple à petit prix d’Urban Comics en été 2022 (cf. seconde couverture en haut de cette critique). Et clairement… c’est un très bon moment centré sur Batman et son ennemi Tommy Eliott ! Une suite quasi directe à Silence/Hush. Autant dire que les aficionados de l’antagoniste en auront pour leur argent : on découvre davantage l’enfance et même l’adolescence de l’ami de Bruce Wayne à travers de nombreux flash-backs centrés sur les deux garçons.

Certes, cet enrichissement « a posteriori » peut sembler facile, voire « retcon » l’œuvre mère de Jeph Loeb (et Jim Lee) mais c’est cette dernière avant tout qui utilisait ce concept de (léger) changement de continuité rétroactivement en insérant dans la chronologie un personnage censé être là depuis des lustres et jamais aperçu auparavant. Aucun problème de cohérence au demeurant et cela a tiré la fiction vers le haut, alors pourquoi s’en priver ? Dans Le cœur de Silence, Batman est une fois de plus mis à rude épreuve. Eliott collabore avec divers alliés pour aboutir à son objectif habituel : détruire Bruce Wayne et Batman, voire le remplacer physiquement (d’où ses bandages cachant sa chirurgie).

Ainsi, Paul Dini convoque L’Épouvantail, cite brièvement Bane (au passage, peut-être le seul ennemi capable de rivaliser cérébralement avec Silence) et met brièvement dans l’équation Mr. Freeze. Silence conserve le premier rôle bien sûr, bougeant habilement ses pions en manipulant des civils/citoyens, en kidnappant Selina Kyle pour toucher en plein cœur (décidément) Bruce/Batman. Le titre ira même à avoir une explication au sens littéral ! Le rythme est emmené et en cinq chapitres, ce « Silence 2 » rempli ses promesses même s’il faudra fermer les yeux sur de grosses improbabilités, même propres au registre du merveilleux et du comic mais ça passe. Mieux : tout ce qu’on a lu avant par Dini, à quelques exceptions près (les histoires qui auraient pu ne pas être dans le volume précédent ou celle introduisant celui-ci) trouvent ici un écho pertinent qui s’insère intelligemment dans le récit, orienté thriller/action et un brin science-fiction. De quoi revoir à la hausse La mort en cette cité quand on lit tout à la suite !

On l’évoquait plus haut, deux épisodes ajoutent un épilogue, toujours sur Tommy/Silence mais aussi Selina/Catwoman, éphémèrement accompagnée de Dick et Tim. Car juste après (les cinq chapitres de) Le cœur de Silence, le sort de Bruce/Batman est corrélé à deux sagas majeures, expliquées dans un interlude textuel par l’éditeur. Tout d’abord, les évènements de Batman R.I.P. mettent à mal le justicier (cf. les débuts du run de Grant Morrison) : il est trahi par sa bien-aimée de l’époque, manipulé par l’organisation le Gant Noir, drogué, hypnotisé, abandonné puis amnésique. Ensuite, son salut viendra de sa « personnalité de secours », le Batman de Zur-En-Arrh (récemment réutilisée par Chip Zdarsky dans sa série Batman Dark City).

Enfin, le Chevalier Noir participe à la « Crise Finale » (alias, Final Crisis – cf. index des crises DC) au sein de laquelle Batman est capturé et torturé par les agents de Darkseid. Après quelques péripéties, le Caped Crusader est téléporté à l’aube de l’humanité sans souvenir de son identité. C’est dans ce contexte que se déroule donc la conclusion de ce second tome (et c’est pourquoi le troisième, Les rues de Gotham, mettra en avant Dick et Damian, et non Bruce et Tim). Ces deux derniers chapitres (issus de Detective Comics et de la série Batman) ajoutent un complément non négligeable pour comprendre la force mentale et les ruses d’Eliott, sans oublier la vengeance de Catwoman. En résulte à la fois une micro-suite, une histoire auto-contenue et une fin semi-ouverte, qui n’appelle pas forcément à une suite « rapidement » mais un moment ou un autre…

Les dessins sont entièrement assurés par un seul artiste : Dustin Nguyen (Robin & Batman, Little Gotham, Les Contes de Gotham…). Une aubaine pour un livre de haute qualité (le découpage de son contenu et sa presque « non indépendance » lui empêche d’être dans les coups de cœur du site) qui conserve ainsi une homogénéité graphique tout le long. L’encrage est lui aussi réservé à une personne, Derek Fridolds et la colorisation est majoritairement de John Kalisz (Guy Major pour l’ultime épisode et Dustin Nguyen lui-même pour le supplément sur Zatanna). Nguyen croque des figures souvent aux mâchoires carrées, virevolte de son trait étonnamment anguleux et ne se trouve, in fine, peut-être pas à la hauteur à cause d’une colorisation manquant un peu de relief, principalement sur les visages (on préfère quand lui-même colorise, comme dans Robin & Batman) Rien de désagréable pour autant même si l’absence d’un style vraiment singulier aurait permis à l’œuvre de se démarquer davantage visuellement.

Le récit en cinq (voire sept) épisodes Le cœur de Silence est quasiment la suite directe de Silence. Entre les deux, il y avait des chapitres inédits sur lui publiés uniquement par Panini Comics (cf. index Silence/Hush) puis les autres de Paul Dini qui ne sont pas si indépendants qu’on pourrait le croire (certains sont mêmes cruciaux pour l’histoire après coup) et clairsemés dans les tomes un et deux de Paul Dini présente Batman. S’il faut presque obligatoirement avoir lu Silence pour apprécier Le cœur de Silence, il n’est pas obligé en revanche de lire La mort en cette cité (c’est toujours mieux mais pas très grave – ce n’est pas pour rien qu’il est sorti à part de façon quasi autonome plus tard). Un plaisir de lecture pour les fins connaisseurs mais qui devrait ravir aussi les néophytes avec une proposition graphique tout à fait correcte et une enquête qui tient en haleine avec de multiples protagonistes charismatiques. Simple, efficace.

On l’évoquait en fin de critique du premier tome, quelques chapitres de Detective Comics sont absents de cette compilation. Ici, il n’y a « que » les #840, #842 et #851 de côté. Le premier est toujours signé par Dini mais introduit La résurrection de Ra’s al Ghul (pas encore chroniqué sur ce site). Le second de Peter Milligan était évoqué en bas du lien juste avant. Enfin, le #851 écrit par Dennis O’Neil (!) est davantage centré sur Nightwing (Bruce/Batman ayant disparu) ainsi que Double Face et Millicent Mayne. Il s’inscrit donc dans la continuité de ce moment, en parallèle du run chapeautée par Grant Morrison. Ce sont d’ailleurs les épisodes « suivants » de Detective Comics (après ceux présents dans ce deuxième opus de Paul Dini présente Batman) qui s’y réfèrent et ne sont pas de Dini (il poursuivra son univers dans la série Streets of Gotham – à découvrir justement dans le troisième et dernier tome de Paul Dini présente Batman). Il y aura un épisode de Neil Gaiman (DC #853) – disponible en France dans Les derniers jours du Chevalier Noir (pas encore chroniqué sur le site) – puis le run de Greg Rucka sur son Batwoman.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 28 août 2015.
Contient : Detective Comics #841, #843-850, #852 + Batman #685 + DC Infinite Halloween Special 
Nombre de pages : 296

Scénario : Paul Dini
Dessin : Dustin Nguyen
Encrage : Derek Fridolfs
Couleur : John Kalisz, Dustin Nguyen, Guy Major

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Makma)

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