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Batman White Knight – Génération Joker

La saga White Knight (aussi appelé le MurphyVerse – cf. index à venir prochainement) se poursuit avec un cinquième volume qui se concentre sur Jackie et Bryce, les jumeaux de Harley Quinn. Découverte.

[Résumé de l’éditeur]
Lorsque, Bryce et Jackie, les jumeaux du Joker et de Harley Quinn s’enfuient dans une Batmobile volée, seul l’hologramme de Jack Napier, a un espoir de les ramener chez eux sains et saufs et de les tenir à l’écart des séides du Joker. Mais le crime n’est pas la seule tentation à laquelle ils vont être confrontés : les enfants découvrent un secret qui pourrait ramener leur père à la vie pour de bon ! Arriveront-ils à faire revivre le plus grand ennemi du Chevalier Noir ?

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
À l’instar de l’opus White Knight centré sur Harley Quinn (déjà écrit par Katana Collins), celui sur Bryce et Jackie, les enfants d’Harley et Jack, prolonge chronologiquement l’entièreté de cet univers créé par Sean Murphy. Si le volume se concentre bien évidemment sur les jumeaux, il avance doucement quelques pions/personnages en vu de la suite de l’ensemble (légère révélation qui n’en est pas une si vous avez lu Beyond the White Knight : la conclusion de l’ouvrage introduit un personnage phare de l’univers de Superman, l’homme d’acier étant la promesse du prochain segment de White Knight, tout se recoupe donc en ce sens). Alors, qu’est-ce que vaut ce Generation Joker ?

Et bien… c’est une lecture rapide, plaisante et bien rythmée (l’entièreté de l’action s’étale sur une poignée d’heures) mais peut-être moins prenante et convaincante que les précédents volumes (ceux de Sean Murphy ou celui de Collins). Le pitch est simplement une course contre la montre pour retrouver les enfants fugueurs et éventuellement les sauver de différents dangers, à commencer par l’influence potentiellement néfaste de leur géniteur. Les personnages, principalement Bryce et Jackie donc, sont moins caractérisés et nuancés que leur parent, qui avaient eu droit à des moments soignées (principalement dans White Knight et dans le tome sur Quinn), ce qui est un peu dommage. La relation avec Jack Napier est complètement tirée par les cheveux et rejoint un des défauts de Beyond the White Knight : il s’agit d’un hologramme produit par une intelligence artificielle. Accepté cet élément mi science-fiction, mi facilité narrative, on suit un road-trip mouvementé où l’on croise plusieurs figures familières de Batman.

Ainsi, une poignée de vilains mythiques (la fille du Ventriloque et Scarface, Freeze, Poison Ivy…) et d’antagonistes propres au MurphyVerse (la Neo Joker entre autres) rivalisent avec la famille Quinzel et quelques versions singulières des créations de Murphy : Diana Ring et John Stewart en agents du FBI (Wonder Woman et Green Lantern normalement) ainsi que… Wally West ! Ce dernier mentionne d’ailleurs que Central City n’a jamais eu de super-héros, instaurant là l’idée que Flash n’existe pas (encore) et que seulement Batman opère dans ce monde. De quoi régaler les puristes de cet univers si atypique.

Côté écriture et narration, l’intrigue suit un chemin assez balisé, pas inintéressant pour autant mais manquant d’une certaine audace voire originalité qui faisait le sel des débuts de White Knight. C’est davantage un prolongement, voire une parenthèse, sympathique qu’une lecture indispensable dans la saga (à l’inverse du volet sur Harley Quinn qui, lui, ajoutait considérablement de choses pour se révéler aussi bien passionnant qu’incontournable, même meilleur que Curse of the White Knight à l’époque).

Côté dessin, Mirka Andolfo avait déjà signé quelques segments chez DC (Wonder Woman, Teen Titans, American Vampire…) et Marvel (Ms. Marvel, Extreme Venomverse…) mais est surtout connue pour des titres plus indépendants comme Ange et Démon, Mercy ou Sweet Paprika.  L’artiste promulgue à merveille un style entre celui de Sean Murphy et de Matteo Scalera (qui avait œuvré sur l’opus sur Quinn), c’est donc un quasi sans faute en terme de cohérence graphique de l’univers, d’autant plus que les découpages déstructurés apportent une certaine fantaisie à l’ensemble. On peut déplorer quelques séquences d’action un peu trop statiques en revanche ou des visages pas forcément expressifs mais c’est du chipotage. Au global, il n’y a pas grand chose à reprocher à la partie visuelle de Generation Joker. (En revanche, difficile d’adhérer au choix de couverture en noir et blanc d’Urban Comics tant celle-ci reflète peu l’ouvrage et, surtout, que de nombreuses autres auraient été plus judicieuses mais cela relève d’une certaine subjectivité.)

On aurait aimé apprécier davantage ce tome, auquel il manque à la fois un petit grain de folie propre au Joker ou davantage d’humanité (voire de mélancolie) qui fonctionnaient à merveille dans le premier White Knight et dans celui sur Harleen. La barre étant placé assez haut dans cette mythologie, on est donc un peu plus exigeant que la moyenne (c’est peut-être un tort) mais pour le prix (17 € les six épisodes et les bonus), peu de risque d’être trop frustré par cette histoire. S’aventurer de nouveau dans le MurphyVerse reste appréciable et on a surtout hâte de voir où vont nous mener les auteurs !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 3 mai 2024.
Contient : Batman White Knight : Generation Joker #1-6
Nombre de pages : 168

Scénario : Katana Collins, Clay McCormack (sur une idée originale de Katana Collins et Sean Murphy)
Dessin & encrage : Mirka Andolfo
Couleur : Alejandro Sanchez

Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

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Batman – White Knight • Harley Quinn

Nouvelle incursion dans le MurphyVerse, c’est-à-dire l’univers de Batman en marge de la continuité classique et débuté dans l’excellent titre White Knight. Après la suite moins réussie, Curse of the White Knight, et avant le prochain volet intitulé Beyond the White Knight, découverte du volume sobrement nommé Harley Quinn qui, comme son nom l’indique, propose un segment sur l’ancienne compagne du Joker. Que vaut ce troisième jalon dans l’univers White Knight ?
MàJ : deux mois après la sortie, donc en décembre 2021, une version noir et blanc est publiée par Urban Comics, limitée à 3.000 exemplaires.

[Résumé de l’éditeur]
Bruce Wayne est toujours enfermé en prison, payant pour ses exactions envers la ville de Gotham et tentant de se racheter aux yeux de ses anciens alliés. Mais il a à présent noué une relation de plus en plus forte avec son ancienne ennemie, l’ex-compagne de Jack Napier, Harleen Quinzel. Jeune maman, celle-ci est contactée par le GCPD pour l’épauler sur une affaire qui va faire remonter à la surface les souvenirs encore vivaces de son passé de criminelle.

[Histoire]
Harleen Quinzel raconte à ses deux jeunes jumeaux comment elle a rencontré et aimé leur père, Jack Napier. Les deux se sont trouvés bien avant d’être Harley Queen et le Joker…

Dans Gotham City, un tueur en série s’en prend à d’anciennes vedettes de cinéma et peint leur cadavre en noir et blanc. Duke Thomas et le GCPD/GTO (dirigé par Renee Montoya) ont besoin d’Harleen en tant que consultante afin de comprendre qui se cacher derrière ses crimes. Le Joker étant mort depuis deux ans, la piste de Neo-Joker (la rivale d’Harley) semble prometteuse.

Pendant ce temps, Bruce Wayne, toujours en prison, soutient son amie Harleen comme il le peut et leur relation prend un nouveau tournant…

[Critique]
Batman – White Knigt • Harley Queen
(BWKHQ) se déroule deux ans après Curse of the White Knight et en est clairement la suite, même si elle est centrée sur Harleen. Tous les évènements des deux précédents volumes sont à connaître avant d’entamer la lecture de celui-ci. En synthèse : difficile de s’attaquer au comic-book indépendamment sans connaître l’univers White Knight, qu’a créé dans le titre éponyme Sean Murphy (qu’il a écrit et dessiné). Il participe à l’écriture de « l’histoire » (comprendre la trame narrative globale) avec sa femme, l’auteure Katana Collins, qui signe intégralement le scénario. Murphy dessine uniquement les couvertures des chapitres et délaisse à Matteo Scalera l’entièreté des six épisodes que forme ce BWKHQ. Cette « nouvelle » équipe artistique assure brillamment cette relève temporaire, ajoutant même certaines qualités graphiques absentes de la série-mère (on y reviendra).

Ce tome « 2.5 » est incontestablement une réussite (non sans défauts, comme souvent, mais clairement on retient volontiers davantage le positif que le négatif). Tout d’abord il y a le plaisir de renouer avec le MurphyVerse et découvrir cette extension inédite qui fait avancer les choses et se concentre sur plusieurs personnages secondaires en plus d’Harleen. C’est une excellente chose. Ainsi, on revoit la Neo-Joker, curieusement absente dans le tome précédent, et on s’attarde enfin davantage sur la relation entre Bruce et Harleen (un des points forts du volume précédent également qu’on aurait aimé plus fouillé, c’est chose faite – toute en délicatesse).

Impossible de ne pas s’attacher à cette itération de Quinn, davantage apaisée que l’image iconique qu’on se fait d’elle. La jeune femme est dépassée par son rôle de mère, levant quelques tabous et assumant même la difficulté du quotidien voire du bonheur d’avoir des enfants ! Entre le deuil de Jack (qu’elle a tué à la fin de Curse…), la romance platonique avec Bruce (aka « Oncle Bruce » pour ses jumeaux) en prison et sa curieuse rédemption dans le GCPD, l’écriture d’Harleen est extrêmement soignée et réussie. Ses fidèles hyènes servent le récit à plusieurs reprises et, de facto, sont également attachantes.

Entre un certain humanisme qui se dégage de l’ensemble (le discours de Bruce – dans les flashs-back ou au présent – n’a jamais été aussi enthousiaste pour tirer les gens vers le haut, ça fait du bien !) et deux thématiques universelles, le deuil et l’amour, délicatement travaillées sans tomber dans le pathos ou le cliché, BWKHQ gagne à être lu tant il propose un voyage élégant et parfois surprenant. Le lecteur revisite en effet quelques morceaux de la mythologie de Batman, comme Robin/Jason Todd battu par le Joker (on ignore si dans cet univers le Clown est allé jusqu’à tuer le second Robin – à priori non). Todd devenu Red Hood puis… directeur de prison ! Le personnage est malheureusement survolé, on le voit à peine. Tout comme Ivy (et l’anecdotique figuration du Chapelier Fou), parmi les célébrités de la galerie d’alliés ou d’ennemis du Chevalier Noir qui n’avaient pas encore eu droit à leur traitement dans White Knight.

Néanmoins, on se régale de voir  Simon Trent « en chair et en os en bande dessinée ». Qui ça ? Simon Trent, le fameux acteur qui joue « le Fantôme Gris » (The Gray Ghost), introduit dans le formidable épisode Le Plastiqueur fou dans Batman, la série animée (S01E18). Trent avait brièvement l’honneur de rejoindre les comics comme professeur à la Gotham Academy (dans la série du même nom) mais cette fois l’hommage est plus puissant. Quelle belle idée ! Elle fait complètement sens dans le déroulé de l’enquête – des meurtres de l’Age d’or du cinéma à Gotham – et permet de séduire aussi bien les fans de Batman que les nouveaux venus. Pour l’anecdote, c’est Adam West (incarnant Batman à la télé dans les années 1960) qui doublait Trent dans l’unique épisode de la série d’animation, c’était l’obligation souhaitée par la production. Bref, la mise en abîme et l’hommage se répercutent enfin élégamment en comics !

Comme évoqué, il y a pourtant quelques éléments un peu moyens dans le récit. Des nouveaux personnages pas vraiment mémorables, un peu cliché… Incluant Hector Quimby, très présent et volontairement suspect. La motivation des « méchants » et leurs identités sont elles-aussi passables (on les découvre assez tôt). Dommage de ne pas avoir pioché dans des têtes connues pour dynamiser une fois de plus les versions « différentes » de la continuité classique de Batman. On retombe donc dans un travers classique d’ennemis interchangeables et vite oubliables ; malheureusement… Cela ne marquera donc pas le titre mais ce n’est pas grave cette fois car on retient ce qu’il y a autour. Ainsi, on peut dresser un parrallèle intéressant avec un autre comic-book récent : Joker/Harley : crime sanity. Dans ce dernier, la proposition graphique prenait le pas sur l’écriture et l’enquête en elle-même avec Harleen profileuse. Ici, l’ex compagne du Clown est dans un rôle assez similaire mais c’est son évolution qui prend le dessus, son attachement, l’empathie grâce au talent de Katana Collins (couplé au travail du dessinateur Matteo Scalera et la colorisation de Dave Stewart, évidemment), romancière qui signe sa première BD ici. Pour chipoter, on peut pointer du doigt l’étrange « facilité » avec laquelle Harleen est acceptée et intégrée au GCPD, comme si elle n’avait jamais été réellement une criminelle plus tôt (c’est « un peu » le cas)…

C’est ce qu’explique Katana Collins en avant-propos pour justifier l’orientation polar psychologique et un mystère basé sur les relations humaines. « A l’époque on regardait la série Mindhunter, et c’est un peu comme ça qu’est née Harley la détective. […] Harely n’a jamais su qui elle était, elle oscille toujours entre de nombreuses personnalités, entre être une docteurs ou un arlequin. Maintenant c’est une mère. Elle peur s’adapter à tout. » Il était important qu’elle et Jack « ne se rencontreraient pas à Arkham. Ils ne se sont pas rencontrés en tant que le Joker et Harley, mais comme Jack et Harleen. » « Le cœur de l’histoire, ce sont les gens. C’est un mélange d’interactions humaines et d’émotions » ajoute Matteo Scalera, grand fan de Sean Murphy et ami proche du dessinateur. Scalera a essayé d’utiliser les angles de vue de Sean Murphy, combinés à son propre style.

Une formule gagnante tant les planches et les traits globaux rappellent en effet ceux de Murphy – gardant ainsi une certaine cohérence graphique dans l’univers – tout en proposant une touche plus « douce », moins rugueuse et « carrée/virile » de son maître. Cela ajoute indéniablement cette humanité évoquée plusieurs fois. Difficile de la retranscrire, c’est à la fois du ressenti (donc de la subjectivité) et du factuel (objectivité), observée entre autres par davantage de scènes « du quotidien » mixée à des émotions sur des visages peut-être plus expressifs que dans WK et CotWK. Scalera est le dessinateur de l’excellente série Black Science (disponible aussi chez Urban Comics), si le style vous a séduit, foncez dessus (ou, à l’inverse, si vous le connaissez et appréciez déjà, vous apprécierez son incursion batmanesque) !

On retrouve des allusions/hommages au film Batman de Burton (entre autres lors de la « création » de Napier en Joker) et des découpages pleine page qui sont un régal pour les yeux. La même équipe artistique avait signé un chapitre inédit dans Harley Quinn Black + White + Red (presque entièrement en noir et blanc, avec des touches écarlates). Cet épisode est inclus en fin d’ouvrage, se déroulant un peu plus tard que l’histoire principale, c’est donc un complément pertinent. Croquis, couvertures alternatives… sont au programme (habituel) des bonus de l’édition. L’ouvrage sort aussi en noir et blanc, à l’instar de ses deux prédécesseurs, en édition limitée.

Batman – White Knight • Harley Quinn poursuit la revisitation visionnaire du Chevalier Noir sous le prisme d’une Harley Quinn complètement différente de son image habituelle et c’est un vrai plaisir à lire ! Le livre rejoint même les coups de cœur du site et devient un indispensable pour tous les fans de la muse du Joker.

[A propos]
Publié en France chez Urban Comics le 29 octobre 2021.

Contient Batman: White Knight presents Harley Quinn #1-6 + Harley Quinn : Black + White + Red #6

Histoire : Katana Collins, Sean Murphy
Scénario : Katana Collins
Dessin : Matteo Scalera
Couleur : Dave Stewart

Traduction : Benjamin Rivière et Julien Di Giacomo
Lettrage : MAKMA (Sabine Maddin et Stephan Boschat), Moscow Eye

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