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Batman – Tome 06 : Passé, Présent, Futur

Le sixième tome de la série Batman, débutée avec La Cour des Hiboux, contient six chapitres un peu « fourre-tout » se déroulant entre des arcs narratifs. Tous ont déjà été publiés dans les magazines Batman Saga. Il s’agit des épisodes #18-20, se déroulant après Le Deuil de la Famille, mais surtout après Grant Morrison présente Batman – Tome 08 : Requiem et de l’épisode #34 (situé entre L’An Zéro et Fini de Jouer). Également au programme : Batman Annual #2 et Detective Comics #27. Retour sur cet opus particulier qui sortira le 3 juillet prochain.

Batman tome 6 passe present futurCi-dessous, les résumés et avis chaque épisode, avant une rétrospective plus générale ensuite. Les critiques des trois premiers chapitres de Batman sont un copié/collé de ceux déjà présents dans cet article, sur lequel on s’attardait sur les conséquences de l’histoire de Le Deuil de la Famille. On s’apercevait que c’était surtout la mort de Damian Wayne qui avait des répercussions, ce qui est logique mais donnait la sensation d’avoir été dupé par la conclusion de Le Deuil de la Famille — même si celle-ci se ressentira davantage par la suite, à travers Le Règne du Mal (Justice League), Batman Eternal, ou d’autres séries du Batverse.

NB : les divers back-up ne sont pas forcément retranscrits, ne sachant pas la composition précise du tome.

batman 18 deuilBatman #18 : Résiste [Publié dans Batman Saga #20]
Scénario : Scott Snyder et James Tynion IV | Dessin : Andy Kubert et Alex Maleev

Harper et Cullen (aperçus juste après la fin de La Nuit des Hiboux, dans Batman #12 : L’esprit dans la machine) rendent visite à leur père, à la prison Blackgate. Peu après, Harper suit Batman et s’inquiète énormément pour lui, elle constate qu’il use d’une violence inouïe, peu habituelle et à la fois de jour comme de nuit. Elle décide de le rencontrer…

La sœur et le frère mi-punk mi-justiciers sont de nouveaux personnages qu’il est agréable de recroiser. Ils donnent également une place de choix à la ville, comme dans chaque histoire de Snyder. Ici, c’est évidemment le deuil qui est abordé. Le deuil d’un père envers son fils, d’un justicier envers son collègue, mais pas du tout du « deuil de la famille » concoctée par le Joker. La facilité avec laquelle une adolescente suit le Chevalier Noir peut décontenancée. Sans rapport direct avec les autres tomes de la série, ce chapitre pose un problème de continuité pour les non-lecteurs de la saga Grant Morrison présente Batman ou la série Batman & Robin.

batman homme de nul partBatman #19-20 : Homme de nulle part (1ère et 2ème partie) [Publié dans Batman Saga #21]
Scénario : Scott Snyder | Dessin : Greg Capullo

Un homme prend en otage une jeune femme et la ceinture de dynamites. Gordon arrive sur les lieux et découvre avec stupéfaction qu’il s’agit de… Bruce Wayne !
Batman enquête sur cet imposteur et découvre rapidement qui se cache derrière ce mystère. Par ailleurs il n’est pas prêt à faire le deuil de son fils…

Cette histoire se voulait être surprenante (elle a été publiée dans le cadre du mois « WTF ?! » aux États-Unis, à savoir « what the fuck ?! / c’est quoi ce truc ?« ) mais c’est complètement raté. Passé ce « détail », les dessins de Capullo sauvent un peu la mise mais l’ensemble reste prévisible et pas extraordinaire. Alfred fait référence au Joker mais il est coupé directement par son maître qui lui interdit de mentionner le sujet (toujours dans le cadre de post-Deuil de la Famille). À noter également, une référence de Gordon à l’An Zéro, début de son amitié avec Bruce Wayne. La dernière planche s’avère particulièrement émouvante.

Batman Annual 2Batman Annual #02 : Cages [Publié dans Batman Saga #25]
Scénario : Marguerite Benett et Scott Snyder | Dessin : Wes Craig

Eric Border est nouvel aide-soignant à l’Asile d’Arkham. Le soir de sa prise de fonction, Batman est incarcéré volontairement afin de tester l’aile Tartare, pour voir si les prisonniers pourraient s’échapper ou non. Pendant ce temps, Eric va faire la connaissance de la toute première patiente : l’Anachorète.

Une légère réflexion sur la possibilité que l’asile serait resté un hôpital « sain » sans Batman, des graphismes moyens, une ennemie guère mémorable, un nouveau venu dans le Batverse, les éternels souvenirs de Bruce auxquels se greffent ceux des Hiboux, son frère et son fils mort Damian… font de ce chapitre un sympathique divertissement, mais hélas vite oubliable.

Batman Detective Comics 27Detective Comics #27 : L’affaire de la mafia des chimistes [Publié dans Batman Saga #27]
Scénario : Brad Meltzer | Dessin : Bryan Hitch

Premiers pas de Batman : grâce à des micros posés sur des policiers, il apprend qu’un actionnaire d’une entreprise de chimie est mort. Très vite d’autres confrères de l’homme d’affaire sont tués aussi. Batman enquête.

À certains anniversaires de Batman « L’affaire du syndicat de la chimie » est modernisée. En effet, cette histoire a été publiée dans le tout premier Detective Comics #27 ! Ici, elle n’est pas très efficace dans son scénario, mais dévoile une narration omniprésente de Batman, façon journal-intime, dans son combat, sa façon d’être, ses doutes, ses peurs, etc. Même si les dessins sont récents, on trouve une certaine nostalgie agréable. Bel hommage dans lequel on voit les prémices du futur Joker, le nom de Crane apparaît aussi. Espérons que les planches du numéro original soient publiées afin de mieux saisir la difficulté de l’exercice et cette approche expérimentale.

Batman 34Batman #34 : La Terre des Humbles [Publié dans Batman Saga #35]
Scénario : Scott Snyder et Gerry Duggan | Dessin : Matteo Scalera

Le Chevalier Noir poursuit un tueur en série dont les victimes sont des gens portés disparus ou SDF, tous anciens patients du Dr. Thompson.

Situé pendant le dernier tiers de Batman Eternal, cette énième « enquête » s’oublie rapidement, elle est sauvée par les planches dessinées par Matteo Scalera. L’artiste utilise des traits relativement « carrés » et l’ensemble possède une atmosphère lugubre. À noter, la présence d’Eric Border, le nouvel aide soignant. Si l’histoire avait été étalée sur plusieurs chapitres, il y aurait eu matière à avoir quelque chose de très très bon.

[Critique globale de l’ensemble]
Comme dit en introduction, ce tome est très « fourre-tout ». C’est donc dès le départ une lecture risquée. Pas de réelles suites directes entre chaque histoire (exceptés les #19-20), des petits récits assez indépendants mais tous oubliables… Graphiquement du très bon (Capullo, comme toujours, Kubert aussi, et Scalera) et du moins bon évidemment (Craig et Hitch). Ça ne suffit pas à sauver l’ensemble de toute façon, qui peut se lire comme une sorte de pause dans la série.

Une bonne partie revient sur le deuil de Batman à propos de Damian, à (re)lire dans le dernier tome de Grant Morrison présente Batman. Cette répercussion n’est plus d’actualité mais se retrouvera aussi dans Batman & Robin – Tome 04 (pas encore annoncé). Des références à L’An Zéro parsèment aussi le récit, mais toutes ces connexions, et celles aux Hiboux ou autres, restent assez anecdotiques. Il faut donc être familier avec beaucoup d’autres séries pour mieux saisir l’ensemble.

On peut saluer le geste d’Urban de vouloir « tout » publier sur la série Batman en librairie (et ainsi de se calquer sur la version américaine), mais cet opus est clairement passable. Le collectionneur féru se sentira obligé de l’acheter, puisque Passé, Présent, Futur (curieux titre, pas vraiment justifié) porte le numéro six sur le dos du livre (communément appelé par erreur la tranche), alors qu’une publication en one-shot aurait été plus approprié.

Le septième tome, Fini de jouer, marquera le retour du Joker après Le Deuil de la Famille, c’est à découvrir en avant-première sur cet article.

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Tome 6 : Passé, Présent, Futur
• Tome 5 : L’An Zéro – 2ème partie
• Tome 4 : L’An Zéro – 1ère partie
• Tome 3 : Le Deuil de la Famille
• Tome 2 : La Nuit des Hiboux
• Tome 1 : La Cour des Hiboux

 

Amère Victoire

Suite directe d’Un Long Halloween, cette Amère Victoire est à savourer juste après et tient sa très bonne place de troisième livre chronologique sur Batman.

Comics Batman 05 Amere Victoire[Histoire]
Un nouveau tueur en série, inspiré de Holiday, sévit dans Gotham City. Il s’en prend à plusieurs policiers et les corps des victimes sont retrouvés avec un jeu du pendu incomplet sur eux, dessinés sur des feuilles de dossiers appartenant au procureur Harvey Dent, devenu Double-Faceu.

Du côté des familles mafieuses, l’empire Falcone est revenu à Sofia, la fille de Carmine. Celle-ci, handicapée suite à sa chute provoquée par Catwoman, est bien déterminée à perdurer le nom de son père.

Mais la mafia est en déclin dans la ville, qui tombe petit à petit aux mains des fous d’Arkham, comme L’Épouvantail, L’Empoisonneuse et le Joker.

Gordon enquête sur ce Tueur au Pendu, en devant supporter la procureur Porter, et en étant toujours en conflit avec sa femme Barbara…

Batman tente tant bien que mal de trouver l’identité du serial-killer, tout en essayant vainement de retrouver la part humaine de Double-Face et en luttant toujours contre la mafia et les autres criminels. Un nouvel assistant ne serait pas de trop pour lui…

Batman Dark Victory[Critique]
L’histoire est à lire directement après Un Long Halloween, il serait dommage de commencer par Amère Victoire, qui dévoile l’identité de Holiday dès les premières planches. Les mêmes ingrédients s’appliquent : un tueur en série, des retournements de situations, plusieurs coupables potentiels, l’ascension (et la chute) de la mafia, la galerie d’ennemis traditionnels, beaucoup de mystères, d’action, de scènes quotidiennes « humaines » (notamment pour Gordon en pleine rupture, ou encore entre Alfred et son maître), etc. Cette recette quasi-identique (qu’on retrouvera aussi dans Silence, par le même scénariste) réussi à nouveau à tenir le lecteur en haleine, la surprise en moins de découvrir l’univers croquée par Tim Sale et les personnages.

Amère Victoire (Sombre Victoire aurait été plus judicieux, Dark Victory étant le titre original, peut-être qu’Urban Comics n’a pas voulu se rapprocher de son autre titre Sombre Reflet) est aussi un œuvre complète sur Harvey Dent. En effet, la dualité entre l’homme bon et celui devenu fou agite les protagonistes. Si Gordon souhaite laisser de nouvelles chances à l’ancien procureur, pour Batman c’est, à priori, terminé : Dent et mort, Double-Face est vivant. À l’instar d’Un Long Halloween, cette histoire se targuerait parfaite de l’appellation Double Face – Année Un (à suivre dans la foulée avec Robin – Année Un, qui voyait l’homme déformé devenir l’ennemi numéro un du jeune prodige avec des conséquences importantes).

Batman Dark Victory Gordon PorterRobin qui fait donc ici sa première apparition, est source de légèreté dans un univers bien sombre. Saluons la jolie mise en abîme de l’enfance de Dick avec celle de Bruce. Le rouge-gorge n’arrive qu’au dernier tiers du récit et c’est tant mieux. Tim Sale explique dans la préface qu’il était de base réticent à utiliser Robin, trop jeune, trop coloré, dans un monde ténébreux. C’est le scénario de Loeb qui l’a immédiatement convaincu, par son approche réaliste et qui devient un véritable atout, aussi bien dans les interactions avec Bruce, Alfred et Wayne, que dans l’ensemble de l’histoire.

Batman Dark Victory RobinIl y a moins à « critiquer » sur Amère Victoire, tant on pourrait le trouver indissociable de son prédécesseur, les deux œuvres formant un tout unique et incontournable. Là aussi, l’ambiance visuelle, très sombre et la patte spécifique de Tim Sale font des merveilles. Là aussi, le scénario — effet de surprise en moins donc — va surprendre et se dévore d’une traite. Là aussi, le prix peut être un frein (35€) mais ce serait dommage.

Le recueil se termine sur deux pages de croquis/couvertures (bien maigre donc) et la très courte histoire Chevalier Servant, de décembre 2004 narrant l’éternel jeu du chat et de la souris entre Catwoman et Batman. La féline est d’ailleurs absente une bonne partie de l’ouvrage, elle se rend à Rome avec le Sphinx. On comprend pourquoi à la conclusion d’Amère Victoire, et on peut découvrir son récit dans Des Ombres dans la Nuit, plus dispensable.

Batman Dark Victory Bruce SelinaLes mêmes qualités qu’Un Long Halloween font de cette suite un comic à la hauteur, qui a le mérite de continuer de surprendre et dresser un psyché des personnages mythiques avec une maturité étonnante. À lire ou relire et à posséder, inévitablement.

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 23 mars 2012.
Titre original : Dark Victory (+ Date Knight in Solo #1)
Scénario : Jeph Loeb
Dessin & encrage : Tim Sale
Couleur : Gregory Wright
Inspiration : Archie Goodwin
Lettrage : Laurence Hingray & Christophe Semal
Traduction : Alex Nikolavitch

Titres des chapitres :
Prologue
1 – Guerre
2 – Secrets
3 – Jouets
4 – Perdu
5 – Amour
6 – Haine
7 – Aliénés
8 – Affrontement
9 – Orphelins
10 – Justice
11 – Passion
12 – Vengeance
13 – Sérénité

Première publication originale en 2002.
Publié en France chez Semic en quatre tomes, intitulé Dark Victory, en 2002-2003.
Amère Victoire a aussi été édité en Noir et Blanc dans une version agrandie et limitée pour les 75 ans du Chevalier Noir (et curieusement Un Long Halloween n’a pas bénéficié du même traitement, ce dernier est d’ailleurs sortie un an plus tard qu’Amère Victoire alors qu’il se déroule après).

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Batman Dark Victory Robin Alfred Batman Dark Victory Sphinx Riddler

Un Long Halloween

Principale source d’inspiration (avec Année Un) pour les films Batman Begins et The Dark Knight, Un Long Halloween est généralement le deuxième ouvrage à lire quand on commence les comics Batman. Celui-ci est considéré comme la suite d’Année Un, Frank Miller ayant donné son accord pour la réutilisation de ses personnages. Les auteurs d’Un Long Halloween partiront de ce principe pour développer leur fabuleuse histoire. Retour sur un récit incontournable.

Comics Batman 04 Un Long Halloween[Histoire]
Carmine « Le Romain » Falcone
règne en maître dans Gotham City. Son réseau, son influence et son pouvoir n’impressionnent pas Bruce Wayne, qui refuse de signer des accords d’entreprise avec lui, opération visant à blanchir l’argent sale de Falcone. Seul le neveu de celui-ci avait eu le courage de tout dénoncer devant un tribunal, avant de se raviser suite à une grosse somme d’argent déboursé par son oncle.

Harvey Dent, procureur ambitieux, souhaite arrêter Falcone mais ne peut franchir la ligne de la légalité. Épaulé par le lieutenant James Gordon, ils feront appel à Batman pour s’associer ensemble et coincer Falcone.

Mais le neveu de ce dernier est assassiné le soir d’Halloween… Pire encore : chaque mois, lors d’une fête, une personne en lien avec Falcone est tuée. Le meurtrier, surnommé Holiday, est introuvable. Bientôt, ce sont les fous d’Arkham qui feront aussi parler d’eux dans Gotham City : le Joker, Poison Ivy

Le Chevalier Noir, Gordon et Dent devront faire face à toutes ces menaces, en plus de leurs problèmes dans leurs vies privées, pour ramener la paix dans la ville et mettre fin aux agissement des clans mafieux et de Holiday.

Batman Long Halloween Batman Catwoman[Critique]
Un Long Halloween se lit, et relit, d’une seule traite (et rapidement). Énormément d’informations se succèdent dans cette histoire en treize chapitres, chacune s’axant sur un ou plusieurs protagonistes. Il y a tout d’abord, et c’était rarement vu jusqu’ici, les familles mafieuses. Falcone au centre du récit (dont la joue griffée par Catwoman dans Année Un rappelle la continuité directe — le personnage a d’ailleurs été inventé par Miller), avec ses enfants et sa sœur, mais aussi Maroni, le grand rival. Les références au livre et au film Le Parrain sont légions, du propre aveu du scénariste Jeph Loeb. Cette plongée au cœur de la mafia ayant la main mise sur la ville, à travers son réseau, l’argent sale et l’intimidation, surprend dans un univers qui était jusque là plutôt réservé aux fous d’Arkham, traditionnels ennemis du Chevalier Noir.

Batman Long Halloween FalconeC’est en effet la première fois que cet angle hyper réaliste est accentué dans un comic-book sur Batman, dans la droite lignée du travail qu’avait effectué Frank Miller auparavant. Mais la galerie de vilains du Dark Knight n’est pas en reste, puisque apparaîtront successivement Le Joker (pour une de ses premières fois), Poison Ivy, Le Sphinx, L’Épouvantail, Le Chapelier Fou, Calendar Man et même Solomon Grundy. Chacun a un rôle justifié et ne sert pas uniquement le récit pour de la figuration, bien au contraire. Double-Face n’est pas en reste, puisqu’Un Long Halloween est clairement l’équivalent de l’Année Un d’Harvey Dent. On suit le procureur assoiffé de justice dans sa croisade, aux côtés de Gordon et Batman, puis on découvre par petites touches sa schizophrénie potentielle, avant d’assister littéralement à sa naissance et son nouvel alias.

Harvey Dent est donc, lui aussi, au cœur du récit, mais ne vole pas la place à l’homme chauve-souris, qui alterne son rôle de vigilant et de playboy milliardaire avec un bon équilibre (là aussi un aspect pas forcément commun aux autres comics). Autour d’eux : Gordon tente de jongler entre son travail fastidieux et sa vie privée, dont le couple fragile (à voir dans Batman : Année Un) a vu l’arrivée de James Jr.. Couple qui trouvera un certain écho dans celui d’Harvey et Gilda. La femme du procureur se trouvant dans la même position que celle de Gordon à son arrivée dans Gotham City : de nombreuses menaces sur la famille, un mari souvent absent, etc. Ce sont ces petites touches de scènes quotidiennes, totalement transposables « dans notre monde et propre vie privée » qui assurent davantage d’immersion dans l’histoire. Tous les personnages génèrent de l’empathie ou de la sympathie.

Batman Long Halloween Dent Gordon GCPDCe n’est pas terminé : le tueur en série Holiday tient lui aussi le lecteur en haleine. À la première lecture, difficile de deviner qui est le meurtrier : Dent ? La sœur de Falcone ? Sa fille ? Catwoman ? Un inconnu ? Une inconnue ? Des inconnus ? À la seconde lecture, c’est l’évidence même et c’est là tout le génie de Loeb : il a écrit un polar pouvant être dévoré plusieurs fois avec chaque fois une nouvelle vision et tellement de sujets et de personnages que ce n’est pas forcément l’identité d’Holiday qui est au premier plan. C’est l’essence même d’un grand comic (et livre, d’une manière générale) : un parfait dosage de sujets personnels, intimes, mais également de suspens, d’action et de mystères. On notera que des années plus tard, le scénariste, associé cette fois au talentueux Jim Lee, publie Batman : Silence dont le schéma narratif est un peu identique. Tous les ennemis (et les alliés) interfèrent à chaque chapitre, Batman cherche l’identité de Silence, etc.

Un Long Halloween bénéficie du style atypique de Tim Sale. L’artiste croque ses personnages avec un petit côté « carré », rappelant parfois le travail de Frank Miller. Allant même, dans certaines planches, vers une approche à la Sin City, avec des cases noires et blanches monochromatiques. La quasi-permanence d’ombres procure une ambiance visuelle à nouveau dans la veine polar. À noter qu’Un Long Halloween est le fruit du travail effectué plus ou moins en amont par le duo d’artistes dans trois épisodes « Halloween Specials » quelques mois avant (et compilés dans Des Ombres dans la Nuit, avec le récit Catwoman à Rome, qui viendra clore la mini-série entamé avec Un Long Halloween et poursuivie avec Amère Victoire).

Batman Long Halloween JokerSi l’on cherche des défauts, on pourrait s’attarder sur Poison Ivy, dont la façon d’agir tranche un peu avec le réalisme observé dans le reste du récit, et la présence de Catwoman, indispensable évidemment, mais dont les finalités sont inabouties. Elle se contente d’être spectatrice sans qu’on comprenne réellement si elle a un but derrière tout cela. Peut-être qu’on en saura plus dans Amère Victoire, la suite directe, ou celle consacrée à son personnage : Catwoman à Rome. Certaines critiques pointent du doigt l’approche trop réaliste de l’ouvrage et le manque de « méchants fous » au détriment de membres de la mafia (sic). C’est évidemment une des qualités principales de l’œuvre, qui change un peu des autres ouvrages tout d’abord, et surtout qui est un peu fausse puisque la plupart des ennemis classiques apparaissent dans Un Long Halloween.

« Un Long Halloween est plus qu’un comic-book.
C’est une tragédie épique. »
Christopher Nolan, réalisateur de la trilogie The Dark Knight.

Le prix relativement élevé de l’ouvrage (35€) se justifie par son nombre de pages (416) et quantité de bonus mais reste tout de même trop onéreux (surtout par rapport à d’autres productions de l’éditeur). Beaucoup de compléments donc : une préface de Christopher Nolan et David S. Goyer, au moment de la sortie de Batman Begins et des prémices d’écriture de The Dark Knight (dont Un Long Halloween est clairement leur inspiration première pour ces deux films), des interviews de Jeph Loeb et Tim Sale, qui permettent de comprendre la matière créatrice de l’œuvre, des résumés, anecdotes et beaucoup de croquis, ainsi que les couvertures des treize numéros originaux.

Batman Long Halloween SphinxUne enquête-fleuve au sein de la mafia, un trio emblématique d’héros, la naissance de Double Face, une bonne partie des fous d’Arkham, un serial-killer mystérieux, etc. le tout servi par une fantastique ambiance visuelle avec des coups de théâtre et retournements de situations. Résolument culte et indispensable en seconde lecture des aventures du Chevalier Noir !

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 4 janvier 2013.
Titre original : The Long Halloween
Scénario : Jeph Loeb
Dessin & encrage : Tim Sale
Couleur : Gregory Wright / Dave Stewart (pages complémentaires)
Lettrage : Laurence Hingray & Christophe Semal — Studio Myrtille
Traduction : Thomas Davier

Titres des chapitres :
1 – Crime
2 – Thanksgiving
3 – Noël
4 – Réveillon de la Saint-Sylvestre
5 – Saint-Valentin
6 – Saint-Patrick
7 – 1er Avril
8 – Fête des Mères
9 – Fête des Pères
10 – Jour de l’Indépendance
11 – Fête Romaine
12 – Fête du Travail
13 – Châtiment

Première publication originale en 1996-1997.
Publié en France en 1999 chez Semic dans quatre Batman hors-série. Réédité ensuite en intégrale version Absolute chez Panini Comics en 2009, puis deux ans après en version intégrale Deluxe (moins cher et moins épaisse que l’Absolute, qui avait énormément de bonus).

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