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Batman : Detective – Tome 2 : Médiéval

Après un premier tome très décevant mais qui contenait un épilogue annonçant élégamment ce second volet (via un des nombreux épisodes #1000 de Batman Detective Comics), découverte de Médiéval.

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir passé un test dans un simulateur où chaque année Batman exorcise ses démons et se confronte à sa propre mort, Bruce Wayne reprend la mission de sa vie : protéger Gotham. Mais l’apparition d’un mystérieux chevalier vêtu d’une armure lourde, armé d’une épée et visiblement très au fait des activités de l’homme chauve-souris, va lancer une véritable joute : le Chevalier Noir contre le Chevalier d’Arkham !

[Début de l’histoire]
Pas besoin de détailler davantage, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Le premier volume se soldait par une pirouette scénaristique paresseuse et frustrante : les affrontements de Batman étaient issus de son imagination via une simulation. Cette fois, le même scénariste (Peter Tomasi) propose un véritable ennemi, pas inintéressant au demeurant (on y reviendra) mais qui s’imbrique – à nouveau – très mal dans la mythologie de Batman (on en reparlera aussi).

En effet, dans Médiéval, comme son nom l’indique, le détective affronte un chevalier et ses sbires calqués sur les combattants de l’ère moyenâgeuse. Ledit chevalier a beau s’appeler « Le Chevalier d’Arkham » (pour une raison qu’on dévoilera plus loin), il n’a strictement rien à voir avec l’antagoniste du même nom dans le comic éponyme qui enrichissant l’univers du jeu vidéo Arkham Knight (traduction littérale du… Chevalier d’Arkham). En synthèse, ce n’est pas Jason Todd qui se cache sous l’armure du chevalier. À l’instar de la critique de l’opus précédent, il convient de dévoiler l’identité de cet antagoniste afin d’en dresser une critique. Passez au cinquième paragraphe pour préserver la surprise.

La personne sous le casque de chevalier est une femme. Il s’agit d’Astrid Arkham, la fille de Jeremiah Arkham et Ingrid Karlsson. Une ennemie créée pour l’occasion dont les origines (narrés au milieu de la fiction) sont plutôt originales. Sa mère était médecin dans le célèbre asile, en couple avec son directeur ; lors d’une émeute, Ingrid accouche et – contre toute attente – les patients protègent le nouveau-né et sa génitrice ! Malheureusement, un autre prisonnier va tuer Ingrid avec… des batarangs !

C’est évident cet évènement qui déclenchera plus tard la vengeant du Chevalier d’Arkham envers le Chevalier Noir, accusé donc à tort de ce meurtre. La démarche est donc logique, bien qu’un peu convenu, mais l’idée d’une éducation collective par les pensionnaires d’Arkham envers une enfant était bien vu. C’est malheureusement le point le moins exploité de la fiction. Voir le Joker et Harley Quinn en flash-back en parents de substitution ou d’autres vilains emblématiques se prendre d’affection et protéger Astrid était la bonne idée de Médiévale. Mais ça s’arrête là…

Comme évoqué plus haut, la présence d’un chevalier du moyen-âge en armure, épaulé par des combattants à l’arc, se marie maladroitement avec la mythologie de Batman. C’est déjà le cas lorsque Azrael entre en scène dans diverses histoires, son esthétique dénote avec le reste de la galerie de protagonistes de Batman et – idem que dans Mythologie – casse un peu le registre thriller, noir et enquête propres au Chevalier Noir depuis quelques années. On le rappelle : il n’y a aucun problème à s’essayer à plusieurs styles de fiction pour enrichir le mythe de Batman, lui-même étant passé par à peu près tous les genres (fantastique, science-fiction, réaliste…) mais c’est rarement extraordinaire ou indispensable… On retrouve d’ailleurs ici le Dr. Phosphorus, un méta-humain comparable à une sorte de squelette radioactif (aperçu dans Dark Detective, Catwoman ou brièvement dans Trois Jokers).

En somme, le récit Médiéval bénéficie d’un rythme soutenu, facilitant sa lecture, bien aidé des dessins de Brad Walker, adepte de constructions dynamiques éclatées sur des doubles pages. Cela ne sauve pas l’ensemble mais permet d’introduire une nouvelle méchante globalement charismatique, mal développée ici mais prometteuse pour une éventuelle autre utilisation sous une plume davantage inspirée. Cette fois, Batman n’intervient pas seul mais avec l’aide de son fils Damian en Robin, de quoi offrir quelques échanges ciselés et amusants mais rien de folichon non plus.

Après les cinq chapitres de Médiéval, la bande dessinée propose un interlude en deux épisodes : Ça va saigner et Laisse saigner (dans la version librairie, Le Sang coulera / Sang pour sang en format kiosque, étonnamment !), tous deux suivant une coopération inédite entre Le Spectre et Le Chevalier Noir, dessinés et encrés par Kyle Hotz qui confère une envoûtante patte graphique rappelant le Batman des années 1990. Longues oreilles pointues, cape fantasmagorique, contours brumeux, ambiance lugubre, Gotham sombre et inquiétant… – on pense par exemple au Batman de Year Two / Année Deux – on aurait aimé en voir davantage ! L’histoire en elle-même offre une parenthèse rude et sanglante, pas assez forte pour être marquante mais réellement réussite visuellement, bien plus que ce qu’on a lu juste avant dans Médiéval.

Si le premier tome survolait le cliché de l’introspection de Batman, ici c’est le classique « Batman créé ses propres ennemis » qui est vaguement narré… Ce deuxième tome est donc « un peu mieux » que le précédent mais ni l’écriture ni les dessins n’offrent un divertissement immanquable. À ce stade, on ne conseille pas vraiment ces deux premiers volets, en espérant que les trois suivants (la série est terminée en cinq opus) se démarquent davantage, soit en proposant un fil rouge narratif étalé sur l’ensemble des tomes, soit un récit solide indépendant du reste de la série. Croisons les doigts…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 14 février 2020.
Contient : Detective Comics #1001-1007

Scénario : Peter Tomasi
Dessin : Brad Walker (#1001-1005), Kyle Hotz (#1006-1007)
Encrage : Andrew Hennessy (#1001-1005), Kyle Hotz (#1006-1007)
Couleur : Nathan Fairbain (#1001-1005), David Baron (#1006-1007)

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.frBatman : Detective – Tome 2 : Médiéval (17€)



Batman : Detective – Tome 1 : Mythologie

Après les sept tomes de la série Batman – Detective Comics et après trois histoires non publiées en librairie (mais en kiosque), la série se renouvelle avec une équipe artistique différente accueillant notamment Peter J. Tomasi à l’écriture (déjà à l’œuvre sur la sympathique Batman & Robin). Pas vraiment une suite directe, plutôt un éternel « nouveau départ », que vaut ce premier tome de Batman : Detective ?

[Résumé de l’éditeur]
Batman est appelé par le Commissaire Gordon sur la scène de crime la plus déroutante qu’il ait eu à analyser : la réplique macabre du propre meurtre de ses parents, Thomas et Martha Wayne ! Dérouté, le Chevalier Noir tente par tous les moyens de percer le mystère de cette mise en scène, tout en protégeant ses proches, Alfred Pennyworth et Leslie Thompkins, tous deux menacés.

[Début de l’histoire]
Batman est convoquée par Gordon. Un couple ressemblant aux parents de Bruce Wayne a été tué. Plusieurs détails macabres tendent à croire que le meurtrier connaissait aussi bien les Wayne que leur fils.

En parallèle, Leslie Thompkins est attaquée par une créature ressemblant à divers ennemis de Batman. Quand le Chevalier Noir arrive à la sauver, Thompkins est victime d’une toxine du Joker.

Au Manoir Wayne, c’est Alfred qui est la cible d’une attaque par un mystérieux personnage revêtant le costume de… Zorro !

Pour le justicier de Gotham il n’y a aucun doute : ces attaques sont dirigées par une personne qui connaît son identité. Il est temps d’aller voir d’anciens mentors au tour du monde et trouver qui se cache derrière cette sanglante croisade.

[Critique]
Une aventure/enquête si intense ne pouvait « que » mal se conclure… Quel dommage ! En effet, dans Mythologie, on est immédiatement happé par l’intrigue, géniale, sanglante et palpitante. Entre les meurtres copiés sur ceux des parents de Bruce et les attaques envers ses alliés qui connaissent son identité, à commencer bien sûr par Leslie et Alfred, le Chevalier Noir suit son instinct et ses pistes semblent vouées à l’échec. Qui se cache derrière ces meurtres ? Qui connaît Batman et joue avec lui ?

En renouant avec différents anciens mentors ou antagonistes, comme Henri Ducard, le maître d’arts martiaux Kirigi (peu connu parmi les relations du détective), Thaddeus Brown (le premier Mister Miracle), Hugo Strange, Jason Blood/Etrigan, Silas Stone… Batman entreprend un voyage mi-initatique mi-vengeur. Quand il comprend que ces suspects sont finalement des victimes aussi, rien ne va plus. Pour parler de la suite, il est obligatoire de révéler ce qui se trame derrière tout cela, passez donc au cinquième paragraphe de ce bloc pour éviter les spoilers.

Alors, qui se cache derrière cette étrange épopée funeste ? Si dans un premier temps, on pense à Damian Wayne (faute à un enfant revêtant le costume du Dark Knight), ce qui aurait été brillant, mais malheureusement il s’agit banalement et simplement de… Bruce/Batman lui-même ! Comment ? Pourquoi ? Simple : le justicier s’enferme dans une simulation à chaque anniversaire pour devenir encore plus fort, affronter de nouveaux traumatismes et ennemis… Tout ce qui a précédé la conclusion est donc issu de l’imagination du Chevalier Noir… Quelle tristesse !

On l’a évoqué plusieurs fois sur ce site, les récits et les justifications à base de contrôle mental, hypnotisation, lavage de cerveau, simulation dans une machine, rêve/cauchemar fonctionnent rarement, faute de conserver une certaine plausibilité importante pour la crédulité du lecteur. Ceux-ci sont parfois couplée à l’existence de créatures, démons, morts-vivants ou autres imaginaires issus du registre de l’horreur et se marient là aussi peu souvent d’une bonne façon avec la mythologie de Batman, désormais profondément encrée dans des thrillers « réalistes », flirtant parfois avec un peu de science-fiction ou du semi-fantastique. Il n’y a d’ailleurs quasiment pas de titres incontournables, indispensables ou incroyables qui auraient un de ces éléments dans leur contenu. Dans Mythologie, Leslie Thompkins n’est pas morte et personne n’a tué ce couple ressemblant aux Wayne… Tout ceci provient donc de l’imagination de Batman, cassant complètement les enjeux tragiques et ressorts dramatiques de la fiction pourtant bien emmenée.

L’auteur Peter J. Tomasi cède à une facilité déconcertante pour justifier son propos. C’est d’autant plus dommage que les retrouvailles avec un Batman solitaire offraient une pause bienvenue après la multitude d’alliés – anciens ou nouveaux – ajoutée ces derniers temps et dans la série précédente ; le run de James Tynion IV est à peine évoqué, on part bien sur de nouvelles bases, plus proches d’aventures « à l’ancienne » du justicier. Tomasi révèle d’ailleurs relire une fois par an Batman – Année Un, sommet du genre « pour se souvenir de la manière dont on peut raconter une histoire à la fois simple et efficace de Batman ». S’il y a quelques allusions pas du tout subtiles, l’auteur est très loin d’arriver à un résultat proche du titre incontournable de Miller. Certains pourraient saluer le propos vaguement introspectif de cette mise en scène macabre et réitération de l’ADN de Batman (la lutte contre lui-même, interminable, etc.) mais ce n’est pas assez bien écrit ni développé pour faire mouche.

On y trouve son compte malgré tout grâce aux chouettes dessins de Doug Mahnke, extrêmement inspiré, propulsant de multiples scènes iconiques avec Batman. Mahnke avait déjà collaboré avec Tomasi sur la série Batman & Robin, quelques segments de Batman Metal ou encore Joker – L’homme qui rit et L’Énigme de Red Hood. Ici, l’artiste magnifie les combats et envolées aériennes, s’amuse avec les affrontements titanesques ou plus terre-à-terre, profitant de la colorisation de David Baron, richement diversifiée. Clairement, toute la partie graphique est le point fort de la bande dessinée – même si ça ne suffit pas à la sauver – malgré les cinq encreurs différents qui officient dessus. Le court passage à Arkham est clairement jouissif, la mise en place de l’armure Hellbat également !

En plus de cette alléchante patte visuelle, – on le répète – on apprécie l’intrigue bien écrite qui tient en haleine mais dont la résolution est une aberration. Pétard mouillé donc, un peu comme les récits de Scott Snyder, partant d’une bonne idée pour se vautrer dans quelque chose d’assez plat, in fine (Le Deuil de la Famille en reste le meilleur exemple). Difficile donc de conseiller l’achat de ce premier tome de Batman : Detective tant cette parenthèse indépendante reste anecdotique au final.

Mais l’éditeur est malin ! L’ouvrage s’achève sur un des chapitres #1000 de la série Detective Comics (il y a eu une dizaine au total – cf. article récapitulatif à venir) qui est en fait le prologue du second tome, Médiéval ! En somme, il aurait tout à fait pu être placé dans le volume suivant mais en l’incorporant à la fin de ce premier opus, le complétiste se sentira, de facto, obligé de le prendre…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 13 septembre 2019.
Contient : Detective Comics #994-999 + extrait de Detective Comics #1000

Scénario : Peter J. Tomasi (orthographié ainsi dans Batman Bimestriel mais simplement Peter Tomasi dans la version libairie)
Dessin : Doug Mahnke
Encrage : Collectif
Couleur : David Baron

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Stephan Boschat, Sarah Grassart)

Acheter sur amazon.frBatman : Detective – Tome 1 : Mythologie (17€)




Batman Infinite – Tome 4 : Abyss

Le troisième tome Batman Infinite achevait doublement un long récit sur Batman : celui entamé avec Joker War – en trois volumes – puis évidemment celui de Batman Infinite – également en trois volets. Ce quatrième et dernier tome, signé par une équipe artistique différente, poursuit-il encore l’intrigue générale ou offre-t-il une conclusion détachée de ses précédentes histoires ? Critique.

(Huit mois après sa sortie en librairie, l’intégralité de ce quatrième et dernier tome – relativement indépendant – est disponible
dans le sixième et dernier numéro de Batman Bimestriel Infinite ; permettant donc d’acheter le récit complet pour 12,90 € au lieu de 17 €,
au détriment d’un format cartonné pour du souple, à voir selon les préférences des lecteurs…)

[Résumé de l’éditeur]
Tandis que Gotham célèbre sa survie à l’État de terreur, Batman se replie dans l’ombre. Mais ce terrain pourtant bien connu par le Chevalier Noir s’avère hostile alors que les abysses deviennent soudainement mortelles. Un bienfaiteur de Batman Inc. nouvellement apparu pourrait bien aider à y remédier, à moins qu’il n’en soit la cause ? Pour le savoir, Batman n’a d’autres choix que de plonger complètement dans les ténèbres de Gotham.

[Début de l’histoire]
Les habitants de Gotham fêtent la fin de l’État de terreur. Batman continue d’arpenter sa ville et doit déjouer une attaque de Firefly lors d’une soirée déguisée en… ennemis du célèbre justicier !

Quand le Chevalier Noir apprend que cinq de ses alliés issus de Batman Inc. sont arrêtés en Badhnisie pour le meurtre du terrible Abyss, il se rend sur place et épaule l’inspectrice Cayha. Sur la scène du crime : une étrange substance noire et… Lex Luthor, qui finance désormais l’organisation des Batmen à l’internationale depuis la chute de l’empire Wayne.

Le Dark Knight poursuit son investigation et… perd la vue et retrouve le mystérieux Abyss ! À moins que ce soit une copie ?

[Critique]
Derrière le résumé un peu cryptique de l’éditeur (et donc en quatrième de couverture) se cache un récit plus terre-à-terre, bien rythmé, graphiquement très soigné (on y reviendra) et qui remet davantage Batman au premier plan. En effet, ce quatrième et dernier tome de Batman Infinite n’a quasiment plus de liens avec les trois précédents, il peut se lire de façon indépendante sans problème (il n’est d’ailleurs plus écrit par James Tynion IV mais par Joshua Williamson (Le Batman Qui Rit – Les Infectés, Justice League vs. Suicide Squad…)). L’habituel avant-propos de l’éditeur résume efficacement et élégamment les tomes précédents même s’il n’y a pas besoin de les avoir lus ou de s’en souvenir en détail.

Aparté : il est vrai qu’Urban Comics s’est retrouvé un peu coincé avec la série Batman après l’ère Rebirth de Tom King (en douze tomes) en prenant le pari de sortir Joker War qui était « banalement » la poursuite de la série Batman (elle conserve ce nom en VO). Joker War s’est étalée sur trois tomes (même si l’histoire principale se concentrait surtout sur les deux premiers) avant de se poursuivre dans les trois volumes de Batman Infinite – on avait donc un run de James Tynion IV sur six volets environ ; un récit inégal (comme souvent sur les séries excédant un ou deux opus), visuellement irréprochable et avec certaines originalités (situations inédites, multiples protagonistes…). On aura l’occasion d’en reparler dans une chronique récapitulative.

Dans Abyss, le Chevalier Noir renoue avec quelques alliés du Club des Héros – créé par Edmond Hamilton et Sheldon Moldoff en 1955 mais remis au goût du jour par Grant Morrison dans sa célèbre saga (étonnamment, au même moment, Batman – La Dernière Sentinelle s’inspire également de ce sujet). Ainsi, Frère Chiroptère, El Gaucho, Dark Ranger, Le Masque et le Bat-Man de Chine sont de la partie, tous appartenant à l’organisation Batman Inc. – là aussi conçue par Morrison et inscrivant donc cette ère Infinite dans la continuité et chronologie classique « officielle » du Chevalier Noir.

Pas d’inquiétude pour ceux qui n’étaient pas très fans de cette « extension internationale » de Batman (ou ne la connaissent pas), ici les cinq justiciers sont quasiment des figurants, la plupart ne parlent pas et ne sont que prétexte à déclencher l’intrigue qui poussera le Dark Knight à prouver leur innocence. En effet, les super-héros sont accusés du meurtre du mystérieux Abyss. Batman ne nie pas l’assassinat mais doit comprendre pourquoi. Très vite, l’alliance avec la charismatique Cayha et les agissements louches de Luthor donnent une consistance intéressante au récit.

L’enquête se révèle passionnante bien qu’un peu courte (cf. paragraphe suivant) et frustrante. Par exemple, la longue introduction avec l’attaque de Firefly aurait pu être absente et remplacée par un segment connecté à Abyss. La conclusion est, comme souvent, une porte davantage ouverte que fermée. On ne sait toujours pas qui est vraiment cet Abyss ni quels étaient ses pouvoirs (la matière noire qui a ôté la vue à Batman). Malgré cela et quelques inepties (les Batman emprisonnés avec leurs masques et tenues !), on est moins sévère sur l’ensemble qui réussit à emporter le lecteur grâce à son rythme intense, son fil rouge assez palpitant et ses styles visuels différents.

La fiction se déroule sur quatre chapitres (Batman #118-121) puis un cinquième et dernier (#124) offre un épilogue sur Cahya. Les deux épisodes manquant (#122-123) sont au cœur de l’évènement Shadow War, proposé en récit complet en France le 18 novembre prochain avec d’autres séries impactées dont celle sur Deathstroke, le mercenaire étant teasé dans Abyss avec l’invitation à lire Shadow War. De la même manière, il est fait mention de la saga Arkham Tower, à découvrir dans les tomes trois et quatre Batman Detective Infinite (pas encore chroniqués sur le site). Là aussi, nul besoin de connaître, ce sont surtout des allusions en fin de récit pour occuper le Chevalier Noir. Curieusement, une aventure de Mia, étudiante de la Gotham Academy, referme l’ouvrage (via trois back-up) où elle enquête sur la disparition d’une de ses amies avec Batman. Complètement anecdotique et sans rapport avec tout ce qui a été précédé, c’est à réserver pour les aficionados de ladite académie.

Abyss propose donc une parenthèse éphémère plutôt sympathique avec un Chevalier Noir tour à tour puissant et démuni, des alliés et ennemis inédits et un voyage hors Gotham assez passionnant malgré les défauts évidents relevés. Si beaucoup de dessinateurs œuvrent sur le titre, chacun sublime à sa manière la bande dessinée – son point fort. Ainsi, Jorge Molina et Mikael Janin ouvrent le bal puis signent la majorité du comic dans un style rigoureux, aéré et détaillé mais aussi lugubre et réaliste, accompagnés ensuite par Adriano Di Benedetto puis remplacés par Howard Porter et Jorge Fornés sur le dernier épisode (au style moins mainstream) et Karl Kerschl sur les back-up de fin (également à l’écriture).

Clairement, le duo Molina et Janin (très actif sur l’ancienne série Batman Rebirth) fait des merveilles, bien aidés par la colorisation sans faute de Tomeu Morey, habitué sur les titres précédents (Joker War, Batman Infinite…). Graphiquement c’est un sans faute, chaque personnage est reconnaissable aisément, les scènes d’exposition et les séquences d’action sont fluides et lisibles, les jeux de lumière une fois de plus réussis. En synthèse, Abyss est tout à fait correct à tous points de vue et ne s’inscrit pas vraiment dans la suite de ses tomes précédents et peut donc être lu à part.

Quid de la « suite » des aventures de Batman (via la série du même titre) ? Et bien, il n’y a plus beaucoup de chapitres à rattraper, seulement trois de plus publiés aux États-Unis par rapport à la France (!) – qui promettent « une nouvelle ère », comme souvent. Écrit par Chip Zdarsky et dessiné (à nouveau) par Jorge Jimenez, il est encore trop tôt pour savoir sous quelle forme Urban Comics publiera cette nouvelle aventure. Un récit complet ? Une série en deux ou trois tomes ? Une nouvelle relance avec un nouveau titre ? L’éditeur risque d’être confronté à la même problématique qu’à l’époque de Joker War (donc fin de l’ère Batman Rebirth et début de Batman Infinite), en espérant ne pas perdre un peu le lecteur. MàJ 20/10/22 : cette nouvelle série s’appelera Batman – Dark City et le premier tome sortira le 24 février !

Dans tous les cas, il faudra attendre la fin des six épisodes de Zdarsky (la durée de son arc intitulé Failsafe, qui replace Tim Drake en Robin) avant de savoir si l’auteur poursuivra son contrat et donc cette série ou si un autre scénariste prendra le relai. Le planning d’Urban étant, de toute façon, bouclé jusqu’en décembre 2022 (même moment où le travail de Zdarsky est censé s’achever), on aura droit à ce récit qu’en 2023 (sauf si Urban décide de ne pas le traduire mais aucune raison à cela, « au pire » il atterrira dans Batman Bimestriel Infinite dans quelques mois). Chip Zdarsky a signé un excellent run sur Daredevil chez la concurrence et officie chez DC Comics depuis peu. On lui doit, entre autres, une série sur Red Hood dans l’inédit Batman : Urban Legends (2021) et surtout Batman : The Knight, actuellement en cours de publication et prévu en dix chapitres. Une œuvre acclamée qui devrait se terminer en octobre prochain et sera donc probablement traduite en 2023 chez nous. MàJ 20/10/22 : sortie prévue le 24 février 2023 !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 23 septembre 2022.
Contient : Batman #118-121 & #124 + back-up #119-121

Scénario : Joshua Williamson, Karl Kerschl
Dessin et encrage : Jorge Molina, Mikael Janin, Adriano Di Benedetto, Howard Porter, Jorge Fornés et Karl Kerschl
Couleur : Tomeu Morey, John Rauch

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Makma

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