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Crimes de Guerre

Il est nécessaire d’avoir lu Jeux de Guerre avant d’entamer cette histoire (et par conséquent cette critique).

Batman Crimes de Guerre Cover[Histoire]
Pendant la guerre des gangs qui a fait rage à Gotham City, Stephanie Brown, alias Spoiler, a été torturée à mort par Black Mask. Ce dernier dirige désormais une bonne partie de la mafia de la ville.

Batman reçoit anonymement une cassette vidéo présentant une interview d’Aaron Black, un citoyen défiguré qui remet en cause l’efficacité de la police et les services du Dark Knight. Le journaliste qui mène l’entretien est celui qui avait filmé Black Mask pendant ses méfaits lors des Jeux de Guerre. Il lance une vendetta médiatique contre Batman, affirmant que ce dernier est responsable de la mort de Spoiler. Il dévoile même l’identité civile de la jeune fille, ainsi que son association éphémère en tant que Robin avec le Chevalier Noir !

Batman enquête sur la mort de Spoiler et découvre qu’une de ses médecins a été tuée et que le docteur Leslie Thompkins, fidèle alliée depuis l’enfance de Bruce Wayne, est portée disparue. L’homme chauve-souris est bien décidé à interroger le mystérieux Aaron Black mais son éternel rival, Le Joker, s’incruste dans cette complexe affaire.

Batman Crimes de Guerre Bruce[Critique]
Plusieurs mystères parcourent le récit. Ceux-ci sont habilement distillés entre les planches à qualité variable. Effectivement, les dessins ne sont pas terribles ; à l’instar de Jeux de Guerre, la qualité graphique varie et n’est guère mémorable. Côté scénario, le potentiel de départ est très alléchant : Spoiler aurait-elle pu survivre ? Les médias peuvent-ils définitivement ruiner l’image publique de Batman ? Le justicier de la ville est-il si fiable que cela ?

Une bonne partie de l’histoire résout efficacement ses interrogations. Le Joker tient un rôle mineur mais sa justification colle tout à fait au personnage et sa confrontation finale avec Black Mask est plutôt drôle et bien pensée. Romain Sionis est d’ailleurs toujours aussi effrayant. Il revêt la cape du Dark Knight pour se faire passer pour lui, là encore c’est une bonne idée. Mais son arrestation, ainsi que celle du Joker, est plutôt expéditive, surtout pour un criminel de cette envergure, qui a tenu en échec Batman pendant quelques temps.

Batman Crimes de Guerre Black MaskMais outre ce léger défaut, c’est la véritable fin donnée au récit qui peut totalement décontenancer, à savoir l’identité du véritable « meurtrier » de Spoiler. Si ses motivations peuvent « se comprendre », on a du mal à croire que le personnage est capable de cela. Une personne au code moral infaillible laissant mourir une innocente de seize ans, vraiment ? Cette conclusion, très froide et noire, a d’ailleurs suscité beaucoup de réactions outre-Atlantique au moment de la publication. La polémique a même donné naissance à un mouvement féministe au sein des comics, orchestrée par l’auteure Gail Simone (qui travaille sur la série Batgirl depuis 2011).

Comme dans Jeux de Guerre, Crimes de Guerre bénéficie d’un scénario haletant et sans temps mort, une bonne suite qui ne s’éparpille pas. Les échanges sont pertinents et l’ensemble relativement sombre. Le Joker apporte une touche comique mais il est vraiment en retrait. On pourra déplorer la chute un peu trop facile de Black Mask mais les solutions des mystères sont bien trouvées. Excepté donc : le tueur de Spoiler. Qui aura peut-être du mal à convaincre l’ensemble des lecteurs. Le culot de la direction éditoriale de l’époque n’était peut-être pas une bonne idée. Selon la post-face du magazine, les « conséquences » de cette révélation sont à découvrir dans Infinite Crisis.

Batman Crimes de Guerre JokerÀ noter un prologue publié dans le numéro précédent (Batman #18) : Batman Allies Secret Files 2005 – Contact. Cette courte histoire montre Cassandra (Batgirl) et Timothy (Robin) s’entraîner dans la Bat-Cave et se souvenir de la mort de Stephanie Brown, alias Spoiler, survenue dans Jeux de Guerre. Après avoir arrêté des cambrioleurs dans un musée, ils découvrent à la télévision qu’un journaliste prévoit de dévoiler que Batman entraîne et recrute des enfants de seize qui meurent… On y apprend principalement que Timothy admire Batman tout en le trouvant effrayant et ne veut surtout pas lui ressembler. Le reste faisant office de « bande-annonce ».

[À propos]
Publiée en France chez Panini Comics dans Batman #19 (décembre 2006).

Titre original : War Crimes
Scénario et Dessin (se référer à l’index complet pour plus de détails)
Detective Comics : Andersen Gabrych et Pete Woods
Batman : Bill Willingham et Giuseppe Camuncoli

Chapitre 01 – Detective Comics #809 : Faux Semblant (To the Victor go the Spoils)
Chapitre 02 – Batman #643 : Divergences de Vues (Minor Discrepancies)
Chapitre 03 – Detective Comics #810 : Bataille Médiatique (A Consequence of Truth)
Chapitre 04 – Batman #644 : Terrible Verdict (Judgment at Gotham)

Traduction : Sophie Viévard

Première publication originale dans les magazines des séries respectives en octobre 2005.

Jeux de Guerre

Retour sur une longue saga qui occupa sept magazines Batman en 2005 et 2006, à l’époque édité par Panini Comics. L’index détaillé se trouve d’ailleurs sur cette page. Ne lisez que l’introduction et le résumé du premier acte si vous ne voulez pas savoir des révélations.

Batman Jeux de Guerre[Introduction]
Plusieurs personnages de l’univers de Batman interviennent dans Jeux de Guerre. Mais un rappel est absolument nécessaire car beaucoup ne sont pas forcément « connus ». Stephanie Brown est Spoiler, une jeune justicière de Gotham City. Elle a remplacé Timothy Drake (qui est aussi son petit-ami) dans le rôle de Robin pendant quelques temps. En effet, le jeune homme a raccroché son costume lorsque son père a appris sa double identité. Mais Batman a viré Spoiler, car celle-ci lui a désobéit. Il lui a même carrément interdit d’officier sous le costume de Spoiler !

Nightwing est en mission à Blüdhaven, Huntress et Black Canary, deux héroïnes s’alliant au Chevalier Noir de temps en temps, ne sont pas non plus disponibles. Batman compte donc sur Barbara Gordon, alias Oracle, qui fournit les renseignements informatiques nécessaires à la croisade de Batman. Ce dernier peut compter sur le soutien de la nouvelle Batgirl, alias Cassandra Cain, fille de Lady Shiva. Deux autres personnes ont été recrutées il y a peu : Orpheus et Onyx. Ils agissent dans l’ombre et se font passer pour des criminels au sein des divers syndicats du crime. Enfin, Catwoman est une alliée sur laquelle peut compter le Dark Knight.

C’est donc une équipe radicalement différente de la régulière qui va tenter de sauver Gotham City !

Batman Jeux de Guerre Spoiler[Histoire — Prologue & Acte I]
Spoiler, déchue par Batman, veut se racheter et impressionner son ancien mentor. Elle observe secrètement une réunion de plusieurs criminels et mafieux de Gotham. Parmi eux : Le Pingouin, Deadshot, Scarface et le Ventriloque, de nombreux chefs de gangs…
Personne ne sait qui les a rassemblé et pourquoi. Les échanges sont extrêmement tendus et des coups de feu sont rapidement tirés. Spoiler, rejointe par Catwoman, n’intervient pas, tétanisée par la peur devant ce bain de sang.

Très vite, c’est donc une véritable guerre des gangs qui a lieu dans tout Gotham City. Pire encore : la règle universelle, stipulant qu’on ne s’en prend pas aux femmes et enfants, est bafouée. En effet, la fille d’un chef de gang est attaquée dans son lycée, le même où étudie Timothy Drake.

Batman, aidé d’Oracle, gère toutes ces vagues de violence comme il le peut. Mais sans l’aide de Robin et ses traditionnels alliés étant absents, y arrivera-t-il ? Parallèlement, Silence s’associe à Prometheus pour prendre le contrôle de la ville et refuse une association avec une mystérieuse personne. Enfin, les médias couvrent sans cesse les faits divers et donneraient tout pour filmer le Dark Knight en pleine action…

Batman Jeux de Guerre Batgirl[Histoire — Acte II (contient des révélations) ]
La violence fait de plus en plus rage dans Gotham. S’en prendre aux proches des divers dirigeants de la mafia n’a fait qu’accentuer la gravité du chaos. Un couvre-feu est décrété en urgence. Le docteur Leslie Thompson s’occupe des blessés, peu importe leurs origines. Timothy Drake décide de reprendre le costume de Robin et donc briser la promesse faite à son père.

Spoiler, culpabilisant d’avoir indirectement déclenché toute cette guerre, pense savoir comment la stopper mais est arrêtée et torturée par… Black Mask. Batman, de plus en plus solitaire, sans confiance, met en place un plan d’urgence qu’il avait concocté si ce cas extrême se produisait. Les médias commencent à changer l’image des justiciers, qu’ils considéraient comme bienfaiteurs pour la ville jusqu’à maintenant…

Batman Jeux de Guerre Batgirl Cassandra[Histoire — Acte III (contient des révélations) ]
Batman réussi à rassembler quasiment tous les criminels de Gotham dans la même zone, celle-ci étant cernée par la police et les alliés du Dark Knight. Pour cela, il a utilisé sa taupe, Orpheus, en tant que chef de gangs influent, qu’il contrôlait secrètement.

Mais ce que le Chevalier Noir ignore, c’est que Black Mask a tué Orpheus et se fait passer pour lui ! Celui-ci déclenche une nouvelle fois le chaos et la police, excédée, décide de tirer à vue sur tout le monde, même ceux qui portent des masques.

Batman Jeux de Guerre Batgirl Cassandra Cain[Critique]
Voici un long récit, extrêmement noir, qui mériterait une nouvelle publication en librairie. En effet, ce segment de l’histoire du Dark Knight est relativement important. Par ses conséquences tout d’abord : plusieurs personnes meurent, la famille de Batman est divisée (Oracle et Robin abandonnent, Nightwing est gravement blessé, la police ne soutient plus Batman, etc.). Mais aussi par son ton, très sombre, qui donne la part belle à la paranoïa constante du Chevalier Noir (son fameux plan extrême mis en place par ses soins, mais une fois œuvré se révélant catastrophique), mais aussi à Black Mask, véritable tortionnaire et tueur psychopathe.

Beaucoup de personnages interviennent dans cette saga et sans quelques connaissances cela peut s’avérer ardu. Trois jours de combats et d’affrontements non-stop ont donc lieu, et ce rythme se sent à la lecture puisqu’il n’y a aucun temps mort. On suit tour à tour Spoiler, Batman, Timothy/Robin, Catwoman, Nightwing et Batgirl avec une étonnante fluidité. L’omni-présence d’Oracle au sein de chacun d’entre eux est extrêmement plaisant, lui donnant un beau rôle que la fille de Gordon mérite largement. Gordon qui, lui, est relativement en retrait dans cette saga.

Batman Jeux de Guerre OracleÉgalement mis à l’écart : la plupart des ennemis classiques. On voit bien Le Pingouin, Deadshot, Le Ventriloque et Scarface, Silence et Prometheus, Le Chapelier Fou, L’Épouvantail… mais ceux-ci ne sont finalement que des personnages très mineurs à l’intrigue, qui se focalise surtout sur divers chefs de gangs peu connus et charismatiques (pas de Falcone ou Maroni ici) mais, surtout, sur les relations entre Batman et ses alliés. L’importance donnée à l’image du Dark Knight, à travers les médias, la population et ses propres partenaires est passionnante. Le récit s’attarde pas mal sur Black Mask donc, dans sa seconde moitié notamment. L’occasion de découvrir un ennemi très impressionnant et influent.

Presque vingt (!) dessinateurs et scénaristes officient sur Jeux de Guerre. Aucun style graphique ne se démarque réellement, les planches gardent une certaine cohérence, assez facilement grâce aux costumes du côté des alliés, un peu moins du côté des mafieux et leurs visages plutôt ordinaires. C’est peut-être le gros défaut de l’œuvre, un seul dessinateur, avec un univers encore plus sombre (le style cartoony de Batgirl tranche trop avec le reste par exemple), aurait sans doute était jubilatoire.

Cette histoire rappelle, d’une certaine façon, Knightfall en version condensée (pour le côté « ville chaotique et affrontements sans répits ») ainsi que le récent Le Deuil de la Famille (pour la perte de confiance inéluctable par les alliés de Batman). À noter que Jeux de Guerre se déroule au même moment que Crise d’Identité, cela a son importance pour le personnage de Timothy Drake et sa relation avec son père. Une suite intitulée Crime de Guerre, beaucoup plus courte, est sortie quelques mois plus tard.

Batman Jeux de Guerre[À propos]
Publiée en France chez Panini Comics dans Batman #06 à #10 (novembre 2005 à mars 2006) et dans Batman Hors-Série #03 et #04 (janvier et mars 2006).

Titre original : War Games
Scénario et Dessin (se référer à l’index complet pour plus de détails)
Batman : The 12 cent Adventure : Devin Grayson et Ramon Bachs
Detective Comics : Andersen Gabrych et Pete Woods
Batman : Legends of the Dark Knight : A. J. Lieberman / Dylan Horrocks et Brad Walker
Nightwing : Devin Grayson et Mike Lilly
Batman : Gotham Knights : A. J. Lieberman et Al Barrionuevo
Robin : Bill Willingham et Giuseppe Camuncoli / Jon Proctor / Thomas Derenick
Batgirl : Dylan Horrocks et Sean Phillips / Mike Huddleston
Catwoman : Ed Brubaker et Paul Gulacy
Batman : Bill Willingham et Kinsun / Paul Lee

Traduction : Sophie Viévard,

Première publication originale dans les magazines des séries respectives d’octobre 2004 à janvier 2005.

Le Fils Prodigue

le fils prodigueArticle prochainement en ligne !

[Histoire – Prodigual]
Bruce Wayne est revenu à Gotham City, mais encore épuisé de ses combats contre Bane et Jean-Paul Valley/Azrael, il décide de laisser le costume de Batman aux mains de Dick Grayson, alias Nightwing, son tout premier Robin. C’est d’ailleurs avec le Robin actuel, Timothy Drake, que Dick va devoir gérer comme il peut ses conflits intérieurs et les diverses menaces qui pèsent sur la ville.

Ainsi, le nouveau binôme va se retrouver successivement face au Ventriloque, à Killer Croc, à L’Encaisseur et, surtout, à Double-Face. Ennemi juré de Dick Grayson depuis leur affrontement lors des premiers faits d’armes du rouge-gorge (voir Robin : Année Un).

[Histoire – Troika]
Bruce Wayne reprend définitivement sa cape et son masque, il améliore d’ailleurs son costume et son envie de provoquer la peur.

[Critique]
Le Fils Prodigue est un pavé qui ravira ceux qui ont aimés la saga Knightfall. Ceux qui ont eu un peu de mal à en venir à bout ne devraient pas non plus être en reste car le volume se lit beaucoup mieux que les indigestes tomes trois et quatre de la saga, qui étaient clairement de trop. Ceux qui n’ont pas du tout accroché à Knightfall peuvent en revanche faire l’impasse sur ce tome.

On retrouve en effet une succession de petites histoires mettant en scène le tandem Dick/Timothy, qui fonctionne vraiment bien et est très agréable à lire, face à plusieurs ennemis sans réelle menace importante. C’est là à la fois l’atout et le défaut du livre. On nous montre le quotidien nocturne des héros, la routine de descendre à la Bat-Cave puis aller en ville et rentrer. Mais cette redondance était plutôt rare avant la saga Knightfall, c’est quelque-chose qui peut plaire, qui montre un côté plus réel à la croisade. Tout comme elle peut lasser et agacer tant il ne se passe pas grand chose concrètement. Malgré tout il y a un fil rouge narratif, avec l’épopée de Double-Face.

Il est plaisant de revenir sur les quelques ennemis laissés à l’abandon : Killer Croc, le Ventriloque et L’Encaisseur, rare nouvelle tête à être restée en mémoire. Il était apparu pendant Knightfall et se démarquait des autres méchants plus ou moins ridicules. Il serait intéressant de voir comment Morrison traiterait ce personnage par exemple. Pour Double-Face c’est à double tranchant (sans mauvais jeu de mots) : il s’évade très facilement (une erreur administrative – sic) et son affrontement final n’est pas extraordinaire. Alors que pendant plusieurs chapitres on voyait sa folie exploser et le douloureux souvenir de Dick le hanter, on pouvait s’attendre à une fin explosive mais pas du tout… Du coup le personnage séduit mais son traitement beaucoup moins.

Dommage également la dernière partie du récit, Troika, un sombre complot russe avec des méchants anti-capitalistes (sic). L’occasion en revanche de voir à nouveau Bruce dans la peau de Batman, sans qu’on ait eu réellement d’explications sur ce qu’il était parti faire (et où). Le dialogue tendu entre lui et Dick est très bon, même si un peu tardif. On voit Jean-Paul brièvement, mais toujours pas d’Alfred ni de Bane.

Autre bonne chose : les chapitres sur Timothy Drake. Le jeune Robin oscille péniblement entre sa vie scolaire, le retour de son père, sa petite-amie et sa collaboration avec Batman. Les touches de fraicheur et d’humour qui parsèment ses propres histoires (qui se suivent avec le reste des arcs) sont très sympathique.

Graphiquement il y a une petite dizaine de dessinateurs qui officient sur tous les titres, il y a donc clairement un manque de cohérence visuelle, aussi bien dans les costumes que les visages (ou les coupes de cheveux). Ce n’est pas forcément gênant car ce qui prévaut et la dynamique de Batman/Robin, mais c’est tout de même un peu dommage.

Résumons : du potentiel un peu gâché, des conclusions intéressantes, un duo qui fonctionne très bien, un ensemble plus passionnant que Knightfall mais qui est encore loin d’être excellent.